Mme Laurence Rossignol. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 27 est retiré.
Article 7 bis (nouveau)
I. – À l’article 222-14-5 du code pénal, les mots : « ou un agent de l’administration pénitentiaire » sont remplacés par les mots : « , un agent de l’administration pénitentiaire ou le titulaire d’un mandat électif public ».
II. – À l’article 721-1-2 du code de procédure pénale, après le mot : « publique », sont insérés les mots : « , ainsi que les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles L. 233-1 et L. 233-1-1 du code de la route, ».
III. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° À la fin du I de l’article L. 233-1, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » et le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 30 000 euros » ;
2° Le VI de l’article L. 236-1 est complété par les mots : « ou lorsque les faits ont été commis dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ».
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, sur l’article.
Mme Nathalie Delattre. Partout sur notre territoire, nous assistons à une recrudescence d’incivilités et surtout d’agressions envers les élus locaux.
Monsieur le ministre, d’après les chiffres publiés par votre ministère en janvier dernier, les violences physiques contre les édiles ont augmenté de 47 % sur les onze premiers mois de 2021, par rapport à la même période de l’année précédente. Derrière ces statistiques, ce sont exactement 1 186 élus qui ont été pris pour cibles et 419 outrages qui ont été recensés.
Or seule une poignée d’agressions verbales et physiques envers les élus de la République connaissent des suites judiciaires ; et quand bien même une procédure judiciaire est enclenchée, l’on n’enregistre en réalité qu’un très faible nombre de condamnations, même en cas d’agression physique. La plupart du temps, les plaintes sont classées sans suite ou ne font l’objet d’aucune suite pénale.
C’est pourquoi j’avais déposé un amendement inspiré de la proposition de loi que j’ai consacrée à ce sujet, afin de permettre aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour accompagner au pénal tout élu qui aurait préalablement donné son accord. Ces associations pourraient également intervenir en cas de dégradation d’un bien ou lorsque la victime compte parmi les proches d’un élu.
En procédant ainsi, l’on assurerait presque systématiquement des suites judiciaires et l’on réduirait au minimum le nombre des classements sans suite.
Mes chers collègues, je vous informe que nous examinerons cette proposition de loi le 16 novembre prochain dans notre hémicycle.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Très bien !
Mme Nathalie Delattre. Toutefois, il est dommage que nous n’ayons pu saisir l’occasion d’inscrire, dès aujourd’hui, ces dispositions dans le présent texte : en l’occurrence, le temps n’arrange rien.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 64, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement tend à supprimer quatre alinéas ajoutés en commission par notre rapporteur, M. Daubresse.
On l’a bien compris : l’article 7 bis vise à réprimer plus sévèrement les refus d’obtempérer, en alourdissant la peine encourue et en diminuant les crédits de réduction de peine auxquels peuvent prétendre, pour bonne conduite, les personnes condamnées à une peine privative de liberté après avoir commis cette infraction.
La peine encourue serait portée à trois ans d’emprisonnement et à 30 000 euros d’amende. Les crédits de réduction de peine susceptibles d’être accordés seraient quant à eux diminués d’un tiers.
En parallèle, cet article réprime spécifiquement les rodéos urbains – j’y reviendrai.
Selon nous, une diminution des crédits de réduction de peine auxquels les personnes condamnées peuvent prétendre ne peut qu’être contre-productive. Dans les faits, les professionnels de la justice et les membres de l’administration pénitentiaire utilisent ces crédits pour encourager les comportements respectueux des règles internes.
Certes, c’est plutôt dans les textes relevant du ministère de la justice que l’on traite de ces dispositions – je ne reviendrai pas sur la discussion précédente. Mais les crédits de réduction de peine concernent le prisonnier et non le délinquant. Ils sont l’un des outils de la réinsertion, qui compte aussi parmi les missions de la prison. Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip) le soulignent avec raison.
Mettre fin à ce système d’octroi ou de retrait de crédits pour tel ou tel individu revient dès lors à supprimer un moyen de sanction et de régulation des comportements de la population carcérale.
Enfin, une loi renforçant la lutte contre les rodéos motorisés a déjà été adoptée le 3 août 2018. Ses dispositions s’appliquent dès à présent et donnent des résultats satisfaisants pour sanctionner les auteurs de ces délits. Le renforcement des peines restera sans effet sur le taux d’interpellation de ces individus : il s’agit plutôt d’une mesure d’affichage.
M. le président. L’amendement n° 28, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, MM. Kanner et Bourgi, Mme Carlotti, M. Kerrouche, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur, Gillé et Cardon, Mme Conconne, M. Cozic, Mmes G. Jourda, Artigalas et Le Houerou, M. Marie, Mmes Meunier, Monier et Rossignol, MM. Jacquin, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Nous abordons ici un sujet très politique : cet article a d’ailleurs fait l’objet d’une demande de scrutin public.
Pour notre part, nous n’étions pas favorables à l’amendement n° 99, déposé en commission par Marc-Philippe Daubresse : il ne nous semblait pas opportun de traiter, dans un même élan, de l’aggravation du quantum de la peine pour les agresseurs – il s’agit d’aligner le dispositif applicable aux intéressés sur les mesures prévues pour d’autres dépositaires de l’autorité publique –, de la question des rodéos urbains et des refus d’obtempérer.
Nous sommes très favorables au volet relatif aux élus. La logique est imparable : ils doivent être protégés au même titre que d’autres dépositaires de l’autorité publique.
En revanche – j’y reviendrai en présentant notre amendement suivant –, pour ce qui concerne le refus d’obtempérer et les rodéos urbains, un simple durcissement des peines ne saurait, selon nous, être gage d’efficacité.
Je partage l’argumentaire que notre collègue M. Benarroche vient de développer. Nous nous prononçons en faveur de la suppression des alinéas relatifs au refus d’obtempérer et de ceux relatifs aux rodéos urbains, ce que proposent les auteurs de l’amendement suivant.
Un policier de la BAC a été traîné au sol hier à Lyon, après un refus d’obtempérer. Soyons clairs : si nous voulons supprimer ces dispositions, nous ne considérons pas que les policiers et gendarmes doivent être exposés à tous les individus refusant d’obtempérer, qui mettraient leur vie en danger.
Notre position, qui est constante, se fonde sur la nature des rapports entre la police et la population. En matière de refus d’obtempérer, la véritable difficulté relève de la concorde civile. Nous défendrons cet amendement sur ce sujet dans quelques instants.
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, MM. Leconte et Kanner, Mme Harribey, MM. Marie, Bourgi, Sueur, Kerrouche et Cardon, Mmes Carlotti et Conconne, MM. Cozic et Gillé, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Meunier, M. Jacquin, Mmes Artigalas, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. J’ai déjà longuement défendu cet amendement en présentant l’amendement précédent.
Les rodéos urbains sont une plaie. Nos concitoyens sont exaspérés. Cette pratique suscite un véritable sentiment d’insécurité et bien d’autres difficultés encore. Cela dit, nous avons récemment travaillé sur ce sujet : la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés, en créant une nouvelle infraction, a déjà fait de ces rodéos un délit particulier.
La difficulté actuelle réside dans la caractérisation de l’infraction, qui dépend d’éléments de preuve parfois complexes à réunir. La simple augmentation de peine prévue pour ce délit ne suffira pas à résoudre les difficultés de terrain qui sont constatées dans de trop nombreux quartiers de notre pays.
Nous ne disons évidemment pas qu’il faut laisser faire et que tout va bien. Notre position n’est empreinte d’aucune naïveté, d’aucune candeur, d’aucun angélisme, mais d’un souci d’efficacité. Simplement, la disposition qui a été adoptée par voie d’amendement en commission, et dont l’objet est très large, ne nous semble pas atteindre pleinement ses objectifs.
M. le président. L’amendement n° 227, présenté par MM. Daubresse et L. Hervé, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer la référence :
VI
par la référence :
IV
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L’amendement n° 227 vise à corriger une erreur matérielle. Ses dispositions ne posent, à mon sens, aucune difficulté.
J’en viens à l’avis de la commission sur les amendements précédents.
Mes chers collègues, je vous ai écoutés avec intérêt. Les propos de Mme Mercier m’ont poussé à m’interroger : un parlementaire doit-il faire du droit ou de la politique ? C’est un sujet de philosophie pour M. Pap Ndiaye… (Sourires.)
Un parlementaire, nous le voyons tous les jours, doit faire les deux – avec rigueur et méthode, comme l’ont dit M. le président de la commission des lois et M. Hervé.
Monsieur Benarroche, à la différence de votre proposition, nous n’avons pas présenté cet amendement après que la commission a été réunie. De plus, nous avons refusé des amendements dont certains étaient certes issus des groupes d’opposition, mais dont d’autres émanaient de la majorité sénatoriale, vous en conviendrez.
M. Loïc Hervé et moi-même connaissons très bien avec le problème de la sécurité dans les transports, puisque nous avons été les rapporteurs de la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés. Je suis donc d’accord pour dire que, sur le fond, notre collègue M. Tabarot a raison. Cependant, nous n’avons pu recevoir ses amendements, eu égard au périmètre défini par le président de la commission à partir du texte du Gouvernement, qui évoque les « violences commises sur la voie publique ».
D’ailleurs, M. Retailleau a présenté un amendement qui a reçu un avis défavorable, car il ne respectait pas non plus le périmètre, et il l’a très bien compris.
Mon cher collègue, l’amendement que j’ai présenté avec M. Loïc Hervé, au nom de la commission des lois, tend pleinement à s’inscrire dans le périmètre de l’article 45 de la Constitution. Son objet est non pas de faire plaisir à telle ou telle personne, mais de faire en sorte que nous soyons le plus rigoureux possible et que nous évitions les risques d’inconstitutionnalité, desquels nous ne sommes jamais à l’abri.
Pour bien faire comprendre ce qui nous a poussés à écrire cet amendement, je vais relire le rapport de la commission : « Les auditions conduites par les rapporteurs ont montré l’urgence et l’importance d’améliorer la réponse pénale sur trois enjeux essentiels ».
Le premier enjeu est celui des « violences faites aux élus ». Mme Delattre s’est exprimée à raison à ce propos, et j’aurais aimé pouvoir adopter son amendement. Je voterai des deux mains pour sa proposition, réalisée à partir de remarquables travaux, dès qu’elle viendra en discussion. Nous sommes évidemment d’accord sur tous ces sujets – vingt ans durant, j’ai été le premier vice-président de l’association des maires du département du Nord !
D’ailleurs, le sujet des violences faites aux élus est le premier qu’évoquent les associations d’élus locaux. C’est un sujet consensuel au sein de notre assemblée, où nous sommes d’abord les représentants des élus locaux.
Les violences faites aux élus ont augmenté de 57 % en un an, comme l’a rappelé M. le ministre. Toutes les semaines, parce que nous faisons notre travail avec rigueur et méthode, nous rencontrons tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, des élus qui nous parlent avant tout de ce problème. Ensuite, ils évoquent l’énergie, mais c’est un autre sujet… (Sourires.)
Les deux autres enjeux que nous avons identifiés sont « les refus d’obtempérer » et « les rodéos urbains ».
Bien sûr, de nos auditions avec la Conférence nationale des procureurs de la République, avec le Conseil national des barreaux, etc., le premier sujet qui ressort est la réforme de la police judiciaire. Nous en avons débattu, nous ne l’avons pas esquivé, c’est le moins que l’on puisse dire !
Il y a toutefois un autre enjeu qui ressort de nos échanges avec les policiers : les refus d’obtempérer.
J’attire votre attention sur un point. J’ai auditionné toutes les institutions – c’est le rôle du rapporteur. J’ai également reçu, à titre informel, pour me faire une idée – mon père était commissaire de police, ce n’est un secret pour personne ! –, de nombreuses personnes originaires de mon bon département du Nord, après qu’elles me l’ont demandé. J’ai écouté leurs propos, sans donner mon opinion. Tous m’ont parlé en premier du refus d’obtempérer.
Je suis très content d’avoir débattu de l’article 1er. Nous aurions pu nous dire que nous perdions notre temps, car il s’agit simplement d’un rapport d’orientation dépourvu de dispositions législatives. Or, mes chers collègues, nous n’avons pas perdu notre temps !
À cet égard, je remercie de nouveau M. le ministre du temps qu’il a pris pour nous répondre – on se plaint parfois que les ministres, quel que soit le gouvernement, répondent trop rapidement – et pour nous expliquer avec pédagogie ce qu’il voulait faire et pourquoi.
Moi qui ai appartenu à un gouvernement, comme Mme Rossignol, je puis vous assurer que, lorsqu’un ministre, animé par ses convictions, souhaite proposer une grande réforme à son ministère, il prend lui-même la plume, en écoutant, bien sûr, son cabinet. M. Darmanin, malgré les reproches que l’on peut lui adresser, est personnellement convaincu par la réforme qu’il nous présente, chacun l’a bien compris.
Oui, le nombre de refus d’obtempérer m’a fortement marqué ! Monsieur Durain, j’ai beaucoup d’estime et de respect pour vous – c’est réciproque, je le sais. Nous avons réalisé ensemble un rapport d’information, durant lequel nous n’avons rencontré aucune difficulté, parce que nous n’avons pas posé les problèmes de manière partisane. Ainsi, nous partageons une vision commune sur les systèmes de traitement d’images par intelligence artificielle – M. Hervé a beaucoup travaillé sur ce sujet également –, pour laquelle il n’y a pas eu la moindre difficulté d’arbitrage.
L’amendement que vous avez présenté avant-hier soir tend à poser une question légitime : l’alourdissement des peines va-t-il permettre de mieux lutter contre les refus d’obtempérer ? Je respecte votre opinion – en quelque sorte par définition –, d’autant plus qu’elle est cohérente avec votre argumentation. D’ailleurs, je me suis également posé cette question.
Pour autant, monsieur Durain, voici le chiffre que M. le ministre nous a donné : le nombre de refus d’obtempérer a augmenté de 27 %, et non pas de 17 % comme je l’avais dit plus tôt. J’ai présenté ce chiffre, qui m’a fortement marqué, à la suite de la réunion de travail organisée par M. le ministre, place Beauvau, pour la commission des lois.
Par ailleurs, la situation s’aggrave depuis que les policiers sont davantage autorisés à faire usage de leurs armes : en 2017, pour 102 tirs de la police nationale et 52 de la gendarmerie, on compte 254 refus d’obtempérer ; en 2021, pour 157 tirs de la police nationale et 44 de la gendarmerie, on compte 201 refus d’obtempérer. Autrement dit, le nombre de refus d’obtempérer et le nombre de tirs augmentent fortement.
Imaginez les conséquences dramatiques non seulement pour les victimes d’un chauffard, mais également pour les policiers. Ne croyons pas qu’ils jouent aux cow-boys. Utiliser son arme pour un policier est un drame, oui, un drame ! (M. le ministre acquiesce.)
Le nombre de tirs a diminué – chacun a conscience de la gravité de la situation –, mais les refus d’obtempérer ne cessent d’augmenter.
M. le président. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous vous approcher du moment où vous présenterez la position de la commission ? (Sourires.)
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je m’en approche, monsieur le président !
Quand je siégeais au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, André Diligent répondait au président Josèphe : « Je m’appelle Diligent, donc je vais vite ; vous vous appelez Josèphe, donc vous êtes juste ». (Nouveaux sourires.)
En somme, nous pensons que l’alourdissement des peines aura un effet préventif.
Monsieur Benarroche, si vous reprenez le compte rendu de nos débats relatifs à la réduction des peines lors de l’examen de la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés, vous lirez que j’ai refusé des amendements trop excessifs à ce sujet, en reprenant, en partie, vos mêmes arguments.
Enfin, je propose de sanctionner plus lourdement non pas tous les rodéos urbains, mais uniquement ceux qui mettent en danger la vie d’autrui. Cette proposition s’inscrit bien dans le cadre des violences sur la voie urbaine.
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet article additionnel, qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement, est un souhait de la commission des lois.
Cela me conduit à penser que nous pouvons partager, avec MM. les rapporteurs, un certain nombre de constats de fond, même si, sur la forme, demeure la question de savoir si l’article est, ou non, un cavalier législatif – je comprends que la commission, qui l’a accepté conformément à l’article 45 de la Constitution, en discute.
Je partage une grande partie des constats dressés par le Sénat.
En premier lieu, les violences contre les élus, dont le nombre est très élevé, ont augmenté de 35 %. Le renseignement territorial a constaté 1 720 faits contre des « personnes dépositaires de l’autorité publique », dont 898 ont visé des élus locaux, soit une augmentation de 52 % pour les élus locaux et de 78 % par rapport à 2020. Sur ce point, je pense que Mme Delattre a tout à fait raison.
De plus, selon les remontées de l’ensemble des centres de veille du ministère de l’intérieur, 1 037 procédures établies impliquant un élu comme victime ont été constatées, dont 157 pour violence physique et 808 pour menace ou outrage. C’est un problème très important. À cet égard, je suis donc d’accord avec les dispositions de la commission des lois.
Nous avons supprimé les remises de peine accordées de manière automatique, mais non pas celles qui sont accordées de manière individuelle. Selon la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, la remise de peine peut être accordée en fonction des efforts réalisés par la personne condamnée, alors que les remises de peine automatiques n’étaient pas accordées en fonction de ces efforts.
Le débat sur les remises de peine a donc été tranché de manière générale, mais demeure le problème particulier évoqué par M. le rapporteur, dont la position est, je crois, conforme à notre loi.
S’agissant des rodéos urbains, qu’il ne faut pas confondre avec les refus d’obtempérer, nous avons constaté, depuis le 1er janvier 2022, quelque 3 808 infractions, contre 2 737 en 2021, sur la même période.
Il s’agit des rodéos constatés, par les services de police nationale et municipale et par les services de gendarmerie, à l’aide, notamment des caméras de vidéoprotection. Ils ne peuvent toutefois constater les rodéos effectués à l’abri des caméras de vidéoprotection ou hors de la vue des policiers et gendarmes.
Nous avons intensifié depuis le 15 mai dernier la mobilisation des services de l’État – mes interventions médiatiques en témoignent –, pour lutter contre ces fléaux qui, comme vous l’avez tous dit, perturbent fortement la vie de nos concitoyens. Ainsi, 75 000 opérations de lutte contre les rodéos urbains ont été mises en place, soit une augmentation des contrôles de 50 %, et quelque 3 250 véhicules ont été saisis, grâce à la loi du 3 août 2018 votée par la majorité parlementaire de l’Assemblée nationale et que vous avez bien voulu accompagner, mesdames, messieurs les sénateurs. Dans ce cadre, 5 350 interpellations ont été réalisées.
Les 3 800 infractions constatées en 2022 ont presque toutes donné lieu à des interpellations, lorsque les services de police ou de gendarmerie étaient sur place.
Au fond, la question que pose le rapporteur au travers de l’amendement tendant à créer l’article 7 bis est de savoir quelles sont les suites judiciaires données à ces nombreuses interpellations. Aujourd’hui, la police et la gendarmerie ont des moyens importants pour lutter contre les rodéos. La question est bien celle de la répression pénale.
Voici les chiffres des poursuites judiciaires pour l’année 2021. Sur 1 325 personnes mises en cause en 2021 pour des infractions liées aux rodéos urbains, 248 ont bénéficié d’un classement sans suite pour affaire non poursuivable, 22 ont bénéficié d’un classement sans suite pour inopportunité des poursuites ; 234 ont été orientées par les parquets vers une mesure alternative aux poursuites et 61 vers une composition pénale. Enfin, 760 personnes – tout de même ! –, ont fait l’objet de poursuites judiciaires et sont encore en attente d’une décision de justice, qui peut être une peine de prison ferme.
Nous constatons qu’il n’y a que 22 décisions de classement sans suite pour inopportunité des poursuites. Les parquets, en décidant de poursuivre le maximum de personnes, ont, à mon sens, compris l’intention du législateur.
Au total, en 2021, quelque 1 159 personnes ont été condamnées pour une infraction liée aux rodéos urbains.
Pour approfondir la réflexion de M. le rapporteur, il faudrait étudier le quantum de peine et analyser les résultats des décisions rendues par les juges du siège.
S’agissant maintenant des refus d’obtempérer, qui constituent un sujet distinct – même si, malheureusement, ils peuvent se transformer en refus d’obtempérer, tout étant lié –, nous comprenons l’objectif du rapporteur au travers de cet amendement.
En 2021, on dénombre 28 000 faits de refus d’obtempérer, soit un toutes les vingt minutes en zone police et en zone gendarmerie. Ils sont en augmentation constante, comme l’a souligné M. le rapporteur.
Il existe deux sortes de refus d’obtempérer, selon qu’ils mettent ou non la vie d’autrui en danger.
Les refus d’obtempérer mettant en danger la vie d’autrui sont en augmentation de 41 %. C’est une menace pour les services de police et de gendarmerie, pour les agents de la sécurité civile, ou encore les agents des autoroutes, qui subissent malheureusement parfois les conduites très dangereuses des criminels de la route qui refusent de ralentir.
Près de 20 000 faits ont été constatés au cours des neuf premiers mois de l’année 2022. Ces statistiques vont donc continuer de se dégrader.
À cause des refus d’obtempérer, plus de 9 000 policiers ou gendarmes ont été blessés en mission depuis trois ans, oui, 9 000, mesdames, messieurs les sénateurs ! C’est la première cause de blessures dans la police et la gendarmerie nationales.
Pour toutes ces raisons, monsieur le rapporteur, nous comprenons et nous approuvons l’article 7 bis, nonobstant l’éventuelle difficulté formelle liée à l’article 45 de la Constitution, mais je fais confiance, bien sûr, à votre commission des lois.
Bien sûr, nous sommes prêts à améliorer le dispositif, s’il est adopté, au cours de son examen par l’Assemblée nationale. Sur d’autres dispositifs, j’avais constaté les difficultés rencontrées par les services de police, notamment pour saisir les véhicules – motos, quads ou voitures –, qui sont officieusement prêtés, puis déclarés volés.
Le tour est le suivant : un ami me prête un véhicule avec lequel je roule de façon extrêmement dangereuse. Puis, je préviens par SMS cet ami que les services de police m’ont interpellé, et il leur déclare que je lui ai volé son véhicule, alors que, en réalité c’est lui qui me l’a prêté ! Cela permet d’éviter la saisie du véhicule. Car, désormais, nous saisissons systématiquement les véhicules.
Ainsi, nous devons être attentifs à ces petits détournements de la loi. Le Gouvernement, si l’Assemblée nationale en est d’accord, pourrait défendre des amendements en ce sens.
J’émets donc un avis de sagesse sur les amendements nos 64, 29 et 29, et un avis favorable sur l’amendement n° 227 de coordination de M. le rapporteur, qui est purement rédactionnel.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. J’ai largement exposé ce qui nous avait déterminés à déposer ces amendements de suppression relatifs aux rodéos urbains et aux refus d’obtempérer.
D’une part, nous questionnons l’efficacité de la réponse pénale contre les rodéos urbains ; d’autre part, nous ne partageons ni la réflexion initiale ni les constats de la commission.
Notre groupe va prendre ses responsabilités. Nous sommes extrêmement attachés à la défense de l’exercice du mandat d’élu, mis en cause par des agressions verbales ou physiques. Nous en voyons des exemples dans tous les départements, notamment chez moi, en Saône-et-Loire, où un maire a récemment abandonné son mandat après avoir été agressé par un de ses concitoyens.
Nous voterons donc cet article et nous continuerons le combat sur les refus d’obtempérer, notamment au moyen de l’amendement n° 119, qui vise à insérer un article additionnel après l’article 7 bis, pour aller au bout des arguments que nous souhaitons défendre. Mais nous ne partageons pas les prémisses de la réflexion du rapporteur sur ces trois enjeux, qui nous semblent de nature différente.