M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, de toutes parts monte la même complainte : il faut plus !
Plus d’argent pour l’hôpital, plus de médecins et de soignants, plus de crèches, plus d’argent pour les retraites, plus de moyens pour la cinquième branche – sujet dont vous parlera ma collègue Jocelyne Guidez.
Bref, autant de questions, mesdames, messieurs les ministres, pour le Gouvernement. Et pour nous, une seule question : le PLFSS pour 2023 y répond-il vraiment ?
En apparence, je dirais oui.
Avec 601 milliards d’euros pour les cinq branches, les dépenses sont supérieures de plus de 12 milliards à la prévision de 2022 et le déficit total est ramené à 6,8 milliards contre 17,8 milliards cette année.
L’Ondam progresse de 3,7 % hors crise covid, donc à champ constant, ce qui est significatif.
Mais les apparences ne sont-elles pas trompeuses ? Seules deux branches sont à l’équilibre : famille et AT-MP. Quant aux hypothèses, ne sont-elles pas trop optimistes ?
L’assurance maladie accuse encore un déficit de 6,5 milliards d’euros et l’hôpital va de crise en crise, que ce soit aux urgences, en pédiatrie ou en psychiatrie. Et ce n’est pas en ponctionnant 2 milliards à la branche famille qu’on le sauvera.
L’hôpital est malade, mais c’est tout notre système de santé qu’il faut soigner. Il est à bout de souffle ! Son mode de fonctionnement est à revoir.
Emmanuel Macron a promis de ramener la tarification à l’activité (T2A) à 50 % pour mieux rémunérer la qualité et le travail en équipe.
Nous attendons donc, monsieur le ministre, un plan d’action, et surtout des actes pour apporter à l’hôpital un financement sain et pérenne.
Le mode de gouvernance est aussi à revoir, et point n’est besoin d’une loi supplémentaire à cette fin. Nous avons vu que des établissements sont parvenus à le faire seuls.
Le centre hospitalier de Valenciennes, en particulier, expérimente un mode de fonctionnement antipyramidal, antibureaucratique, et ça marche ! Plus d’autonomie, plus de délégation ; on fait confiance aux médecins et à leurs équipes pour raccourcir les circuits de décision au bénéfice des patients et du budget, qui ne comporte plus qu’une part de 5 % dédiée à l’administratif, contre cinq fois plus ailleurs ! Le directeur canalise les énergies, équilibre le budget et entretient la paix sociale.
Monsieur le ministre, la solution est là. N’attendons pas pour la généraliser.
Il faut aussi, vous le savez, fluidifier le système de soins pour désengorger l’hôpital et ses urgences. La clé existe, c’est la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). La coordination ville-hôpital est essentielle pour lutter contre les déserts médicaux. Et quand je dis hôpital, je pense aussi aux établissements privés. L’amélioration de la permanence des soins et de l’accès aux soins passe par la mise en place, partout, de CPTS.
Comment accepter que 40 % des médecins de ville seulement assurent les gardes de nuit et du week-end ? Si les médecins veulent retrouver du temps médical, ils doivent déléguer aux autres soignants une partie de leur travail. Je salue d’ailleurs l’accord conclu en ce sens entre les différents ordres.
Monsieur le ministre, vous parlez souvent de votre « boîte à outils »… Les solutions existent et elles marchent. Il faut les diffuser. Les élus locaux sont prêts à faire les efforts nécessaires pour que l’égalité, inscrite au fronton des mairies, s’applique aussi à l’accès aux soins !
La question essentielle est celle de l’économie du système.
Les professionnels réclament des plans pluriannuels pour anticiper les évolutions thérapeutiques et permettre à notre pays de rester à la pointe du progrès dans ce domaine. Cela mérite la plus grande attention.
Enfin, j’en viens aux ressources.
La première piste, que tous les ministres ont utilisée, est celle des économies. La source n’est pas tarie. Elle reste même abondante, mais encore faut-il ne pas se tromper.
Longtemps, la ressource humaine a été pressurée, mal rémunérée. Le Ségur de la santé a produit un effet salvateur, mais il doit être poursuivi, et cela coûte !
D’autres pistes sont donc à privilégier. Les actes redondants et inutiles représentent 20 % à 30 % de notre système de soins, soit 40 à 60 milliards d’euros de dépenses à revisiter. La Haute Autorité de santé (HAS) s’y emploie, mais vous avez ciblé à peine plus d’un milliard d’euros d’économies sur la radiologie, la biologie et les médicaments dans votre projet. C’est bien, mais c’est insuffisant.
Par ailleurs, à notre demande, l’estimation des fraudes aux cotisations et aux prestations est en cours.
La Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), bons élèves, ont rendu leurs résultats. En revanche, la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) est très en retard. Si nous voulons éviter l’exploitation fantasmée du montant de ces fraudes, il faut des chiffres, et rapidement !
Enfin, un mot sur les retraites. Le déficit et la dette se creusant, une réforme s’impose, mais, attention, si nous ne voulons pas mettre des millions de personnes dans la rue, il faut qu’elle soit comprise et acceptée. (Mme Éliane Assassi s’esclaffe.)
L’amendement déposé par notre collègue René-Paul Savary, dont je salue la compétence et la constance dans l’effort, y répond-il ? Partiellement, seulement, à mes yeux. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.)
En effet, si je crois utile la réunion d’une convention nationale pour préparer la loi, étant partisan du paritarisme, je ne partage pas l’idée d’un recul à 64 ans de l’âge de départ. J’ai retenu ce qu’ont dit le Président de la République et la Première ministre : 64 ans ou 65 ans ne sont pas des totems ! À titre personnel, je serais plutôt partisan d’une « fenêtre de départ », comme le préconisent les économistes Jean Tirole et Olivier Blanchard dans leur rapport de 2021.
L’âge moyen de départ étant déjà de 62 ans et demi, on pourrait simplement le reculer à 63 ans.
Par justice, parce que cette réforme doit être juste, j’entends les avancées sociales sur la durée de cotisation pour les carrières longues, fracturées, pour la pénibilité. Par justice, j’entends aussi le relèvement des petites pensions et l’insertion des chômeurs de longue durée. Par justice, j’entends enfin le maintien au travail des seniors licenciés prématurément. Selon Jean-Hervé Lorenzi, l’activité des seniors pourrait rapporter 13 milliards d’euros en dix ans.
Pour conclure, je salue l’excellent travail de nos rapporteurs. J’espère, monsieur le ministre, que vous en tiendrez compte pour que le Sénat trouve pleinement sa place dans la fabrication de cette loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Bernard Bonne et René-Paul Savary applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa. (Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.)
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce PLFSS que le Gouvernement souhaite imposer coûte que coûte manque d’ambition et de sincérité. Nous sortons à peine de la crise sanitaire et vous nous promettiez, après le Ségur de la santé, que le personnel soignant serait écouté, que l’hôpital public connaîtrait une véritable restructuration, que les Français auraient enfin un système de santé digne de ce nom.
Il est vrai aussi que tant d’années de négligence et de casse ne se rattrapent pas d’un coup de baguette magique. Nous attendions un projet de loi de financement de la sécurité sociale plus fort, plus ambitieux, laissant plus de place à la justice sociale. Il y avait en effet de quoi de faire ! Le bilan du précédent quinquennat parle de lui-même : plus de 21 000 fermetures de lit ; à la fin de 2019, la dette de l’hôpital public s’élevait à plus de 30 milliards d’euros ; des hôpitaux en faillite qui ferment, ainsi que des services d’urgence et de maternité ; un personnel soignant complètement découragé et démissionnaire.
Pourquoi ce texte n’aborde-t-il pas les sujets qui fâchent ? Je pense notamment à la pénurie de main-d’œuvre que connaît actuellement l’hôpital, aux personnes âgées en perte d’autonomie, aux Français d’outre-mer, qu’on oublie trop souvent, et, enfin, aux assistantes maternelles, qui gagnent prétendument trois Smic, mais qui vivent pourtant dans des conditions précaires.
Vous aviez aussi la possibilité de concrétiser la promesse du Président de la République, qui voulait mettre la cause des femmes au cœur de sa politique. Qu’en est-il réellement de la gratuité des protections hygiéniques pour toutes, de la lutte contre l’endométriose et de l’inégalité territoriale d’accès aux établissements de santé pratiquant l’IVG ? Je pourrais encore allonger la liste de mes critiques.
J’estime que ce projet de loi n’est pas une réponse sérieuse et convaincante aux enjeux colossaux de notre système de santé. J’ai une pensée pour mes collègues députés, qui ont travaillé pendant des jours pour amender ce projet de loi, et qui ont vu leurs efforts réduits à néant la semaine dernière. Bien que le 49.3 soit un outil constitutionnel, vous ne pouvez pas à ce point mépriser le travail parlementaire. Ici, au Sénat, la menace du 49.3 ne plane pas au-dessus nos têtes. Nous mènerons les discussions jusqu’au bout pour améliorer votre copie. (Mmes Michelle Meunier et Raymonde Poncet Monge applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier la présidente de commission et nos rapporteurs : ils nous ont permis d’entamer ces débats dans la clarté, et cela n’était pas simple.
La crise sanitaire s’éloigne, mais gardons en tête qu’elle a été et demeure un marqueur fort de ce PLFSS, puisqu’elle a aggravé de manière inédite la situation de nos comptes sociaux. Nos finances se sont toutefois redressées de façon spectaculaire, plus vite et plus fort que prévu.
Pour autant, selon les prévisions du Gouvernement, le budget ne sera pas encore à l’équilibre l’an prochain. Il devrait même se dégrader dans les années à venir, avec des prévisions de recettes qualifiées d’optimistes par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le budget pour 2023.
En même temps, les dépenses de santé paraissent sensiblement sous-estimées, notamment l’Ondam de ville, avec seulement 0,5 point de plus que le rythme d’avant-covid, dans un monde à faible inflation, et sans compter le virage ambulatoire qu’il faut poursuivre, voire accélérer.
Quant au secteur hospitalier, la hausse de 4,1 % saluée par les acteurs du secteur questionne tout autant ces derniers au regard de l’inflation, de la hausse des salaires, du coût de l’énergie et d’une activité pas encore revenue à la normale, d’où les demandes légitimes pour certains hôpitaux de la pérennisation de la garantie de financement.
Je reconnais la difficulté de l’exercice qui consiste à assurer la maîtrise de nos comptes sociaux, tout en répondant aux besoins de la population et à un système de santé à bout de souffle, et ce dans un contexte économique et social plein d’incertitudes.
Malgré les efforts financiers importants consentis par le Gouvernement – il faut le dire –, malgré la deuxième place de la France parmi les pays de la zone euro qui consacrent la plus grande part de leur PIB à la santé, malgré sa septième place parmi les pays qui consacrent pour la santé le plus d’argent par habitant, notre système de santé est au bord de la rupture.
Monsieur le ministre, j’ai mis quelques années à me rendre compte que le véhicule législatif qu’est le PLFSS n’est pas vraiment adapté au pilotage de la transformation d’une politique de santé, qui nécessite une vision de long terme. (Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales acquiesce.)
Cette transformation en profondeur ne peut, me semble-t-il, s’envisager qu’à travers une loi d’orientation et de programmation pluriannuelle qui fixerait un cap, ladite loi étant accompagnée par une étape de décentralisation sur les sujets de prévention et d’éducation à la santé, mais aussi par des réformes structurelles : je pense à la réforme des retraites, à la loi sur le grand âge et à un financement de la sécurité sociale plus efficient et plus lisible.
Reconnaissons quand même que la problématique centrale est le manque de médecins et que l’on ne peut l’imputer à ce gouvernement.
Après les remarques que je viens de faire, j’en reviens aux mesures concrètes de ce PLFSS, notamment à la question de l’accès aux soins, qui me paraît centrale.
Le texte prévoit un meilleur partage des tâches pour libérer du temps aux médecins et valoriser les professionnels de santé non médicaux. Notre groupe est favorable aux diverses mesures d’extension des autorisations de vaccination. Nous sommes pour que les infirmières puissent signer des certificats de décès et nous voyons d’un bon œil l’expérimentation de l’accès direct au statut d’infirmier en pratique avancée (IPA). Nos amendements, qui visaient à accélérer le déploiement de ces mesures, ont malheureusement été frappés d’irrecevabilité. Nous le regrettons, car le temps presse et nous souhaitions accélérer le mouvement.
Compte tenu du nombre important de médecins qui atteindront l’âge de départ à la retraite dans les années à venir, nous sommes aussi favorables à toute mesure visant à faciliter le cumul emploi-retraite pour les inciter à poursuivre leur activité.
À nos yeux, la simplification des démarches administratives via le guichet unique, tout comme la régulation de l’intérim, va dans le bon sens.
L’autre grand sujet est celui de la prévention. C’est la première fois que nous avons un ministre de la santé et de la prévention. Quand on sait à quel point la prévention et le soin sont liés, ce titre n’est pas anodin. Sans vouloir faire preuve de cynisme, je dirai qu’il revêt aussi un caractère d’importance pour nos finances publiques : prévenir coûte moins cher que guérir.
Ce PLFSS prévoit ainsi plusieurs rendez-vous de prévention, remboursés par la sécurité sociale, à des périodes clés de la vie, afin de repérer et traiter les fragilités liées à l’âge ou les addictions, et de promouvoir l’activité physique et un mode de vie sain. Laissons les professionnels organiser de la manière la plus efficace possible ces journées de prévention.
Nous voterons bien sûr cette mesure, tout comme celles qui permettent un meilleur accès au dépistage des infections sexuellement transmissibles et à la pilule du lendemain.
J’en viens enfin à la mesure qui occupe une bonne partie de nos débats depuis plusieurs semaines maintenant : la réforme du troisième cycle des études médicales. Cette année professionnalisante est utile pour bien préparer les jeunes médecins à leur futur exercice ambulatoire. Si elle répond à leurs besoins, par un encadrement et un contenu pédagogique adapté, alors, je n’ai aucun doute qu’ils seront nombreux à s’installer là où ils ont été bien accueillis et bien formés.
Cependant, la communication autour de cet article et sa rédaction dévoilent le véritable objectif visé par certains : lutter contre la désertification médicale en déployant un bataillon de jeunes en formation.
Je crois les déclarations de nos ministres, qui sont sincères quand ils se positionnent contre la coercition. Alors, pourquoi ne pas clarifier nos intentions en mettant la formation au cœur de la réforme et au cœur de la rédaction de cet article ?
Je proposerai ainsi de l’amender sur trois critères qui me paraissent essentiels.
Tout d’abord, la supervision doit être effectuée par un maître de stage des universités.
Ensuite, cette année supplémentaire doit pouvoir être réalisée sur tout le territoire. En effet, la limitation aux zones sous-denses, dont la définition est d’ailleurs trop imparfaite, puisqu’elle concerne 80 % du territoire, est une mesure inefficace, voire contre-productive en période de pénurie de médecins.
Enfin, laissons la liberté d’opter pour un stage en hôpital de proximité en complément du stage ambulatoire : cela répond aux besoins des territoires, au décloisonnement ville-hôpital que nous appelons de nos vœux et aux aspirations des nouvelles générations pour l’exercice mixte.
Pour le reste, nous aurons l’occasion, mes collègues du groupe RDSE et moi-même, de défendre nos amendements et de nous prononcer sur les autres mesures au cours de cette semaine de débats. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous entamons l’examen du premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature.
Je commencerai mon propos en évoquant quelques chiffres.
Ce projet de loi porte sur près de 600 milliards d’euros de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques. Il prévoit une diminution forte du déficit de la sécurité sociale, qui passerait à 7 milliards d’euros, contre 18 milliards d’euros en 2022, en se fondant sur une croissance économique très optimiste : 1 % en France, là où les instituts prévoient 0,6 %.
Les déficits restent tout de même inquiétants et vos hypothèses budgétaires, je le répète, sont trop optimistes !
Concernant l’accès aux soins, l’hôpital est le grand oublié de ce PLFSS.
J’aimerais évoquer la situation particulière de la pédiatrie et de la santé des jeunes.
En premier lieu, je souhaite attirer votre attention sur un phénomène inquiétant. Dans une étude publiée en mars 2022 dans la revue The Lancet, des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) font apparaître une hausse des décès de nourrissons entre 2012 et 2019, avec une augmentation de la mortalité infantile de 7 %. Alors que la France figurait parmi les meilleurs élèves en la matière, elle a chuté de la septième à la vingt-cinquième place entre 1989 et 2017. Or, malgré ces chiffres inquiétants, la réduction du taux de mortalité infantile n’est actuellement pas considérée comme une priorité de santé publique.
Depuis début octobre, les urgences et services de réanimation pédiatriques des hôpitaux de tout le pays sont saturés du fait d’une simple épidémie de bronchiolite. Des plans blancs sont déclenchés, mais cela conduit in fine à déstabiliser un peu plus notre système hospitalier.
Comment en est-on arrivé là ?
Les capacités d’accueil des services se dégradent en raison du manque de personnels soignants, qui a abouti à la fermeture de 15 % à 20 % de lits.
Face à la dégradation de la situation, vous avez annoncé, dans un premier temps, le déblocage d’une enveloppe de 150 millions d’euros à partager entre les services en tension. Mercredi dernier, c’est une enveloppe de 400 millions d’euros que vous annonciez en réponse à la crise de la pédiatrie. Ces mesures non structurantes ne permettront pas la survie de la pédiatrie et l’arrêt de la dégradation des soins.
Aujourd’hui, 44 % des pédiatres libéraux ont plus de 60 ans. Leur répartition sur le territoire est inégale : 8 départements comptent même moins d’un pédiatre pour 100 000 habitants !
Dans ce contexte, les médecins généralistes sont appelés à jouer un rôle croissant, mais ils demeurent inégalement formés à la médecine de l’enfant.
L’article 20 du PLFSS étend la compétence d’administration et de prescription des vaccins par les pharmaciens, les sages-femmes et les infirmiers. Les délégations de tâches, oui, mais pas n’importe comment ! Il ne faut pas déconnecter la vaccination du suivi médical et de l’examen obligatoire des enfants.
L’accès aux pédiatres en premier recours dans le parcours de soins ambulatoires pour tous les enfants doit être maintenu. Les puéricultrices et auxiliaires de puériculture doivent également voir leurs compétences valorisées.
La pédopsychiatrie manque aussi cruellement de moyens, alors que les confinements, la distanciation sociale, le port du masque provoqués par la crise sanitaire ont eu des effets majeurs sur la santé mentale des jeunes.
Idem pour le secteur de la psychiatrie, qui est complètement sinistré, et auquel le Gouvernement n’apporte aucune mesure de soutien.
La situation de l’hôpital public appelle des efforts courageux et des réformes structurelles. Les professionnels de la santé attendent des mesures fortes, notamment en matière d’organisation, de gestion et de répartition plus juste des moyens.
Ce PLFSS propose d’instituer l’interdiction de l’intérim médical, notamment pour les jeunes diplômés, médecins ou infirmiers. C’est souhaitable, mais l’intérim des jeunes diplômés n’est pas seul à fragiliser le fonctionnement des établissements de santé, la qualité et la continuité des soins. La commission des affaires sociales a renforcé les dispositions inscrites dans le texte en indiquant que l’intérim ne pouvait pas être le seul mode d’exercice « à plein temps » des professionnels de santé. Je proposerai personnellement un amendement pour limiter la période d’intérim à cinq ans dans le service public hospitalier.
L’article 22, qui est censé rénover la vie conventionnelle, ne modifie en réalité qu’à la marge les règles encadrant les conventions conclues entre les organisations représentatives des professions de santé et l’assurance maladie. La mesure la plus discutable est sans doute l’ajout, parmi les thèmes pouvant être abordés à l’occasion des négociations pour la plupart des professions, du conventionnement conditionnel.
Ma conviction, en tant que médecin, est que ce type de mesure ne sert pas à grand-chose dans un contexte de pénurie médicale généralisée. Près de 90 % du territoire manque de médecins libéraux ! L’exaspération monte chez les médecins et les étudiants. Vos réponses restent insuffisantes pour faire face à la paupérisation du secteur médical.
Les établissements de santé nous alertent sur leurs charges, les libéraux attendent des revalorisations, et le secteur du médicament se plaint d’économies drastiques ! Des réponses doivent être apportées rapidement à ces problèmes avec des mesures structurelles et pérennes.
Nous souhaitons notamment une augmentation du nombre de places d’étudiants en médecine, le redoublement possible de la première année de médecine et une tarification des actes fortement revalorisée pour tous les modes d’exercice, hospitalier comme libéral. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, après un déficit de 17,8 milliards d’euros en 2022, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit un déficit de 6,8 milliards d’euros.
Cette perspective est encourageante, mais je souhaiterais néanmoins rappeler ici les enjeux auxquels nous sommes toujours confrontés.
Ce PLFSS doit répondre à un double objectif.
Il doit tout d’abord permettre de réduire le déficit budgétaire tout en s’attaquant aux problématiques que vivent nos concitoyens en matière de santé au quotidien.
Il doit ensuite poser les fondations d’un système plus ambitieux et plus juste, qui protège tous les Français.
C’est cette vision que notre groupe souhaite porter. Avec une politique sociale forte et synonyme de progrès, qu’il entend projeter à l’horizon 2025, ce PLFSS pose les fondations dont notre pays a besoin afin de préserver et d’améliorer notre système de santé et de protection sociale.
Je pense à des mesures volontaristes en matière de prévention et d’accès aux soins, avec la mise en place du « rendez-vous de prévention » aux âges clés de la vie.
Je pense également au dépistage sans ordonnance des infections sexuellement transmissibles, sur le modèle du dépistage du VIH, ou encore à l’accès gratuit et sans ordonnance pour toutes les femmes à la contraception d’urgence, alors que 10 % seulement des femmes concernées sont actuellement remboursées.
Cette prise en charge doit, comme le prévoit ce PLFSS, s’accompagner d’une information renforcée vis-à-vis de toutes les femmes, en particulier les plus jeunes d’entre elles.
Il s’agit là de mesures fortes en matière de santé des femmes, dans la continuité de l’action du Gouvernement et de la majorité présidentielle depuis 2017. Je vous rappelle la mise en œuvre de la gratuité de la contraception pour toutes les femmes de moins de 25 ans.
Il me semble par ailleurs essentiel d’entamer une réflexion sur la précarité menstruelle, qui touche de nombreuses femmes, notamment les plus jeunes. Ainsi, 13 % des étudiantes déclarent avoir déjà dû, faute de moyens, choisir entre acheter des protections périodiques ou un produit de première nécessité.
La lutte contre toutes les inégalités d’accès à la santé, qui abîment notre pacte social, doit être une priorité. Il s’agit d’un enjeu de justice sociale, à l’heure où près de 4 millions de Français vivent dans une zone sous-dotée en professionnels de santé.
Je pense notamment à la mise en place du guichet unique dans chaque département, ce qui vise à simplifier l’installation de nouveaux médecins, ou encore à la création d’une quatrième année d’internat de médecine générale.
Cette année supplémentaire sera consacrée à des stages en cabinet médical, en particulier dans les zones médicalement tendues. Il s’agit là aussi d’un signal fort, qui pose les bases d’une politique pour réduire les inégalités sur le territoire national.
Avec 1,6 milliard d’euros dédiés à la politique familiale, ce PLFSS se veut également ambitieux en la matière.
Est visé le complément de libre choix du mode de garde (CMG), qui doit être réformé. Aujourd’hui, en effet, les parents employant une assistante maternelle sont défavorisés par rapport aux familles qui recourent à une crèche.
Notre groupe se félicite donc des propositions avancées sur ce sujet, avec le nouveau mode de calcul du CMG « emploi direct », qui permettra de rendre l’accueil par une assistante maternelle aussi accessible que la crèche et d’harmoniser le reste à charge entre ces deux modes d’accueil.
Par ailleurs, les études récentes montrent que les enfants des familles monoparentales sont deux fois plus touchés par la pauvreté que l’ensemble des enfants. Je tiens donc à saluer le renforcement des aides en faveur de ces familles. L’allocation de soutien familial, destinée aux parents isolés, sera notamment revalorisée de 50 %. C’est une bouffée d’oxygène pour ces parents et ces enfants, qui font face à des situations problématiques.
Enfin, notre groupe se réjouit du travail mené sur ce PLFSS pour 2023, qui pose les bases d’une politique plus juste et qui tend à améliorer notre système de santé pour les années à venir.
Nous proposerons d’étendre les « rendez-vous de prévention » au diagnostic précoce des troubles de santé mentale. C’est essentiel pour assurer une bonne prise en charge de ces pathologies. Nous savons que la psychiatrie constitue le premier poste de dépenses de l’assurance maladie, loin devant le cancer ou les maladies cardiovasculaires.
Nous entendons également mener une réflexion sur les inégalités qui persistent entre les femmes et les hommes en matière de contraception. Cela nous semble fondamental pour mieux répartir la responsabilité de la vie sexuelle, alors que l’achat des moyens de contraception est majoritairement réalisé par les femmes.
Pour toutes ces raisons, et en complément des propos de mon collègue Abdallah Hassani, le groupe RDPI soutiendra pleinement les mesures et l’orientation de ce budget. Il s’agit d’un budget ambitieux, qui répond au double objectif de réduction du déficit et de meilleure protection des Français. Un budget de justice sociale, qui finance des progrès nouveaux et fait le choix de renforcer le volet prévention de notre système de santé. Un budget, enfin, qui apporte des réponses concrètes aux défis structurels auxquels est confronté notre modèle social de santé, qui devra nécessairement être modernisé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)