MM. Jean-François Husson et Roger Karoutchi. Excellent !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les programmes budgétaires relatifs aux transports affichent une forme de continuité pour l’année 2023. Cela pourrait sembler rassurant dans la mesure où les investissements dans les infrastructures de transport sont, par nature, des opérations pluriannuelles, qui exigent constance et permanence.
Pourtant, cette situation nous inquiète.
Elle nous inquiète, car nous savons à quel point les besoins d’investissements dans les infrastructures de transport sont criants, à quel point ces infrastructures sont dégradées et à quel point il faudrait plus de moyens. Nous sommes d’autant plus préoccupés que cette situation tend à s’aggraver ; le réseau ferroviaire en est le meilleur, ou plutôt le pire des exemples.
Le Gouvernement avait annoncé un signe sur les infrastructures ferroviaires, mais nous avons eu beau chercher, nous n’avons rien trouvé. Pis, le ministre chargé des transports a annoncé comme objectif le maintien du niveau actuel du réseau ferroviaire. Un tel objectif nous paraît particulièrement peu ambitieux quand on connaît l’état de dégradation du réseau. À cet égard, je rappelle que l’âge moyen du réseau en France est de 30 ans, contre 17 ans en Allemagne. Cet objectif se révèle de surcroît improbable en raison des effets de l’inflation, dont nous reparlerons.
Le Gouvernement nous renvoie à l’année prochaine, dans l’attente des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), qui devront conduire à une nouvelle programmation de financement présentée au Parlement d’ici à la mi-2023, comme l’impose la loi d’orientation des mobilités (LOM).
Sans présumer la conclusion de ses travaux, on sait déjà qu’ils impliqueront un véritable exercice de confrontation à la réalité : celle d’un mur d’investissements colossal.
À cet égard, il est déjà clair que l’enveloppe qui avait été prévue dans la LOM pour la période 2023-2027 sera nettement insuffisante, a fortiori si on ajoute les projets de RER annoncés par le Président de la République, dont nous reparlerons plus tard.
Enfin, cette continuité apparente nous préoccupe d’autant plus dans la période actuelle d’inflation, où les coûts des chantiers explosent. Le maintien des trajectoires de financement en euros courants serait une catastrophe pour la régénération du réseau ferroviaire.
Alors que les investissements sont déjà notoirement insuffisants, comme je l’ai indiqué, les conséquences de l’inflation pourraient s’élever à 500 millions d’euros en année pleine.
Dans le rapport d’information que Stéphane Sautarel et moi avons présenté au mois de février dernier, nous avions dit tout le mal que l’on pensait du contrat de « contre-performance » de SNCF Réseau.
S’il n’est pas révisé, notre réseau ferroviaire pourrait se déliter et les ralentissements récurrents que l’on observe jusqu’à présent sur les petites lignes pourraient se diffuser sur les lignes les plus circulées.
Face à ce constat, nous avons acquis la conviction qu’il n’est pas raisonnable d’attendre l’année prochaine. C’est pour cette raison que nous défendons, au nom de la commission des finances, un amendement visant à augmenter dès cette année les investissements de SNCF Réseau dans les infrastructures ferroviaires.
Quant à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), elle continue de pâtir du décalage manifeste entre le caractère certain de ses dépenses pluriannuelles et la grande volatilité de certaines des recettes.
Nous sommes d’ailleurs scandalisés par l’attitude des sociétés concessionnaires d’autoroutes, qui, parce qu’elles sont en conflit avec l’État concernant la taxe d’aménagement du territoire, refusent toujours de verser, pour la deuxième année consécutive, la contribution de 60 millions d’euros qu’elles doivent à l’Afit France. C’est proprement scandaleux !
Par ailleurs, lors de nos auditions, nous avons été très surpris d’apprendre que, cette année, l’Afit France a été limitée non par ses recettes, mais par sa capacité à dépenser les crédits qui lui sont alloués.
Cette situation est tout à fait ubuesque au regard des besoins d’investissements dans les infrastructures de transports. Elle s’expliquerait, selon nos interlocuteurs, notamment par le fait que, dans le cadre du plan de relance, de nombreux maîtres d’ouvrage ont présenté des calendriers peu réalistes et que, par ailleurs, les appels de fonds ont été très tardifs dans certains cas. Il faut évidemment remédier à cette situation.
Il convient également de noter que, depuis 2020, sans les crédits du plan de relance, les trajectoires prévues par la LOM n’auraient sans doute pas été respectées. En 2023, grâce aux crédits du plan de relance, le montant prévisionnel des dépenses de l’Afit France est certes inédit, puisqu’il atteindra 3,8 milliards d’euros, mais, compte tenu des révisions à la baisse qui interviennent de façon récurrente au fil des budgets rectificatifs, nous préférons à ce stade rester prudents, voire dubitatifs ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le prolongement de l’intervention de mon collègue, je commencerai par dire que, en dehors de quelques effets de périmètre, les crédits du programme 203, « Infrastructures et services de transports », devraient rester très stables en 2023.
Les financements alloués à l’entretien du réseau routier national poursuivent leur progression et respecteront l’objectif de la LOM. En revanche, les financements des trains de nuit, notamment pour le renouvellement du matériel roulant, ne sont pas à la hauteur. Quant aux moyens humains de Voies navigables de France, ils suscitent des interrogations.
Le projet de loi de finances pour 2023 maintient les nouvelles aides d’exploitation en faveur du fret ferroviaire. C’est heureux, car, sans ces aides, nous n’atteindrons jamais l’objectif que l’on s’est fixé de doubler la part modale du fret ferroviaire d’ici à 2030.
Cependant, les opérateurs de fret sont aujourd’hui menacés par le péril des prix de l’énergie, comme bien d’autres. L’an dernier, une aide exceptionnelle de 26 millions d’euros avait permis de couvrir une part de leurs surcoûts. En 2023, ces surcoûts devraient quadrupler pour atteindre 400 millions d’euros. Cette situation pourrait donc réellement mettre le secteur en péril.
Aucune aide n’est prévue dans le PLF, mais nous avons appris que le ministère des transports et le secteur échangent pour concevoir un dispositif, sur lequel nous aimerions obtenir des précisions.
Au-delà des aides à l’exploitation, l’enjeu majeur est l’investissement dans les infrastructures, comme l’a rappelé Hervé Maurey. Au total, 10 milliards d’euros seront nécessaires d’ici à 2030, spécifiquement pour le fret. Malheureusement, le contrat de performance de SNCF Réseau est très minimaliste sur ce sujet, ce qui semble admis par tous. En tout cas, cela ne suscite aucune réaction à ce jour.
Nous vous avons déjà fait part de notre profonde inquiétude s’agissant de la régénération du réseau ferroviaire. Mais, au-delà de cette régénération, nous ne comprenons pas qu’aucun financement ne soit prévu pour moderniser notre réseau. Nous voulons bien sûr parler des programmes de commande centralisée du réseau et d’ERTMS, le système européen de signalisation ferroviaire, deux innovations qui sont sources de gains de performance considérables, de retours sur investissement et que la plupart de nos voisins européens ont déjà déployées.
En plus de l’amendement que mon collègue et moi-même avons déposé visant à abonder en urgence l’enveloppe de régénération du réseau ferroviaire, la commission des finances défend une majoration, bien plus modeste, de 4,6 millions d’euros de la subvention versée à l’Autorité de régulation des transports. Celle-ci s’est vu confier de nouvelles missions et de nouveaux effectifs ces dernières années, sans que l’État lui donne les moyens de les financer, alors que ses réserves s’amenuisent. Cette situation est d’autant moins soutenable que l’Autorité est exposée à de nombreux contentieux et qu’elle est son propre assureur. La perte d’un litige pourrait la mettre en grave difficulté.
Les programmes 355, « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État », en rythme de croisière, et 205, « Affaires maritimes, pêche et aquaculture », marqué par une évolution du périmètre, n’appellent pas de commentaires particuliers.
Enfin, nous ne pouvons conclure notre présentation des crédits relatifs aux transports de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sans manifester notre incompréhension, pour ne pas dire plus, après les dernières déclarations du Président de la République concernant les projets de RER métropolitains.
Loin de nous la volonté de remettre en cause l’utilité de tels projets, mais, sur la forme, quelle désinvolture ! Quel mépris de la représentation nationale ! Comment peut-on faire une telle annonce au détour d’une séquence YouTube, sans esquisser de pistes de financement sérieuses ? Un tel projet coûterait des milliards d’euros, que nous n’avons pas, à moins que le Gouvernement ne nous soumette un nouvel amendement en urgence.
Alors que le Gouvernement ne cesse de nous demander de patienter, d’attendre la conclusion des travaux du COI et la nouvelle programmation des investissements retenus, alors qu’un mur d’investissements va se dresser devant nous et qu’il va falloir déterminer des priorités, comment interpréter cette annonce ? Comment ne pas y voir un nouveau contournement de la démocratie représentative ?
Les contradictions manifestes entre les déclarations du Gouvernement et cette annonce témoignent non seulement d’un manque de considération pour le Parlement, mais, plus grave encore, elles affectent la crédibilité du message public, dans une confusion généralisée et entretenue.
Il est probablement plus facile d’annoncer un projet non financé que de renforcer les moyens alloués à un réseau ferroviaire en voie de dégradation avancée – y compris bientôt sur ses lignes les plus structurantes –, dégradation que l’on voudrait masquer derrière ce type de paravent, au moment même où, par ailleurs, on n’obtient aucune réponse concernant le RER parisien.
De notre côté, nous assumons de répondre à l’urgence en faisant un indispensable effort, souvent annoncé par le Gouvernement, mais jamais concrétisé, en faveur des infrastructures ferroviaires gravement menacées par le choc inflationniste.
Comme nous l’avons indiqué dans notre rapport, nous sommes prêts à nous engager sur des voies d’innovation financière pour décarboner nos mobilités, mailler le territoire sans ignorer les territoires ruraux, soutenir le pouvoir d’achat, accroître la transparence des coûts, notamment en abordant enfin la question du poids des péages dans notre pays et celle des tarifs pour développer une politique de l’offre.
Bien que nous ayons émis d’importantes réserves sur ce projet de budget, qu’aucune mesure n’ait été introduite après la publication de notre rapport de contrôle, la commission, après avoir proposé l’adoption des deux amendements que mon collègue et moi-même venons d’évoquer, a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Daniel Gremillet et Jean-François Husson applaudissent également.)
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 159 que je vais vous présenter regroupe les subventions pour charges de service public du Cerema, de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France.
Depuis plus de dix ans, ces opérateurs avaient connu des baisses ininterrompues d’effectifs et de moyens financiers. Sans doute des gains d’efficience devaient-ils être réalisés, je veux bien le croire, et les opérateurs du programme 159 ont bien sûr effectué leur part, toute leur part et très largement leur part, des efforts de maîtrise des dépenses publiques.
La rigueur budgétaire trouve parfois ses limites et j’ai pu constater, à l’occasion des deux derniers contrôles budgétaires que j’ai effectués au nom de la commission des finances, que ces limites avaient été atteintes pour Météo-France et qu’il était nécessaire de donner un peu d’air à l’IGN. À cet égard, peut-être, monsieur le ministre, avez-vous entendu la commission ? Les chiffres, en tout cas, évoluent, et je m’en félicite. Je reviendrai sur l’IGN, qui est en train d’accomplir une mutation qu’il faut soutenir.
Sur le Cerema, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) avait livré dans un rapport en 2021 une analyse pour le moins alarmiste sur les tendances à l’œuvre au sein de l’opérateur.
Ainsi, pour le programme 159, l’année 2023 sera celle de l’inflexion de ses trajectoires budgétaires baissières devenues intenables. Pour Météo-France, c’était d’autant plus nécessaire que cet opérateur est sans doute le plus affecté par la hausse du coût de l’énergie : ses supercalculateurs sont très gourmands en électricité.
Dans un rapport d’information, j’ai présenté au mois d’octobre la mue qu’a accomplie l’Institut national de l’information géographique et forestière. Celui-ci porte des enjeux majeurs en matière de souveraineté des données géolocalisées. Cet établissement devait se transformer pour ne pas être marginalisé ou risquer de disparaître. La trajectoire qu’il engage est difficile, mais il s’agit d’une option réaliste, pour ne pas dire la seule possible.
C’est un sujet de souveraineté que de garder un acteur de référence dans le domaine des données géolocalisées. C’est la raison pour laquelle il fallait sans doute desserrer la contrainte budgétaire, ce qui a été fait partiellement, s’agissant en particulier des effectifs. Je me félicite de cette évolution dans ce projet de loi de finances.
Le modèle économique de l’IGN, qui repose sur l’obtention de grands contrats d’accompagnement des politiques publiques, n’est pas sans risque. Il nous faudra en évaluer la viabilité, notamment à l’horizon 2025.
Je tiens à saluer l’évolution du Cerema ces dernières années. Après avoir été beaucoup malmené, il a retrouvé une dynamique positive. Il a effectué des choix dans ses missions, ce qui a été douloureux. Il faut saluer cette mutation. Le Cerema se projette dans son nouveau modèle de quasi-régie conjointe entre l’État et les collectivités locales, prévu par la loi 3DS. Ce nouveau modèle devrait porter ses fruits.
L’opérateur bénéficie lui aussi de l’inflexion budgétaire que l’on constate en 2023 sur le programme 159. Il en avait également grand besoin. Le partenariat renouvelé avec les collectivités locales devrait être confirmé, car c’est un axe majeur de la stratégie de cet opérateur.
J’en viens au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », qui regroupe les crédits de la direction générale de l’aviation civile (DGAC). Ses ressources provenant non pas du budget de l’État, mais du secteur du transport aérien, qui paie des redevances pour l’utilisation de ses services, chacun comprend que l’équilibre budgétaire a été quelque peu malmené ces dernières années en raison de la baisse du trafic.
Si le trafic a clairement repris cette année, il pourrait rester en 2023 inférieur de 20 % au niveau d’avant la crise. C’est un élément qui affecte évidemment les équilibres financiers. Alors que le secteur est convalescent, il se trouve désormais exposé à la crise du prix de l’énergie. La compétitivité des compagnies reste fragile. Ce paramètre, trop souvent éludé, doit être pris en compte dans l’équation globale.
Plutôt que de financer par le budget de l’État la diminution, à la suite de la baisse du trafic, des redevances en 2020 et 2021, il a été décidé de lisser cette perte sur sept ans. Les conséquences financières de la crise ont ainsi été reportées.
À partir de 2023, les redevances devraient de nouveau connaître une hausse importante. Cela a commencé à être le cas l’année dernière, mais un nouveau palier est en train d’être franchi. Cela permettra de payer le déficit des années du covid-19.
Ce secteur convalescent est confronté à la nécessité de financer la transition énergétique et la consolidation du ciel européen. En outre, les coûts de la sûreté augmentent. Il s’agit de faire passer le trafic avec les nécessités du contrôle aérien.
À cet égard, une modernisation des programmes est en cours. On peut se féliciter que le programme de modernisation du contrôle aérien dit « 4-Flight » avance bien, monsieur le ministre, et qu’il soit à présent en phase de déploiement. Il sera déployé dans un second centre à Aix-en-Provence. En revanche, j’ai une petite inquiétude s’agissant du projet Coflight.
Par ailleurs, la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) doit poursuivre son effort de rationalisation, qui est fort bien engagé. Je rappelle toutefois que la modernisation suppose aussi de la flexibilité s’agissant de la présence des contrôleurs.
La DGAC va relancer les négociations sur un nouveau protocole social. Comme je l’ai indiqué dans mon rapport, les contrôleurs sont gagnants, mais l’État y est peut-être perdant. C’est une préoccupation que je veux partager avec vous.
Par ailleurs, la baisse du nombre de fonctionnaires de la police aux frontières dans les grands aéroports est une réelle préoccupation, notamment à l’approche des jeux Olympiques. En outre, la reprise du trafic aérien entraîne un engorgement.
Enfin, il faudra veiller à l’évolution des crédits du Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac), qui finance la recherche sur la mutation écologique du transport aérien. À partir de 2025, ces crédits risquent en effet de diminuer.
Tels sont les quelques éléments que je tenais à évoquer. Je suis favorable à l’adoption des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2023 intervient dans un contexte de crise énergétique inédit.
Notre commission approuve, sur le principe, la prolongation du bouclier tarifaire, la baisse de la fiscalité énergétique et la revalorisation des crédits alloués à la rénovation énergétique, à la mobilité propre ou à certains opérateurs de l’État, dont l’Ademe et l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Satisfaits de la reprise de nos recommandations passées, nous appelons à concrétiser ces annonces.
Pour autant, notre commission relève que la hausse des crédits du programme 174, « Énergie, climat et après-mines », est due à un effet de périmètre et que la baisse de ceux du programme 345, « Service public de l’énergie », à la flambée des prix.
De plus, nous nous inquiétons de l’application des volets énergie des plans France Relance et France 2030 : pour 2023, les engagements de crédits n’atteignent pas 15 % de ceux qui sont prévus pour le premier, 25 % pour le second.
Pis, notre commission juge très incertaine l’évolution des crédits, car l’actualisation des charges de service public de l’énergie, réalisée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), entre juillet et novembre derniers, n’a pas été prise en compte. D’une part, le gain pour l’État lié aux projets renouvelables s’élèvera non pas à 16 milliards d’euros, mais à 35 milliards d’euros. D’autre part, le coût pour l’État induit par le bouclier tarifaire sera non pas de 1 milliard d’euros, mais de 3 milliards d’euros. Or, aucun débat de fond n’a eu lieu sur l’allocation optimale de ces gains, qui ne sauraient être captés par l’État !
Notre commission déplore également plusieurs angles morts des crédits : ainsi, la revitalisation des territoires touchés par les arrêts de centrales n’est plus soutenue ; de plus, les dispositions budgétaires et fiscales ne sont pas assez favorables au nucléaire, à l’hydroélectricité, à l’hydrogène, au biogaz et aux biocarburants.
Dans ce contexte, le Sénat a adopté voilà quelques jours plusieurs amendements fiscaux, que j’ai présentés à titre personnel. Ils ont permis d’abaisser la fiscalité sur le biogaz et l’électromobilité, mais également de revenir sur un article du Gouvernement complexifiant les augmentations de puissance assouplies par notre commission dans la loi de 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Alors que nous nous apprêtons à vivre un hiver tendu, que nous risquons de connaître des délestages, cela aurait été très malvenu !
Compte tenu de la gravité de la crise énergétique, notre commission a adopté six amendements budgétaires visant à garantir l’éligibilité des collectivités territoriales et des TPE-PME à l’amortisseur électricité ; à augmenter de 800 000 euros les moyens de la CRE pour contrôler le bouclier tarifaire ; à prolonger l’éligibilité des ménages intermédiaires à MaPrimeRénov’ ; à relever de 120 millions d’euros les crédits du chèque énergie, de 80 millions d’euros ceux du fonds Chaleur renouvelable et de 30 millions d’euros ceux du fonds de revitalisation des territoires.
Je forme le vœu que le projet de loi de finances pour 2023 contribue à réduire la précarité énergétique, qui est un lourd sujet de préoccupation pour cet hiver, mais aussi pour les suivants, tout en consolidant notre transition et notre souveraineté énergétiques.
Au nom de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, je vous invite à voter les crédits de la mission relatifs à l’énergie, sous réserve de l’adoption de ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis de sagesse sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes pour l’année 2023.
Si l’effort budgétaire consenti mérite d’être salué dans un contexte difficile, le fait est que nous restons à la remorque de nos voisins européens, qui ont, eux, acté un sursaut des mobilités dans leur politique. À l’heure des crises énergétiques et climatiques, nos ambitions dans le champ des mobilités doivent être grandes pour réduire les fractures.
Elles doivent également être adossées à des moyens financiers accrus si nous ne voulons pas qu’elles soient réduites au rang d’incantations, si prometteuses soient-elles, à l’instar de l’annonce qu’a faite le Président de la République un dimanche soir sur YouTube.
Face à votre réalité politique, qui canalise la contre-performance ferroviaire, nous souhaitons faire du train le pilier de la mobilité pour enfin vitaminer le report modal. Faute de moyens supplémentaires, la réalité hypothétique des « RER Macron » est une « remontada » de façade, rangée pour l’instant à quai de gare.
Mais elle a le mérite de donner à voir encore plus l’injustice qui existe dans un pays qui avance à deux vitesses. Pendant qu’on faisait des TGV pour les métropoles, et c’est bien, le reste des réseaux s’est dégradé, faute d’entretien. S’il faut améliorer les déplacements métropolitains, il faut également répondre aux besoins de la France périphérique.
Dans ce cadre, nous avons défendu ici la baisse de la TVA à 5,5 %, en guise d’amortisseur, autant pour les autorités organisatrices de la mobilité que pour les usagers.
Il s’agit, enfin, d’appliquer ce que le Sénat a inscrit dans la loi, le doublement de la part du fret ferroviaire et fluvial, et de rendre plus compétitives et vertueuses nos infrastructures portuaires.
Ce projet de budget permet-il de faire face à ces difficultés ? Nous sommes encore loin du compte. Les collectivités prennent largement leur part. À l’État, dans sa stratégie de souveraineté, de tracer le chemin.
Au sein de notre commission, notre conviction est qu’il faut répondre aux besoins d’attractivité et de bien-être de nos habitants. Aussi, j’émets d’importantes réserves, notamment sur le contrat de performance signé par l’État, lequel sanctuarise le péril qui menace nos infrastructures et le poison que constitue le coût de nos péages ferroviaires.
Aussi, je défendrai une enveloppe de 150 millions supplémentaires en faveur de l’investissement ferroviaire, même si je suis bien conscient qu’il en faudrait bien plus.
Nous souhaitons également doper les capacités sous-exploitées du transport fluvial, qui a démontré sa résilience.
Donnons enfin une chance au secteur portuaire et maritime, afin qu’il soit considéré comme une chance locale, car ancré dans les territoires, comme une chance internationale dans un monde d’échanges mondialisés.
Agir sur les mobilités, c’est conjuguer aménagement du territoire et réponse aux défis sociétaux. Plus on propose une diversité de solutions, mieux on répond à nos exigences de services publics. Telle est l’ambition portée par notre commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe GEST. – MM. Frédéric Marchand et Hervé Gillé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Évelyne Perrot, rapporteure pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que rapporteure pour avis des crédits relatifs au transport aérien, je formulerai deux observations.
Premièrement, la clé de l’équilibre de ce budget annexe, ce sont des recettes gouvernées par le niveau du trafic aérien, qui dépend lui-même du prix des billets d’avion et de la psychologie des voyageurs.
L’année dernière, nous avons été un peu trop prudents dans les prévisions : le rebond observé en 2022 a entraîné des surplus de recettes, qui nous ont permis d’emprunter moins que prévu. Pour autant, il faut tempérer l’optimisme sur le trafic en 2023. Celui-ci sera en effet freiné par la baisse du pouvoir d’achat et de l’épargne des consommateurs, par leur sensibilité aux prix et par l’inquiétude climatique, particulièrement chez les jeunes.
On l’a vu ces derniers mois, le coût de l’énergie demeure un paramètre très important. Or le prix des carburants, qui représentent 25 % à 35 % des charges des compagnies aériennes, a plus que doublé, et il n’est pas question de bouclier tarifaire dans le transport aérien.
Malgré ces réserves, nous approuvons la volonté de désendettement que traduit ce budget à partir de 2023. Toutefois, monsieur le ministre, la facture énergétique des installations de contrôle aérien ne risque-t-elle pas de remettre en cause le rééquilibrage prévu, comme c’est le cas pour de nombreuses entreprises et collectivités ?
Deuxièmement, la France est l’un des deux leaders mondiaux de la construction aéronautique et peut décarboner 50 % de la flotte mondiale. Nous sommes également pionniers dans la réglementation environnementale, par exemple avec la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et avec les nouveaux mandats d’incorporation des kérosènes durables au niveau national ou européen.
Notre talon d’Achille, c’est notre retard pour produire et distribuer ces biocarburants, alors que les moteurs d’avion sont prêts pour les utiliser et que les compagnies les achèteront, sous peine de taxation supplémentaire.
Nous soulignons également la nécessité d’accompagner le verdissement de notre maillage aéroportuaire territorial : zéro émission pour les opérations au sol et production d’hydrogène vert, gazeux pour les engins au sol et liquide pour les futurs avions, qui seront opérationnels en 2035.
Enfin, les 8 à 9 millions de riverains des aéroports, eux aussi, travaillent plus qu’avant à domicile. Les nuisances perçues peuvent donc parfois augmenter même quand le trafic diminue. Nous approuvons les nouvelles trajectoires plus économes en carburant, mais les descentes continues impliquent de voler plus longtemps à basse altitude. Le financement des travaux d’isolation, qui est assis sur une taxe indexée sur le trafic, n’avait pas prévu ces évolutions, et les pertes de recettes se sont accumulées.
Une nouvelle rallonge budgétaire est donc souhaitable, d’autant que le bon sens plaide pour le couplage de l’isolation acoustique et thermique, à double efficacité environnementale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Frédéric Marchand et Gérard Lahellec applaudissent également.)