Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ces amendements ont un point commun : ils concernent tous le conventionnement dit « sélectif ».
Les deux premiers, l’amendement n° 335 rectifié de Mme Lassarade et l’amendement n° 1023 rectifié de Mme Guillotin, qui sont identiques, visent à supprimer les dispositions prévoyant que les partenaires conventionnels peuvent négocier un conventionnement sélectif, au motif que cette solution ne serait pas la bonne. Les suivants visent, au contraire, à l’imposer aux médecins par la loi, sans attendre l’issue des négociations à venir.
Le conventionnement sélectif des médecins, et plus largement la répartition des médecins sur le territoire est un sujet important sur lequel nous nous sommes, mes chers collègues, déjà penchés à de nombreuses reprises.
Encore récemment, la proposition de loi du président Retailleau, largement reprise par le Gouvernement dans le PLFSS, a été adoptée par le Sénat afin de rendre obligatoire la réalisation par les étudiants de médecine générale d’une quatrième année de stage en priorité en zones sous-dotées.
La commission a toutefois jugé qu’il n’était pas souhaitable, alors que s’ouvrent des négociations essentielles en vue d’une nouvelle convention médicale, d’adopter maintenant de nouvelles mesures coercitives. Nous pensons qu’il ne faut ni éluder le sujet en le supprimant des thèmes pouvant être abordés par l’assurance maladie et les syndicats ni court-circuiter les négociations en imposant, dès maintenant, par la loi, des mesures coercitives qui risqueraient d’être mal comprises des professionnels et de décourager les jeunes médecins à s’installer.
L’amélioration de l’accès aux soins figure parmi les priorités de l’assurance maladie dans la négociation qui s’ouvre. Elle est bien plus large que le conventionnement sélectif, qui ne réglera rien à lui tout seul : ni les problématiques de temps médical disponible – j’insiste sur ce point –, qui requièrent de réfléchir au partage des responsabilités entre professions de santé comme au développement des assistants médicaux ni celles qui sont relatives à la démographie des médecins. Tout au plus, dans le contexte actuel, contribuera-t-il à répartir la pénurie.
Convaincue que les mesures coercitives ne sont jamais aussi efficaces que lorsqu’elles ont été négociées, la commission vous propose de laisser les partenaires conventionnels s’emparer de ce sujet comme, plus largement, des questions d’accès aux soins dans les prochains mois, avant d’envisager de légiférer.
En conséquence, elle a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 335 rectifié et 1023 rectifié, qui visent à supprimer l’extension des thèmes ouverts à la négociation collective, car dans le cadre des négociations de la prochaine convention médicale l’amélioration de l’accès aux soins figure parmi les priorités de l’assurance maladie. La commission souhaite que ces thèmes soient abordés au cours de l’ensemble des négociations à venir.
L’amendement n° 883 vise à conditionner l’installation d’un médecin à une autorisation de l’ARS et, dans les zones surdotées, au départ d’un médecin. Je crains que ce type de mesure ne décourage l’installation alors que nous sommes en situation de pénurie. J’émets donc un avis défavorable.
L’amendement n° 13 rectifié tend à subordonner le conventionnement d’un médecin dans une zone surdotée au départ d’un autre médecin ou à l’exercice préalable en zone sous-dotée. Même avis défavorable pour la même raison.
Les amendements identiques nos 240 rectifié bis, 385 rectifié quater et 541 rectifié ter visent à réserver le conventionnement dans les zones surdotées aux médecins de secteur 1, et à subordonner tout nouveau conventionnement au maintien d’une certaine proportion de médecins conventionnés fixée par voie réglementaire et au départ d’un autre médecin. Je crains, là encore, les effets pervers de telles contraintes dans une situation de pénurie. Cela n’améliorerait en rien l’installation dans les zones sous-denses et ne réglerait pas le problème du temps médical disponible pour les patients. J’émets donc un avis défavorable.
Idem pour les amendements n° 790 rectifié et 14 rectifié, qui sont rédigés un peu différemment.
L’amendement n° 418 rectifié quater, enfin, tend à subordonner le conventionnement d’un médecin dans une zone surdotée à l’exercice préalable de douze mois en équivalent temps plein en zone normale ou de six mois en zone sous-dotée. Pour les mêmes raisons que précédemment, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Vous ne serez pas surpris si j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Toutefois, ayant été nommément cité, je me permets d’apporter quelques éléments complémentaires.
Je ne renie en rien ce que j’ai pu déclarer durant la période précédente. Dire qu’il n’y a aucun sujet tabou ne signifie pas que toutes les solutions sont bonnes à prendre, mais signifie qu’il y a lieu d’en discuter. En particulier, et peut-être ma connaissance de la langue française est-elle limitée, je ne crois pas que « régulation » veuille forcément dire « coercition » ! La régulation consiste plutôt, selon moi, à trouver des moyens pour faciliter l’installation dans tel ou tel territoire.
On parle également de territoires surdotés définis par l’ARS : je ne sais pas ce que cela veut dire, et les ARS non plus d’ailleurs puisqu’elles ne sont pas amenées à définir ce qu’est un territoire surdoté !
Vous évoquez des exemples à l’étranger. En Allemagne, cela aurait réglé le problème : je suis désolé de vous décevoir, c’est faux, cela n’a absolument pas réglé le problème, comme dans tous les pays qui ont voulu mettre en place la coercition, y compris au Canada et au Québec, que l’on cite souvent en exemple. Je vous invite à vous reporter au rapport de la Drees de décembre 2021, qui fait une analyse de toutes les solutions mises en place dans les pays étrangers pour répondre à la désertification médicale. Les solutions proposées sont d’ailleurs conformes à ce que nous vous proposons dans cet article.
Monsieur Mérillou, vous prétendez que je ne fais rien au sujet des déserts médicaux : tout au contraire, nous proposons des solutions qui vont fonctionner, je vous le garantis ! Quant à prétendre que je me livre à du chantage concernant les médecins partant à l’étranger, allez en discuter avec mes jeunes collègues, ce sont eux qui me l’ont dit, je ne l’ai en aucun cas inventé !
Nous partageons, bien sûr, le diagnostic, il y a une urgence à traiter, mais ne nous trompons surtout pas de traitement, comme cela a trop souvent été fait depuis des dizaines d’années.
Enfin, certains proposent de limiter l’installation au départ d’un médecin dans un autre secteur. Là aussi, cela peut sembler une solution séduisante, mais elle créerait une inégalité phénoménale. Les médecins des secteurs dits « normalement dotés », voire « confortables » – osons ce terme – n’auront de cesse que de vouloir revendre leur clientèle à des jeunes. Ils vont donc, en plus, pouvoir s’enrichir en vendant leur clientèle, alors que les médecins des secteurs les plus difficiles, qui travaillent la nuit, n’auront absolument pas cette possibilité. On crée ainsi une inégalité entre les secteurs et entre les médecins, ce qui pour moi est totalement inacceptable ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – M. Alain Milon applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le ministre, je vous ai bien écouté. Votre solution est sûrement la bonne. Mais, avec Alain Milon, j’avais fait une proposition similaire en 2019 et il n’en était rien sorti. Il s’agissait, comme dans la proposition de loi Retailleau, d’imposer en dernière année, mais seulement pendant six mois, d’exercer en zone sous-dotée. Ces médecins en dixième année devront être payés au moins 5 000 euros par mois, en accord avec le médecin maître de stage qui les recevra.
Il faut comprendre le désarroi des maires des communes dans les territoires ruraux. Ils nous demandent de faire en sorte que les médecins, au lieu de s’installer dans des secteurs où ils sont trop nombreux, s’installent plutôt à une vingtaine de kilomètres, en zone sous-dense – j’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, à l’article 25 – pour soulager les autres médecins. On pourrait envisager d’autres procédés, avec des infirmières de pratique avancée, des cabines de téléconsultation, etc. Mais il faudrait que les médecins des zones surdenses exercent au moins pendant un an, un jour par semaine, dans une zone sous-dotée à moins de 30 kilomètres de chez eux, bien sûr.
Mme la présidente. Pour ne fâcher personne, je vous informe, au vu du nombre d’orateurs ayant demandé à s’exprimer pour explication de vote, que je serai très stricte sur le respect des temps de parole.
La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. J’adhère totalement aux propos de M. le ministre et je ne voterai pas ces amendements.
En réalité, le problème auquel nous sommes confrontés se retrouve partout ailleurs dans le monde. Il est tout simplement lié au vieillissement de la population et à l’allongement de la durée de vie. Nous n’avons sans doute pas prévu assez de professionnels de santé pour soigner toutes les personnes qui en auraient le plus besoin. La prise en charge des pluripathologies liées au vieillissement de la population augmente la durée de soins, c’est un problème mondial.
Certains nous disent : « Vous manquez de courage en ne proposant pas de solutions de coercition ! » Est-ce vraiment manquer de courage que de chercher à apporter des réponses cohérentes à un phénomène qu’on observe partout ?
Comme vient de le souligner M. le ministre, certains de vos amendements permettront uniquement à des médecins de vendre leur patientèle à des prix exorbitants, créant ainsi un phénomène de surenchère. (Murmures sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
En réalité, les jeunes médecins choisiront de s’installer à tel ou tel endroit en fonction de leur vie affective, de la ville dans laquelle ils se sont déjà installés après neuf ans d’études, voire peut-être bientôt dix ans. Ils auront toujours des possibilités pour s’installer ailleurs qu’en zones sous-dotées.
Ne faisons pas un procès de non-courage à ceux qui proposent d’autres solutions que la coercition, car cette dernière ne sera pas efficace. On ne distribue pas ce que l’on n’a pas : or on n’a pas de médecins !
Certains nous objectent que l’on oblige bien les professeurs ou d’autres professionnels à s’installer là où sont les besoins. Je leur réponds que nous sommes aussi confrontés à un manque de professeurs, et que ce n’est pas la coercition qui nous permettra d’en créer d’un coup de baguette magique. Il n’existe pas de solution miracle ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je ne comprends pas tous les paramètres de cette discussion. Certes, je ne connais pas très bien le sujet, mais je le regarde de ma fenêtre, avec un peu de bon sens.
Première chose, si les médecins généralistes sont des professionnels libéraux, on ne peut pas prévoir d’affectation obligatoire : ce ne sont pas des fonctionnaires. La seule solution est donc de les déconventionner dans les secteurs surdotés.
Avec toute l’amitié que je porte à notre rapporteure Corinne Imbert, je lui pose la question : quel est le risque de voter l’amendement n° 13 rectifié ? S’il manque des médecins partout, aucune zone ne sera considérée comme surdotée, et donc le problème ne se pose pas ! Votons donc l’amendement n° 13 rectifié, qui prévoit qu’un nouveau médecin ne puisse s’installer en étant conventionné que lorsqu’un médecin de la même zone surdotée cesse son activité. Or, je le répète, si l’on considère qu’il manque des médecins partout, cela signifie qu’il n’existe pas de zones surdotées et, par conséquent, que cet amendement sera sans effet ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et CRCE.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Laurent Duplomb. C’est du bon sens !
J’ai néanmoins le sentiment, vu de ma fenêtre, qu’il y a un peu plus de médecins dans certaines zones que dans d’autres. On pourrait peut-être qualifier ces zones de « surdotées ». Moi aussi j’exerce une profession libérale, je travaille soixante-dix heures par semaine et j’en suis content. Mais les professionnels libéraux qui souhaitent travailler dans une zone où il y a déjà trop de médecins ne doivent pas être conventionnés, car le conventionnement est payé avec l’argent des Français ! Selon le même raisonnement, si votre mutuelle ne rembourse pas les séances d’ostéopathie, vous décidez alors d’y recourir ou non en toute connaissance de cause.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.
M. Patrice Joly. Mes chers collègues, il existe une véritable urgence. Vivons-nous dans le même pays ? Comprenons-nous nos populations de la même manière ? Monsieur le ministre, il y a quelques jours, les habitants de nos territoires nous ont appelés au secours. Il y a une désespérance et un désarroi. On ne peut pas laisser nos concitoyens dans cet état-là !
Des millions de Français n’ont pas de médecin traitant. (M. Pierre Cuypers opine.) Il faut agir, ça n’est pas de la coercition ! Faisons attention aux mots et ne manipulons pas les idées en n’employant pas le bon vocabulaire. Ce n’est pas de la coercition, c’est de la régulation, c’est de l’organisation !
C’est bien parce qu’il y a une pénurie de médecins qu’il nous faut essayer de les répartir au mieux et de manière égale sur l’ensemble du territoire. C’est le pacte républicain qui nous y invite. Les dégâts se constatent sur le plan politique au vu des dernières élections.
Notre proposition est assez simple. Nous comprenons qu’après de si longues études les médecins souhaitent vivre près de leur famille, dans une métropole, dans une zone surdotée, etc. Mais nous leur demandons seulement de passer une journée par semaine sur un territoire rural sous-doté – nous pourrions ainsi disposer de 2 000 médecins supplémentaires sur le terrain, même si ça n’est encore pas suffisant – de manière souple : douze mois en équivalent temps plein sur une période de trois ans. La période est réduite à six mois en équivalent temps plein sur une période de trois ans dans une zone sous-dotée. Il ne s’agit pas là d’une contrainte extraordinaire !
Par ailleurs, il convient de revoir et de retravailler le zonage, établi aujourd’hui sur des données théoriques puisqu’il repose sur des moyennes. (Applaudissements des travées des groupes SER et CRCE. – M. Jacques Fernique applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le ministre, on prend le problème à l’envers. Il existe plusieurs solutions pour faire reculer les déserts médicaux, parmi lesquelles des mesures autres qu’incitatives.
D’aucuns disent qu’il ne faudrait pas empêcher les médecins de s’installer là où ils le souhaitent, etc. Mais les mesures incitatives qui ont été prises pendant des années ne fonctionnent ni en zone rurale ni en zone suburbaine : ce n’est pas le groupe communiste républicain citoyen et écologiste qui le dit, c’est la Cour des comptes !
Je partage les remarques de bon sens de mon collègue Laurent Duplomb. (Mme Christine Bonfanti-Dossat opine.)
Il ne s’agit pas d’empêcher les médecins de s’installer ; il s’agit simplement, dans les zones plus pourvues que d’autres – car il est plus facile de prendre un rendez-vous dans le Ve ou le VIe arrondissement de Paris que dans le Val-de-Marne ! –, d’instaurer un conventionnement sélectif. Les médecins auront une patientèle, mais ils ne seront pas conventionnés et les patients devront avoir les moyens de payer !
Nous devons par ailleurs réfléchir ensemble à une pluralité de mesures. Monsieur le ministre, vous devez travailler avec beaucoup plus de véhémence et de conviction à l’ouverture de centres de santé sur tous nos territoires. Ces derniers permettent aux médecins d’avoir une activité collective salariée en étant complètement exemptés de toute charge administrative, ce qui est important.
Voilà deux solutions pouvant aider à desserrer un peu l’étau et à proposer une offre de soins plus égalitaire sur nos territoires. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous devons effectivement entendre le cri de colère et d’alerte de nos concitoyens et d’un certain nombre d’acteurs du secteur.
L’enquête publiée par l’UFC-Que Choisir il y a quelques jours est emblématique de l’état de notre société. L’Association des maires ruraux de France a produit moult enquêtes attestant dans quel état se trouvent la plupart de nos communes.
Monsieur le ministre, à vous entendre, il faudrait attendre que vos mesures produisent leurs effets. Mais cela fait quinze à vingt ans, au bas mot, que l’on nous demande d’attendre. Résultat, les déserts médicaux avancent et de plus en plus de nos concitoyens sont aujourd’hui sans médecin !
Une des dernières réformes que vous avez mises en œuvre était censée changer la situation. Il s’agissait de la suppression du numerus clausus. J’y croyais, naïvement. Or celle-ci s’est accompagnée d’une réforme calamiteuse et chaotique des études de santé, avec zéro place en plus dans les universités : nous n’avons donc pas formé davantage de médecins.
Pourquoi parler de coercition ? Les mots ont un sens ! Il y a effectivement de plus en plus de zones sous-denses dans notre pays : les jeunes médecins disposent ainsi d’une large faculté d’installation sur le territoire et d’un très grand choix.
Par ailleurs, comment expliquer aux autres professionnels de santé qui vivent une situation aussi difficile que les médecins – je pense aux pharmaciens – qu’on leur impose une régulation quand ce n’est pas le cas pour les médecins ?
Monsieur le ministre, vous affirmez que vous êtes dans le dialogue, mais n’est-ce pas vous qui avez mis les internes en colère en instaurant la dixième année ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Il s’agit d’une question complexe, qui mérite d’être discutée. Nul besoin d’élever la voix, cela n’apporte pas grand-chose. Je ne suis pas contre les obligations, cela m’a d’ailleurs coûté cher dans cet hémicycle… Mais encore faut-il qu’elles soient efficaces.
Des discussions syndicales bornées dans le temps viennent de s’ouvrir pour six mois. La position que nous défendons à l’article 22 est de considérer que ce sujet doit être mis en débat dans ces négociations. Voilà pourquoi nous ne voterons pas les deux amendements identiques nos 335 rectifié et 1023 rectifié, qui tendent à sortir le sujet du conventionnement sélectif ou différencié des négociations.
Nous ne voterons pas davantage les autres amendements visant à édicter dès aujourd’hui de nouvelles mesures, car nous voulons respecter ce court laps de temps laissé à la négociation.
Ensuite, je fais remarquer à nos collègues que tous ces amendements ne visent qu’une catégorie de personnes : les jeunes. Est-il sage de faire peser sur leurs seules épaules la responsabilité d’une situation dont nous sommes tous comptables ?
Ce que l’on peut entendre, c’est le retour de l’obligation de garde, qui s’applique à tous les médecins. Avec mon groupe, nous aurons l’occasion de défendre cette mesure. Oui, tous les médecins doivent mettre la main à la pâte !
Veut-on accroître la coupure entre le Parlement et les jeunes médecins avec des dispositifs qui les ciblent exclusivement ? Ce n’est pas raisonnable ! (MM. François Patriat et Martin Lévrier applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Si nous sortions de ce débat en nous mettant d’accord sur le conventionnement sélectif, nous ferions un grand pas et nous enverrions un signal fort à destination des territoires.
Depuis dix ans, nous avons l’impression de participer à des débats ubuesques !
Je le dis franchement, car je le pense : il y a des médecins qui parlent aux médecins et s’opposent à toute forme de régulation, à toute obligation. Certes, je peux les comprendre. Mais, de ce fait, depuis dix ans, nous n’apportons aucune réponse aux besoins des territoires, alors que l’État, dont c’est la compétence pleine et entière, mais également les collectivités – c’est le cas des régions, des départements, des communes et des communautés de communes – se sont largement mobilisés. Tout le monde met au pot pour accueillir les médecins dans les meilleures conditions possible !
Les méthodes incitatives ont été toutes utilisées, notamment au travers d’avenants, et rien ne se passe !
On dit qu’il n’y a pas assez de médecins. Je rappelle tout de même qu’à la sortie des études, seulement 15 % des nouveaux lauréats s’installent comme médecin traitant. Et dix ans plus tard, seuls 45 % des médecins sont installés comme médecin traitant…
Certains parlent de concertation. Or une responsable du syndicat des internes me disait cet après-midi : « La quatrième année, on n’en veut pas ! Nos études sont déjà très longues ; neuf ans d’études, c’est difficile. Des étudiants dépriment, et le taux de suicide est important… Et on nous colle une dixième année, sans concertation ! » (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.)
Il faut de la cohérence entre tous les dispositifs. Il y a vraiment urgence ! Je souhaite un minimum de régulation. Le système du conventionnement sélectif me paraît positif. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Monsieur le ministre, vous avez dit que la coercition n’avait jamais marché. Mais avons-nous seulement essayé ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On n’a jamais essayé !
M. Vincent Segouin. Par ailleurs, j’aimerais que vous m’expliquiez la différence entre un médecin et un pharmacien !
En effet, les pharmaciens ne posent aucun problème : ils s’installent dans les territoires. Nous n’avons pas de souci non plus avec les infirmières ou les fonctionnaires. Le souci est seulement avec les médecins !
C’est d’autant plus grave que les pharmacies ferment dans certains territoires faute de médecins.
On a fait des ponts d’or aux médecins. En tant que maire, j’ai activé toutes les procédures possibles, mais – c’est incroyable ! – cela ne marche pas ! (Mme Cathy Apourceau-Poly approuve.) Alors, arrêtons tout cela, et ayons un peu de courage !
Nos concitoyens feront peut-être plus confiance aux responsables politiques si ceux-ci font preuve de courage. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et SER. – MM. Guy Benarroche et Pierre Cuypers applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. A priori, ce que je vais dire ne risque pas de susciter les applaudissements de la part de mes collègues.
Je rejoins complètement les propos de M. le ministre et de Bernard Jomier. On dira qu’il s’agit encore une fois d’une coalition de médecins qui veulent protéger leur métier. Mais n’oubliez pas que l’on s’adresse aux jeunes ! Lorsque l’on discute avec eux, ils disent des choses simples : « Vous voulez nous envoyer dans des déserts médicaux. Mais ne seraient-ce pas des déserts tout court ? » (MM. Laurent Duplomb et Stéphane Sautarel s’exclament.)
M. Vincent Segouin. C’est insupportable !
M. Alain Milon. C’est ce qu’ils nous disent ! Laissez-moi terminer !
Dans ces territoires, il n’y a pas d’école, pas de perception… Or vous vous adressez à des jeunes qui ont entre 30 ans et 35 ans. (Et alors ? sur des travées du groupe SER.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Les profs aussi ! Et les gendarmes aussi !
M. Alain Milon. Ils sont mariés. Ils ont des enfants. (M. Patrice Joly s’exclame.) Monsieur, laissez-moi parler ! J’ai écouté vos âneries ; écoutez les miennes ! (Exclamations.)
M. Patrice Joly. Ce n’est pas acceptable !
M. Alain Milon. Puisque c’est ainsi, je m’arrête ! (L’orateur quitte l’hémicycle.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas débattre dans de telles conditions. Il n’est pas possible qu’un orateur doive s’interrompre parce qu’il est interpellé.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Le moment est particulièrement difficile.
Je tiens à m’adresser à ceux qui nous écoutent, car notre débat est très suivi. La médecine générale est un métier extraordinaire, mais qui suppose des convictions et une motivation. Les jeunes ont besoin d’y être formés.
Si nous prenons des mesures qui les découragent encore plus, nous pourrons mettre en place tous les dispositifs de régulation ou de coercition possibles, ou leur faire des ponts d’or, nous ne trouverons pas de médecins !
Pour reprendre l’exemple de Laurent Duplomb, si toutes les zones sont sous-dotées, pourquoi réguler, puisque l’on peut s’installer où l’on veut ? Ce n’est pas la peine de prendre des mesures de coercition ou de régulation ! Cet exemple peut donc être invoqué de plusieurs manières. (M. Yves Bouloux applaudit.)
Monsieur le ministre, il s’agit là d’un coup de semonce extraordinaire. Il faut donc faire en sorte de trouver une solution. Sinon, ce sera trop tard ! Vous disposez des six mois que dure la convention.
Plusieurs mesures peuvent être proposées aux jeunes. Dix ans, c’est long. On peut gagner une année dans le premier ou le deuxième cycle, en réduisant à cinq ans au lieu de six ans, afin que le troisième cycle soit véritablement l’année de professionnalisation, sans qu’il soit besoin de prévoir une année de plus, car cette idée est insupportable pour nos jeunes. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Par ailleurs, le numerus apertus, qui a remplacé le numerus clausus, n’est pas suffisant, car les conditions ont changé. Il faut impérativement, si l’on veut agir à long terme, prévoir de former plus de médecins. On peut le faire !
Il faut que les territoires se prennent en main pour que les médecins actuellement installés – ils sont peu nombreux – deviennent maîtres de stage universitaires (MSU) afin d’accueillir ces jeunes. Parce qu’il fait bon vivre dans tous les territoires ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. Vous allez croire que les médecins se liguent entre eux pour défendre leur secteur. Mais ce n’est pas du tout le cas ! (Marques d’ironie sur plusieurs travées.)
On ne peut pas contraindre les médecins à faire quelque chose : ce ne sont pas des techniciens de la médecine. Il faut établir un autre type de relation, car – je le dis très clairement – ce n’est pas un métier comme les autres.
À mon sens, si vous forcez les médecins à aller dans un endroit alors qu’ils n’en ont pas du tout envie, ils n’exerceront pas la médecine comme nous pouvons le souhaiter. (Exclamations sur des travées des groupes SER et CRCE.)