M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour la réplique.
M. Victorin Lurel. Madame la Première ministre, je regrette que vous n’ayez pas saisi l’occasion d’exprimer votre considération pour les populations de Martinique et de Guadeloupe, frappées de sidération et déjà marquées dans leur chair.
Monsieur le ministre, votre réponse, que je connais, est celle d’un communicant. Vous savez fort bien que tous les gouvernements ont engagé des actions et que les plans chlordécone, notamment le plan chlordécone IV, est insuffisant, parce qu’il est sous-financé.
Seulement 2,4 millions d’euros par an sont consacrés à la recherche fondamentale, quand il en faudrait au moins 5. Et seulement 10,8 millions d’euros par an sont consacrés aux plans chlordécone, quand ce budget s’élevait à 12 millions d’euros en 2010, durant le mandat de M. Sarkozy, et à 13 millions d’euros en 2016. C’est insuffisant.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Victorin Lurel. Je demande que, comme il l’a fait dans le cas de l’amiante, le Gouvernement nous fasse bénéficier du préjudice d’anxiété. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
crise du système de santé et de l’hôpital
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Le Président de la République a clairement exprimé la nécessité de reconstruire notre système de santé et de l’adapter pour satisfaire aux attentes des professionnels comme des patients.
Toutefois, pour y parvenir, une réforme globale de l’organisation des soins, de leur mode de financement et des synergies à mettre en œuvre est nécessaire. Il faut en effet redonner à ces métiers l’attractivité qu’ils ont perdue et fonder un système innovant, performant, viable et humain.
Les orientations proposées posent, hélas, davantage de questions qu’elles n’apportent de solutions efficaces et urgentes.
Le financement est totalement absent de ce discours présidentiel. Sortir de la tarification à l’acte (T2A), par exemple, dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), pour lui substituer une rémunération fondée sur des objectifs de santé publique négociés à l’échelle du territoire et sur un critère populationnel non défini laisse perplexe…
Comment imaginer que l’objectif d’efficience puisse être atteint tout en rendant la part de financement ainsi dégagée à l’activité minoritaire ? Cela revient bel et bien à mon avis à sonner le glas de l’hôpital.
Quant aux 6 000 postes d’assistants médicaux supplémentaires, l’assurance maladie paiera pendant trois ans. Quid de l’après, et comment l’assurance maladie paiera-t-elle, quand on sait que les 4 000 assistants déjà en poste lui coûtent 160 millions d’euros ?
Les propositions concernant la médecine de ville ne sont pas à la hauteur : elles ne permettent d’enrayer ni la crise des vocations ni la propagation des déserts médicaux.
Monsieur le ministre, comment entendez-vous répondre précisément et concrètement aux attentes des soignants hospitaliers et libéraux, sans procéder à une refondation complète des modes de financement entre les financeurs que sont la sécurité sociale et les mutuelles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Milon, le 6 janvier dernier, le Président de la République a tenu un discours devant les soignants au cours duquel il a donné un nouveau cap et indiqué une feuille de route pour la refondation complète de notre système de santé, fondée sur un diagnostic lucide, mais surtout sur un changement dans l’analyse et la méthode.
Vous le savez, il s’agit de passer d’un système qui a été construit autour de l’offre de soins, donc forcément concurrentiel, à un système permettant de mieux répondre aux besoins de santé de nos concitoyens.
Beaucoup a déjà été fait, notamment dans le cadre du Ségur de la santé ou par la suppression du numerus clausus, mais nous devons aller plus loin et plus vite pour répondre aux défis qui sont devant nous – l’ensemble des pays européens et, d’une manière générale, l’ensemble des pays industrialisés doivent d’ailleurs relever les mêmes défis.
Les axes forts consistent à régler les difficultés dans chaque territoire, à sortir de cette logique concurrentielle pour travailler en complémentarité – ville-hôpital, hôpital-clinique, médecins-paramédicaux-personnels médicaux administratifs –, et à retrouver des collectifs à échelle humaine, en particulier grâce aux chefs de service hospitaliers.
Redonner du temps médical, redonner du temps de soins est un enjeu majeur, car, comme l’a précisé le Président de la République, la suppression du numerus clausus ne produira pas ses effets tout de suite.
Cela suppose de laisser les soignants faire ce pour quoi ils sont formés, c’est-à-dire le soin, d’accroître le nombre d’assistants médicaux en aidant à leur installation, de développer les maisons de santé pluriprofessionnelles et d’intégrer, à l’hôpital, les logisticiens et les administratifs au plus près des services.
Il faut utiliser au mieux les compétences et la plus-value apportées par chaque professionnel au sein d’équipes traitantes constituées autour du médecin traitant ou au sein des services hospitaliers, raisonner territoire par territoire et, comme vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur, réformer le financement de notre système de santé.
Il s’agit en particulier de sortir de la T2A, qui n’est qu’un financement à l’acte, et de développer un financement qui, même s’il continue pour partie de reposer sur le nombre d’actes effectués, réponde aux besoins de santé de la population et dépende de la qualité et de l’efficience des soins.
Nous avons déjà instauré un tel financement pour les services d’urgences, et nous allons l’étendre à l’ensemble des soins – le processus est déjà engagé pour les médecins généralistes.
Tels sont les engagements forts que nous prenons pour les soignants et pour la santé de nos concitoyens, monsieur le sénateur. Soyez assurés que nous les tiendrons très rapidement, car les échéances sont prochaines. Je suis pour ma part pleinement mobilisé en ce sens. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.
M. Alain Milon. Monsieur le ministre, nous entendons les propositions que vous venez d’évoquer depuis des années. Elles ont déjà été formulées au cours des ministères de Mme Touraine, de Mme Buzyn ou de M. Véran. Il n’y a finalement rien de nouveau ; aucune vision alternative ne structure la réflexion du Gouvernement.
Permettez-moi d’indiquer quelques pistes inspirées par des systèmes de santé qui se construisent autour des soins primaires, du panier de soins régulé, de la mise en réseau obligatoire, d’un pilotage fort et décentralisé – la décentralisation du pilotage des agences régionales de santé (ARS) n’a jamais été évoquée, et c’est bien dommage –, ou encore d’une réflexion, non pas marginale comme vous le proposez, mais globale sur le financement de la santé, en particulier sur les dépenses. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
avenir du service public postal
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre-Antoine Levi. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
Monsieur le ministre, comme ma collègue Marie-Claude Varaillas tout à l’heure et comme beaucoup de Françaises et de Français, je me demande où va le service public postal aujourd’hui. En effet, depuis le 1er janvier dernier, le timbre rouge, réservé aux envois de lettres prioritaires, n’est plus commercialisé.
La modernité, selon La Poste, serait la e-lettre rouge. Il faudra donc se connecter en ligne pour rédiger ou scanner une lettre, qui sera ensuite retranscrite, puis imprimée par un agent de La Poste avant d’être envoyée. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Où est la confidentialité des correspondances dans ce nouveau processus ?
Cette prétendue révolution pose surtout le problème de l’accès de tous au service public postal. L’égalité est pourtant l’un des grands principes au cœur de la notion de service public dans notre pays.
La réalité est que, en pratique, l’illectronisme touche près de 14 millions de nos concitoyens, surtout en milieu rural. Ces derniers pourront certes toujours se rendre dans un bureau de poste, si bien sûr il y en a un et qu’il n’est pas fermé, pour envoyer leur lettre prioritaire. Mais comment expliquer aux citoyens qu’il faille à présent utiliser un automate, une borne, pour faire envoyer leurs lettres après avoir scanné des documents ?
De plus, en pratique, les agents des bureaux de poste ne pourront pas toujours aider les usagers lorsque l’affluence est très importante. Ils seront donc laissés seuls devant l’automate.
Cette réforme donne l’impression que l’on ajoute de la complexité à quelque chose qui était fort simple.
Enfin, nous apprenons également que, à partir du mois de mars, le courrier ne serait plus distribué tous les jours, mais un jour sur deux, puis – pourquoi pas ? – un jour sur trois. Ce dispositif est expérimenté dans certains départements, mais il risque d’être généralisé à toute la France.
Le risque est grand que cette réforme ne désorganise le service postal et qu’elle n’aboutisse in fine à la suppression de nombreux emplois.
Ma question est simple, monsieur le ministre, et vous n’y avez pas répondu tout à l’heure : laisserez-vous le délitement de ce service public historique se poursuivre ? Il est urgent d’agir, avant que nous ne devenions tous timbrés ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Levi, je ne reviendrai pas sur les constats qui ont conduit le groupe La Poste à prendre ces décisions, mais je tiens à réaffirmer une nouvelle fois le profond attachement du Gouvernement à l’universalité du service postal, qui est d’ailleurs inscrite dans la loi.
Je veux dire, une nouvelle fois, que la présence du facteur est maintenue six jours sur sept. Tout usager rencontrant des difficultés et devant effectuer un envoi prioritaire pourra se faire accompagner par un facteur au bureau de poste.
Enfin, les services de la lettre Services plus, qui arrive deux jours après à destination, et de la lettre verte, qui arrive en trois jours, seront évidemment assurés.
L’expérimentation que vous mentionnez porte sur de nouvelles modalités de distribution dans les 68 communes concernées, mais, en aucun cas, elle ne remet en cause la présence quotidienne du facteur sur l’ensemble du territoire.
En revanche, monsieur le sénateur, je ne peux laisser dire – sur d’autres travées, peut-être – que ce gouvernement se désintéresse de la fracture territoriale. Avec 2 600 maisons France Services (MFS) réparties sur l’ensemble du territoire (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, UC, GEST, SER et CRCE.), avec Action cœur de ville, avec Petites Villes de demain, avec Territoires d’industrie, avec 4 000 conseillers numériques qui ont accompagné 1,3 million de personnes depuis un an sur le territoire national, c’est ce gouvernement qui a mis fin à une quinzaine d’années d’aveuglement sur l’aggravation de la fracture territoriale, vous en conviendrez. (Mêmes mouvements.)
M. Max Brisson. Et La Poste ?
Une voix à gauche. Et les trésoreries ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Soyez convaincus, mesdames et messieurs les sénateurs, de l’attachement de ce gouvernement à la résorption de la fracture territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.
M. Pierre-Antoine Levi. Je ne suis absolument pas convaincu. Je peux vous confirmer, comme l’ensemble de mes collègues, que La Poste distribue le courrier non six jours sur sept, mais parfois quatre ou cinq jours par semaine seulement. Cette expérimentation inquiète énormément de Français dans tous les territoires.
Je vous le redemande : que ferez-vous pour éviter le délitement du service public ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE. – M. Daniel Breuiller applaudit également.)
influence française en afrique
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hugues Saury. Madame la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, à la fin du mois de décembre, les autorités en place à Ouagadougou ont demandé, sous d’obscurs prétextes, le départ de l’ambassadeur de France. Ce nouvel épisode des tensions qui émaillent nos relations avec le Burkina Faso n’est pas sans rappeler le scénario qui s’est déjà produit au Mali et en Centrafrique.
Il illustre surtout le fait que, dans cette partie de l’Afrique, où elle a pourtant tant œuvré, la France est récemment devenue indésirable. Malgré l’engagement de nos militaires contre le terrorisme islamiste et le sacrifice de 53 d’entre eux, malgré le niveau considérable de l’aide au développement déployée dans cette zone prioritaire, jamais la France n’y a été tant critiquée et tant rejetée.
Nos concitoyens expatriés en subissent malheureusement les effets.
Plus largement, c’est bien dans l’ensemble du continent africain que l’influence économique, politique, diplomatique et même culturelle de notre pays ne cesse de s’éroder.
Ses parts de marché ont ainsi fondu de moitié par rapport au début des années 2000, et ce recul ne fait que s’accélérer. Depuis l’année dernière, la France n’est le premier partenaire commercial de plus aucun des pays du Maghreb.
Dans de nombreux pays, la langue française voit son influence reculer. Elle est maintenant concurrencée par l’anglais jusque dans les programmes scolaires voire, comme au Rwanda, en tant que langue officielle.
Si la France reste le premier pays de destination des étudiants africains, sa capacité à attirer les futures élites, pour les former sur son sol, est désormais en recul par rapport à d’autres destinations.
Avec ses formidables atouts, aussi bien humains que naturels, l’Afrique est, à n’en pas douter, un continent d’avenir. Mais cet avenir, si nous ne sommes pas capables de remettre à plat l’ensemble des politiques que nous y avons menées ces dernières années, risque fort de s’écrire sans la France.
Depuis 2017, la situation s’est dégradée et nous en voyons aujourd’hui les conséquences. Alors, madame la ministre, quelle stratégie le Gouvernement entend-il mettre en œuvre au cours de ce quinquennat pour, enfin, enrayer le déclin général de l’influence française en Afrique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Saury, disons les choses : en Afrique comme ailleurs, les manipulations de l’information ne cessent de prendre de l’ampleur. Dans plusieurs pays, la France est visée par des campagnes, dont nous savons bien qu’elles n’ont rien de spontané. Ainsi, la secrétaire d’État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux était, hier encore, au Burkina Faso. Je la remercie de cette visite. Elle portait un message clair, comme vous l’avez vu.
Face à cela, nous devons agir, mais avec les moyens et les outils d’une démocratie. C’est ce que nous faisons en opérant un triple changement. J’ai demandé à mon ministère de le mettre en œuvre, car l’Afrique change, et nous devons également changer.
Le changement est, tout d’abord, celui du contenu. Il s’agit de mieux expliquer la réalité de nos partenariats, où l’innovation, les entreprises, les artistes et les jeunes ont une place centrale. Changer, c’est aussi soutenir ceux – journalistes et fact checkers – qui luttent contre la désinformation.
Il s’agit ensuite d’un changement de support. Il nous faut être partout présents, beaucoup plus qu’auparavant, là où se forment les opinions africaines, y compris sur les réseaux sociaux, pour s’adresser à un public plus jeune.
Enfin, il faut un changement d’échelle, par l’accroissement du volume de ce que nous produisons et par la mobilisation du réseau diplomatique, en prise avec les réalités et les interlocuteurs locaux.
Tout cela, monsieur le sénateur, vient en complément de nos relations humaines et économiques, qui persistent et qui changent, elles aussi. L’enjeu est considérable, vous l’avez dit. Soyez assuré que notre mobilisation l’est tout autant. D’ailleurs, si je suis arrivée avec quelques instants de retard à cette séance – je vous présente mes excuses –, c’est parce que le Président de la République recevait le président des Comores. Après cette séance, je me rendrai, avec ma collègue allemande, à Addis-Abeba, siège de l’Union africaine. Comme vous le voyez, nous sommes actifs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
industrie du médicament et problèmes d’approvisionnement
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
Mme Émilienne Poumirol. La pénurie de médicaments, sujet quasi inexistant dans les années 2010, devient un problème majeur de sécurité et de souveraineté nationales, avec une aggravation des tensions depuis la crise covid.
En 2023, nous dépendons encore et toujours de l’Inde et de la Chine en particulier, à qui nous achetons plus de 80 % des matières premières. Moins de 40 % des médicaments sont fabriqués en Europe.
Pourtant, dans le monde d’après, tout devait être différent, le président Macron nous l’avait assuré : la France allait retrouver sa souveraineté industrielle.
Or les pénuries et les tensions n’ont jamais été aussi fortes, en particulier sur les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. À l’hôpital, certains anticancéreux ou immunosuppresseurs utilisés pour les greffes du rein, par exemple, manquent, obligeant à choisir les patients pouvant en bénéficier.
C’est une perte de chances inadmissible.
D’autres pénuries de médicaments aussi courants que le paracétamol ou l’amoxicilline obligent les pharmaciens à délivrer les boîtes au compte-gouttes.
Monsieur le ministre, ma question est simple : quelle est votre stratégie pour retrouver une production en France, ou au moins en Europe ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Poumirol, je souscris en partie à votre diagnostic, mais je vais préciser les choses.
Les deux années de crise sanitaire que nous avons traversées ont bouleversé notre consommation, entraînant à la clé des difficultés d’anticipation des volumes de production par les industriels.
En parallèle, nous constatons une forte reprise de la consommation – 13 % de hausse en France, pour le paracétamol ; la Chine est aussi concernée. La situation ne concerne donc pas que la France ou l’Europe : elle est mondiale.
Notre système d’alerte nous permet d’anticiper cette situation, grâce au suivi de nos stocks stratégiques. Je comprends l’inquiétude de ceux qui cherchent leurs médicaments en pharmacie, tout en étant conscient de la mobilisation remarquable des pharmaciens pour trouver les produits.
Face à ce diagnostic, nous avons mis en place un traitement. Nous avons agi tôt : nous interdisons les exportations – ce qui est en France reste en France –, nous contingentons les stocks et les adaptons pour une répartition homogène sur l’ensemble du territoire, nous échangeons avec les laboratoires concernés pour prioriser certaines formes de médicaments, nous avons autorisé la reproduction d’amoxicilline par des laboratoires en France, nous adaptons la dispensation en officine aux justes besoins des patients, et nous travaillons avec les professionnels sur les alternatives thérapeutiques.
Outre ces actions immédiates, nous allons plus loin dans la reconstruction de notre souveraineté industrielle, mais cela prendra du temps. La France investit massivement, depuis plus d’un an, dans le cadre de France Relance et de France 2030. Des projets concrets de relocalisation voient le jour, avec le projet Seqens pour le paracétamol, mais aussi des masques, des gants en nitrile, ou encore, à Arras, une usine de production de médicaments à partir de plasma sanguin.
Oui, nous sommes sur la bonne voie pour regagner notre souveraineté sur les médicaments. En attendant, nous faisons le maximum pour que tous les Français aient les traitements qui leur sont nécessaires. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.
Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le ministre, il ne faut pas se cacher derrière la crise. Les mesures que vous indiquez ne relèvent que de la gestion de la pénurie. Notre groupe propose pourtant depuis plusieurs années, dans le cadre de la discussion des PLFSS, plusieurs solutions, à commencer par le renforcement des capacités publiques de production, avec les pharmacies centrales des hôpitaux, celle des armées et la réquisition d’entreprises.
Il faut, surtout, un plan concerté de réindustrialisation, en France et en Europe. Les industriels arguent d’un prix trop bas des médicaments ? Jouons cartes sur table sur la fixation des prix, aujourd’hui protégée par le secret des affaires, pour que ceux-ci tiennent compte des aides publiques directes ou indirectes. La loi du marché et le libéralisme ne peuvent gouverner notre politique en matière de produits de santé, remboursés in fine par la sécurité sociale, donc par l’argent des contribuables.
Pour construire une véritable indépendance de la production, il faut une politique publique forte et volontariste ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
filière automobile électrique
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Monsieur le ministre, l’édition 2023 du salon de l’électronique grand public – Consumer Electronics Show, ou CES – de Las Vegas vient de s’achever. Elle a laissé une large part à l’automobile. À cette occasion, Carlos Tavares, PDG de Stellantis, a sonné une nouvelle charge contre le prix extrêmement bas des véhicules chinois zéro émission, qui met en péril l’industrie européenne. Cette industrie, pour le seul territoire national, représente 210 000 emplois directs, auxquels il faut ajouter les emplois indirects.
À en croire les objectifs affichés par Geely, SAIC et Great Wall, trois constructeurs chinois, un million de véhicules pourraient être exportés vers l’Europe d’ici à dans trois ans. Ils sont déjà en train de construire le système de distribution pour atteindre cet objectif.
Certes, sur le territoire national, les véhicules électriques progressent – 46 % d’immatriculations supplémentaires en 2021 –, mais 80 % de ces véhicules sont importés. La presse ne s’y trompe pas, indiquant que le loup chinois est dans la bergerie.
En effet, la Chine concentre 50 % de la valeur totale d’un véhicule électrique, 75 % de la chaîne de valeur des batteries et 90 % des moteurs électriques produits dans le monde. Face à cela, l’industrie européenne est en très grande difficulté, ne parvenant même plus à pénétrer le marché chinois.
Dans cette bataille qui commence, monsieur le ministre, quelles sont nos armes ? Avez-vous choisi une guerre de position, dans laquelle nous continuons de subir les assauts chinois, ou entendez-vous sortir de la tranchée et lancer une guerre de mouvement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Anne-Catherine Loisier et Mme Sonia de La Provôté applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la sénatrice, je vous remercie pour votre excellente question. Ma réponse est claire : nous sommes favorables à une guerre de mouvement (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), offensive et défensive.
Offensive, tout d’abord : il faut avoir, au XXIe siècle, une industrie automobile électrique en France et en Europe aussi performante que celle du véhicule thermique au XXe siècle. Je rappelle que ce sont ce gouvernement et cette majorité qui ont pris l’initiative, il y a quatre ans, de mettre en place une filière de batteries électriques, pour être moins dépendants de la Chine – nous allons ouvrir les deux premières usines. Notre objectif pour 2030 est de produire de 100 à 120 gigawatts de puissance électrique avec des batteries produites sur le territoire français.
Nous voulons rouvrir une usine de lithium (Mme Sophie Primas s’exclame.), diversifier nos approvisionnements et être indépendants en matière de semi-conducteurs, indispensables aux véhicules électriques : nous avons obtenu l’investissement de GlobalFoundries sur le site de STMicroelectronics pour les développer massivement. L’objectif est donc clair : être indépendants pour la production de véhicules électriques. Voilà pour l’offensive : les matériaux, les batteries, les semi-conducteurs et, au bout du compte et comme l’a annoncé Stellantis, la production de véhicules électriques sur le sol français. Croyez-moi, cette offensive sera très volontariste.
Vous soulevez ensuite une question majeure – je vous invite d’ailleurs à participer aux travaux du projet de loi pour une réindustrialisation verte : celle du volet défensif. Devons-nous réserver les aides – 7 000 euros pour un véhicule électrique, par exemple – à des véhicules produits et assemblés en France et en Europe ? (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est une question légitime : après tout, d’autres le font.
Faut-il renforcer le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, au-delà du ciment, de l’acier et de l’aluminium, pour concerner des biens manufacturés comme des automobiles ? (Mêmes mouvements.)
Je n’ai pas la réponse à ces questions. Cependant, la défensive, c’est avoir l’audace de les poser et d’en discuter avec tous les sénateurs et sénatrices qui le voudraient dans le cadre du projet de loi pour une réindustrialisation verte.