Mme Samantha Cazebonne. … c’est grâce à la mobilisation des services de l’éducation nationale et aux enseignants, dont je veux ici saluer l’engagement.

Il n’en demeure pas moins que le métier d’enseignant souffre d’un manque d’attractivité, dont nous connaissons tous ici les symptômes. La baisse continue du nombre de candidats aux concours et l’augmentation constante des démissions parmi les professeurs, pour ne citer que ces deux éléments, témoignent de cette perte d’attractivité.

Sans aucun doute, le manque de reconnaissance sociale, l’isolement ou les difficultés rencontrées dans la formation initiale et continue y sont pour quelque chose. Mais ne nous voilons pas la face : la première cause de cette désaffection croissante est le niveau de rémunération des enseignants.

À cet égard, ce projet de budget pour 2023, en hausse de 3,6 milliards d’euros par rapport à 2022, apporte une réponse lucide au problème du salaire des professeurs. Plus de 2 milliards d’euros financent des mesures de revalorisation des enseignants.

Ainsi, tout d’abord, l’augmentation de 3,5 % de la valeur du point d’indice de la fonction publique bénéficie à plus d’un million de fonctionnaires dans le périmètre de la mission que nous examinons ce soir.

Surtout, la revalorisation des salaires, à hauteur de 10 % en moyenne, permettra de créer un choc d’attractivité du métier d’enseignant.

M. Max Brisson. On verra !

Mme Samantha Cazebonne. Vous le savez, dans sa lettre adressée à tous les enseignants le 16 septembre 2022, le Président de la République s’est engagé à ce qu’aucun professeur ne débute sa carrière en dessous de 2 000 euros net par mois à partir de la rentrée 2023. Cette mesure mobilisera 635 millions d’euros de crédits pour couvrir les mois de septembre à décembre 2023 et représentera 1,9 milliard d’euros en année pleine dès 2024.

Enfin, une enveloppe additionnelle de 300 millions d’euros est prévue dans le projet de loi de finances pour 2023 afin d’apporter une rémunération complémentaire aux professeurs souhaitant prendre en charge des missions supplémentaires.

Par ailleurs, nous constatons que, malgré la diminution continue du nombre d’élèves due à la baisse des naissances en France, les effectifs des enseignants sont relativement stables. Il en résulte une hausse du taux d’encadrement des élèves, qui est non pas un hasard, mais bien le fruit d’un choix politique.

M. Michel Savin. De M. Blanquer !

Mme Samantha Cazebonne. Cette hausse résulte de la décision du Gouvernement de ne pas répercuter la totalité de cette baisse démographique sur l’emploi enseignant.

L’amélioration du climat scolaire est une autre priorité de ce projet budget pour 2023, comme c’est le cas avec constance depuis 2017.

Cette priorité se traduit par la hausse du nombre d’AESH, pour 448 millions d’euros ; par l’extension du programme français de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe), qui concerne depuis la rentrée 2022 la totalité des écoles élémentaires et des collèges publics ; par le financement, à hauteur de 589 millions d’euros, de la politique de santé scolaire ; enfin, par la poursuite d’actions éducatives complémentaires aux enseignements, pour 188 millions d’euros. Je pense ici au dispositif « Devoirs faits », dont ont bénéficié 800 000 élèves en 2021-2022, ou au dispositif « Vacances apprenantes », lancé en 2020 afin de répondre aux besoins qu’a suscités l’épidémie de covid-19.

Enfin, au nom de mon groupe, je tiens à saluer la hausse de près de 70 millions d’euros des crédits alloués à l’enseignement technique agricole. Si celui-ci demeure une filière d’excellence, qu’il faut préserver, il est aussi un pilier de notre souveraineté alimentaire, dont la crise sanitaire a montré la grande importance.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera sans réserve les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023, de la mission « Enseignement scolaire ».

Mes chers collègues, au vu du nombre d’amendements à examiner et en accord avec la commission des finances, nous pourrions porter, à titre exceptionnel, la durée maximale prévisionnelle d’examen de cette mission de trois à quatre heures. En conséquence, si nous n’avions pas terminé l’examen de cette mission à minuit quarante-cinq, celui-ci se poursuivrait à la fin de l’examen des missions de cette semaine.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Quelle bonne nouvelle ! (Sourires.)

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Je suis contre le travail après minuit… (Nouveaux sourires.)

M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans son discours du 6 juin 1889 sur l’école laïque, Jules Ferry déclarait que l’œuvre scolaire de la IIIe République appartenait au pays républicain tout entier.

Cet héritage, d’une école publique, laïque et républicaine, nous en sommes toutes et tous responsables. Or, me semble-t-il, cet héritage est aujourd’hui à la croisée des chemins.

La crise des vocations qui frappe le monde enseignant, révélée par la pénurie de candidats aux concours et la recrudescence des démissions, sonne comme un signal d’alarme, dont il nous faut tirer les bonnes leçons.

Les professeurs de ce pays ont soif de reconnaissance de la part de l’institution et de la société en général. Un des leviers de cette reconnaissance est leur niveau de rémunération.

Rappelons que les enseignants français ont perdu entre 15 % et 25 % de pouvoir d’achat en vingt ans. Leur traitement, en début de carrière, est 7 % en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE ; cette différence est même de 15 % après quinze ans de métier.

Prenant acte de ce constat, le Gouvernement a choisi, dans la continuité de la politique menée lors du précédent quinquennat, de concentrer ses efforts sur les débuts de carrière, jugés prioritaires.

Si l’effort budgétaire consenti dans ce cadre est significatif, à l’instar de la hausse des crédits de la mission « Enseignement scolaire » dans ce projet de loi de finances, il convient de l’examiner de manière critique.

En effet, l’augmentation de ces crédits, de 5,82 %, est inférieure à l’inflation. Elle doit en outre être considérée au regard de l’importance de l’effectif global des 856 500 enseignants. Par ailleurs, le ciblage de cette revalorisation sur le début de carrière signifie que les 42 % d’enseignants dépassant les vingt ans d’ancienneté connaîtront une stagnation prolongée de leur rémunération.

Pour y remédier, vous leur proposez une accélération des promotions en fin de carrière et la souscription au fameux « pacte enseignant », qui conditionne une augmentation de salaire au fait d’assumer de nouvelles missions, pour une enveloppe de 300 millions d’euros, soit près du tiers des 935 millions d’euros consacrés à la revalorisation.

C’est une ancienne professeure de mathématiques qui vous parle : le raisonnement niché dans ce pacte, qui part du principe que les professeurs disposeraient aujourd’hui d’un surplus de temps libre à mettre à profit, est au mieux une illusion, au pire un mensonge.

Les chiffres des services statistiques du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse sont clairs à cet égard : la moitié des enseignants ont un temps de travail supérieur à 43 heures par semaine et la moitié des professeurs déclarent travailler au moins 34 jours pendant les seize semaines de vacances scolaires dont ils disposent.

La logique du « travailler plus pour gagner plus » que traduit ce pacte se heurte donc à la réalité du terrain ; en outre, on ne peut que constater le flou qui persiste sur la nature de ces nouvelles missions.

À l’heure où la moitié des enseignants signalent un sentiment d’épuisement professionnel élevé, comme le montre le premier baromètre du bien-être des personnels de l’éducation nationale, la volonté du ministère de s’engager dans cette voie apparaît discutable.

Il y a donc de nombreuses limites au choc d’attractivité mis en avant par le Gouvernement et, au vu de l’évolution programmée des crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour les prochaines années, les marges de manœuvre pour l’accentuer apparaissent bien restreintes.

Les attentes des enseignants portent également sur les conditions d’exercice de leurs missions. Sur ce point, plusieurs aspects de ce budget ne sont pas à la hauteur.

Je pense notamment aux suppressions de postes, qui portent sur 1 117 postes dans le premier degré et 481 dans le second degré.

Dans l’enseignement primaire, les suppressions de postes apparaissent en décalage avec la poursuite des politiques de dédoublement des classes en REP et REP+ pour les CP, CE1 et grande section et le plafonnement à 24 élèves par classes dans ces mêmes niveaux hors éducation prioritaire, dont nous continuons à saluer le principe.

Dans notre rapport sur le bilan des mesures éducatives du précédent quinquennat, avec mes collègues Annick Billon et Max Brisson, nous nous étions déjà interrogés sur l’écart entre les moyens nécessaires pour mettre en place cette mesure et les emplois effectivement créés. Il manquerait en réalité 1 200 ETP.

Pour l’enseignement secondaire, ces nouvelles suppressions s’inscrivent dans un contexte très dégradé, après la suppression de 7 500 postes de 2018 à 2021, alors même que le nombre d’élèves a augmenté de 68 000 sur cette même période.

Dans mon département de la Drôme, les conséquences très concrètes de ces suppressions se sont fait sentir. Certains établissements ont fait leur rentrée après une ou plusieurs fermetures de classes. Les effectifs de chaque classe sont donc plus élevés, ce qui dégrade les conditions de travail des élèves comme des enseignants. D’autres établissements ont perdu des postes d’enseignants. Parfois, cela signifie la fin de l’association sportive ou la disparition de l’éducation au développement durable, car les référents ne sont plus là ou doivent assumer d’autres missions.

En ce qui concerne l’école inclusive, nous aurons l’occasion de reparler très prochainement des conditions d’emploi et de travail des accompagnants des élèves en situation de handicap, à l’occasion de l’examen, la semaine prochaine, de la proposition de loi visant à lutter contre leur précarité. L’état des lieux qui est ressorti des nombreuses auditions que j’ai pu mener dans ce cadre est particulièrement préoccupant : modalités de recrutement, temps et conditions de travail, niveau de rémunération, formation sont autant de chantiers à investir ; je suivrai avec attention les travaux prévus par le ministère sur ce sujet.

Je salue la création de 4 000 nouveaux postes d’AESH, mais ils ne suffiront pas à répondre aux besoins créés par les notifications ; je salue aussi l’augmentation de 10 % des crédits alloués à la rémunération des AESH, crédits dont il convient toutefois de préciser les modalités de répartition.

Je conclurai en évoquant l’enseignement agricole, vecteur de richesse et d’innovation pour nos territoires ; dans cet hémicycle, nous en reconnaissons tous la valeur.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis. Absolument !

Mme Marie-Pierre Monier. Je salue la présence parmi nous du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Elle témoigne de son intérêt pour le sujet.

Nous avons su, lors de précédents examens de textes budgétaires, nous rassembler largement pour appuyer une hausse des crédits dédiés à cet enseignement, les besoins étant criants au regard des impératifs de transition agroécologique et de renouvellement des générations.

Nous ne pouvons pas nous réjouir, en l’état, du budget qui nous est présenté aujourd’hui. En effet, s’il ne prévoit pas de nouvelles suppressions de postes d’enseignants, il ne prévoit pas non plus de créations. Ce manque de volontarisme interroge, après la forte dégradation constatée sous le précédent quinquennat. Pour rappel, plus de 300 emplois ont alors été supprimés, ce qui, en proportion, correspondrait à une suppression de 10 000 postes dans l’éducation nationale.

Ces suppressions ont eu des impacts très concrets sur les conditions d’enseignement, comme la fin du dédoublement obligatoire, qui s’est opérée au détriment de la qualité de l’apprentissage et de la sécurité des élèves.

Si le Président de la République est sincère dans sa volonté de mettre en œuvre un « pacte d’orientation et d’avenir agricole », les moyens alloués doivent être à la hauteur de cette ambition.

Vous l’aurez compris, la méthode choisie pour répondre au besoin de revalorisation salariale et à la perte d’attractivité du métier d’enseignant n’est pas adaptée aux réalités, non plus que l’équilibre retenu entre créations et suppressions de postes.

Ce projet de budget s’inscrit dans la continuité de choix politiques qui, depuis plusieurs années, ont fragilisé notre école républicaine.

Ce sont ces mêmes choix qui conduisent aujourd’hui à pallier des manques en utilisant une méthode libérale d’appels à projets, sur le modèle de l’« école du futur », qui permettra seulement à certaines écoles de sortir la tête de l’eau, tandis que d’autres seront laissés sur le bord du chemin.

Nous craignons que notre école de la République ne soit pas renforcée par ce budget pour 2023. Nous voterons donc contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Monique de Marco et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, messieurs les ministres, – et je salue à mon tour la présence du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire parmi nous – mes chers collègues, ce projet de budget nous est présenté comme l’expression d’une ambition inédite en matière d’éducation, mais nous en sommes malheureusement loin.

Il manque encore au moins un enseignant dans un tiers des établissements scolaires, mais vous prévoyez la suppression de plus de 1 500 postes. Vous invoquez la baisse démographique et promettez un meilleur taux d’encadrement, mais il existe de nombreux départements, dont le mien, où l’on compte des classes de bien plus de 24 élèves hors REP, alors que ce ne devait plus être le cas au terme du précédent quinquennat.

Vous annoncez la mise en place de l’« école du futur », où les moyens ne seraient plus distribués en fonction des besoins des élèves, en fonction de critères objectifs, mais pour des projets dits innovants. Pour autant, vous ne définissez pas ce concept, sinon en indiquant qu’il s’agit d’améliorer la réussite des élèves, comme si les établissements scolaires ne travaillaient pas déjà en ce sens.

Je crains que la communauté éducative ne se satisfasse pas de ce qui s’apparente en réalité à un exercice de communication.

Le cas de l’enseignement technique agricole illustre parfaitement cela. Un projet de loi d’orientation agricole est annoncé pour 2023 ; l’enseignement et la formation en occuperaient une part majeure. Pourtant, aucun projet stratégique n’est défini à ce stade. Tout juste est-il mis fin à la saignée opérée ces dernières années dans l’enseignement agricole public.

De même, les récentes déclarations présidentielles ont confirmé la volonté politique de démanteler l’enseignement professionnel ; le débat qui s’est tenu ici le 14 novembre dernier n’a levé aucune de nos craintes. Après le bac professionnel en trois ans au lieu de quatre, après la réduction de 30 % des enseignements généraux, avec l’augmentation, désormais, de 50 % des temps de stage, nous risquons d’arriver à l’os dans l’enseignement des disciplines générales et professionnelles.

Ces réformes sont le fruit d’un raisonnement utilitariste, selon lequel il faudrait répondre aux stricts besoins des employeurs. Mais vous vous trompez, y compris sur ce qu’attend le monde de l’entreprise, dont les acteurs sont de plus en plus nombreux à alerter sur la nécessité d’apporter à nos jeunes un haut niveau de formation leur permettant d’évoluer tout au long de leur carrière. C’est aussi manquer cruellement d’ambition pour la jeunesse issue des milieux populaires.

Concernant la revalorisation du métier d’enseignant, vous admettrez que nous sommes loin du choc d’attractivité nécessaire.

D’abord, un tiers des crédits consacrés aux mesures de revalorisation ira à la mise en place du pacte enseignant, c’est-à-dire que l’augmentation sera conditionnée à la réalisation de missions, dont certaines sont déjà prises en charge par les enseignants – ce n’aurait alors aucun sens –, mais dont d’autres sont nouvelles, alors que nos enseignants travaillent déjà plus de 40 heures par semaine.

Ensuite, la promesse d’une revalorisation de 10 % de tous les enseignants ne concernera en réalité que les enseignants de moins de vingt ans d’ancienneté, ce qui exclut les deux tiers des effectifs. Le déclassement vécu par les enseignants est le résultat d’une très longue période de gel du point d’indice, bien difficile à rattraper aujourd’hui.

Même si des crédits sont sur la table, leur montant est bien loin de correspondre aux enjeux et le personnel non enseignant est complètement oublié, à l’image des AESH qui, malgré les 4 000 recrutements prévus, resteront trop peu nombreux par rapport aux besoins et continueront de vivre dans une extrême précarité. Défendre une école réellement inclusive implique de revaloriser ce métier essentiel par une meilleure rémunération, une formation renforcée et un statut qui sorte les AESH de la précarité.

Enfin, j’aimerais terminer mon propos en alertant sur l’inquiétude qui se développe dans les établissements scolaires face à la hausse des coûts de l’énergie. L’association Régions de France estime que le surcoût lié à l’inflation dépasse désormais les 200 millions d’euros pour 2022 ; plus de la moitié des collèges et des lycées ne savent pas encore comment ils vont boucler leur budget d’ici à la fin de l’année. De même, élus locaux et parents d’élèves s’interrogent alors qu’on commence à parler de délestages éventuels du réseau électrique. Qu’adviendra-t-il des écoles si des coupures d’électricité doivent intervenir ? Nous avons besoin, monsieur le ministre, d’une réponse à cette question.

Les satisfecit que vous exprimez ne résistent pas à l’examen de ce budget. Pourtant, les dégâts causés par votre prédécesseur nécessitent de reconstruire des relations de confiance et imposent une mobilisation générale au service des enfants et de la jeunesse. Ce projet de budget ne le permet malheureusement pas ; nous ne voterons donc pas les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Annick Billon. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite avant tout saluer le travail de nos collègues rapporteurs Gérard Longuet, Jacques Grosperrin et Nathalie Delattre.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Merci !

Mme Annick Billon. Depuis cinq ans, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » sont en hausse. Nous ne pouvons que nous en féliciter. En 2023, le budget du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse restera le premier budget de l’État. Cela dit, cette trajectoire ascendante ne doit pas occulter les difficultés persistantes.

En cette rentrée, les étudiants ont subi les conséquences du fait que 4 000 postes n’ont pas été pourvus aux concours de l’enseignement : parmi les 12 millions d’élèves, certains se sont retrouvés sans professeur. Pourtant, cela fait plusieurs années que nous insistons sur le manque criant d’attractivité des métiers de l’enseignement.

Avec mes collègues Max Brisson et Marie-Pierre Monier, nous avons mené des travaux sur le bilan des mesures éducatives du quinquennat précédent. Le constat est sans appel : seuls 4 % des professeurs des écoles considèrent que leur métier est valorisé par la société.

Certes, monsieur le ministre, vous répondez en partie à ces écueils par des revalorisations salariales. Devons-nous nous en contenter ? Non : ces revalorisations sont absolument nécessaires, mais elles ne sont pas suffisantes. Les enseignants en devenir et les nouveaux titulaires doivent pouvoir se projeter dans leur métier. Ils doivent pouvoir y trouver un sens, des perspectives de formations et d’évolution de carrière. Ils doivent pouvoir y trouver, ou y retrouver, l’envie d’exercer.

La crise de l’attractivité frappe également la médecine scolaire. En 2011 déjà, un rapport parlementaire suggérait d’améliorer le dispositif existant. Onze ans plus tard, un tiers des postes de médecin scolaire sont toujours vacants avec, en outre, une forte disparité géographique. Monsieur le ministre, nous sommes face à un problème structurel qui s’enlise d’année en année. Il serait opportun de considérer les pistes présentées en 2020 par la Cour des comptes.

Je souhaite également aborder le sujet crucial de l’éducation à la sexualité. Depuis plus de vingt ans, la loi impose l’organisation par les établissements scolaires, pour tous les élèves, du CP jusqu’à la terminale, de trois séances d’éducation à la sexualité par an et par niveau. Ces obligations légales ne sont pas respectées aujourd’hui : seuls 10 % des établissements appliquent la loi et ceux qui mettent en place ces séances le font parfois sans recourir aux bons outils pédagogiques. Cette éducation n’est donc que très rarement bien dispensée.

Monsieur le ministre, avec mes collègues rapporteures de la délégation aux droits des femmes, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, nous vous avons remis hier notre rapport Porno : lenfer du décor.

Comme vous le savez, le porno est aujourd’hui devenu pour nos jeunes le lieu d’apprentissage par défaut de la sexualité. Comme nous le disait cyniquement le professeur Israël Nisand : « Nous n’éduquons pas nos enfants à la sexualité ; rassurez-vous, la pornographie le fait à notre place ! » Pour avoir échangé librement avec vous hier sur ce sujet, je connais votre volonté de faire appliquer la loi.

Monsieur le ministre, nous partageons avec vous l’ambition de bâtir une société plus égalitaire, sans violences : les cours d’éducation à la sexualité dès l’école primaire en sont l’une des clés ; nous comptons sur votre détermination à les mettre en œuvre, sur l’ensemble du territoire et dans tous les établissements, comme le prévoit la loi, tout simplement.

Parlons aussi égalité. La réforme du lycée a provoqué une chute drastique de la proportion de filles dans les filières scientifiques. Les mathématiques doivent faire leur retour dans les programmes, et non pas seulement à hauteur d’une heure et demie par semaine.

Cette orientation stéréotypée se retrouve également dans l’enseignement agricole, où les jeunes filles s’orientent principalement vers les cursus de services à la personne, alors que les formations dans le domaine de la production animale restent très masculines.

L’école inclusive bénéficie de crédits en nette augmentation depuis plusieurs années. Près de 4 milliards d’euros y sont désormais consacrés. Des efforts budgétaires substantiels ont été effectués pour les AESH. Cette hausse des crédits, ainsi que la revalorisation des salaires des 132 000 AESH et le déploiement des pôles inclusifs d’accompagnement localisés sont nécessaires.

En dix ans, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en classe ordinaire a connu une hausse de près de 60 % dans le primaire et de 150 % dans le secondaire.

Ces efforts ne sont qu’une étape. Les lacunes de la formation initiale et continue des AESH, la faible rémunération persistante et les conditions d’exercice nous obligent à faire évoluer leur métier, pour eux et pour les enfants qu’ils accompagnent.

La proposition de loi dont nous débattrons la semaine prochaine peut être un point de départ. De plus, la multiplication des recrutements d’AESH « privés » nous inquiète, car elle entraîne une rupture d’égalité.

L’enseignement scolaire ne se résume pas à l’éducation nationale. L’enseignement agricole mérite aussi toute notre attention. Il est question de former les agriculteurs et les agricultrices de demain. Les effectifs en baisse et l’orientation souvent stéréotypée nous préoccupent. L’attractivité de ces formations passe obligatoirement par une meilleure orientation, par une orientation éclairée. Des outils existent, comme le « camion du vivant », mais sont-ils efficaces ? Atteignent-ils leurs cibles ? J’en doute…

Sur les maisons familiales rurales (MFR), enfin, je rejoins la position de notre rapporteure pour avis Nathalie Delattre : celles-ci doivent pouvoir utiliser le plafond maximal prévu pour 2022 et 2023, au vu de la hausse des coûts de fonctionnement. Les 10 millions d’euros dont il est question leur permettraient d’encaisser les hausses liées à l’inflation.

Permettez-moi, monsieur le ministre de l’agriculture, de partager avec vous le témoignage que j’ai reçu aujourd’hui même de Jean-François Vergnault, directeur d’un lycée agricole de Vendée : « Nos jeunes enseignants embauchés en juillet ne sont toujours pas payés et ceux qui ont démissionné le sont toujours. Cela illustre de gros dysfonctionnements du service des ressources humaines du ministère de l’agriculture. » J’espère que nous trouverons prochainement des solutions à ce problème.

Quoi qu’il en soit, le groupe Union Centriste votera unanimement les crédits de la mission « Enseignement scolaire », mais se montrera vigilant sur les difficultés que je viens d’énumérer. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après deux années bouleversées par la crise sanitaire, des craintes légitimes pesaient sur le nombre d’enseignants présents dans nos classes à la rentrée 2022.

Comme cela a déjà été rappelé par mes collègues, le budget de la mission « Enseignement scolaire » connaît une forte progression, de plus de 6,5 %, pour s’établir à 58,8 milliards d’euros hors pensions, auxquels il faut ajouter le fonds d’innovation pédagogique « Investir pour la France de 2030 », pour 150 millions d’euros.

Malgré cette hausse, je souhaiterais m’attarder sur quelques points importants par leur impact sur le métier d’enseignant, à commencer par la revalorisation des rémunérations des enseignants en début et en cours de carrière. On ne peut que se féliciter que la rémunération atteigne 2 000 euros par mois en début de carrière. Mais pour poursuivre ses effets et rendre la profession plus attractive, cette revalorisation doit se maintenir dans la durée et s’appliquer à l’ensemble de la profession, afin que la grille salariale soit cohérente.

Actuellement, le traitement médian des enseignants est de 2 290 euros. C’est une rémunération assez peu élevée au regard de leur niveau de qualification et des 43 heures de travail hebdomadaires qu’ils effectuent. Le coût de la revalorisation salariale envisagée est estimé à 1,135 milliard d’euros. Celle-ci est répartie entre une augmentation inconditionnelle de 635 millions d’euros et une part facultative de 300 millions d’euros pour les enseignants qui adhéreront, sur la base du volontariat, à un pacte dont les modalités sont peu précises et qui ne semble pas évident à mettre en œuvre.

De plus, le déroulement de carrière reste lent et aléatoire. L’accès au grade « hors classe » arrive tardivement, vers 50 ou 55 ans ; surtout, moins de 7,5 % des enseignants atteignent le niveau « classe exceptionnelle ».

Un deuxième point concerne les suppressions de postes prévues en 2023. Depuis plusieurs années, l’Éducation nationale les justifie par les projections démographiques liées à la baisse de la natalité. Quelque 2 000 postes seront supprimés en 2023, pour une baisse du nombre d’élèves évaluée à 92 000.

Les inspecteurs d’académie nous assurent que le taux d’encadrement est de plus en plus élevé. Dans la Manche, on comptait 6,16 enseignants pour 100 enfants à la rentrée des établissements du premier degré en septembre 2022. Il n’en reste pas moins que les suppressions de postes fragilisent les possibilités de remplacements de courte durée et ont un impact sur la participation des enseignants à la formation continue.

Le deuxième point insatisfaisant, qui s’ajoute à la baisse du nombre de postes, est la crise préoccupante du recrutement. On constate une tendance à la baisse du nombre des candidats aux concours de l’enseignement, avec 3 700 postes non pourvus pour les concours de 2022, mais également une augmentation constante du nombre de démissions dans la profession.

Il y a plusieurs raisons à ce manque d’attractivité du métier. En plus de la rémunération peu séduisante, on peut évoquer le manque de reconnaissance sociale des enseignants, ainsi que leur sentiment d’isolement et d’absence de soutien devant les difficultés.

Les nouvelles conditions d’accès aux concours externe, avec des logiques différentes selon le cursus antérieur des lauréats, semblent complexes et posent le problème d’une charge de travail intense, qui s’ajoute à la prise en responsabilité d’un groupe à temps plein ou à mi-temps selon les masters. Il est en outre indispensable que ces stagiaires soient accompagnés par un tuteur au sein même de l’établissement dans lequel ils exercent.

Il faut également éviter des conditions d’exercice difficiles pour un débutant : classes uniques, postes partagés entre plusieurs sites, affectations dans des territoires peu attractifs, comme les REP, devant des publics difficiles.

Les difficultés de recrutement font que de nombreuses disciplines sont en tension, dans le second degré notamment. L’absence de professeur ou le défilé des remplaçants diminuent fortement les chances de réussite des élèves.