M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année, comme la précédente, a mis en lumière que le dérèglement climatique est, pour celles et ceux qui en douteraient encore, une réalité tangible, illustrée par une série de canicules, des feux de forêt gigantesques, des sécheresses record et des épisodes pluvio-orageux violents à répétition.
Par ailleurs, la guerre en Ukraine et l’aggravation de la crise énergétique qui en résulte ont entraîné des difficultés sociales et économiques pour une écrasante majorité de nos compatriotes, confrontés à une nette augmentation des prix de l’énergie et du carburant.
Ces enjeux nous obligent : loin de sombrer dans le fatalisme et la résignation, notre pays doit conduire une politique écologique et environnementale volontariste aux échelles nationale, européenne et mondiale.
Ces enjeux et ces difficultés nouvelles nous rappellent combien il est essentiel de placer notre pays sur la trajectoire de la neutralité carbone à l’horizon 2050 et de le sortir de sa dépendance aux énergies fossiles.
Ces enjeux, ce sont ceux de la mission que nous examinons aujourd’hui, présentés au travers des différents programmes portant les moyens financiers historiquement élevés que l’État a souhaité consacrer dans le PLF pour 2023 et dans la trajectoire pluriannuelle, ici présentée jusqu’en 2025.
Pour parvenir à ces objectifs ambitieux, mais impératifs, la transition écologique et énergétique doit être accélérée, avec une évolution des politiques portées par l’État, au travers tant des missions directement impulsées par les ministères de la transition écologique et de la transition énergétique que de celles des autres administrations publiques.
Cette démarche stratégique nationale et interministérielle doit permettre d’améliorer la résilience de nos écosystèmes, de renforcer la sobriété de nos modes de vie, de préserver la biodiversité et les ressources primaires, de conduire une transition socialement juste et de développer les filières vertes sur les territoires.
Oui, la reterritorialisation de la transition écologique est non pas un luxe, mais une nécessité !
Je veux, à ce stade, mettre l’accent sur le fonds pour l’accélération de la transition écologique dans les territoires, qui répond à la succession des crises climatiques.
Ce fonds doté de 2 milliards d’euros, soit 500 millions d’euros supplémentaires, permettra de soutenir les collectivités territoriales et leurs opérateurs dans leurs investissements, leurs aménagements, leurs choix d’urbanisme et les multiples services qu’ils proposent. Il portera de manière déconcentrée le financement du déploiement de la stratégie nationale pour la biodiversité dans les territoires.
Affronter la hausse des coûts de l’énergie, c’est accélérer la sortie des énergies fossiles et le développement des énergies renouvelables. Nos débats récents ont prouvé que nous pouvions converger sur le sujet.
Cette préoccupation de transition écologique, énergétique et solidaire, on la retrouve au cœur de la politique maritime de la France – deuxième puissance mondiale dans ce domaine, je le rappelle –, portée par le programme 205 dédié au développement durable des activités maritimes, au plus près des usagers de la mer et des territoires fluviaux, ainsi qu’au développement de nos ports maritimes, afin de limiter le transit routier.
Toutefois, nous le savons, lutter contre notre dépendance aux énergies fossiles passe par une nouvelle façon de se déplacer. Tel est l’objet du programme 203, dont 90 % des crédits soutiennent le développement de mobilités décarbonées : le ferroviaire, mais aussi le fluvial, le portuaire, le transport combiné et les mobilités douces.
Au passage, la trajectoire d’investissements prévue par la loi d’orientation des mobilités pour la période 2019-2023 a été respectée, et même dépassée. Ce fait mérite d’être souligné.
L’addition du programme 203 et du budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport (Afit France) pour 2023 porte le budget global dédié aux transports terrestres et fluviaux à plus de 9,3 milliards d’euros, en augmentation de 6 %.
Les engagements pour le secteur ferroviaire sont notables, même si l’effort de rattrapage reste pour partie devant nous après des décennies de sous-investissement. Le transport ferroviaire et le fret sont deux thématiques sur lesquelles le Gouvernement s’est fortement engagé durant la législature précédente, et je ne doute pas qu’il continuera à le faire, si j’en juge par ses annonces récentes.
S’agissant du transport fluvial, le PLF traduit un effort soutenu, grâce au plan de relance, à hauteur de 175 millions d’euros. Le contrat d’objectifs et de performance signé au printemps 2021 entre Voies navigables de France (VNF) et l’État a fixé une trajectoire ambitieuse d’investissements en régénération et modernisation du réseau fluvial.
Ces actions, auxquelles n’étaient consacrés en moyenne que 150 millions d’euros par an avant 2021, ont bénéficié de 230 millions d’euros en 2021 et 2022. Ce niveau sera maintenu en 2023, et la trajectoire ambitieuse s’accélérera à partir de 2026 et 2027.
Quant au transport aérien, il sort d’une crise sans précédent liée à l’épidémie de la covid-19. Le trafic aérien français a chuté de 70 % en 2020 et de 61 % en 2021 par rapport à 2019. En août dernier, il a retrouvé 90 % de son niveau enregistré en août 2019. Les mesures de soutien public mises en place par le Gouvernement dès le début de la crise sanitaire ont été indispensables à la survie du secteur.
Pourtant, la régulation du transport aérien joue un rôle essentiel dans la décarbonation. Beaucoup de travail reste à faire ; il nous faut continuer à progresser dans l’offre de solutions alternatives à l’avion, dans les efforts de décarbonation du secteur, dans la sensibilisation des consommateurs et dans le développement du ferroviaire – ce week-end, je dois avouer que c’est un peu compliqué…
Ce défi de la transition écologique, nous avons à le relever ensemble. Nous ne le relèverons pas les uns contre les autres, ni les uns au détriment des autres. Chacun est dans ses responsabilités, chacun est dans son rôle, même si, en quelque sorte, nous sommes toutes et tous dans le même bateau.
C’est donc un budget à l’offensive, avec une hausse inédite de près de 29 %, que nous présente le ministère de la transition écologique, et c’est pourquoi le groupe RDPI votera bien évidemment les crédits de cette mission. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Daniel Breuiller applaudit également.)
Mme Martine Filleul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances intervient dans un contexte particulier, celui d’une France en feu et d’une Europe en guerre.
Incendies, températures record, alertes sécheresse – y compris dans mon département du Nord, c’est pour dire ! (Sourires.) –, nappes phréatiques asséchées, manque d’eau… Mais le contexte, c’est aussi la guerre en Ukraine, qui met en lumière notre dépendance à l’égard de puissances étrangères et des énergies fossiles.
Ce moment si particulier devrait nous amener à répondre aux enjeux de ce que l’on peut appeler le défi, notre défi pour le XXIe siècle, et à respecter les engagements environnementaux pris par la France.
Or il n’en est rien. Au pied du mur, face au risque de pénurie, le Gouvernement n’a trouvé comme réponse que des retours en arrière. Avec le projet de loi relatif à l’accélération de la production des énergies renouvelables, c’est le terminal méthanier du Havre, le gaz de schiste et les centrales à charbon qui ont fait leur triste retour.
Nous déplorons grandement le manque d’anticipation et de vision d’ensemble du Gouvernement pour que la France se dote d’une réelle politique environnementale. L’examen de cette mission dite « Écologie » le confirme : le virage tant attendu et tant annoncé n’aura pas lieu.
Si le budget est en hausse, c’est bien parce qu’il y a financement de mesures d’urgence liée à la crise énergétique : bouclier tarifaire et soutien aux effacements de consommation énergétique. Mais le budget ne comporte aucune réforme structurelle permettant de financer l’accélération de la transition écologique.
Ainsi, on constate que les crédits alloués au transport routier, notamment à l’entretien des routes, sont en forte hausse, alors que les crédits dédiés aux transports collectifs et combinés sont en baisse. D’autres actions bénéficient bien d’augmentations, comme le ferroviaire et les voies navigables, mais celles-ci sont tout à fait modestes.
La situation est inquiétante en particulier pour la filiale Réseau SNCF. Les perturbations en chaîne se multiplient, de nombreux usagers partout dans les territoires, notamment dans les Hauts-de-France, souffrent quotidiennement de désagréments. La rénovation des voies ferrées, âgées de 30 ans en moyenne en France, devient de plus en plus urgente. Le Gouvernement n’émet aucun signal pour trouver une solution à ce problème majeur, contrairement aux promesses qui avaient été faites.
Les crédits accordés au programme « Paysages, eau et biodiversité » vont dans la bonne direction, mais restent en deçà de ce qui est nécessaire au regard des enjeux qui seront largement évoqués lors de la COP15 biodiversité à Montréal. Surtout, alors que la France entend incarner un leadership fort dans ce combat, quelle crédibilité accorder à notre parole quand ces financements restent notoirement insuffisants ?
Enfin, j’aurai un mot particulier pour le nouveau programme « fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires », ou fonds vert : il va dans le bon sens, car le rôle des collectivités est effectivement fondamental dans cette transition écologique, mais nous restons encore dans l’attente de précisions sur la manière dont il sera utilisé.
En conclusion, nous attendons tout d’abord que les mesures prises par ce gouvernement soient à la hauteur des engagements du Président de la République, lorsqu’il affirmait : « Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas. »
Ensuite, nous ne voulons plus voir l’État français condamné pour inaction climatique.
Enfin, nous voulons que la France rattrape son retard et soit exemplaire dans le combat pour l’écologie, le développement et les mobilités durables. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour contextualiser ce budget pour 2023 frappé du sceau de l’article 49.3, il est utile de rappeler l’urgence maintes fois réitérée par les scientifiques de prendre en compte l’accélération alarmante du réchauffement climatique.
Néanmoins, une fois encore, il est difficile de considérer que la COP27 fut un succès. Comme le dit très justement Jean-Marc Jancovici, une COP, c’est énormément de discussions pour finir par arriver à un texte qui est souvent malheureusement une déclaration d’intention. Le nombre des lobbyistes des énergies fossiles à la COP27 dépasse d’ailleurs le total des représentants des dix pays les plus touchés par le changement climatique.
Avec presque 32 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 30,5 milliards d’euros en crédits de paiement, le budget en faveur de l’écologie affiche certes une hausse notoire, mais intègre près de 9 milliards d’euros destinés à financer des aides aux consommateurs, notamment le bouclier tarifaire. Dans le même temps, il faut le dire, TotalEnergies enregistre des bénéfices record, sans parler des plus de 2 milliards d’euros de dividendes exceptionnels annoncés.
Certes, la France a le mérite de se fixer des objectifs ambitieux dans sa stratégie nationale bas-carbone pour contenir les émissions de gaz à effet de serre et la hausse des températures à 2 degrés d’ici à 2050.
Cependant, les objectifs doivent être suivis de moyens. Or, jusqu’ici, ces derniers sont très insuffisants et nous ont valu d’être condamnés à quatre reprises pour inaction climatique depuis 2017. La dernière de ces condamnations coûtera 500 millions d’euros, une somme qui aurait pu valablement abonder ce budget…
Quant au fonds vert évoqué par mes collègues, il a été porté à 2 milliards d’euros pour permettre aux collectivités d’accélérer la transition énergétique. Il semble être assorti d’un objectif multiplicateur de quatre, ce qui se traduirait par un taux de subvention égal à 25 %…
Dans ces conditions, il est à craindre que ce fonds bénéficie aux collectivités les mieux dotées, à la fois en moyens humains, pour répondre à des appels à projets toujours plus complexes, et en capacité d’investir sur leurs fonds propres, pour répondre à des critères qui, pour le moment, restent assez flous.
Le Gouvernement a raison de dire qu’il n’y a pas d’argent magique. Mais l’urgence climatique est là, et bien là. L’été 2022 restera dans les mémoires comme l’été de la fin de l’insouciance.
Dans mon département, comme dans d’autres d’ailleurs, au-delà des incendies à répétition, la tempête de grêle incroyablement dévastatrice a provoqué des pertes considérables pour nos agriculteurs et nos concitoyens, dont les maisons sont encore à ce jour habillées de bâches dans le Ribéracois.
L’indispensable transition écologique nous oblige à des investissements importants et à une plus juste répartition des richesses produites.
Avec seulement deux réformes, la suppression de l’ISF et le prélèvement sur les APL, le Gouvernement a pris 1,3 milliard d’euros aux bénéficiaires de l’aide au logement et en a redistribué presque trois fois plus aux plus riches des Français.
Contrairement à d’autres pays voisins, la France a refusé de taxer les profits exceptionnels suscités grâce et à cause de la crise. Monsieur le ministre, on ne peut pas parler de transition écologique si l’on ne parle pas de justice sociale !
Nous avons besoin de réformes structurelles : adaptation de nos forêts, de nos bâtiments et de nos infrastructures, rénovation efficace de nos logements, investissements dans le transport responsable de 30 % de nos gaz à effet de serre… Tout cela nécessite des investissements importants.
Or, dans ce budget, on ne trouve pas de hausse significative des crédits en faveur du ferroviaire, alors que, pour atteindre l’objectif fixé par la stratégie nationale bas-carbone, près de 3 milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an seraient nécessaires jusqu’en 2030. Je le rappelle, le fret ferroviaire ne représente que 9 % du transport des marchandises, contre 89 % pour la route, quand la moyenne européenne est de 18 %.
La politique de rénovation thermique n’est pas non plus suffisamment ambitieuse, me semble-t-il. Bien qu’il soit abondé dans ce budget, le dispositif MaPrimeRénov’ reste insuffisant, dans la mesure où aucun gain de consommation énergétique minimal n’est requis.
L’an dernier, seuls 2 500 logements sont sortis du statut de passoires thermiques. Sur plus de 700 000 primes accordées en 2021, pour un montant de 2,8 milliards d’euros, seuls 60 000 logements ont fait l’objet d’une rénovation globale. Le reste à charge conduit en effet les ménages à y renoncer.
Enfin, cette mission nous est présentée après des échanges riches sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production des énergies renouvelables, adopté en première lecture au Sénat.
Or ce projet de loi de finances ne prévoit aucune ligne budgétaire de soutien à ces énergies, qui restent dans le secteur concurrentiel. L’investissement dans les énergies renouvelables reste tributaire du prix de l’énergie, ouvert à la concurrence.
La bifurcation écologique implique une réindustrialisation, des relocalisations et des créations d’emplois. Elle nécessite la reconstruction de filières industrielles françaises dans le renouvelable et la création d’un pôle public de l’énergie, car l’État doit garder la main sur ce que sont nos biens communs au regard des enjeux sociaux, humains, écologiques, de souveraineté et d’indépendance de notre pays.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe CRCE ne votera pas le budget de cette mission.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà parvenus à l’examen d’une mission fondamentale pour l’atteinte de nos ambitions climatiques et environnementales.
Les moyens et les crédits portés par les programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ont en effet vocation à préparer notre pays aux défis immenses de l’adaptation au changement climatique et à atteindre un meilleur niveau de résilience de nos territoires.
Par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, les autorisations d’engagement de la mission pour 2023 augmentent de plus de 10 milliards d’euros dans le texte transmis au Sénat après l’engagement de l’article 49.3, contre 6,8 milliards d’euros dans le texte initial. Je ne puis que saluer cette amélioration.
Parmi les points de satisfaction à noter, ce budget renforce fortement les aides à l’achat de véhicules électriques, ce qui permettra à davantage de nos concitoyens de s’équiper de véhicules propres, dans la continuité des propositions formulées par notre collègue Philippe Tabarot lors des débats sur la loi Climat et résilience.
J’appelle néanmoins le Gouvernement à agir au niveau européen, afin de restreindre au maximum ces aides à des véhicules produits en Europe. Il y va de notre souveraineté industrielle.
Un point de satisfaction important concerne la stabilité des schémas d’emplois de la mission du pôle ministériel et des opérateurs rattachés ; après une décennie de baisse drastique, il était temps de mettre fin à l’hémorragie !
Nous savons que la transition écologique sera intensive en moyens humains et nécessitera un pilotage appuyé sur une expertise publique qu’il faut dès à présent conforter, grâce notamment à l’Ademe, au Cerema, à Météo-France ou à l’IGN. Nous serons donc vigilants quant au respect, par le Gouvernement, de sa promesse de préserver les effectifs au cours du quinquennat.
Malgré ce budget globalement satisfaisant, il subsiste des points d’inquiétude importants : le gigantisme du bouclier tarifaire sur les carburants entraîne un brunissement marqué de la trajectoire environnementale du budget de l’État. Les dépenses défavorables augmenteront de 90 % par rapport à 2022 !
Je souscris bien entendu au soutien aux ménages modestes face à l’inflation des coûts de l’énergie, mais je déplore l’absence de compensation et les conséquences à moyen terme sur nos efforts de verdissement par ailleurs. La cohérence de nos politiques publiques gagnerait à ce qu’on mette fin à cet « effet Pénélope », qui consiste à défaire la nuit les efforts patiemment accomplis le jour.
J’ai un autre sujet de préoccupation important, concernant le fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, doté de 2 milliards d’euros. Ce fonds vert se veut une solution de soutien aux collectivités, alors même que les capacités financières de ces dernières ont été malmenées successivement par les tensions inflationnistes, la sous-indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et la suppression annoncée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Ainsi, ce fonds vert, qui consiste en réalité davantage en une pérennisation de crédits initialement déployés dans le cadre du plan de relance, comme le fonds Friches, revêt plus d’un effet d’annonce que d’une réelle nouveauté.
Par ailleurs, la mise en œuvre pratique de ce fonds nourrit des inquiétudes concernant le mécanisme d’attribution des aides. À la main des préfets, pour garantir la souplesse de l’attribution des aides, j’aimerais que l’on puisse m’assurer que les communes aux moyens humains limités seront bien en mesure d’y accéder, car ce sont précisément pour celles-ci que les aides présentent l’effet de levier le plus important.
Sous le bénéfice de ces observations, je salue la stabilité de ce budget, l’arrêt de l’hémorragie des emplois au sein des opérateurs rattachés, ainsi que la priorité croissante donnée à l’environnement. Je ne saurais trop inviter le Gouvernement à poursuivre dans cette voie.
Notre groupe votera en faveur de l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bruno Belin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)
M. Stéphane Artano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la COP27, l’examen de ce budget nous permet de faire le point sur les principales politiques qui concourent à la réalisation de l’objectif de la neutralité carbone en 2050.
Or on peut légitimement se demander comment les États, de plus en plus endettés, pourront faire face au mur des investissements nécessaires à la transition énergétique et écologique.
Cette année constitue donc un tournant sur le plan énergétique. La guerre en Ukraine nous a rappelé notre fragilité et notre dépendance aux énergies fossiles. Cette année, les énergies renouvelables rapportent des recettes à l’État du fait de l’explosion des prix de l’électricité sur les marchés, ce qui nous permet de financer les aides mises en place en France pour répondre à une situation probablement durable : blocage des tarifs réglementés, bouclier tarifaire, amortissement électricité, filet de sécurité pour les collectivités territoriales, chèque énergie, etc.
Le coût du maintien de l’économie et de la protection contre la précarité et de la paix sociale pour ces quelques mois représente tout de même 45 milliards d’euros, rien que pour le bouclier tarifaire. Mais, on le conçoit parfaitement, on ne pouvait pas ne rien faire pour préserver les ménages et les entreprises. Après une crise sanitaire ayant paralysé l’économie, celle-ci se trouve néanmoins en perpétuelle perfusion d’argent public.
Les collectivités territoriales bénéficieront finalement d’un soutien important au travers des différents dispositifs prévus par les lois de finances initiale et rectificative. Nous y reviendrons plus longuement et plus sereinement lors de l’examen de la proposition de loi qui sera examinée la semaine prochaine.
Cependant, l’avenir de ces aides reste flou, alors que les prix de l’énergie ne peuvent que connaître une hausse structurelle. Jusqu’à quand pourra-t-on tenir ce rythme ?
Les mesures adoptées ces derniers mois ne pourront être indéfiniment prolongées. Le Gouvernement a déposé un nouvel amendement visant à rehausser de 6 milliards d’euros les crédits du programme « Service public de l’énergie », dont environ 2 milliards d’euros pour étendre le bouclier tarifaire, y compris rétroactivement, aux structures collectives d’habitat qui avaient été oubliées en 2022. Je me réjouis de cette intégration.
Aussi, la responsabilité nous incombe de progresser pour relever le défi historique que nous impose le changement climatique, l’épuisement des ressources naturelles et la préservation de la biodiversité.
Il nous faut donc aller vers davantage de sobriété, ce mot que certains n’osaient prononcer et qui, désormais, ne cesse d’être répété. Pour cela, le chantier de la rénovation énergétique des logements et des bâtiments publics et tertiaires devrait constituer une priorité. Le plan de sobriété constitue une première réponse, mais l’ampleur des besoins et la nécessité de développer des compétences et des filières très rapidement ne peuvent que nous donner le vertige.
Il aurait fallu dans l’idéal favoriser les travaux lors des mutations des biens ou des changements de locataires. Nous aurions pu voter cette mesure en 2019, lors de l’examen de la loi Énergie-climat, ou encore en 2021, lors de l’examen de la loi Climat et résilience.
Pendant ce temps-là, nous continuons à accroître les montants consacrés à MaPrimeRénov’. Certes, cette hausse est bienvenue, mais ces dépenses publiques sont surtout orientées vers des monogestes sans grand effet sur la consommation énergétique des ménages et sur le climat.
En matière de transports, si la trajectoire d’investissements de la loi d’orientation des mobilités est en passe d’être respectée, celle qui doit nous conduire vers la neutralité carbone ne l’est pas. La décarbonation de ce secteur repose pour beaucoup sur le développement du transport ferroviaire, qui doit être une solution de rechange à la fois au transport routier et au transport aérien.
La compétitivité du secteur ferroviaire repose avant tout sur les investissements qui doivent être consacrés à la régénération et à la modernisation du réseau. Beaucoup reste à faire pour engager le report modal vers le rail. Nous voterons en faveur de l’amendement proposé par la commission visant à allouer 150 millions d’euros supplémentaires à la régénération du réseau.
Enfin, je dirai un mot rapide du fonds vert. Au-delà de l’effet d’annonce, nous espérons qu’il ne s’agira pas d’un simple recyclage de crédits précédemment octroyés. Nous aurions souhaité disposer des modalités précises de fonctionnement et d’affectation des crédits avant l’examen du projet de loi de finances.
Pour conclure, nous voyons naturellement d’un mauvais œil les économies proposées par la commission des finances sur cette mission, soit plus de 700 millions d’euros. On pouvait certes estimer que les actions concernées étaient surdotées, mais ces crédits auraient pu être réaffectés à d’autres programmes visant à financer les transports, les aides à la rénovation énergétique, la préservation de la biodiversité, le renforcement de la prévention des risques ou encore le fonds vert.
Malgré tout, le groupe RDSE votera en faveur de ces crédits et restera attentif au sort réservé à ses amendements. (MM. Frédéric Marchand et Jean-Claude Requier applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette mission illustre la relative légèreté avec laquelle le Gouvernement aborde la transition écologique dans les territoires.
Nous sommes témoins des maladresses, pour rester dans la litote et la pondération sénatoriale, à l’encontre des territoires, notamment ruraux.
Le « zéro artificialisation nette » va sans doute paralyser et scléroser les collectivités locales, quand bien même elles seraient capables de déployer des trésors d’ingéniosité pour résister à cette folie technocratique.
Quant aux zones à faibles émissions, le Gouvernement n’en mesure pas toujours le caractère discriminant et excluant pour les habitants du monde rural.
Nous avons aussi depuis peu des projets de loi sur la politique énergétique « saucissonnés », comme pour mieux occulter les erreurs majeures commises il y a dix ans concernant les orientations stratégiques de notre pays en matière énergétique – une stratégie de Gribouille qui nous conduira à de probables coupures électriques cet hiver…
Dans le domaine budgétaire, on trouve ici et là les marques de cette légèreté. C’est le cas avec le programme 380, « Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires ».
Sur la forme, nous assistons à un habituel recyclage de crédits d’un programme à un autre, d’une action à une autre. Les plus bienveillants y verront sans doute une contribution involontaire ou ironique à l’économie circulaire chère à Brune Poirson, qui, depuis lors, s’est perdue dans les limbes… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Notre rapporteur spécial Christine Lavarde l’a dit fort opportunément, de nombreuses politiques menées dans le cadre du programme 380 sont des continuations des dispositifs du programme 362, « Écologie », de la mission « Plan de relance ».
Concrètement, le fonds Friches est directement tiré du plan de relance, tout comme les crédits consacrés à la rénovation thermique des bâtiments, aux politiques de soutien au tri à la source et à la valorisation des biodéchets, à la prévention des risques et à l’appui aux politiques de la biodiversité.
Christine Lavarde l’a parfaitement dit : la répartition des crédits au sein des trois actions du programme n’est pas détaillée dans les documents budgétaires et le financement de nombreuses politiques de fond a été détaillé après coup, soit dans la presse, soit en audition devant le Parlement.
Il est tout de même incroyable que le principe de sincérité budgétaire qui, me semble-t-il, implique l’exhaustivité, la cohérence et l’exactitude des informations financières fournies par l’État soit une fois de plus ignoré !
J’en viens à la rénovation énergétique des bâtiments et plus particulièrement au fonctionnement, ou plutôt au dysfonctionnement chronique, du dispositif d’aide publique aux travaux d’économies d’énergie appelé « MaPrimeRénov’ ».
Ce dispositif, attendu et très sollicité, a fait l’objet de financements par l’Agence nationale de l’habitat (Anah) pour un montant cumulé d’un peu plus de 5 milliards d’euros. Naturellement, la hausse des factures énergétiques, qui pèse fortement dans le budget des ménages, particulièrement depuis un an, vient alimenter un flot grandissant de demandes sur la plateforme MaPrimeRénov’.
Néanmoins, ce dispositif d’aide publique est grippé. Il s’apparente parfois à une boîte noire ou à une machine à produire des sacs de nœuds, qui finissent par décourager les volontés des personnes en situation de précarité énergétique les plus chevronnées et les plus déterminées.
Depuis sa mise en place en 2020, cela fait des mois que les administrés s’agacent des difficultés à trouver des interlocuteurs ou se plaignent de bugs techniques répétés. Nous avions déjà relayé ce mécontentement auprès d’Emmanuelle Wargon.
Il peut paraître étonnant, monsieur le ministre, d’évoquer avec vous des problèmes de bug. C’est pourtant bien un facteur de blocage. Impossibilité de créer un compte ou un dossier, de déposer en ligne des pièces justificatives, de modifier les éléments du dossier, voilà bien des freins très concrets, qui conduisent parfois les usagers les plus précaires à renoncer.
Près de trois ans après sa création, le dispositif MaPrimeRénov’ continue de pâtir des conditions dans lesquelles il a été conçu. Il s’agissait alors – souvenons-nous !– de mettre en œuvre, dans des délais extrêmement courts, la promesse politique de simplifier les aides aux travaux de rénovation, avec l’ambition d’accélérer la transition énergétique.
Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour nous épargner le refrain habituel de certains de vos collègues, qui sonne, à force d’être asséné, comme une dérobade. Chaque fois que nous demandons des actes, ils nous répondent : « Nous y travaillons », ou une variante : « Nous avons besoin de travailler sur le sujet ».
Pour notre part, nous souhaitons toujours améliorer la plateforme de traitement des demandes – l’attente est forte – et élargir l’aide, initialement réservée aux propriétaires occupants aux revenus modestes, à l’ensemble des propriétaires occupants ou des copropriétaires, puis aux propriétaires bailleurs.
Toutefois, de grâce, il ne sert à rien d’afficher des crédits budgétaires si l’on n’est pas capable d’améliorer fortement, et surtout rapidement, la capacité opérationnelle du dispositif en fluidifiant le traitement des demandes ! Cela serait totalement contre-productif et cela viendrait affaiblir un peu plus, si besoin était, la parole publique.
Il est temps, monsieur le ministre, de mettre un peu d’ordre dans les politiques publiques. Malheureusement, il est à craindre que nous ne devions reporter nos espoirs sur le prochain PLF. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)