M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2023 devrait connaître l’issue qu’elle rencontre tous les ans au Sénat, à savoir l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable, cette discussion générale est l’occasion de revenir sur l’ensemble des travaux budgétaires que nous avons conduits cet automne.
Si le grand public a beaucoup entendu parler de la série historique de procédures du 49.3 déclenchées à l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances, il est probablement moins informé de leur examen complet par la Haute Assemblée. Plus de 3 000 amendements ont en effet été déposés à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances, ce qui constitue un record maintes fois souligné.
Que reste-t-il de nos 160 heures de débat et, encore plus, du travail effectué en amont et en commission ? Sans surprise, le Gouvernement est revenu sur l’amendement de la majorité sénatoriale prévoyant un dégrèvement de la CVAE pour les entreprises plutôt que sa suppression sèche. La suppression en deux ans de cet impôt territorial est une mesure emblématique du budget 2023. Nous resterons attentifs aux modalités de compensation, annoncées à l’euro près, à destination des collectivités territoriales.
Les contributions exceptionnelles sur les bénéfices des entreprises du secteur de l’énergie entreront également en vigueur, bien que des modifications techniques et relatives à leur périmètre puissent encore être apportées – le diable est dans les détails. Un débat existe, parmi les économistes, sur le montant que rapporteront ces contributions. Les chiffres varient de plusieurs milliards d’euros à seulement quelques centaines de millions d’euros. Ce débat n’est pas sans rappeler celui ayant trait à la taxe Google portant sur les services numériques, mise en place en 2019, qui avait attiré le courroux de nos partenaires d’outre-Atlantique.
Quoi qu’il en soit, l’exécution du budget 2023 sera cruciale. Elle dépendra plus que jamais de l’évolution de la conjoncture macroéconomique. Espérons qu’elle sera plus favorable que ne l’affirment certains prévisionnistes, parfois un peu alarmistes, alors que le coût des intérêts de la dette publique a explosé en 2022.
Pour le reste, le Gouvernement a logiquement rétabli la plus grande partie de son texte, après l’échec de la commission mixte paritaire la semaine dernière. Dans la seconde partie du projet de loi de finances, les nombreux crédits supprimés par la majorité sénatoriale ont été rétablis.
Pour ma part, je me félicite de la pérennisation des amendements adoptés ayant pour objet le malus pour les véhicules des services départementaux d’incendie et de secours, ou encore le relèvement de la dotation minimale aux communes pour la protection de la biodiversité, au moment où se tenait la COP15.
Concernant la taxe d’aménagement, la suppression de la réforme de la répartition au sein du bloc communal, votée l’an dernier, nous paraît préférable, dans la mesure où les charges d’aménagement varient fortement en fonction de chaque territoire.
Je note enfin la suppression conforme de l’article 40 quater sur les nouveaux contrats État-collectivités. Cette disposition figurant à l’origine dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 avait en effet été réintroduite de façon un peu surprenante dans les articles non rattachés. C’est le retour des contrats de Cahors !
À ce sujet, je précise que ces contrats ont été annoncés par le Premier ministre d’alors, Édouard Philippe, non pas à Cahors,…
M. André Gattolin. Imposture !
M. Jean-Claude Requier. … mais à Fontanes-Lalbenque. Si les habitants de Cahors en font état, la commune de Fontanes-Lalbenque reste toutefois plus célèbre pour ses truffes que pour les contrats de Cahors. (Sourires.)
M. Jean-François Husson. Je préfère les truffes ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Claude Requier. La réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) a pour effet positif de ramener le nombre d’articles non rattachés à des proportions plus raisonnables, même si l’appropriation en détail de la réforme a pu créer quelques difficultés çà et là.
En conclusion, les membres du groupe RDSE, attachés à la poursuite du débat parlementaire, s’opposeront, sur la forme, à la motion tendant à opposer la question préalable, même s’ils en comprennent les motivations. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 6 décembre dernier, n’est pas parvenue à un accord. En nouvelle lecture, le Gouvernement a de nouveau et par deux fois déclenché le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution pour les deux parties du projet de loi de finances.
Monsieur le ministre, la déception est forte. Tout ça pour ça !
Après 160 heures de séance au Sénat, l’examen de plus de 3 000 amendements et l’adoption de plus de 600 d’entre eux, très peu d’apports de la Haute Assemblée ont été finalement retenus.
Le Gouvernement, une nouvelle fois, fait peu de cas du Parlement.
Nous sommes pourtant la seule chambre qui, cette année, a examiné l’ensemble du texte. Nous vous avons fait des propositions constructives. Quasiment tout a été balayé, y compris les mesures adoptées à la quasi-unanimité du Sénat, comme le prêt à taux zéro ou la limitation des bonus pour les véhicules électriques.
Mes chers collègues, je salue notre travail collectif tout au long de la discussion, malgré quelques moments curieux, et l’action de notre rapporteur général, toujours efficace et bienveillante, avec pour seul souci l’intérêt général.
Pourtant, monsieur le ministre, vous prétendez qu’une méthode nouvelle devait être mise en place et vous ne cessez de demander à chacun, à la droite républicaine en particulier, de travailler avec vous, dans l’intérêt du pays. En réalité, la main que vous tendez est un poing fermé. (Eh oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
À quoi bon perdre son temps dans les pseudo-dialogues de Bercy, ou même dans nos débats, pour en arriver à ce déni total de notre régime parlementaire ? Vous ne voulez pas écouter, alors même que, comme nous l’avions dénoncé dans la discussion générale, votre budget est l’un des pires jamais présentés, loin d’une gestion à l’euro près.
Je citerai seulement trois chiffres : 500 milliards d’euros de dépenses publiques de l’État, 270 milliards d’euros d’emprunts, 27 milliards d’euros d’investissements ! Je pourrais ajouter le coût de la dette qui explose. Qui plus est, tout cela est fondé sur une hypothèse de croissance contestable, alors que la sincérité du budget est interrogée et que l’absence de véritable boussole engendre de l’inquiétude dans l’ensemble de la société, en dépit d’une addiction au « quoi qu’il en coûte ».
Au mois de juillet dernier et de nouveau à la rentrée, le ministre de l’économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, qui a déserté nos travées pendant quasiment toute la discussion budgétaire…
M. Vincent Segouin. Il est habitué !
M. Stéphane Sautarel. … – à quoi bon, en effet, « perdre son temps » au Parlement ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) –, nous appelait à lui faire des propositions d’économies : « Je propose que ce soit les parlementaires qui se saisissent du sujet, et plus le Gouvernement. »
Je veux toutefois ouvrir une parenthèse pour vous remercier, monsieur le ministre, de votre présence et de vos réponses, même si vous ne nous avez finalement pas entendus, ce qui risque de rendre le dialogue plus difficile demain.
Que le Gouvernement se dessaisisse de la question de la réduction de la dépense, dans le contexte de l’envolée de notre dette, en disait déjà beaucoup sur son manque de responsabilité.
Qu’il ne reprenne finalement aucune de nos propositions d’économies, alors même qu’il nous avait mis au défi de lui en proposer, montre que, encore une fois, tout cela n’était que de la communication.
Les calculs politiques semblent plus importants que l’intérêt du pays. Nous avions pourtant proposé 4,3 milliards d’euros d’économies, conformément à la trajectoire que nous avions votée dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 : pas un centime n’a été retenu.
Il en est de même des mesures que nous avions adoptées pour venir en aide aux entreprises et aux collectivités territoriales, confrontées à une explosion de leurs factures énergétiques, à une exception près, que nous tenons à saluer : la suppression du « pacte de confiance » entre l’État et les 500 plus grandes collectivités territoriales. En réalité, il s’agissait plutôt d’un acte de défiance à l’encontre des élus locaux, puisque des sanctions étaient prévues en cas de non-respect de ses dispositions. Il n’avait d’ailleurs de pacte que le nom, puisqu’il était imposé aux collectivités visées (M. le rapporteur général acquiesce.) ; de ce fait, il s’apparentait davantage à un contrat léonin.
Cette mesure importante exceptée, aucun apport notable du Sénat n’a été retenu, à commencer par la simplification du filet de sécurité qu’il avait proposée.
Le Gouvernement a rétabli les critères de baisse d’épargne brute et de potentiel fiscal. Une fois de plus, monsieur le ministre, vous avez préféré une machine technocratique peu lisible pour les collectivités à un système simple et transparent. Au total, ce dispositif n’aurait sans doute pas été plus coûteux et il aurait à coup sûr été bien plus vertueux pour les collectivités qui font des efforts de gestion.
Ce filet de sécurité prend de nouveau comme référence l’évolution des dépenses d’énergie entre 2022 et 2023, plutôt qu’entre 2021 et 2023, alors qu’il s’agit là du bon étalon de mesure. Par rapport à la version considérée comme adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, il a simplement été un peu élargi. La perte d’épargne brute entre 2023 et 2022 doit être supérieure à 15 %, au lieu de 25 % ; en parallèle, le seuil de déclenchement correspond désormais à une hausse des dépenses d’énergie supérieure à 50 % de la hausse des recettes entre 2022 et 2023, contre 60 % dans la version initiale.
Quoi qu’il en soit, nous sommes très loin du texte voté par le Sénat, en vertu duquel toutes les collectivités territoriales, sans critère aucun, percevaient une dotation égale à 50 % de la différence, si elle était positive, entre l’augmentation des dépenses d’énergie entre 2023 et 2021 et 40 % de la hausse de ses recettes réelles de fonctionnement sur la même période.
Plus largement, je note que rien – ou si peu ! – n’a été retenu parmi les améliorations proposées au titre des dotations aux collectivités. On est bien loin de leur indexation, pourtant justifiée.
Monsieur le ministre, à l’instar de M. le rapporteur général, je vous appelle à faire confiance aux collectivités territoriales.
De surcroît, nous regrettons vivement que la réintégration des opérations d’agencement et d’aménagement de terrains dans l’assiette du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ait été supprimée. C’était une demande très forte des élus locaux.
Vous avez pourtant déjà laissé entendre ici même, au mois d’août dernier, lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative, puis lors de l’examen du projet de loi de finances, que vous aviez entendu cette demande légitime. Comment rétablir la confiance en agissant ainsi ?
Par ailleurs, vous avez rétabli la suppression de la moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en 2023. Pour ce qui concerne la territorialisation, les critères du nouveau fonds national d’attractivité économique des territoires ne sont toujours pas précisés : ils restent renvoyés à un décret ultérieur. Nous voterons donc ce dispositif à l’aveugle, ce qui est on ne peut plus regrettable.
Le président de la commission des finances l’a rappelé à plusieurs reprises : nous sommes face à un véritable problème démocratique. L’essence même du Parlement est de voter l’impôt. Or cette évolution de la CVAE, quoi qu’on en pense par ailleurs – vous savez que nous y sommes favorables sur le principe –, n’aura bénéficié d’aucune approbation parlementaire. Plus qu’un problème, c’est une alerte.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Très bien !
M. Stéphane Sautarel. Pour ce qui concerne les entreprises, nous n’avons pas davantage été entendus. La hausse majorée du plafond de bénéfice relevant du taux réduit d’impôt sur les sociétés a également été supprimée, bien que le Gouvernement ait laissé entendre qu’un compromis eût été possible : à l’évidence, il n’en est rien. Il a été décidé de revenir au texte initial, qui fixe ce plafond à 42 500 euros.
Le rehaussement du seuil d’entrée dans la contribution sociale sur les bénéfices (CSB), de 7,63 millions d’euros à 10 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, a également été supprimé.
La hausse du taux de réduction d’impôt sur le revenu pour la souscription au capital des petites et moyennes entreprises (IR-PME), de 25 % à 30 %, n’a pas non plus été reprise.
J’aurais pu citer bien d’autres exemples, mais le temps est compté.
Si nos entreprises lâchent, victimes de la crise énergétique, c’est notre pays tout entier qui dévisse. Les réponses apportées aujourd’hui ne sont pas à la hauteur de l’urgence et je crains que leur faiblesse n’appelle des ajustements réguliers tout au long de l’année 2023 si nous voulons éviter le pire.
Au regard du peu de considération que le Gouvernement témoigne au travail du Sénat, il ne servirait à rien de réexaminer l’ensemble du budget. Non seulement nous n’en aurions pas le temps, mais nous connaissons déjà le sort de nos amendements.
C’est pourquoi les membres du groupe Les Républicains voteront la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission des finances, que notre rapporteur général présentera dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat a toujours su s’adapter en suivant l’évolution des traditions et, pour ce qui concerne les projets de loi de finances, il semble qu’une nouvelle tradition se dessine : le rejet du texte en nouvelle lecture.
Certes, le calendrier très strict imposé par la loi organique relative aux lois de finances rend illusoire la poursuite de débats sereins et approfondis. Toutefois, les élus de notre groupe regrettent que le Sénat s’en trouve réduit à se priver d’un nouvel examen du projet de loi de finances pour 2023. Nous le regrettons d’autant plus que ce texte contient des mesures importantes pour les collectivités territoriales.
Nos élus locaux attendent un véritable soutien pour lutter contre l’inflation. Ces mesures sont à la fois fortes et nombreuses, à tel point que nous devons désormais faire un effort de pédagogie pour que nos collectivités puissent tirer profit des dispositifs qui seront mis en place en 2023.
Entre les annonces égrenées par le Gouvernement pendant tout l’automne et les discussions parlementaires, les élus sont perdus. Ils ont besoin d’y voir plus clair sur ce qui figure finalement dans le texte. Nous prendrons notre part du travail nécessaire pour faire connaître ces dispositifs, mais la démarche doit être collective.
Ce constat vaut notamment pour le filet de sécurité. À ce titre, la commission des finances du Sénat avait supprimé tout critère d’éligibilité : son choix avait le mérite de simplifier le dispositif et de n’exclure aucune collectivité territoriale. En revanche, il ne permettait sans doute pas d’optimiser la dépense publique au profit des collectivités qui en ont le plus besoin. (M. Alain Richard acquiesce.) C’est pourquoi la solution retenue par le Gouvernement en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale me paraît plus raisonnable.
Certains critères d’éligibilité sont ainsi rétablis. Le dispositif élaboré est à la fois plus généreux qu’il n’était à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale et plus restrictif que celui qu’a voté le Sénat : il s’agit donc d’une solution intermédiaire.
Je remarque d’ailleurs qu’une perte d’épargne brute de 15 % correspond à ce que notre groupe avait proposé par la voie d’un sous-amendement à l’amendement de M. le rapporteur général. Ce critère permettra de couvrir la majorité des collectivités territoriales frappées par la hausse des coûts de l’énergie. (M. Alain Richard le confirme.)
Ce n’est pas une solution idéale, mais c’est une solution raisonnable. Elle ne résoudra pas toutes les difficultés des collectivités, mais elle limitera largement l’impact de l’inflation sur les finances locales.
En outre, le filet de sécurité ne constitue que l’un des volets du mécanisme de soutien.
Pour les plus petites communes, le bouclier tarifaire continuera de s’appliquer en 2023. Pour les communes qui ne seraient éligibles ni au bouclier tarifaire ni au filet de sécurité, il restera l’amortisseur électricité.
Avant de conclure, je tiens à revenir sur deux sujets importants pour les membres de mon groupe.
Le premier sujet touche à la préservation de nos forêts. Ce texte reprend, en deux articles, le dispositif de la proposition de loi inscrite dans l’espace réservé de notre groupe afin d’ouvrir le mécénat, pour les particuliers comme pour les entreprises, aux dons effectués au bénéfice des communes forestières.
Le second a trait au sort des communes nouvelles ; en leur faveur, une solution de court terme a été trouvée, mais plusieurs d’entre elles restent inquiètes pour l’avenir. J’espère que nous pourrons continuer à les soutenir.
Nous pouvons nous féliciter de la qualité de nos débats en première lecture : nous avons analysé 3 507 amendements – c’est un nouveau record – au cours de 160 heures de discussions en séance.
Certes, monsieur le ministre, vous nous promettez de conserver un certain nombre d’avancées proposées par notre assemblée, néanmoins, les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires déplorent que nous ne soyons pas en mesure de peaufiner le texte en nouvelle lecture. (MM. Jean-Claude Requier et Alain Richard applaudissent.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ah !
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller.
M. Daniel Breuiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous citer l’article 14 ter de ce projet de loi de finances : si « leur épargne brute a enregistré, en 2023, une baisse de plus de 15 % […] parmi les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, seul[es] sont éligibles au versement de la dotation susmentionnée […] les communes dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant de l’ensemble des communes appartenant au même groupe démographique, défini à l’article L. 2334-3 du code général des collectivités territoriales ».
Monsieur le ministre, merci d’avoir simplifié le filet de sécurité, pour que les collectivités territoriales puissent faire face à la hausse du coût de l’énergie ! (Sourires. – M. le rapporteur général rit.)
Il est vrai que, en adoptant un amendement de M. le rapporteur général visant à considérer les seules hausses de dépenses et de recettes, le Sénat avait retenu une version trop peu technocratique pour Bercy et trop lisible pour les maires, qui tous se demandent comment boucler leurs budgets. (Nouveaux sourires.)
Cet exemple illustre le traitement réservé à nos 160 heures de débat et aux quelque 3 000 amendements que nous avons discutés.
Vous êtes dénué de majorité à l’Assemblée nationale, mais vous continuez à gouverner seuls, dans un entre-soi dangereux pour la démocratie et pour nos institutions.
Vous avez fait votre « tri sélectif » parmi les amendements votés pour revenir, via le 49.3, à la maquette à peine modifiée du texte initialement présenté à l’Assemblée nationale. Pour l’essentiel, vous avez retenu les amendements gouvernementaux !
Adieu la TVA à 5,5 % pour les transports collectifs.
Adieu l’indexation de la dotation globale de fonctionnement, pourtant votée sur toutes les travées de cet hémicycle, à une très large majorité.
Adieu aussi les 8 milliards d’euros de CVAE.
Vive la dette publique !
En matière d’écologie, il ne restera malheureusement pas grand-chose de ce texte. On y trouve quelques mesures bienvenues, mais aux marges, et elles ne sont en aucun cas à la hauteur des crises climatiques et de l’effondrement du vivant que les conférences des parties (COP) ne cessent de démontrer, sans qu’au fond vous osiez les changements indispensables.
Vous mobilisez vingt fois plus d’argent pour le bouclier tarifaire que pour MaPrimeRénov’. Or les 100 milliards d’euros consacrés aux différents boucliers créés depuis deux ans manquent cruellement à la transition écologique.
Monsieur le ministre, il y a quelques semaines, à l’ouverture de nos débats, je vous ai posé cette question : respecterez-vous le travail du Parlement ?
Cette question est sérieuse. La crise démocratique que nous vivons exige la volonté et la capacité d’entendre le Parlement, les syndicats, les organisations non gouvernementales (ONG) et les citoyens.
Certes, le 49.3 est constitutionnel. Évidemment, vous faites bien de ne pas laisser un texte qui supprime cinq missions budgétaires poursuivre son chemin. Pour autant, cela ne justifie pas de ne rien retenir, ou presque, de nos discussions.
L’inutilité de nos débats et non-débats laisse trop de place au Rassemblement national, qui en profite pour apporter ses mauvaises réponses à de bonnes questions. Pendant que nous sommes tous les acteurs d’une comédie burlesque sur l’inutilité parlementaire, une partie des Français tombent dans le tragique.
L’inflation explose – on le voit notamment pour l’alimentation –, si bien que, désormais, ce ne sont plus seulement les fins de mois qui sont difficiles : parfois, c’est dès le 10 du mois que l’argent vient à manquer. Les coupures d’électricité inquiètent. La crise énergétique préoccupe les Français et les désarçonne tout autant, quand Engie enregistre une année record : son chiffre d’affaires a augmenté de 85 % au cours des neuf premiers mois de 2022, pour atteindre 69,3 milliards d’euros.
Vos déclarations publiques annoncent, hélas ! la poursuite des décisions jupitériennes, ignorant le Parlement comme vous ignorez les partenaires sociaux avec votre réforme néfaste des retraites.
Monsieur le ministre, on a rarement raison seul. La démocratie sans Parlement et sans partenaires sociaux, ce n’est déjà plus la démocratie. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances s’est réunie ce matin pour déposer une motion tendant à opposer la question préalable. Elle s’apprête ainsi à nous priver du débat…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ah oui ?
M. Patrick Kanner. Et le 49.3 ?
M. André Gattolin. … en nous empêchant d’examiner en nouvelle lecture ce projet de loi de finances.
Comme chaque année, les élus de notre groupe déplorent cette posture. Cette année, nous regrettons plus particulièrement de ne pas pouvoir discuter des engagements forts que traduit ce budget…
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Il fallait commencer par le faire à l’Assemblée nationale !
M. André Gattolin. … pour la protection des Français et des collectivités territoriales, ou encore des apports du Sénat qui ont été retenus dans la navette parlementaire. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. C’est faux !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Des miettes…
M. André Gattolin. Ce budget consacre le réarmement de nos forces de sécurité en augmentant leurs moyens de 7 %. Aucun gouvernement ne l’avait fait par le passé !
Le ministère de la justice voit quant à lui son budget progresser de 8 % pour la troisième année consécutive.
Pour le ministère de l’éducation nationale, l’objectif fixé par le Gouvernement est le plus ambitieux depuis des années : pas un enseignant à moins de 2 000 euros net par mois en début de carrière.
Aux ménages, nous rendons plus de 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat, grâce à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu.
En parallèle, la reconduction du bouclier tarifaire permet de protéger le pouvoir d’achat, non seulement des ménages, mais aussi des entreprises et des collectivités territoriales.
Avec l’amortisseur électricité et le filet de sécurité, la France dispose du système de protection le plus complet et le plus ambitieux déployé en Europe. (M. le président de la commission manifeste sa circonspection.)
Au cours de la navette parlementaire, le Gouvernement et les députés ont conservé des apports importants du Sénat (M. le ministre délégué le confirme.), venus de toutes les travées. M. le ministre les ayant longuement énumérés, je n’y reviendrai pas. Les membres de notre groupe ont notamment apporté leur pierre à l’édifice.
En dépit de tous ces efforts pour protéger les Français et réarmer nos services publics, en dépit des nombreuses concessions faites, la majorité sénatoriale choisit de nous priver de ce débat…
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Oh !
M. André Gattolin. … et de se dessaisir elle-même de sa responsabilité.
Mes chers collègues, depuis des semaines, vous nous accusez de négligence budgétaire,…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est pire que cela !
M. André Gattolin. … mais vous n’avez fait que voter de nouvelles dépenses tout au long de l’examen en première lecture.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Non !