Mme la présidente. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.
Mme Samantha Cazebonne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les accompagnants d’élèves en situation de handicap et les assistants d’éducation sont des pièces maîtresses, des piliers de l’école inclusive.
Cependant, ces pièces maîtresses sont aujourd’hui des pièces précaires dont la fragilité menace la solidité de cet édifice magnifique, de cette fierté républicaine qu’est l’école inclusive. J’entends par « école inclusive » la mise en œuvre de l’idée que le droit à l’éducation pour tous les enfants, quel que soit leur handicap, est un droit fondamental.
Nous connaissons tous ici ces chiffres sans équivoque qui témoignent de la précarité de ces deux métiers. Plus de 80 % des AESH exercent dans le cadre d’un CDD et seulement 2 % d’entre eux disposent d’un emploi à temps complet. S’agissant de leur rémunération moyenne, elle se situe autour de 850 euros net par mois. Quant aux AED, ils sont aussi recrutés par CDD, sont rémunérés au niveau du Smic et demeurent une profession au devenir incertain.
Ces chiffres sont d’autant plus regrettables que ces personnes, qui sont pour la grande majorité des femmes, aiment leur métier. Elles aiment accompagner, quotidiennement, les 400 000 élèves en situation de handicap que compte notre pays. À ce titre, nombre d’AESH, lorsqu’on les interroge sur leurs motivations à exercer ce métier, évoquent une forme de vocation.
Le Gouvernement a beaucoup investi en faveur de l’école inclusive depuis cinq ans puisque le budget dédié à cette dernière a augmenté de 66 % par rapport à 2017.
Par ailleurs, la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a déjà amorcé la reconnaissance légitime des AESH : ces derniers ont été reconnus comme des membres à part entière de l’équipe éducative et peuvent désormais participer aux réunions de suivi de la scolarisation des élèves en situation de handicap.
En outre, c’est cette même loi qui a rendu possible leur « CDIsation » au bout de six ans de service. Et c’est encore elle qui a permis que des AED inscrits dans une formation préparant aux concours des métiers de l’enseignement et de l’éducation puissent exercer de véritables fonctions pédagogiques, comme le font les personnels enseignants.
Enfin, le budget présenté par le Gouvernement pour l’année 2023, que nous venons de voter, finance la création de 4 000 postes d’AESH et une augmentation de 10 % de leur rémunération. Le ministre a également annoncé que la prime REP et REP+ serait étendue aux personnels exerçant en réseau d’éducation prioritaire dans les premier et second degrés.
Alors, en ouvrant la possibilité de recruter les AESH en CDI à l’issue d’un seul CDD et en confirmant la possibilité de « CDIsation » des AED, cette proposition de loi poursuit l’indispensable réforme de ces professions. Mais il faudra aller plus loin et engager une réflexion approfondie sur l’amélioration du statut et des conditions d’emploi des AESH. Je pense évidemment au sujet de la rémunération, mais aussi au renforcement de la formation, à l’articulation entre le temps scolaire et le temps périscolaire et, bien sûr, à la « CDIsation » des AESH au bout d’un an.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI est très favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SER et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Annick Billon applaudit également.)
Mme Sabine Van Heghe. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux d’abord saluer la qualité du travail mené par notre rapporteure, Marie-Pierre Monier, qui s’est trouvé confirmé par l’adoption de cette proposition de loi à l’unanimité en commission jeudi dernier.
La « CDIsation » des accompagnants et accompagnantes des élèves en situation de handicap à l’issue d’un seul CDD, contre deux aujourd’hui, permise par l’article 1er de ce texte, est évidemment indispensable. Nous savons que les 132 000 AESH jouent un rôle fondamental dans l’école inclusive pour assurer dans les meilleures conditions la scolarisation des élèves en grande difficulté, dans tous les établissements d’enseignement. Combien d’enfants seraient en échec total sans ce soutien de qualité et indispensable ?
Le CDI est la norme dans notre pays et permet de se projeter dans l’avenir avec la possibilité de se loger, d’emprunter. Rappelons qu’actuellement seulement 20 % des AESH exercent dans le cadre d’un CDI.
Ces personnels ne bénéficient pas de la reconnaissance qu’ils méritent. Leur rémunération est très faible – en moyenne de 850 euros par mois, ce qui est sous le seuil de pauvreté – et leurs conditions de travail sont difficiles : temps incomplet subi ; affectations de dernière minute, parfois dans plusieurs écoles avec des frais de déplacement importants peu pris en charge ; et, pour certains, le droit à la pause méridienne non respecté.
Les AESH souffrent également d’un manque de formation, et il arrive que certains se forment sur leurs propres deniers ou même que ce soient leurs parents qui financent ces formations !
Du fait de ces multiples difficultés, on observe des phénomènes de démission de l’ordre de 10 %, et ce au bout de deux ou trois ans seulement.
Le Gouvernement ne prévoit pas de créer suffisamment de postes d’AESH – 4 000 seulement pour 2023 –, alors même que l’augmentation de prescription d’aide humaine pour 2020 et 2021 est de 12 %. Sur la même période, le nombre d’AESH n’a augmenté que de 5 %. Attention donc aux recours à des AESH « privés », et donc à la rupture d’égalité !
Il est primordial et urgent que le Gouvernement sorte de la précarité ces 132 000 accompagnants, qui sont essentiels pour la réussite de l’école inclusive et dont le nombre est amené à croître dans les années à venir. Ainsi, nous soutenons la demande de la rapporteure d’une réforme structurelle des conditions d’emplois des AESH, dans le cadre de l’acte II de l’école inclusive, récemment annoncé par M. le ministre de l’éducation nationale.
Les sénateurs socialistes avaient déposé de nombreux amendements dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour aller au-delà de la « CDIsation » et améliorer les conditions de vie et d’exercice des AESH : 20 millions d’euros supplémentaires pour revaloriser les salaires ; alignement du montant des primes REP et REP+ des AESH sur les autres personnels de l’éducation nationale ; ouverture de 10 270 postes supplémentaires au lieu des 4 000 prévus par le PLF.
Nous attendions là un signal du ministre de l’éducation nationale, mais nous nous sommes malheureusement heurtés au veto de la majorité sénatoriale et du Gouvernement.
De la même manière, M. le ministre nous avait assuré que le Gouvernement était favorable à une « CDIsation » au bout d’un an. Je m’étonne qu’aucune initiative de sa part en ce sens ne se concrétise par le dépôt d’un amendement du Gouvernement sur la proposition de loi dont nous débattons !
Ce texte entend aussi mettre l’accent sur la situation des 65 000 assistants d’éducation. Leur « CDIsation », prévue à l’article 2 de la proposition de loi, a été permise, grâce à un vote du Sénat, par la loi visant à lutter contre le harcèlement scolaire et le décret du 9 août 2022. Il semble cependant que certains recteurs ou chefs d’établissement y soient réticents, et que seul un cinquième des AED susceptibles d’être « CDIser » l’aient effectivement été. D’où l’importance que le Gouvernement réaffirme le principe, et surtout l’obligation, de la « CDIsation » des AED après six ans d’exercice.
Les missions des AED sont très polyvalentes et leurs conditions de travail également difficiles : rémunération insuffisante, différents lieux d’affectation, absence de formation.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutient donc la demande de notre rapporteure pour que le Gouvernement engage une concertation avec l’ensemble des parties prenantes sur le devenir professionnel des assistants d’éducation.
Nous avions déposé des amendements au PLF pour 2023 visant à un alignement des primes REP et REP+ et la mise au même niveau de rémunération des AED de l’enseignement agricole et de l’enseignement général. Nous regrettons que ces amendements aient été, eux aussi, rejetés en séance le 1er décembre dernier par la majorité sénatoriale avec l’accord du Gouvernement.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ne résoudra pas tout. Le chemin est encore long pour sortir ces personnels de la précarité, mais elle est un premier pas.
Le groupe des sénateurs socialistes, écologistes et républicains votera donc avec enthousiasme et lucidité cette proposition de loi, qui doit aussi être vue comme un appel au Gouvernement, à qui nous demandons solennellement d’agir vite et fort sur ces enjeux primordiaux pour l’avenir de nos enfants et pour l’accession à l’emploi des personnels concernés, dans des conditions dignes. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voterons cette proposition de loi présentée par nos collègues socialistes que Marie-Pierre Monier a pris l’initiative de mettre à l’ordre du jour, ici, au Sénat.
Nous la voterons en regrettant que les députés de la majorité présidentielle, épaulés par ceux du groupe Les Républicains, en aient limité la portée.
Nous la voterons en ayant à l’esprit tout le chemin qui reste à parcourir pour que les AESH bénéficient d’une rémunération, d’une formation et d’un statut dignes, afin que l’école inclusive devienne une réalité pour tous.
Trop d’enfants, trop de familles, restent en effet encore sans solution. Longtemps, c’est le manque de moyens accordés aux académies pour recruter qui en a été la principale cause. Aujourd’hui, des postes créés ne sont pas pourvus. C’est le cas dans mon département de la Seine-Maritime, comme dans bien d’autres. Les conditions statutaires, les conditions de travail et de rémunération offertes aux AESH en sont directement la cause.
Or, je le rappelle, l’inclusion et l’accompagnement des élèves en situation de handicap constituent une obligation de résultat pour l’État.
Dans ce contexte, ouvrir la possibilité de recruter les AESH en CDI au bout d’un CDD de trois ans plutôt qu’au bout de six ans présente une avancée qu’il faut saisir.
Mais soyons lucides sur le fait que cela n’est qu’une possibilité et qu’elle ne mettra pas fin à la précarité qu’elles – car ce sont, vous le savez, des femmes à plus de 90 % – connaissent.
Depuis l’été dernier, cette possibilité est ouverte pour le recrutement des AED au bout de six ans de CDI. Force est de constater qu’elle n’a pas tenu toutes ses promesses puisque, comme cela a été rappelé, seuls 1 000 d’entre eux sur les 5 000 envisagés ont été « CDIsés ». Et l’on peut craindre que les AESH connaissent malheureusement la même situation.
Tout en adoptant cette proposition de loi, nous devons donc travailler à améliorer encore, et très nettement, leur sort. C’est indispensable pour garantir l’accueil d’enfants et de jeunes en situation de handicap dans le milieu scolaire.
Pouvons-nous accepter que la deuxième profession en termes d’effectifs au sein de l’éducation nationale soit rémunérée sous le seuil de pauvreté ?
Après avoir été condamné, à la suite d’une décision du Conseil d’État concernant les AED, le Gouvernement a décidé d’octroyer des primes REP et REP+ aux AESH, à compter du 1er janvier prochain. Mais elles sont inférieures à celles des autres personnels de l’éducation. Et la rémunération des AESH restera plus faible que le seuil de pauvreté, y compris après l’augmentation de 10 % qui leur est promise pour la rentrée 2023.
La mise en place des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, les fameux Pial, qui répondent à une logique de mutualisation des moyens entre établissements, censés accroître leur temps de travail – essentiellement des temps partiels subis –, n’a pas amélioré leur situation. Au contraire !
Quant à leur formation, elle doit, elle aussi, être développée si l’on veut professionnaliser les AESH et leur donner toutes les compétences nécessaires à l’accueil d’enfants aux situations et aux besoins très divers.
À l’aube de l’acte II de l’école inclusive, annoncé par le ministre de l’éducation nationale, alors que se pose la question de l’accompagnement des enfants en situation de handicap en classe, mais également durant toutes leurs activités d’enfants, il nous semble urgent de mettre sur la table l’intégration des AESH à la fonction publique.
Ce statut, qu’il convient de moderniser plutôt que de détériorer, permet en effet des passerelles entre collectivités et État. Il pourrait former le creuset qui nous permettrait de répondre aux besoins que nous identifions, et de créer le cadre national nécessaire pour faire face aux disparités de situations que nous connaissons d’un département à l’autre.
Il permettrait aussi de mieux intégrer les AESH aux équipes éducatives, dont ils font à nos yeux pleinement partie, afin d’accompagner enfants et jeunes. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme la rapporteure et M. Bernard Fialaire applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Billon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui a pour objectif de lutter contre la précarité de deux catégories de personnels de l’éducation nationale : les accompagnants d’élèves en situation de handicap et les assistants d’éducation.
À la rentrée dernière, l’éducation nationale recensait 132 000 AESH, dont 93 % de femmes. Les AESH et les AED n’ont pas tout à fait les mêmes missions, mais les uns comme les autres sont confrontés à des conditions de travail extrêmement précaires.
Parmi les causes de cette précarité, je citerai : les conditions de recrutement – 80 % sont recrutés en CDD – ; le temps partiel – seuls 2 % des AESH disposent d’un emploi à temps plein ; pour la majorité d’entre eux, ce temps partiel est un temps partiel subi, obligeant certains à cumuler plusieurs emplois – ; la rémunération, qui n’est en moyenne que de 850 euros mensuels ; et la formation. Sur ce dernier point, soixante heures de formation sont actuellement prévues par les textes. Ces heures, qui peuvent être effectuées en présentiel ou à distance, s’apparentent cependant plus à une boîte à outils.
La formation, initiale comme continue, fait donc défaut, ce qui peut contraindre les AESH à s’autoformer. Dans certains cas, ce sont même les familles des enfants accompagnés qui payent une formation. Cela n’est pas acceptable : c’est pourquoi j’ai déposé deux amendements concernant leur formation.
Ces amendements sont avant tout des amendements d’appel qui doivent permettre d’entamer un échange avec vous, madame la ministre. Les discussions que nous avons eues lors de l’examen du projet de loi de finances, et plus particulièrement lors de celui de la mission « Enseignement scolaire », ne nous ont pas satisfaits – le mot est faible.
Affectations dans différents établissements du territoire du Pial de rattachement, accompagnement simultané de plusieurs enfants présentant souvent des pathologies différentes, frais de déplacement qui ne sont pas pris en charge ou même parfois accomplissement de tâches qui ne font pas partie des missions de ces personnels : lors des différentes auditions auxquelles j’ai pu assister avec Mme la rapporteure, le constat a souvent été le même.
Des conditions de travail de plus en plus dégradées viennent s’ajouter à la précarité de l’emploi, ce qui mène de plus en plus à des arrêts maladie à répétition ou même à des démissions.
En dix ans, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en classe ordinaire a connu une augmentation de 60 % dans le primaire et de 150 % dans le secondaire. Pour faire face à cette hausse, 4 000 AESH supplémentaires ont été recrutés et des efforts budgétaires substantiels ont été réalisés. Malgré cette hausse bienvenue, force est de constater que de nombreux élèves en situation de handicap ne sont pas, ou mal, accompagnés.
Face à cette situation, cela a été dit, les familles qui le peuvent en viennent à recourir à des AESH privés, ce qui crée – vous en conviendrez, madame la ministre – une vraie rupture d’égalité au sein de notre école.
Pour les AED, les conditions de travail sont tout aussi précaires. Si cette fonction, dont le statut n’a pas évolué depuis 2003, a été pensée à ses débuts pour les étudiants, l’âge moyen des assistants d’éducation est aujourd’hui de 30 ans, et nombreux sont ceux qui ont à leur charge une famille.
Ces dernières années, beaucoup d’entre eux ont démontré une volonté de se professionnaliser et de sécuriser leur parcours sur le long terme. À ce stade, ils n’ont pourtant pas la possibilité d’accéder à un CDI. Ils sont pourtant essentiels au bon fonctionnement de nos établissements et à la lutte contre le harcèlement scolaire, par exemple.
Mes chers collègues, ce texte marque une étape dans la lutte contre la précarité des métiers d’AESH et d’AED, mais ce n’est qu’une première étape. Trop de dispositions relèvent du domaine réglementaire, ce qui ne nous permet pas d’activer véritablement les leviers nécessaires pour faire évoluer leur situation.
L’éducation nationale doit entamer un travail de fond pour permettre une évolution, plus que nécessaire, des conditions de travail de ces chevilles ouvrières de l’école inclusive.
M. le ministre de l’éducation nationale a annoncé un acte II de l’école inclusive lors de sa dernière audition devant la commission de la culture du Sénat. Nous nous en réjouissons et suivrons avec attention les travaux qui seront menés sur ces problématiques.
Avant de conclure, je voudrais saluer le travail précis et de qualité de notre rapporteure Marie-Pierre Monier sur ce texte qui, je l’espère, permettra d’ouvrir une véritable réflexion sur ces métiers essentiels.
Enfin, la création d’une mission d’information sur les modalités de financement et la mise à disposition d’AESH sur le temps de la pause méridienne et d’accueil périscolaire, autres points de difficulté importants, apportera peut-être des réponses complémentaires à cette reconnaissance. Nous serons très attentifs à ses conclusions.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera avec enthousiasme ce texte, en espérant qu’il sera le point de départ d’une vraie évolution pour les AESH et les AED. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Monique de Marco applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en politique, la vertu est de mettre en cohérence son éthique de conviction et son éthique de responsabilité.
En soutenant l’adoption conforme, c’est-à-dire sans amendement, de cette proposition de loi, nous sacrifions un peu de notre esprit de responsabilité pour faire progresser la condition des accompagnants d’élèves en situation de handicap.
Puisqu’une unanimité de sagesse choisit la voie du petit pas, du compromis, plutôt que la quête du grand soir, vous comprendrez que le groupe RDSE se joindra à la légendaire modération sénatoriale. (Sourires.)
Comme nous ne reviendrons pas sur la forme du texte, j’exprimerai quelques réflexions sur le fond.
L’intégration scolaire des enfants porteurs de handicaps est une belle et noble idée. L’accompagnement de ces enfants par des AESH et des AED est également une belle intention.
L’école inclusive permet à ces enfants de progresser, de s’épanouir, à d’autres de s’enrichir, en côtoyant les différences et en les intégrant.
Dans certains cas, elle offre également des activités enrichissantes à temps partiel, parfois à temps complet, à des accompagnants qui n’avaient pas forcément envisagé de les exercer, lesquels perçoivent ainsi un complément de revenu familial utile et qui a du sens.
Pourtant, je sais que tout n’est pas toujours aussi idyllique, et que la précarité de ces emplois et la lourdeur des tâches peuvent mettre en souffrance celles et ceux qui les subissent.
De fait, le balancier de l’école inclusive a peut-être trop penché dans un sens. Certains handicaps sont trop lourds pour l’inclusion scolaire, même accompagnée au mieux. Ils mettent en souffrance l’enfant, l’accompagnant, les autres enfants de la classe et les enseignants.
Ce remarquable dispositif d’inclusion ne convient pas à tous les handicaps. Les associations de familles d’enfants porteurs de handicaps nous alertent, madame la ministre, sur le besoin de places supplémentaires en institut médico-éducatif (IME), structure qui répond davantage aux besoins de handicaps plus lourds.
Une bonne orientation en IME, grâce à des places d’accueil disponibles, ou une inclusion à l’école, pour les handicaps compatibles, nous permettront de répondre à cette souffrance induite. Nous rendrons humainement supportable la tâche des accompagnants scolaires.
Enfin, j’en profite pour plaider en faveur de la prise en main des AESH et des AED par les départements, au travers de leur MDPH, pour une gestion cohérente et de proximité du handicap par leurs services médico-sociaux, lesquels assurent déjà le dépistage et l’accompagnement social des familles.
C’est un des domaines dont il faut « délester » l’éducation nationale, qui doit être plus ouverte aux collaborations avec les collectivités locales en fonction de leurs compétences. C’est un autre chantier qu’il ne faut pas oublier.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Decool applaudit également.)
M. Philippe Mouiller. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation.
Comme cela a été indiqué, il s’agit de permettre aux AESH d’être recrutés en CDI au terme de leur premier CDD de trois ans, et aux assistants d’éducation ayant exercé pendant six ans leur activité d’être recrutés dans le cadre d’un CDI.
En 2022, on comptait plus de 135 000 AESH et environ 61 000 AED. La même année, le nombre d’enfants en situation de handicap accueillis en milieu ordinaire était de plus de 400 000.
Il faut souligner l’effort financier et l’effort de recrutement de l’éducation nationale ; les moyens sont importants. Pourtant, il existe un très fort décalage entre l’objectif annoncé par le Gouvernement sur l’inclusion scolaire et les résultats sur le terrain, un trop grand décalage entre l’augmentation des moyens humains et financiers en faveur de l’accompagnement des élèves en situation de handicap et le nombre croissant d’enfants dont les besoins ne sont pas, ou mal, couverts.
La promesse faite aux familles concernées par le handicap ne peut être tenue dans ces conditions.
Partout dans nos territoires, on rencontre heureusement des situations satisfaisantes grâce à des efforts ayant porté leurs fruits. Toutefois, de trop nombreux jeunes ne peuvent bénéficier de l’accompagnement humain dont ils ont besoin, faute de budget ou de personnel disponible.
De plus, les conditions de travail et le statut même d’AESH restent précaires, et trop peu attractifs. Par manque d’heures de travail, lesquelles se limitent en général à vingt-quatre heures par semaine, le niveau de rémunération est très faible. Il s’élève à environ 850 euros net par mois, même si une évolution est attendue dans les mois qui viennent.
Les AESH ne bénéficient pas toujours d’une formation adaptée et sont, souvent, mal intégrés à la communauté éducative.
À cela s’ajoute un point essentiel : des problèmes de dialogue entre l’éducation nationale, le médico-social et les MDPH. Ils entraînent des situations difficiles pour les accompagnants et les enfants suivis.
Dans mon département, j’ai eu connaissance de nombreux exemples d’AESH qui découvrent une semaine avant la rentrée scolaire le ou les établissements dans lesquels ils seront affectés, le nom de l’enfant en situation de handicap qu’ils suivront, et, surtout, la nature du handicap de l’enfant.
Dans ce contexte, comment une personne, quelle que soit sa bonne volonté, peut-elle accompagner de façon satisfaisante, sans formation ni préparation, un jeune autiste, puis, l’année suivante, un enfant scolarisé dans une unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis) ?
En complément, la loi pour une école de la confiance a mis en place les Pial. Cette nouvelle organisation du travail des AESH devait permettre de mieux répartir et coordonner leurs interventions en fonction des besoins et de l’emploi du temps des élèves en question.
Néanmoins, la réalité est tout autre. En effet, dans de nombreux départements, ces pôles gèrent plutôt la pénurie de moyens.
Quel bilan, madame la ministre, pouvez-vous établir de la réforme qui a installé les Pial sur tous les territoires ? L’idée d’un principe général de coordination était bonne, mais le manque de moyens détourne ces structures de leur mission.
Malgré la bonne volonté des pouvoirs publics, le système n’est pas pleinement satisfaisant, entraînant, comme cela a été souligné, un manque d’attractivité du métier d’AESH, des situations sociales difficiles, et un accompagnement des enfants en situation de handicap imparfait.
Une véritable réforme s’impose ; son objectif principal devra être de placer le parcours de l’enfant au centre du dispositif. On ne peut résumer la situation en se contentant d’affirmer que les établissements et instituts sont la bonne réponse à apporter alors que les moyens sont insuffisants. Il faut une analyse globale du parcours de vie de l’enfant.
Des questions se posent : l’éducation nationale est-elle actuellement le meilleur gestionnaire de l’inclusion scolaire, ou ne faut-il pas s’appuyer davantage sur le médico-social ? Comment améliorer le dialogue entre ces deux mondes ? Ils ont tout de même en commun l’intérêt de l’enfant accompagné. Comment améliorer l’organisation sur le terrain, et mettre en place un statut professionnel satisfaisant pour les AESH ? Comment rendre, en somme, ce métier attractif ?
De nombreuses questions dont la réponse à l’heure actuelle demeure en suspens.
Concernant la proposition de loi que nous examinons, notre groupe politique s’est beaucoup interrogé sur le vote à exprimer, car voter favorablement risquerait d’inscrire dans le marbre et ainsi valider la situation précaire de ces agents de l’éducation nationale.
Cela risque d’être un moyen de pérenniser un système qui, pour l’instant, est défaillant.
Malgré cela, pour envoyer un signe positif aux agents, dont nous reconnaissons la qualité du travail, nous voterons en faveur de cette proposition de loi, tout en exprimant un vœu fondamental : la mise en place d’une véritable réforme de l’inclusion scolaire.
Nous partageons cet objectif avec les auteurs du texte actuel. Les moyens doivent être mis sur la table, car les résultats attendus ne sont pour l’instant pas satisfaisants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe SER.)