M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, notre système de santé est très fragile et ce PLFSS, que nous votons aujourd’hui, en est l’illustration.
La responsabilité de la situation actuelle, dramatique dans certains domaines, ne peut être uniquement imputée au Gouvernement en place. L’ensemble des gouvernements qui se sont succédé depuis plus de vingt ans sont responsables des difficultés que nous rencontrons.
L’exemple le plus flagrant est celui de la pénurie de médecins et des véritables déserts médicaux qui se créent. Ainsi, même dans les grandes villes, il est impossible de trouver des médecins spécialistes dans de nombreux domaines, comme les ophtalmologistes. Tous nos concitoyens sont concernés.
Le Gouvernement ne peut évidemment pas rattraper en un jour ce qui n’a pas été accompli jusqu’ici, mais encore faudrait-il que des mesures fortes aillent dans le bon sens.
Deux sujets sont particulièrement sensibles.
Le premier a trait à la pénurie de personnels médicaux dans les hôpitaux, notamment d’infirmières et d’aides-soignantes. Cette pénurie s’explique essentiellement par le fait que, depuis des années, ces personnels sont sous-payés : ils n’ont pas obtenu la juste reconnaissance financière de leur mérite, de leur travail et de leur diplôme. Certes, des difficultés financières existent au niveau national. Cependant, au lieu de débloquer des financements en faveur de certains domaines, peut-être aurait-il été plus pertinent de les consacrer à résorber ce manque d’effectifs.
Le second sujet est relatif au nombre de médecins. Alors que j’étais député, ce problème me paraissait déjà complètement aberrant. Les « grands penseurs » des ministères avaient estimé que, pour résorber le déficit de la sécurité sociale, le nombre des médecins devait être réduit. Le raisonnement aurait pu être poussé encore plus loin et aboutir à la suppression des médecins, ce qui aurait engendré davantage d’économies encore… C’était complètement aberrant !
Ce qui est grave, c’est qu’il a fallu des décennies – pas des années, des décennies ! – pour se rendre compte qu’on allait droit dans le mur : et on s’est pris le mur ! Il serait donc pertinent que le Gouvernement prenne des mesures adéquates, nettement plus volontaristes, afin d’augmenter les effectifs d’étudiants en médecine dans les universités et de pouvoir, éventuellement, créer des centres hospitaliers universitaires (CHU) supplémentaires.
M. le président. Il faut penser à conclure. (Marques d’impatience sur les travées du groupe SER.)
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, dans ce domaine, vous auriez certainement pu faire preuve d’un peu plus d’attention à l’égard des diverses sollicitations qui vous ont été adressées.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Julien Bargeton applaudit également.)
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’examen du PLFSS devrait être une consultation programmée, avec un rendez-vous retenu depuis longtemps. Cependant, en raison d’amendements éruptifs, déposés le jour même ou le soir pour le lendemain, en conséquence dépourvus d’avis de la commission, nous nous sommes nous-mêmes parfois retrouvés en « consultation d’urgence ».
Pourtant, chacun s’accorde à reconnaître que la prévention serait la réponse la plus adaptée aux maux dont souffrent les finances de la sécurité sociale.
Certes, nous saluons la réduction du déficit, convaincus que la maladie de la dette n’a pas un bon pronostic. Cependant, ce PLFSS relève davantage d’une compression exercée afin de contenir une hémorragie que d’une prise en charge globale de la maladie. Les quelques très bons amendements émanant du groupe RDSE ne sont que des pansements appliqués sur une plaie encore trop béante.
C’est d’une loi de programmation globale que le secteur sanitaire et la protection sociale ont besoin. Vous nous parlez du Conseil national de la refondation (CNR) ; mais à l’instar de la loi d’approbation des comptes devant être déposée avant le 1er juin, la thérapie est insuffisante.
Quel traitement est-il alors proposé ?
Nous saluons la mise en place des rendez-vous de prévention aux moments charnières de la vie, à 25 ans, 45 ans et 65 ans. Une consultation de prévention supplémentaire lors de l’inscription en études supérieures devrait également être envisagée. Il s’agit, en effet, d’un moment où la santé physique et psychique de certains étudiants est inquiétante.
Nous attendons avec impatience la tenue d’une conférence nationale des générations et de l’autonomie, qui doit réunir les acteurs de la politique de soutien à l’autonomie, avec une mission prospective de documentation des données démographiques, médicales et socioéconomiques du vieillissement et de la dépendance.
Mme la présidente de la commission s’est aussi engagée à conduire une mission en réponse à l’amendement, dont le premier signataire est Stéphane Artano, ayant trait au handicap psychique.
Le groupe RDSE n’a pas voté l’amendement de notre collègue René-Paul Savary, relatif au recul des droits à la retraite. Les partenaires sociaux se sont enfin réunis autour de la table ; ce serait leur envoyer un mauvais signal. Faisons-leur confiance !
Le président Emmanuel Macron a mis cette réforme à l’ordre du jour. Le groupe RDSE est conscient de la nécessité de réformer notre système de retraite. Nous espérons que cela se fera au moyen d’un accord avec les partenaires sociaux dans le cadre du projet de loi attendu en 2023.
J’émets un regret au sujet des infirmiers en pratique avancée (IPA). En effet, l’évolution des techniques et l’exercice de la médecine générale auront besoin de ces personnels, pas uniquement pour répondre à la démographie médicale. Dans dix ans, les pratiques auront évolué sous les effets de l’intelligence artificielle et de la robotique. Les transferts de tâches seront nécessaires pour redonner du temps d’analyse et de synthèse aux généralistes.
La quatrième année du troisième cycle des études de médecine générale, destinée à former aux pratiques médicales de terrain, est nécessaire. Sa finalité ne doit pas être l’envoi de médecins débutants afin de peupler les déserts médicaux. Il s’agit avant tout d’une année de formation dédiée à la spécialité de médecine générale, comme il en existe pour toutes les autres spécialités. Elle engendrera naturellement du temps médical dans les déserts médicaux.
Cette année devrait aussi pouvoir s’exercer à mi-temps au sein d’un hôpital de proximité. Le mode d’exercice mixte ville-hôpital est, en effet, recherché par de futurs médecins et utile pour nos territoires. Notre amendement sur ce point a, hélas, été rejeté.
Les futurs médecins doivent échapper au conventionnement sélectif punitif. Il est sage de laisser émerger, des discussions conventionnelles, des solutions consensuelles afin de repeupler les déserts médicaux, grâce à des temps dédiés dans les zones sous-denses, mais proposés à l’ensemble des praticiens.
Les exonérations de cotisations de retraite des médecins, cumulant emploi et retraite, dans le but de répondre à l’actuelle carence médicale sont d’ailleurs une démarche que nous soutenons. Cela doit être non pas une solution de long terme, mais une réponse conjoncturelle, en attendant les effets du numerus apertus et des partages de tâches.
La même raison justifie l’autorisation de signer des certificats de décès accordée aux infirmiers. Le groupe RDSE avait présenté plusieurs amendements, mais l’épidémie d’irrecevabilités prononcées au titre d’article 40 de la Constitution – comme je l’ai déjà dit – s’est abattue sur nos amendements et les a écartés.
La contamination financière du monde médical peut aussi fortement nous inquiéter : les cliniques ne sont plus les outils de travail des professionnels de santé, mais se révèlent des investissements financiers qui doivent devenir très rentables pour satisfaire les actionnaires.
Après les cliniques et les laboratoires, les centres de santé deviennent la proie de cette marchandisation de la médecine. Des pressions y sont exercées sur les professionnels salariés incités à prescrire, ce qui constitue ainsi un système coûteux pour les finances de la sécurité sociale. Il en est de même des réseaux de santé, comme les secteurs de l’optique et dentaire pour l’instant. C’est une perte de liberté des professionnels et des patients. Notre collègue Alain Milon l’a très bien expliqué : avec les complémentaires santé n’existent ni de participation selon ses moyens ni de prestations selon ses besoins.
Il faut s’interroger, sans tabou, sur une sécurité sociale universelle plus juste et moins coûteuse, et les complémentaires doivent devenir des supplémentaires.
La gouvernance des hôpitaux doit être revue, tout comme l’omnipotence administrative, dont les effets iatrogènes peuvent être mesurés, et les décisions ainsi que l’organisation doivent être décentralisées en fonction des territoires.
Enfin, je poursuis mon combat pour une évolution vers un équilibre entre la part Beveridge et le système bismarckien de sécurité sociale : que la vieillesse et les accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) soient financés par ceux qui travaillent ; mais que la santé, la famille et la dépendance le soient grâce aux nouvelles répartitions de richesse de la société au travers de la contribution sociale généralisée (CSG), de l’impôt ou de la TVA sociale.
En diminuant les charges pesant sur les salaires, les travailleurs seront mieux rémunérés et les charges des entreprises, qui les emploient, allégées.
Emmanuel Macron avait engagé ce mouvement au début de son précédent mandat ; nous encourageons le Gouvernement à aller plus loin. Malgré quelques avancées intéressantes et l’adoption de nos amendements, notre groupe se partagera équitablement entre abstentions et votes contre le recul de l’âge de la retraite introduit par amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Didier Rambaud et Joël Bigot applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Annick Billon, Sonia de La Provôté et Valérie Létard applaudissent également.)
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, au terme de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, force est de constater que, vingt-six ans après la première édition de ce texte, le contrôle démocratique des finances sociales – et des 600 milliards d’euros de dépenses publiques qu’elles représentent – reste un chantier en cours. La loi organique du 14 mars dernier avait pour objectif d’y contribuer, mais ses apports sont limités.
Certes, pour la première fois, nous avons obtenu le montant des dotations des agences sanitaires financées par l’assurance maladie. Faut-il rappeler cependant que nous en disposions de manière détaillée, lorsque ces mêmes agences étaient financées par le budget de l’État ?
Pour la première fois également, nous avons obtenu, quelques heures avant le vote sur l’article qui lui est consacré, le montant des différents sous-objectifs de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’Ondam, au million d’euros près. Pas plus cependant.
Avec un montant de quelque 240 milliards d’euros, l’Ondam ne peut pas rester plus longtemps une telle boîte noire. C’est ce que nous avons voulu manifester en le rejetant, tout en précisant, dans le texte, les conditions dans lesquelles le Gouvernement devrait revenir devant le Parlement en cas de dérapage.
Nous sommes un peu las de devoir quémander des chiffres qui nous sont pourtant dus.
Une fois ce PLFSS voté, je vous demande donc, madame, monsieur les ministres, d’engager avec nous un travail très opérationnel sur la mise en œuvre, pour le moins parcellaire, de la loi organique, s’agissant des informations qui nous sont communiquées.
Deuxième chantier d’importance, le financement de la sécurité sociale n’a pas davantage gagné en clarté cette année.
La commission conteste, chaque année, le calibrage du transfert de la branche des accidents du travail au titre de la sous-déclaration.
Mme Pascale Gruny. Tout à fait !
Mme Catherine Deroche. De la même manière, si l’on peut comprendre l’intérêt de ne pas creuser durablement les déficits d’une branche, alors que d’autres sont en excédent, comment concevoir de faire porter à la branche famille 60 % du coût des congés maternité, alors que les indemnités journalières resteront bien versées, en totalité, par la branche maladie ?
Avec cette mesure, on touche à une forme de raffinement technocratique qui caractérise parfois ce texte, mais qui confine, dans le cas d’espèce, à l’absurdité. Le congé post-accouchement n’est pas plus que la grossesse un mode de garde, mais il relève bien de la santé ! Par conséquent, nous avons rejeté ce transfert.
Cette année encore, nous n’avons pas échappé à des débats de fiscalité sectorielle. À titre personnel, je suis favorable au transfert à l’État de cet inventaire à la Prévert de taxations diverses n’ayant qu’un lointain rapport avec la protection sociale. Cela nous ferait gagner un temps précieux en nous épargnant des délibérations sur la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), les bières ou certaines substances, dont l’illégalité même, empêche à l’évidence de les taxer.
À force d’être illisible, le financement de la sécurité sociale pourrait en devenir illégitime aux yeux de nos concitoyens. Le financement des solidarités n’est pas l’affaire des seuls spécialistes. La place des complémentaires notamment, dont nous avons pérennisé la taxation, doit ainsi être clarifiée.
Troisième chantier d’importance, l’avenir.
Avant la crise sanitaire, la sécurité sociale peinait à retrouver l’équilibre. Pour ses deux principaux postes de dépenses, la maladie et la retraite, les déficits sont structurels. Ils tiennent pour une large part au vieillissement de la population. Une population qui vieillit voit croître ses besoins en transferts sociaux, tandis que les générations les plus jeunes sont moins nombreuses pour les financer et sont confrontées à leurs propres besoins.
Nous sommes fiers de notre modèle solidaire de protection sociale et nous avons raison. Cependant, la démographie le met singulièrement à l’épreuve, au risque, si nous ne faisons rien, de sa remise en cause.
Nous avons voulu apporter des réponses concrètes sur la démographie médicale, l’intérim, les biologistes ou encore les téléconsultations. Nous espérons qu’elles seront reprises, tout comme le régime social des rachats de jours de RTT ou la pérennisation du dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE).
Préparer l’avenir, c’est aussi l’objet de l’amendement de René-Paul Savary sur les retraites.
M. Philippe Bas. Très bon amendement !
Mme Catherine Deroche. Nous ne pouvons pas passer plus de temps à la retraite, alors que les générations pour les financer sont plus réduites, sans affecter la confiance des plus jeunes dans la solidité du pacte qui consiste à leur offrir, le moment venu, la garantie que la solidarité nationale sera bien présente pour eux aussi.
La pérennité de notre modèle social suppose de le réformer, de façon continue, pour l’adapter aux mutations de la société et à l’évolution de ses besoins. S’agissant des retraites complémentaires Agirc-Arrco, le Sénat s’est aussi inquiété de la pérennité de ce modèle et a supprimé le recouvrement par l’Urssaf.
À cet égard, même si je n’élude pas celle de l’emploi des seniors, la question des retraites peut finalement paraître assez simple, une affaire de paramètres…
Celle de la dépendance est, en revanche, devant nous. À l’horizon de quelques années, les besoins connaîtront une augmentation très importante et les conditions d’un accompagnement digne des plus âgés ne sont pas en place.
Il nous manque en particulier toutes les phases intermédiaires entre le domicile et l’établissement, dont les bases sont à peine posées.
Comment rendre solvables des personnes ayant besoin de l’accompagnement d’un tiers, tout en vivant elles-mêmes de revenus de transfert ? Notre commission avait proposé qu’une assurance se développe sans tarder, car la dépendance est bien un risque et non une fatalité. Ce sera l’objet de la conférence nationale des générations et de l’autonomie, que nous avons souhaité instituer.
Ces différents constats de carence nous ont conduits à rejeter la trajectoire proposée par l’annexe B, qui ne dessine en rien une stratégie, bien qu’elle intègre une réforme des retraites, mais dont les paramètres sont inconnus.
Permettez-moi, pour conclure, même si j’interviens au nom de mon groupe, de saluer une nouvelle fois le travail des rapporteurs de la commission, qui, malgré des conditions particulièrement dégradées, ont su nous proposer des axes structurants pour l’examen de ce texte.
C’est grâce à leur travail que le groupe Les Républicains se prononcera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme chaque année, fut l’objet de discussions importantes. L’examen de ce texte traduit l’équilibre financier donné à notre sécurité sociale. Les orientations que nous impulsons cette année répondent à de nombreux besoins de nos citoyens.
Je salue le travail effectué, au sein de la commission des affaires sociales, par notre rapporteure générale et nos rapporteurs. Je me félicite de la richesse des échanges en séance publique.
Alors que nous faisons encore face à des tensions dans de nombreux secteurs de la santé, je souhaite remercier l’ensemble des soignants pour leur engagement et leur travail quotidien au plus près des Français.
Les soins et l’offre de soins sont essentiels et doivent être répartis sur l’ensemble du territoire afin que chacun puisse en bénéficier. C’est notre objectif absolu. Il en est de même de la prévention, point sur lequel j’aimerais particulièrement revenir.
Je pense que nous devons poursuivre nos efforts dans ce domaine. L’information des Français, la formation des professionnels et les dépistages permettent d’éviter des situations qui pourraient s’aggraver rapidement. Les trois consultations préventives à des âges clés de la vie sont un bon moyen de répondre à cet objectif.
La prévention est essentielle pour la protection de nos enfants ; j’y suis très attachée. Il faut la développer afin de lutter contre les différentes formes d’addictions auxquelles les jeunes sont confrontés. Les tiers-lieux sont d’ailleurs une piste intéressante afin d’approcher certaines personnes en milieu rural ou dans des quartiers des villes.
Je profite de l’occasion de parler de prévention pour évoquer celle de la perte d’autonomie. Nous avons entendu les promesses faites et les évolutions entérinées. Il faut se concentrer sur les emplois dans ce secteur : c’est indispensable.
La dépendance progressera entre 2020 et 2030 : selon les prévisions, 200 000 personnes supplémentaires seront concernées. Mon collègue Daniel Chasseing a évoqué un objectif de 50 000 emplois dans ce secteur. Nous devons poursuivre nos efforts.
Revenir sur la perte d’autonomie me permet de mettre en lumière les personnes accompagnantes.
Les aidants sont précieux et consacrent une grande partie de leur vie à l’aide d’un parent. Leur engagement, souvent source de sacrifices, doit être salué. Je me félicite donc de l’adoption de l’amendement concernant l’ouverture de plusieurs activités des Ehpad à certaines personnes sujettes à des troubles cognitifs. Cet accueil de jour sera bénéfique aux personnes non résidentes, aussi bien pour favoriser leur maintien à domicile que pour soutenir les aidants. Même si cela est déjà possible, il importait de clarifier la situation.
De nombreuses autres avancées figurent dans ce PLFSS et auront un impact positif – j’en suis sûre – sur nos territoires.
L’ouverture de la prescription et de l’administration des vaccins à davantage de personnels de santé, comme les pharmaciens, les infirmières ou encore les sages-femmes, est une bonne chose.
Concernant les pharmaciens, et plus largement le sujet des médicaments, je me félicite de l’adoption de l’amendement ayant trait à la sécurisation de la filière de la vente en gros de médicaments : sujet ô combien crucial !
Au début du mois d’octobre, j’ai alerté le Gouvernement sur l’existence d’une pénurie des médicaments en France. Les tensions sur certains médicaments – les antidiabétiques, les anticancéreux ou encore ceux qui luttent contre l’hypertension – ne doivent pas persister. Une réorganisation structurelle, comme évoquée par le ministre, est nécessaire. Notre groupe est très engagé sur ce sujet.
Autres avancées notables : la pilule du lendemain, gratuite pour toutes les femmes, sans ordonnance, ou encore le dépistage des infections sexuellement transmissibles, afin d’éviter leur propagation, des grossesses extra-utérines et des malformations.
Deux sujets sont encore en suspens.
À l’article 23, nous avons préféré la rédaction figurant dans la proposition de loi, examinée et votée au Sénat, relative à l’année supplémentaire en internat de médecine. Je sais le bruit et les oppositions que ce sujet provoque. La rémunération, versée lors de cette année supplémentaire, est prévue par voie réglementaire. Elle doit être suffisante.
Ce sujet me permet d’aborder celui des déserts médicaux. L’article voté ne suffira malheureusement pas à résoudre le problème. L’offre de formation doit aussi être revue. À ce titre, j’ai pu, madame la ministre, vous poser une question le mois dernier, vous qui êtes chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
La formation doit être pensée au plus près de nos territoires. En Seine-et-Marne, nous disposons de l’exemple efficace de l’antenne de l’université Paris-Est Créteil à Melun. Les étudiants, je le rappelle, s’installent très souvent dans les lieux où ils ont effectué leurs études. Ce genre de pratique doit faire partie du panel des solutions envisagées afin de lutter contre le manque d’offre de soins et de personnels soignants au sein de nos territoires.
Le second sujet en suspens est celui de la téléconsultation, désormais réellement installée dans nos habitudes, particulièrement depuis le début de la pandémie de covid-19. Nous sommes parvenus à certains équilibres, mais il reste encore du travail.
Ce sujet est passionnant pour l’évolution de la médecine : nous allons au-devant d’innovations qui nous permettront de progresser encore davantage. Attention cependant, tout ne peut pas se faire en télémédecine.
Je terminerai en évoquant l’importante réforme des retraites. Le travail est en cours et nous attendons l’arrivée rapide d’un texte ; nous espérons une proposition de réforme dans les prochaines semaines. Si cela n’était pas le cas, notre groupe prendrait ses responsabilités. L’avenir des Français en dépend.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale marque des avancées importantes, même si de nombreux points restent en suspens. Malgré tout, le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC. – M. Julien Bargeton applaudit également.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce premier PLFSS du deuxième quinquennat aurait dû enfin tracer les lignes d’une stratégie ambitieuse et au long cours, tenant compte des enseignements de la crise sanitaire, en faveur d’une politique sociale et sanitaire à la hauteur des enjeux.
Tel n’est toujours pas le cas et nous ne pouvons que déplorer votre impéritie.
Avant la pandémie, en 2019, des milliers de chefs de service vous alertaient et menaçaient de quitter l’hôpital en raison de l’incapacité de garantir des services de qualité.
En 2022, une épidémie de bronchiolite, saisonnière, prévisible, conduit à déclencher le plan Orsan (Organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles), prévu pour des situations exceptionnelles, imprévisibles. Cela se traduit par des rappels de personnels, des transferts de bébés, des déprogrammations d’interventions, des retards de diagnostic, des pertes de chances et du tri.
Oui, du tri ! En 2022, en France, alors que l’épidémie est comparable à celle de 2012. Cependant, depuis cette date, l’hôpital public a continué de s’effondrer. Or lui seul assure la pédiatrie.
Ce qui est un scandale, monsieur le ministre, ce n’est pas que les soignants parlent de tri, c’est de les obliger à en faire ! Qu’avez-vous fait pour la pédiatrie depuis cinq ans ? Le Gouvernement refuse de fixer un Ondam à la hauteur des enjeux, mais il débloque 400 millions pour passer l’hiver quand le scandale enfin éclate : cela ne fait pas une politique de santé.
Cette gestion nourrira les démissions, une fois l’urgence passée. Nous le réaffirmons, seule une vraie perspective pluriannuelle peut donner du sens au nouvel effort que vous demandez au personnel hospitalier épuisé.
Vous avez fermé des lits, supprimé des postes, planifié une gestion du personnel fondée sur des heures supplémentaires et des primes plutôt que sur des embauches et des revalorisations pérennes, et provoqué souffrance au travail, départs et suicides.
Comme en matière d’inaction climatique, vous faites l’objet d’une action en justice visant à faire reconnaître la responsabilité de l’État dans la situation de l’hôpital public. Nous trouvons indécente la satisfaction du ministre des comptes publics s’agissant du niveau de l’Ondam.
Votre aveuglement devient dangereux.
En refusant de rechercher des ressources ou en les asséchant par des exonérations et des exemptions d’assiettes non compensées, les dépenses publiques seront – avec vous – toujours contraintes face à des besoins en progression. Vous préférerez systématiquement le calcul comptable aux défis sanitaire et social.
Ainsi, vous multipliez les mesures d’exonération de cotisations sociales, dont la part non compensée est en hausse. La Commission des comptes de la sécurité sociale note ainsi que « les crédits affectés par l’État au titre de la compensation des exonérations seraient inférieurs de 4,3 milliards au coût global des mesures sur 2022 ». Ces milliards volés au budget de la sécurité sociale représentent plus de dix fois votre rallonge pour la pédiatrie !
Nous nous réjouissons donc que l’amendement tendant à revenir sur la non-compensation des exonérations de partage de la valeur ait été approuvé sur l’ensemble des travées du Sénat, après l’avoir été pareillement à l’Assemblée nationale. Oserez-vous y revenir par un prochain 49.3, au mépris des deux chambres ?
De manière générale, la trajectoire financière présentée a fait l’objet de nombreuses critiques. Elle trace l’horizon de pressions sur les dépenses publiques, notamment sur les retraites.
Sur ce dernier point, nous devons marquer, une fois encore, notre opposition à la disposition introduite pour reculer l’âge de départ, là aussi avec les mêmes points aveugles sur la question des recettes, sur les politiques d’intensification du travail, de pénibilité et d’éviction des salariés les plus âgés, insuffisamment productifs et trop coûteux pour le capital, car, si la moitié des seniors sont hors de l’emploi au moment de la retraite, 47 % le sont pour cause de licenciement.
À l’insuffisance de l’Ondam répondent les maigres ressources allouées à la branche autonomie.
Nous ne reviendrons pas sur le coupable retard pris dans la prévention de la perte d’autonomie. Les mesures qui y sont attachées ne provoqueront pas le nécessaire choc d’attractivité, qui permettrait d’ouvrir enfin les 93 000 postes supplémentaires d’ici à deux ans pour les seuls Ehpad et autant pour le soutien à domicile associatif, qui attend les mesures spécifiques du Ségur pour mettre fin à un sous-effectif alarmant.
Sur les autres enjeux, le texte se montre aussi insuffisant : alors que plus de 3 millions de personnes vivent dans un désert médical, le Gouvernement refuse d’envisager les premières mesures structurelles à même de desserrer la pénurie à court terme.
La quatrième année d’internat ne peut être au service de la régulation, elle ne peut se justifier que pour la professionnalisation.
D’autres pistes restent inexplorées. Les études de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) montrent qu’il faut mettre l’accent sur la diversité sociale et géographique des étudiants en médecine, en favorisant l’inscription d’étudiants originaires de zones sous-denses, notamment rurales, et en déconcentrant l’enseignement. C’est ce que nous avons proposé, en vain.
Si le Gouvernement régule enfin la télémédecine, il ne peut s’empêcher un nouvel effet de loupe sur les arrêts maladie.
Nous approuvons la suppression par le Sénat du transfert de charges de la branche maladie vers la branche famille. D’autant que nous avons souligné le caractère restrictif des mesures présentées en faveur de la famille, limitées aux familles monoparentales. De fait, le texte oublie certains foyers modestes. Rappelons que la pauvreté touche un enfant sur cinq.
Il faut affecter une partie des excédents pour rouvrir les embauches nécessaires à la Cnaf, revaloriser le congé parental pour en faire non plus une trappe aux femmes pauvres, mais un choix partagé par les deux parents.
Pour le moment, quatre enfants sur dix ne bénéficient pas d’un mode d’accueil. Si nous pouvons saluer la prolongation jusqu’à 12 ans du complément de libre choix du mode de garde (CMG), ainsi que les dispositions pour prévenir la récidive des impayés des assistantes maternelles, il reste que nous manquons ici l’occasion de relancer une politique au profit des familles et des femmes.
Car, à la source des inégalités entre les femmes et les hommes, on trouve souvent des carrières interrompues, des temps partiels subis pour s’occuper d’enfants à qui aucun autre mode de garde n’est offert.
Je conclurai en soulignant que ce PLFSS pour 2023 sonne de nouveau comme un rendez-vous manqué. Ce manque de vision stratégique, au moment où l’hôpital public traverse crise sur crise et alors que la lutte contre la pauvreté marque le pas, explique le vote contre du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)