Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre système de santé traverse une crise grave, profonde, inédite et généralisée, dont les victimes sont tout autant les soignants que les patients. Chacun d’eux se sent lésé, oublié et désespéré.
Le problème dont il s’agit est d’ordre mathématique : il y a, d’un côté, une demande de soins et, de l’autre, une offre de soins. L’unité de mesure est le temps horaire. Il faut réussir, très vite, à remettre un signe « égal » entre les deux membres de cette équation.
Du côté de la demande de soins, il faut un travail de fond sur la prévention, d’une part, et la bonne orientation des patients, de l’autre. Il faut éviter que ce volume ne soit gonflé par tout ce qui est évitable, tout particulièrement par les actes redondants.
Les mesures de prévention relèvent du temps long ; l’efficacité du parcours de soins relève d’un temps plus court, mais elle est très perturbée par la pénurie généralisée de soignants, associée à une forme de panique des patients, qui leur fait rechercher n’importe quelle solution en cas de besoin.
Du côté de l’offre de soins, le volume est gravement insuffisant, toutes professions de santé confondues.
Madame la ministre, concernant l’offre de temps médical, il faut des mesures urgentes et parfois de simple bon sens, qui nous remontent du terrain, que vous connaissez déjà, mais que l’on n’arrive pas à rendre opérationnelles.
Par exemple, les dossiers de médecins étrangers, européens ou non, aux équivalences reconnues en France, doivent être traités en urgence par les services du Conseil national de l’ordre. Ils sont des milliers en souffrance ; certains de ces praticiens attendent parfois depuis des mois une date de réunion de commission et l’on nous sollicite tous les jours pour des dossiers de cette nature : c’est incroyable qu’on ne puisse pas faire mieux. Renforcez les services s’il le faut, madame la ministre.
Pour reprendre mon équation à multiples inconnues, je ne pense pas que le temps médical soit toujours optimisé. Nous disposons pourtant de plusieurs solutions : délégation de tâches de soin, télémédecine dans certains cas, ou encore allégement des tâches administratives. Il faut que les médecins puissent se concentrer sur leur principale plus-value, c’est-à-dire le diagnostic. Ils ne doivent plus perdre la moindre minute à effectuer des transports ou encore à remplir des papiers.
Le volume de temps médical offert dépend bien sûr du nombre de médecins. Si, pour de multiples raisons, les nouveaux praticiens produisent globalement deux fois moins de temps médical que ceux des générations précédentes, il faut théoriquement en former deux fois plus.
Même si l’on actionne les autres leviers, force est de constater qu’avec 12 000 médecins formés par an au lieu de 20 000 la situation ne fera qu’empirer.
Nos facultés et nos professeurs de médecine, même avec les cours en distanciel, ont-ils atteint un maximum capacitaire ? Chaque année, des professeurs de médecine démissionnent désormais de leur chaire faute de moyens pour mener leurs travaux : dès lors, on comprend qu’il faut redonner de l’attractivité à ces carrières essentielles.
Certains de nos étudiants partent aujourd’hui pour la Roumanie ou l’Espagne afin de former.
Mme Sonia de La Provôté. Tout à fait !
Mme Nadia Sollogoub. Cette situation traduit un élitisme insupportable. Nous sommes face à un grave constat d’échec.
D’une façon plus générale, l’attractivité des carrières est un sujet d’une brûlante actualité.
Les médecins généralistes ne réclament pas qu’une augmentation de leurs actes. (Mme la ministre déléguée le confirme.) J’entends surtout qu’ils demandent un dialogue, une reconnaissance et les moyens d’attirer, partout sur le territoire, de jeunes praticiens passionnés.
Pour ma part, je m’interroge : comment se sentent les étudiants en fin de cursus, avant de faire le grand saut dans la marmite bouillonnante du système de santé français ? Ce ne sont pas des primes qu’il faut leur donner, mais des assurances.
Nous manquons de 60 000 infirmiers, mais 120 000 diplômés n’exercent pas en France. Peut-on renouer le dialogue avec ces derniers ? Il serait plus rapide de les faire revenir que d’en former de nouveaux. En parallèle, comment éviter que nos futurs diplômés ne jettent l’éponge au bout de quelques années ? Ce gâchis de formation est dramatique et coûte terriblement cher.
L’attractivité – je l’ai dit – n’est pas purement financière. Nos auditions nous laissent entendre que l’hôpital pâtit aussi de problèmes de gouvernance et de lourdeurs administratives. À cet égard, l’hôpital de Valenciennes, où les soignants semblent s’épanouir et dont le budget est excédentaire, peut-il être une source d’inspiration ?
J’ai évoqué la situation des médecins et des infirmiers. Mais que dire des aides-soignants, des sages-femmes, formées en nombre dramatiquement insuffisant, des dentistes, qui sont toujours sous les radars, ou encore des kinés…
Mme le président. Merci, chère collègue !
Mme Nadia Sollogoub. La réplique me permettra de conclure… (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, avec la mise en place du numerus apertus en 2019, nous avons beaucoup augmenté notre capacité à former des médecins. Ce sont ainsi près de 52 000 étudiants en médecine qui seront formés entre 2021 et 2025 par toutes les facultés du pays, soit 10 300 par an en moyenne. Toutefois, compte tenu de la longueur des études de médecine, les effets de la fin du numerus clausus ne seront pas perceptibles avant 2030 : nous avons encore huit années difficiles devant nous.
Il nous faut donc travailler autrement.
Vous évoquez la délégation de tâches : c’est clairement une solution que nous devons approfondir.
Je le répète, nous souhaitons que le médecin reste la pierre angulaire et le chef d’orchestre de notre système de santé. Contrairement aux caricatures que l’on rencontre parfois, il ne s’agit pas de le remplacer par des acteurs moins qualifiés.
Au contraire, nous voulons que chaque professionnel de santé puisse se concentrer sur les missions pour lesquelles il a été formé, donc lui permettre d’exercer son métier. Certaines tâches, un peu répétitives ou plus simples, peuvent ainsi être déléguées à des professionnels paramédicaux. La délégation d’actes doit être simplifiée, généralisée, et s’inscrire dans une logique d’exercice coordonné ou de réseau pour inciter chacun à coopérer.
Pour ce qui concerne les praticiens diplômés hors Union européenne (Padhue), nous avons retenu, dans le cadre du dernier PLFSS, la date du 30 avril 2023 pour assurer la gestion du stock de demandes. Cet objectif sera tenu. Pas plus tard que tout à l’heure, nous avons évoqué cette question lors d’une réunion avec l’ordre des médecins ; ce dernier s’engage à nous accompagner, avec le centre national de gestion (CNG), pour tenir ce cap. De même, il s’engage à travailler, dans le cadre du projet de loi relatif à l’immigration, à la gestion du flux de demandes.
J’en viens à « Mon espace santé ». À ce titre, 65 millions de Français ont aujourd’hui un espace ouvert et moins de 2 % de nos concitoyens se sont opposés à sa création. Plus de 5 millions de documents y sont versés chaque mois. C’est un outil au service de la coopération entre les professionnels de santé. De plus, grâce à lui, les Français peuvent s’approprier pleinement leur dossier médical.
Vous avez raison : renouer avec tous les professionnels qui n’exercent plus, afin de les faire revenir, est aussi un moyen de répondre plus rapidement au manque d’effectifs criant que nous constatons. Je le répète, nous ne manquons pas tant de moyens que de professionnels.
Mme le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.
Mme Nadia Sollogoub. Parmi les professionnels en souffrance, je tiens également à citer les pharmaciens.
Madame la ministre, selon moi, le cœur de l’équation n’est pas le nombre de professionnels de santé, mais le temps médical. Certes, on augmente de 10 % le nombre de médecins formés, mais les intéressés donneront beaucoup moins de temps médical que leurs prédécesseurs. Si ce temps est réduit par deux, il ne faut pas 10 % de médecins supplémentaires : il en faut deux fois plus.
Voilà pourquoi l’équation retenue par le Gouvernement est mauvaise. La suppression du numerus clausus ne résout pas du tout le problème : on ne forme toujours pas suffisamment de médecins et la situation ne va faire qu’empirer. (Marques d’approbation sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Bravo !
Mme le président. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour un débat d’actualité relatif à la crise du système de santé. Malheureusement, le terme d’actualité est un euphémisme : quand une situation dure et se dégrade, de jour en jour, de mois en mois et d’année et d’année, on parle de routine quotidienne, si délétère soit-elle.
Le sujet est vaste et ces quelques minutes ne sauraient suffire pour balayer les multiples causes qui ont conduit à la situation actuelle.
La pandémie a évidemment aggravé l’épuisement des professionnels de santé, à l’hôpital comme en ville. Elle a surtout révélé la perte de notre souveraineté sanitaire.
La crise du système est d’abord le fruit de plusieurs années de politiques hasardeuses en matière de santé. Comment ne pas rappeler les coups de rabot subis par l’hôpital, comme par le secteur du médicament et du dispositif médical, dans une logique dominée par la maîtrise des dépenses de santé et la réduction du déficit de la sécurité sociale ? Comment en est-on arrivé là ?
Les 35 heures non compensées ont été appliquées à l’hôpital alors que ce dernier prend en charge des patients vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Qu’on le veuille ou non, elles l’ont désorganisé.
En conséquence, on a demandé aux internes de travailler sans compter ; on sait combien leur contribution est importante pour le fonctionnement de l’hôpital. En est résulté, pendant des années, une formation très « hospitalocentrée », cependant que la médecine générale était dévalorisée.
Le souci du déficit de la sécurité sociale est d’abord celui d’une juste dépense de l’argent public ; mais depuis des années Bercy a pris, à ce titre, le pas sur l’avenue Duquesne, à une exception près – il faut le reconnaître –, la pandémie de covid-19. Pour répondre à cette crise sanitaire, l’on a accepté un déficit historique de la sécurité sociale.
L’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour 2023, rejeté dans cet hémicycle en novembre dernier, illustre l’incohérence entre, d’un côté, d’importants moyens financiers – ils s’élèvent à 250 milliards d’euros – et, de l’autre, des missions d’intérêt général parfois mal identifiées ou encore un financement de l’hôpital qui ne fait l’objet d’aucun débat, faute d’information.
Le 15 décembre dernier, lors des traditionnelles questions d’actualité, j’alertais en outre le Gouvernement sur notre souveraineté sanitaire.
Les ruptures de stocks de médicaments et de vaccins avaient déjà fait l’objet d’une mission d’information sénatoriale en 2018, donc avant la pandémie. Alors même que le monde traverse une tempête diplomatique inédite depuis la fin de la guerre froide, il semble fondamental de prendre à bras-le-corps la question de la souveraineté sanitaire.
Je tiens d’ailleurs à saluer l’initiative de nos collègues du groupe CRCE visant à créer une commission d’enquête relative auxdites ruptures de stocks et, ce faisant, à poursuivre les travaux du Sénat sur ce sujet. À titre personnel, je n’ai jamais vu une telle situation en quarante ans d’exercice professionnel. Madame la ministre, je suis sûre que vous êtes dans la même situation.
Enfin, la souveraineté du médicament est intimement liée à son prix, qu’on le veuille ou non. Dans un marché concurrentiel marqué par une demande mondiale en augmentation, certains laboratoires préfèrent se tourner vers des pays où les prix sont plus avantageux. Cette situation a des conséquences directes sur les capacités d’innovation dans le domaine de la recherche. Dans certains cas, se pose ainsi la question de l’efficience de la clause de sauvegarde.
Enfin, pour ce qui concerne la fixation du prix du médicament, un amendement a été voté sur l’initiative de mon collègue René-Paul Savary afin d’encourager les entreprises du médicament qui relocaliseraient leurs sites de production en Europe. Malheureusement, le Gouvernement n’a pas écouté la sagesse du Sénat.
Comment ne pas évoquer, lors de ce débat, la question de la formation en internat de médecine générale ?
Je rappelle une nouvelle fois qu’un amendement avait été voté à la quasi-unanimité du Sénat en 2019, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, afin de transformer la dernière année de troisième cycle de médecine générale en une année de professionnalisation dans les territoires sous-dotés. À l’issue de la commission mixte paritaire, nous avions abouti à un accord pour créer un semestre de formation, mais le décret d’application n’est jamais paru.
Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, le Gouvernement a repris l’idée de la proposition de loi du président Bruno Retailleau votée en octobre dernier, à savoir la création d’une quatrième année de professionnalisation pour les internes de médecine générale.
Ce sujet inspire deux constats amers.
Premièrement, que de temps perdu depuis la loi de 2019 ! Cette mesure aurait pu entrer en application le 1er novembre 2021.
Deuxièmement, le Gouvernement a dénaturé la mesure proposée initialement, en permettant que cette quatrième année puisse être en partie accomplie à l’hôpital : l’esprit initial était de renforcer une médecine de ville aux abois.
Pour approfondir le sujet majeur de l’accès aux soins, je rappelle l’importance qu’occupe et que doit continuer d’occuper la médecine générale. Le peu de temps que le Président de la République a consacré, dans son discours de vœux, à la médecine de ville interroge à tout le moins. Un tel choix est même un peu choquant.
L’hôpital ira mieux si la médecine de ville va mieux.
« Nous sommes face à un système de santé au bord de la rupture » : cette phrase n’est pas de moi, même si, au terme d’une journée de travail, je puis nourrir une telle pensée. C’est le cri d’alarme lancé par le collège de la Haute Autorité de santé (HAS) en avril 2022.
Le collège de la HAS a en effet publié une lettre ouverte « à tous ceux qui œuvrent pour la qualité des soins et des accompagnements ». Tout y était : pénurie des personnels soignants et médicaux, déserts médicaux, mauvaise qualité des soins, accès aux soins, etc. Dans le même temps, le collège proposait bien sûr un certain nombre de mesures urgentes à mettre en œuvre.
Madame la ministre, avez-vous pris connaissance de l’appel de la HAS ? Qu’en avez-vous fait ? Si ce jugement est sévère et nous attriste tous, il reflète aussi, à bien des égards, la triste réalité.
Les professionnels de santé sont épuisés. L’ensemble des soignants sont sous l’eau. Que ferons-nous le jour où la digue sautera ? Un effondrement de notre système de santé aurait des conséquences sur l’ensemble de la société et menacerait directement l’équilibre du pays.
Je tiens à saluer tous ceux qui tiennent bon et qui, avec conscience professionnelle et abnégation, continuent jour après jour à prendre en charge des patients.
Je tiens également à rappeler la formidable implication des élus locaux, qui se battent sans relâche afin de faciliter l’installation de professionnels de santé dans leurs communes. C’est un véritable cri de désespoir que les élus et les patients poussent eux aussi. Nous l’entendons régulièrement dans nos départements respectifs.
La crise de notre système de santé est évidemment majeure, à l’hôpital comme en médecine de ville. Pourtant, nombre de professionnels de santé sont prêts à agir pour sauver ce système, dans l’intérêt des patients, notamment grâce aux progrès technologiques et à certaines innovations thérapeutiques majeures.
Cette crise touche aussi le secteur médico-social et tous les acteurs qui interviennent dans la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées à domicile : ne l’oublions pas.
À ce titre, que dire du Ségur, dont l’intention initiale était bonne, mais qui a fait tant et tant d’oubliés ? Parler de l’attractivité des métiers ne suffit pas : il faut effectivement fidéliser les personnes en poste.
Enfin, si vous savez pouvoir compter sur les maisons de santé pluriprofessionnelles et sur les professionnels de santé qui les composent, ayez le courage de reconnaître que les communautés professionnelles territoriales de santé ne sont pas la solution…
Mme le président. Merci, chère collègue ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. Il ne me manquait que dix secondes, mais je finirai après ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, je vais essayer de répondre aux nombreuses questions que vous avez posées, en particulier pour ce qui concerne la pénurie de médicaments.
Annoncé par le Président de la République en 2021, le volet santé du plan France 2030 prévoit un ensemble de mesures législatives et réglementaires ainsi que 7,5 milliards d’euros pour faire de la France la nation la plus innovante et souveraine en santé d’Europe. Il s’agit notamment de l’élever au rang de leader en matière de produits de santé innovants et de renforcer son attractivité.
C’est un défi majeur, que nous avons largement abordé pendant la crise sanitaire et pour lequel nous agissons. Notre objectif est de réinstaller en France, et plus largement en Europe, les industries ô combien essentielles de production de médicaments.
Des projets de relocalisation très concrets émergent progressivement. À terme, ils permettront de limiter notre dépendance, qu’il s’agisse de l’usine de paracétamol relevant du projet Seqens, de l’usine de masques et de gants en nitrile ou encore de l’usine pour la production de médicaments dérivés du sang, à partir de plasma sanguin, à Arras.
En 2023, l’Ondam s’établit à 244 milliards d’euros, ce qui représente une croissance de 3,5 % hors dépenses covid. Il est donc difficile de parler de coups de rabot. En outre – je vous le répète –, le budget dédié à la santé a augmenté de 20 % entre 2017 et 2023.
Par ailleurs, aucune économie n’est envisagée sur les hôpitaux.
Quant à la quatrième année du diplôme d’études spécialisées de médecine générale, elle n’est pas destinée à réaliser un stage en zone sous-dense. Cette réforme a pour objectif de doter la spécialité de médecine générale d’une phase de consolidation : c’est un apport pédagogique qui vise à permettre au docteur junior d’acquérir de l’autonomie dans le cadre protecteur de la supervision, pour pouvoir s’installer rapidement, ensuite, à la sortie de ses études. La maquette de formation de troisième cycle des études de médecine générale est d’ailleurs en cours de révision dans le cadre de cette réforme.
La médecine générale et l’hôpital doivent être réformés : c’est l’enjeu de la refondation à l’œuvre. Nous sommes au moins d’accord sur ce point.
Mme le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Madame la ministre, vous terminez votre propos en parlant de refondation.
Dans ses vœux, le Président de la République a quant à lui parlé d’un conseil national de la refondation locale, qui relève à l’évidence de la réunionnite aiguë. Or les professionnels de santé n’ont pas de temps à perdre.
Je le répète, vous pouvez compter sur les maisons de santé pluriprofessionnelles et sur les professionnels de santé qui les composent. Toutefois, les CPTS ne sont pas la solution à tout, même si certaines d’entre elles fonctionnent bien.
Le ministère, via les unions régionales des professionnels de santé (URPS), veut qu’elles couvrent tout le territoire national. Mais, dans le département que je connais le mieux, c’est là où il y a le plus de problèmes qu’il n’y en a pas, et pour cause : les soignants n’ont pas de temps à perdre.
Les professionnels de santé peuvent être de très bonne volonté. Si les médecins et les patients changent, vous pouvez compter sur eux pour s’organiser dans une logique de proximité ; laissez-les faire, ils sauront aller à l’essentiel.
Mme le président. En conclusion du débat, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez choisi de consacrer l’un de vos premiers débats de l’année qui s’ouvre à la crise du système de santé ; je suis d’accord avec vous pour considérer comme une priorité la nécessité de s’attaquer aux difficultés structurelles dont souffre notre système de santé et je partage avec vous le sens de l’urgence qu’exprime clairement la notion de crise, que vous avez choisi de développer.
En effet, si nous sortons aujourd’hui de la violente tempête épidémique de la covid-19, dont les vagues successives ont ébranlé notre système de santé, celui-ci n’en est pas moins en « crise » et vos nombreuses questions et interventions le démontrent.
Oui, la baisse inexorable de la ressource médicale, conséquence de choix politiques d’un autre temps, le vieillissement de notre population, la mutation des modes de vie et des aspirations des professionnels de santé, la perte de sens de ces beaux métiers du soin sont des déterminants de la crise systémique qui se fait jour dans un monde qui change. Ce constat de crise, ce diagnostic, a déjà été maintes fois posé et le Président de la République a eu l’occasion de le rappeler vendredi dernier, lors de ses vœux aux acteurs de la santé.
Une fois cela dit et répété, il nous faut désormais être à la hauteur des enjeux dans ce qui constitue un moment charnière : nous devons bâtir. Le Président de la République a tracé un cap clair le 6 janvier dernier dans son allocution à l’hôpital de Corbeil-Essonnes et il a posé des jalons pour la mise en œuvre des mesures à prendre. Pour faire avancer ensemble ce chantier collectif, nous avons fixé un horizon et des objectifs.
Notre premier combat reste celui de la lutte contre toutes les inégalités en matière de santé, que celles-ci soient sociales, géographiques ou liées à des vulnérabilités particulières, comme le handicap ou le grand âge. Un chiffre symbolise pour moi cette crise de l’accès aux soins : 657 000 de nos concitoyens, atteints de maladies chroniques, n’ont pas accès à un médecin traitant ou à une équipe soignante. Cette réalité, il faut la regarder en face, sans que cela la rende pour autant plus tolérable.
J’ai pu le souligner précédemment, une bonne politique fait correspondre le temps bref des crises avec le temps long des grands changements structurels.
Nous avons transformé le numerus clausus en numerus apertus et corrigé une erreur historique, mais les bénéfices de cette réforme ne seront visibles que dans une décennie. Aussi notre objectif et notre défi consistent-ils à mobiliser tous les leviers afin de gagner du temps médical pour nos soignants, au service des patients.
Ce temps, nous le dégagerons en délestant les médecins de toutes les tâches, notamment administratives, qui rongent leur emploi du temps, déjà largement surchargé. Ce temps, nous le partagerons mieux entre les différents maillons de la chaîne des soins, via une organisation coordonnée dans laquelle chacun pourra, à sa place, être le plus efficace et le plus utile.
Concrètement, cela passe, d’une part, par l’accélération des recrutements d’assistants médicaux, dont nous voulons porter le nombre de 4 000 à 10 000 d’ici à l’année prochaine et, d’autre part, par un effort inédit sur les formations paramédicales, avec notamment l’augmentation de 20 % des places dans les instituts de formation en soins infirmiers. Ces nouveaux paramédicaux, nous leur donnerons des perspectives d’évolution de carrière et de nouvelles compétences, grâce à toutes les mesures et expérimentations concernant la pratique avancée, l’accès direct et les délégations de compétences.
Nous nous assurerons en outre que les efforts seront plus équitablement répartis entre tous les acteurs : hospitaliers et libéraux, cliniques et hôpitaux doivent participer avec la même intensité à la permanence des soins et être rémunérés en conséquence. Pour la médecine de ville comme pour notre hôpital, nous oserons prendre à bras-le-corps le dossier de l’organisation de l’offre de soins, en accompagnant ces transformations.
Cela passera en particulier par une direction hospitalière rénovée pour mieux équilibrer les décisions, par le passage de la rémunération à l’activité à une rémunération fondée sur des objectifs de santé publique et par un assouplissement des règles relatives au temps de travail, toujours dans le but de s’adapter à la réalité et de permettre de répondre aux besoins d’un univers médico-social en mutation.
Quant à nos soignants, nous devrons très concrètement faciliter l’exercice quotidien de leur profession, dont l’exigence et parfois la pénibilité ne sont plus à prouver. Nous avancerons dans la compensation de la pénibilité et du travail de nuit et, dans l’attente de cette évolution, les mesures transitoires prises à l’occasion de la mission flash sur les urgences seront maintenues sine die. La dureté de l’exercice ainsi que l’enjeu majeur de la prévention de l’usure professionnelle seront, comme l’a dit la Première ministre hier, pris en compte dans la prochaine réforme des retraites.
Je me réjouis que nous ayons eu ce débat essentiel dans la perspective de la refondation de notre santé publique, pour laquelle certaines pierres importantes ont déjà été posées. (MM. Ludovic Haye et Pierre Louault applaudissent.)
Mme le président. Nous en avons terminé avec le débat d’actualité sur le thème : « La crise du système de santé ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-deux.)
Mme le président. La séance est reprise.