M. Laurent Burgoa. Très bien !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Curieusement, aucune mesure de ce PLFSS ne concerne le financement de l’hôpital, sinon l’interdiction de l’intérim médical, notamment pour les jeunes diplômés, médecins et infirmiers. Si cette mesure est souhaitable, l’intérim des jeunes diplômés n’est pas le seul facteur qui fragilise le fonctionnement des établissements de santé, la qualité et la continuité des soins. Nous proposerons d’aller plus loin.
Quant aux mesures de régulation des produits de santé et de la biologie médicale, elles étaient manifestement mal préparées.
Le Gouvernement a ainsi finalement supprimé la contribution spécifique aux médicaments en forte croissance et rééquilibré, en contrepartie, la clause de sauvegarde en plafonnant les contributions dues pour l’année 2023. Il a, en outre, abandonné le référencement périodique des médicaments, que les fabricants et pharmaciens avaient jugé dangereux et inadapté.
L’article 27 ne s’apparente à rien de moins qu’un ultimatum au secteur de la biologie médicale puisque, à défaut d’accord, un arrêté ministériel fixerait une baisse généralisée de la cotation des actes. Une contribution exceptionnelle, assise sur le remboursement du dépistage du covid-19 en 2021, nous semble plus juste.
Mes chers collègues, la déception est grande. Sous réserve du vote des modifications issues des travaux de la commission, je vous proposerai, sans grand enthousiasme, d’adopter ce projet de loi de financement dans son volet assurance maladie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC.)
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, excédentaire depuis 2013, la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) a renoué avec les excédents en 2021, après une année de déficit exceptionnel. Ce rebond se confirme en 2022.
Pour 2023, l’objectif de dépenses de la branche AT-MP est fixé à 14,8 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires de base. Le PLFSS confirme le retour à une situation financière favorable, avec un excédent de 2,2 milliards d’euros.
À moyen terme, l’écart entre les recettes et les dépenses s’amplifierait, atteignant 3,3 milliards d’euros en 2026.
Cette situation, qui peut sembler confortable, signifie surtout que le calibrage des recettes de la branche AT-MP reste structurellement déconnecté de ses besoins de financement : le ratio d’adéquation des recettes aux dépenses dépasserait 120 % en 2026 en l’absence de mesures nouvelles.
Des mesures de rééquilibrage doivent donc être envisagées. Elles peuvent passer par de nouvelles dépenses, notamment en matière de prévention, et par la poursuite de l’ajustement à la baisse des cotisations.
Il me semble important de réaffirmer, mesdames, messieurs les ministres, que les excédents de la branche ne doivent être utilisés pour des finalités autres que la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Malgré ces marges financières, le PLFSS ne contient cette année que peu de mesures affectant significativement les dépenses.
Il améliore la couverture des non-salariés agricoles pluriactifs en leur permettant de percevoir des indemnités journalières maladie au titre de l’activité non salariée qu’ils ne peuvent exercer en cas d’accident ou de maladie professionnelle dans le cadre d’une activité salariée, en sus des indemnités journalières AT-MP dont ils bénéficient à ce titre.
En outre, cet article tend à permettre aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux de bénéficier d’une rente AT-MP en cas d’incapacité permanente partielle.
Ces mesures, à l’impact financier très limité, sont néanmoins bienvenues.
Par ailleurs, deux articles additionnels ont été retenus par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité. Ils procèdent à des ajustements très ponctuels du dispositif d’indemnisation, par le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, des enfants atteints d’une pathologie causée par leur exposition prénatale du fait de l’activité professionnelle de leurs parents. Cette indemnisation reste marginale dans l’activité du fonds, créé en 2020 et adossé à la mutualité sociale agricole (MSA) : sept demandes ont été déposées en 2021, dont seulement deux ont donné lieu à des suites favorables.
De manière classique, le PLFSS fixe les montants des transferts et versements de la branche AT-MP aux fonds amiante et vers d’autres branches.
Le montant du versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP serait fixé à 1,2 milliard d’euros pour 2023, alors qu’il était de 1,1 milliard d’euros en 2022 et de 1 milliard d’euros les sept années précédentes. Cette augmentation en deux temps, annoncée l’an dernier par le Gouvernement, vise à approcher le point bas de l’estimation de la commission chargée d’en évaluer, tous les trois ans, le coût réel pour la branche maladie.
Or le nombre de maladies professionnelles a diminué de plus de 10 % entre 2012 et 2021. Des progrès ont été accomplis en matière de sensibilisation et d’information des victimes et de simplification des procédures. Dans ce contexte, l’augmentation de ce versement apparaît comme une ponction, réalisée dans des conditions peu transparentes et ne visant qu’à contribuer à combler le déficit de la branche maladie. Imagine-t-on qu’une autre caisse soit tenue de payer le coût supposé du non-recours aux prestations qu’elle est chargée de verser ?
La commission propose donc, comme l’an passé, de réduire le montant de ce versement à 1 milliard d’euros, ce qui nous semble représenter un maximum. Les 200 millions d’euros ainsi conservés par la branche pourraient utilement être fléchés vers la prévention et l’accompagnement.
Le montant des dotations aux fonds amiante – le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et le fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante – augmente en valeur absolue de 547 à 557 millions d’euros, mais son poids relatif dans l’ensemble des dépenses de la branche continue de décroître, en cohérence avec la baisse tendancielle du nombre des travailleurs ayant été exposés à l’amiante au cours de leur carrière.
Sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle a déposés, la commission vous invite à approuver l’objectif de dépenses de la branche, fixé à 14,8 milliards d’euros pour 2023. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, année après année, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est l’occasion pour le Sénat d’alerter le Gouvernement sur la dégradation de la situation financière de la branche vieillesse.
Année après année, nous assumons nos responsabilités et nous adoptons les mesures difficiles que les circonstances imposent pour garantir le versement des pensions dans la durée et éviter à nos enfants d’avoir à travailler au-delà de 65 ans.
Année après année, le Gouvernement se voile la face en reportant sans cesse au lendemain l’une des décisions les plus importantes qu’il ait à prendre. Il y a cinq ans, souvenez-vous, le candidat Emmanuel Macron estimait qu’il n’y avait pas de problème de financement du système de retraite. Le temps a passé, les déficits se sont accumulés et, un beau jour, telle la vigie du Titanic, le Président de la République a fini par apercevoir l’iceberg ! C’est à nous, désormais, qu’il revient de fermer en urgence les cloisons étanches pour maintenir la France à flot.
En effet, la situation de la branche vieillesse n’autorise plus la moindre tergiversation. Le vieillissement démographique, le ralentissement de la croissance et la persistance d’une inflation soutenue devraient porter son déficit à 13,6 milliards d’euros d’ici à 2026. Notons que cette projection intègre les effets d’une réforme des retraites dont le Gouvernement n’a pas daigné nous communiquer les paramètres exacts et dont on sait uniquement qu’elle améliorerait le solde de la branche de 8 milliards à 9 milliards d’euros d’ici à 2027.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. C’est déjà bien ! (Sourires.)
M. René-Paul Savary, rapporteur. Face à un horizon aussi chargé, le PLFSS pour 2023 ne contient quasiment aucune mesure ayant une incidence financière sur la branche, hormis quelques articles portant sur la lutte contre la fraude sociale, qui ne produiraient que quelques millions d’euros de recettes supplémentaires au profit de la branche.
Dans ce contexte, je proposerai à notre assemblée d’instituer une convention nationale pour l’emploi des seniors et la sauvegarde du système de retraite, rassemblant des représentants des partenaires sociaux, de l’État et des associations familiales de retraités, ainsi que des personnalités qualifiées. Cette instance sera chargée de proposer au Gouvernement des mesures tendant notamment à favoriser le maintien des seniors dans l’emploi – il s’agit d’avoir une vision nouvelle des seniors dans notre société – ; à garantir la prise en compte de la pénibilité du travail, du handicap et des carrières longues ; à ramener la branche vieillesse à l’équilibre à l’horizon 2033.
Si cette convention aboutissait, ce que nous souhaitons vivement, à un compromis sur des mesures permettant d’atteindre ces objectifs, un projet de loi devrait être déposé sans délai au Parlement. En cas d’échec des discussions, ce que nous regretterions, plusieurs mesures paramétriques entreraient en vigueur le 1er janvier 2024.
Il s’agirait ainsi de fixer dans la loi, ce qui n’est pas le cas actuellement, l’âge du taux plein automatique à son niveau actuel, soit 67 ans ; de porter la durée de cotisation à 43 annuités dès la génération 1967 au lieu de la génération 1973, ce qui représenterait près de 3 milliards d’euros de recettes supplémentaires à l’échelle du système de retraite à l’horizon 2030 ; de reporter de deux ans l’âge légal de départ pour atteindre 64 ans à compter de la génération 1967, ce qui améliorerait le solde du système de retraites de près de 13 milliards d’euros en 2030.
Bien entendu, cette réforme concernerait également les régimes spéciaux, qui devront contribuer autant que les autres à l’effort collectif, et ce avant 2033.
Je vois dans ces mesures le seul moyen de ramener la branche vieillesse à l’équilibre sans augmenter les cotisations ni diminuer les pensions. À défaut, nous laisserions à la jeunesse un système de retraite en bien piètre état, avec, selon les estimations du Comité d’orientation des retraites (COR), un déficit de l’ordre de 45 milliards d’euros en 2070. Nous rendrons-nous coupables d’une telle négligence et, j’ose le dire, d’une telle lâcheté ? Je ne peux le croire ! Alors, mes chers collègues, laissons de côté les clivages partisans et unissons-nous autour de ce qui nous rassemble : sauvons ensemble notre système de retraite ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour l’exercice 2022, la branche famille connaîtrait un excédent de 2,6 milliards d’euros, qui se réduirait de moitié en 2023 pour atteindre 1,3 milliard d’euros. Cet amoindrissement de l’excédent résulte, pour 850 millions d’euros, de la décision bienvenue du Gouvernement de revaloriser de moitié l’allocation de soutien familial (ASF) en faveur des parents isolés. C’est l’une des rares lueurs de ce PLFSS.
Pour les 70 % restants, la baisse provient du transfert à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) de la charge des indemnités journalières du congé postnatal de maternité. Cette mesure grève les dépenses de 2 milliards d’euros sans que les familles y trouvent concrètement le moindre avantage. La trajectoire financière pluriannuelle de la branche en serait fortement affectée. Son excédent serait réduit à 500 millions d’euros en 2025, ce qui la priverait des moyens d’une ambition nouvelle. C’est pourquoi, sur l’initiative de la rapporteure générale, la commission vous proposera de supprimer ce transfert de charges.
Les articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale portant sur la branche famille se concentrent sur la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG).
Le CMG « emploi direct » compense aux familles le coût de la garde de leurs enfants âgés de moins de 6 ans lorsqu’elles recourent à une assistante maternelle ou à une personne salariée pour une garde à domicile.
Le barème actuel induit des effets de seuil importants et entraîne des restes à charge élevés pour les foyers aux revenus les plus modestes. Il rend quasiment impossible le recours à un mode de garde individuel pour ces familles. Une telle fracture sociale n’est pas juste.
L’article 36 prévoit de remédier à ces difficultés en prenant désormais en compte pour le calcul du CMG les ressources de la famille, le nombre d’enfants à charge, le nombre d’heures et le coût médian de la garde, dans un objectif d’égalisation des taux d’effort des familles recourant à un assistant maternel et de celles recourant à un accueil en crèche relevant de la prestation de service unique (PSU) de la branche famille
L’article 36 prévoit aussi la possibilité pour les familles monoparentales de percevoir le CMG « emploi direct » jusqu’aux 12 ans de leurs enfants, contre 6 ans pour le droit commun. C’est là une autre lueur !
La commission soutient la réforme proposée du CMG, qui correspond aux attentes des familles. Elle a en outre adopté un amendement visant à prévoir la suspension sans délai du versement du CMG aux familles cessant de rémunérer l’assistante maternelle ou la garde à domicile.
L’article 36 suscite toutefois plusieurs regrets, à commencer par la date tardive de son entrée en vigueur, fixée en juillet 2025.
Par ailleurs, une évolution du barème, accompagnée d’un mécanisme de compensation satisfaisant, aurait sans doute été possible. En l’état du texte, 43 % des bénéficiaires actuels du CMG seraient défavorisés par la mise en œuvre de la réforme.
Qu’est-il proposé à ces familles perdantes ? L’article prévoit un complément compensatoire, aux paramètres incertains. Il serait soumis à des conditions de ressources et au recours minimal au mode de garde. La réforme se fera donc bel et bien au détriment de certaines familles déjà engagées auprès d’une assistante maternelle ou d’une garde à domicile.
Une seconde mesure, prévue à l’article 37, oblige l’employeur à verser au salarié, en lieu et place des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), une somme au moins égale aux indemnités journalières pour congé de maternité, d’adoption ou de paternité. L’employeur serait ainsi subrogé de plein droit à l’assuré dans le versement des indemnités journalières dues par la CPAM. Si certains employeurs ont librement choisi cette option ou appliquent en la matière un accord de branche, une telle obligation légale de versement semble disproportionnée en raison des charges de trésorerie qu’elle fait peser sur les entreprises, indépendamment de leur taille ou de leur situation. La commission vous proposera donc de supprimer cette disposition.
Comme vous le constatez, mes chers collègues, de nombreuses autres mesures, attendues des familles, sont absentes de ce PLFSS. Je pense à la réforme de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) ou à la fin de la modulation des allocations familiales selon le revenu, soit le retour à l’universalité, mesure pourtant votée par le Sénat en février dernier.
Il convient aussi de s’atteler à la création de places en crèches. C’est une attente des familles, mais aussi une mesure indispensable pour assurer l’égalité entre les femmes et les hommes et accroître l’employabilité des femmes. Il faut par ailleurs résoudre les difficultés de recrutement des professionnels de la petite enfance, qui sont chaque jour plus criantes, sachant que 10 000 postes ne seraient pas pourvus.
Toutes ces avancées représenteront un coût financier. C’est pourquoi nous devons préserver les marges de manœuvre budgétaires de la Cnaf pour une relance véritablement ambitieuse de la politique familiale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Mouiller, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’autonomie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, annoncée triomphalement par le précédent gouvernement, la nouvelle étape de l’histoire de la sécurité sociale que devait être la création de la branche autonomie présente pour le moment un bilan bien mince.
Le débat sur le périmètre de la branche s’est éteint et, pour l’instant, les assurés n’ont pas vu évoluer les choses. Une nouvelle concertation vient de s’ouvrir pour tracer les perspectives du bien vieillir. Elle rendra ses conclusions au printemps prochain, au moment où débutera la concertation sur le handicap.
Il ne faut plus tarder, monsieur le ministre, les défis à relever sont connus, les besoins de recrutement ne font que croître et le secteur a besoin de financements supplémentaires : environ 1,5 milliard d’euros pour le seul secteur des personnes âgées.
L’objectif de dépenses de la branche pour 2023 s’élève à 37,4 milliards d’euros, en augmentation de 5,3 % par rapport à l’année précédente.
Malgré cet effort, comme l’année dernière, cette hausse résulte principalement des revalorisations salariales mises en œuvre dans le cadre du Ségur de la santé et de leur extension à d’autres personnels non médicaux des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Je ne peux que regretter que ces efforts budgétaires supplémentaires ne permettent toujours pas de traiter la situation de l’ensemble des oubliés du Ségur, agents pourtant indispensables au fonctionnement du secteur.
Selon les projections pluriannuelles, la branche autonomie retrouverait une situation excédentaire à compter de 2024. Cet excédent diminuerait les années suivantes du fait de la création annoncée de 50 000 postes dans les Ehpad et du financement du temps dédié au lien social auprès des personnes âgées qui bénéficient du plan d’aide à domicile.
Dans ce contexte, il ne resterait aucune marge budgétaire disponible pour faire évoluer la situation et les conditions de vie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, ce qui est inquiétant. Nous sommes sollicités de toutes parts par les associations du monde du handicap, qui s’inquiètent de cette situation.
Lors de votre audition par la commission, monsieur le ministre, vous avez parlé d’un PLFSS de fin de cycle. C’est le cas ! Les dispositifs proposés dans le texte viennent sécuriser des réformes déjà lancées les années précédentes et renforcent le virage domiciliaire, qui est la principale orientation stratégique suivie par la branche. Cette orientation répond à la demande des personnes en situation de perte d’autonomie.
Bien sûr, le PLFSS porte la marque des soubresauts qui ont secoué le secteur des Ehpad, à la suite de la publication du livre Les fossoyeurs, mais il traduit aussi la nécessité pour le Gouvernement de combler ce que nos collègues Bernard Bonne et Michelle Meunier ont appelé « les angles morts du contrôle ».
Ces mesures – virage domiciliaire, contrôle – vont dans la bonne direction. Elles illustrent aussi les limites d’une méthode consistant à retoucher ce qui peut être retouché en loi de financement : la vision d’ensemble est quasi absente, la concertation préalable avec les professionnels ou les départements est faible, mais la complexité s’accroît à chaque dispositif nouveau. Songez ainsi que les concours de la CNSA aux départements transiteront désormais par plus d’une dizaine de canaux différents !
Outre ces dispositifs d’intérêt variable, l’Assemblée nationale a ajouté dix-neuf articles – un record ! –, dont onze demandes de rapport pour la seule branche autonomie…
Parmi ces dispositions, j’en mettrai trois en exergue : la revalorisation annuelle du tarif plancher, qui passera à 23 euros en 2023 ; la création d’un parcours de rééducation et de réévaluation des enfants en situation de polyhandicap ou de paralysie cérébrale ; une expérimentation visant à assurer un meilleur accompagnement des aidants.
Toutefois, la question du financement de ces mesures nouvelles reste entière et inquiète les départements, qui ne peuvent supporter de nouvelles charges sans aucune visibilité. Aujourd’hui, des discussions sont en cours, mais les départements n’ont aucune certitude.
Un souffle nouveau est nécessaire. Il est indispensable d’engager une réflexion stratégique sur l’autonomie. Il faut réfléchir à la création de ressources nouvelles et surtout imposer une vision pluriannuelle qui ne se résume pas à d’innombrables missions et groupes de travail. Le terme « pluriannuel » est essentiel pour l’ensemble du secteur.
Pour maintenir les questions d’autonomie dans l’agenda politique, pour que, enfin, une vision stratégique soit nourrie par des données, pour que des décisions de financement soient prises, la commission des affaires sociales vous propose d’institutionnaliser le dialogue entre les différents partenaires, sous la forme d’une conférence des générations et de l’autonomie. Puissent ces instances jouer le rôle confié à la conférence nationale du handicap pour faire progresser la prise en charge des plus fragiles.
En conclusion, permettez-moi de me faire le relais de nombreux acteurs du secteur, qui s’inquiètent non pas de la prise en compte de leurs préoccupations, mais des délais de la programmation et surtout de l’octroi des moyens nécessaires. Ils veulent des perspectives d’avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Klinger, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des finances a constaté que le PLFSS comportait peu de mesures ayant des impacts financiers significatifs pour 2023. L’évolution des recettes et des dépenses résulte essentiellement de paramètres inchangés par rapport à cette année et des hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement.
Les hypothèses concernant la masse salariale ont été jugées plausibles par le Haut Conseil des finances publiques, mais nous savons qu’il existe un aléa sur la prévision de croissance et que des signes de ralentissement apparaissent.
La prévision de dépenses table sur une quasi-extinction des prises en charge dérogatoires liées au covid-19. Cette moindre dépense escomptée, mais incertaine, explique à elle seule la diminution du déficit de la sécurité sociale en 2023.
Hors crise sanitaire, le déficit en 2023 sera simplement stabilisé par rapport à 2022, malgré des hypothèses de revalorisation des prestations pour l’an prochain sensiblement inférieures à l’inflation, et à condition de conserver une évolution positive de l’emploi et une bonne dynamique de la masse salariale.
Le déficit de l’assurance maladie se réduit fortement. C’est l’effet du faible montant de la provision pour la crise sanitaire. S’y ajoute la ponction de 2 milliards sur la branche famille, injustifiée et inopportune, au moment où le fléchissement de la natalité exigerait une politique familiale plus ambitieuse.
Les mesures de maîtrise des dépenses d’assurance maladie paraissent conjoncturelles, plus que structurelles. Certaines économies attendues sont peu documentées, notamment les actions sur la pertinence des actes et des prescriptions.
La commission des finances relève néanmoins plusieurs dispositions du texte visant à renforcer la lutte contre les abus et les fraudes. Dans l’enquête qu’elle a remise voilà deux ans à la commission des affaires sociales du Sénat, la Cour des comptes avait dressé un constat sévère sur l’insuffisance des contrôles réalisés par l’assurance maladie. Les modifications proposées vont dans le bon sens, mais il faudra amplifier ces actions.
Les prévisions pour 2024 et au-delà nous paraissent inquiétantes pour plusieurs raisons.
Premièrement, le déficit persiste et s’accentue à partir de 2024, alors que les hypothèses de croissance, d’emploi et de recettes sont optimistes.
Deuxièmement, les prévisions de dépenses d’assurance maladie sont elles aussi optimistes, le rythme d’évolution étant inférieur à celui de la croissance majorée de l’inflation. Ce résultat supposerait une maîtrise des dépenses particulièrement efficace, mais les instruments sur lesquels s’appuyer ne sont pas véritablement précisés.
Troisièmement, enfin, la trajectoire des dépenses de retraite, marquée par une nette dégradation dès 2024, est d’autant plus préoccupante que le Gouvernement indique avoir en partie pris en compte, à un niveau qu’il n’a cependant pas clairement précisé, les effets d’une nouvelle réforme.
Le relèvement de l’âge de départ est désormais jugé absolument indispensable, alors que cette idée avait été totalement écartée en 2017. Le Sénat, lui, a été constant sur ce point, en inscrivant depuis 2014, dans chaque PLFSS, une mesure en ce sens.
En tout état de cause, cette réforme, constamment repoussée, sera engagée trop tardivement pour avoir un effet sensible sur le rythme de progression des dépenses de retraites d’ici à 2027.
En résumé, le PLFSS pour 2023 comporte peu de mesures de nature à rééquilibrer les comptes sociaux. L’amélioration affichée pour l’an prochain n’est due qu’à une quasi-disparition escomptée de toute mesure spécifique de gestion du covid-19. Les déterminants des déficits persistent et ils sont sans doute sous-évalués.
En outre, le PLFSS est fondé sur une perspective de dégradation des comptes sociaux durant plusieurs années et sur une remontée des déficits dès 2024. La question de leur financement se posera donc inévitablement d’ici à deux ans, quand les possibilités de reprise par la Cades auront été épuisées, dans un contexte de taux d’intérêt sans doute plus difficile que celui de ces dernières années.
Pour ces raisons, la commission des finances a considéré que le projet de loi de financement de la sécurité sociale n’était pas acceptable en l’état. Elle a donc conditionné son avis favorable à l’adoption des amendements présentés par la commission des affaires sociales, dont elle partage pleinement l’objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)