M. le président. Monsieur Patient, les amendements nos 218 rectifié et 219 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Georges Patient. Non, je vais les retirer, monsieur le président.
Je tiens à dire toutefois – M. le ministre l’a précisé – que l’amendement n° 219 rectifié n’est pas de même nature que les précédents : il porte sur les concours déconcentrés. Je reviendrai plus tard sur ce point, que je considère comme l’une des principales solutions susceptibles de résoudre nos problèmes d’effectifs dans les outre-mer.
M. le président. Les amendements nos 218 rectifié et 219 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 217 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 185, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 231
Supprimer les mots :
à la création d’assistants d’enquête de police et gendarmerie, à des moyens mis sur l’aboutissement d’une procédure numérique et
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. La création d’assistants d’enquête de police et gendarmerie, prévue à l’alinéa 231 du rapport annexé et que nous retrouverons à l’article 10 du projet de loi, pas plus qu’une procédure numérique, ne saurait satisfaire nos concitoyens victimes ni les personnes ayant commis un délit.
En effet, les assistants d’enquête seront des profanes en matière de procédure pénale et de gestion des prévenus dans un commissariat, ce qui risque fortement d’entacher la procédure de nullité.
De surcroît, la numérisation de la procédure pénale permet certes une réponse rapide, mais impersonnelle et non individualisée. Or le présent projet de loi ne contient aucune disposition garantissant que la procédure pénale numérisée ne sera pas traitée par un algorithme décidant ou non du classement sans suite.
Cette création d’assistants d’enquête vise en réalité, selon nous, à pallier un déficit de formation ; en la matière, nous proposons, quant à nous, un triplement du budget.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La réflexion de Mme Assassi avait toute sa pertinence au début de l’examen de ce texte : il existait bel et bien une faille. Le Conseil d’État avait en effet pointé la nécessité que les transcriptions d’enregistrement restent entièrement sous la responsabilité des OPJ ou des agents de police judiciaire (APJ). Mais, entre-temps, M. Richard a déposé un amendement très pertinent qui a été adopté par la commission et intégré à son texte.
Toutes les appréhensions liées aux modalités d’exercice de leurs tâches par les assistants d’enquête n’ont donc plus d’objet grâce au texte de la commission.
Par ailleurs, il n’y a aucune raison qu’un algorithme intervienne à la place d’un agent. Nous avons travaillé sur cette question avec MM. Durain et de Belenet : quand la police utilise ces algorithmes, une intervention humaine est toujours requise. Jamais un algorithme n’est utilisé de manière mécanique, sans contrôle humain.
Les appréhensions de Mme Assassi n’ayant plus lieu d’être, l’avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 124, présenté par MM. Kanner et Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Gillé et Jacquin, Mmes Le Houerou, G. Jourda et Artigalas, M. Cozic, Mmes Conconne, Meunier et Carlotti, M. Cardon, Mmes Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 233
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Tirant le constat du nouveau contrat opérationnel auquel sont confrontés les sapeurs-pompiers comme principaux acteurs de la sécurité civile, la modernisation nécessaire de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers sera engagée.
La parole est à M. Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner. Dans le rapport annexé, l’accent est mis sur l’objectif consistant à replacer le ministère de l’intérieur dans le rôle d’organisateur incontournable de la gestion de crise, avec l’ambition, pour y parvenir, de remettre à niveau ses capacités – nous y sommes favorables, naturellement.
Cet amendement s’inscrit pleinement dans cette démarche : nous proposons d’inscrire dans le rapport annexé le renforcement de la formation des sapeurs-pompiers. Je précise que cette demande émane d’un ancien président du plus important service départemental d’incendie et de secours (Sdis) de France.
À cette fin, nous proposons d’introduire dans le rapport annexé, donc dans la loi, une référence expresse à la nécessaire modernisation de la formation dispensée à l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp), qui pourrait s’orienter dans plusieurs directions.
Première direction : nous plaidons pour un repositionnement de l’école comme établissement pilote de la formation des sapeurs-pompiers, ce qui suppose de trancher entre le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l’Ensosp.
Deuxième direction : nous souhaitons le maintien du chef-de-filât permanent de l’État dans la gouvernance de l’établissement, qui devrait être subordonné au renforcement des moyens humains de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) et à sa transformation en véritable animatrice, aux côtés des élus, du réseau des Sdis.
On pourrait envisager, en troisième lieu, la mutation de cet établissement en un institut national de la protection civile et des situations d’urgence chargé notamment de l’innovation, pôle d’excellence européen qui serait rattaché à l’Institut national du service public, qui a remplacé l’École nationale d’administration (Ena).
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. M. Kanner ayant beaucoup travaillé sur ces sujets avec notre ancienne vice-présidente Catherine Troendlé, j’aurais tendance à le suivre. Mais la commission a souhaité recueillir préalablement l’avis du Gouvernement. Si cet avis était favorable, celui de la commission le serait également.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Avis favorable : le président Kanner a raison. Nous avons beaucoup d’ambition pour cette école. Un nouveau directeur, vous le savez, a été annoncé ; il connaît bien la profession de sapeur-pompier, mais aussi la gestion de crise.
La perspective que vous dessinez est en partie satisfaite, mais mérite d’être replacée dans un ensemble plus global. Les précisions proposées sont en tout état de cause les bienvenues.
M. le président. L’amendement n° 202, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 233
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le lendemain de chaque manifestation durant laquelle les forces de l’ordre ont fait usage de leurs armes, le traitement relatif au suivi de l’usage des armes (TSUA) sera rendu accessible au public.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements suivants nos 203 et 190, qui font l’objet d’une discussion commune avec les amendements nos 100 et 150.
En effet, ces trois amendements, qui se justifient par leur texte même, tendent à prévoir des mesures que nous avions développées dans notre proposition de loi visant à interdire l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD).
M. le président. L’amendement n° 204, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 233
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport détaillé et documenté sur les avantages et les inconvénients de chaque type de doctrine au niveau européen, et sur les alternatives à mettre en œuvre dans notre pays pour pacifier le maintien de l’ordre dans le cadre des manifestations
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 204 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 203, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 233
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Interdire immédiatement l’usage des lanceurs de balles de défense dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre
L’amendement n° 190, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 323 et 324
Supprimer ces alinéas.
Ces deux amendements ont déjà été défendus.
L’amendement n° 100, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 324
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans le cadre de ces opérations de maintien de l’ordre, l’usage des lanceurs de balles de défense et des grenades de désencerclement est interdit.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Publié le 20 janvier 2021, le rapport de la commission d’enquête relatif au maintien de l’ordre, rédigé par le député Jean-Michel Fauvergue, préconise l’interdiction de l’usage des LBD.
L’ancienne adjointe du Défenseur des droits en charge de la déontologie, Mme Claudine Angeli-Troccaz, a expliqué la dangerosité d’une telle arme et les risques disproportionnés qu’elle fait courir dans le contexte des manifestations : « Dans une foule mouvante, cette arme imprécise n’atteint généralement pas sa cible et occasionne des blessures graves. Les utilisateurs disent eux-mêmes qu’elle est difficile à maîtriser et que sa marge d’incertitude est grande. »
Le ministère de l’intérieur a toujours été frileux quant à l’encadrement de cette technique, n’émettant le 23 janvier 2019 que des préconisations molles visant à doter « dans la mesure du possible » les tireurs équipés de LBD « d’une caméra-piéton à fixation ventrale de préférence ».
Le maintien de l’ordre doit s’inspirer de doctrines moins frontales. Si le schéma du maintien de l’ordre présenté en décembre 2021 l’évoque, la place réservée aux armes de force intermédiaire reste trop importante. En effet, au cours de l’année 2019, lors des manifestations des « gilets jaunes », de nombreuses personnes ont été mutilées par ces deux armes. Les risques d’infirmités permanentes sont très élevés.
Pour s’engager dans une réelle doctrine de désescalade de la violence, il convient également de prohiber, lors des opérations de maintien de l’ordre, l’usage des grenades de désencerclement, qui ont, elles aussi, été à l’origine de graves mutilations.
Au regard des objectifs du maintien de l’ordre, l’usage de ces armes au cours de manifestations s’avère donc totalement disproportionné.
Face à la multiplication des incidents, le présent amendement, inspiré des travaux de différents groupes parlementaires, vise à supprimer l’utilisation de telles armes lors d’opérations de maintien de l’ordre.
M. le président. L’amendement n° 150, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 327
Remplacer les mots :
Un investissement massif dans la formation des forces au
par les mots :
Une refonte totale de la doctrine de
II. - Après l’alinéa 327
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La doctrine de maintien de l’ordre du ministère de l’intérieur sera entièrement refondée en suivant une logique de dialogue, d’apaisement et de désescalade. Pour faire évoluer cette doctrine, le ministère engagera une réflexion exigeante avec le monde universitaire. À ce titre, les lanceurs de balles de défense et les grenades de désencerclement ne seront plus utilisés par les forces de l’ordre, ainsi que les techniques dites de « nassage ».
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Nous souhaitons améliorer significativement les rapports entre la police et la population, même si l’on a compris que, pour vous, monsieur le ministre, tout allait bien… Pour ce faire, nous souhaitons que le rapport évoque non seulement les moyens employés, mais également les finalités et l’efficacité du maintien de l’ordre.
La priorité est non pas l’investissement massif dans la formation, mais plutôt une refonte totale de la doctrine du maintien de l’ordre. Il n’est ni supportable ni acceptable que les forces de l’ordre fassent régulièrement la « une » des journaux nationaux, et désormais internationaux, du fait de la répression violente et inadaptée d’événements en tous genres.
Qu’il s’agisse d’un afflux de supporters anglais pacifiques au Stade de France, des rassemblements de « gilets jaunes », des manifestations – voire des rassemblements – en soutien aux femmes iraniennes, la doctrine est toujours la même et tient en quelques mots : lacrymogènes, grenades de désencerclement, matraques et nasses. Ces méthodes, inefficaces, ont atteint leur limite.
Il est devenu très compliqué de manifester dans ce pays. La doctrine de maintien de l’ordre, qui consiste à considérer les manifestants comme des éléments hostiles, d’où qu’ils viennent, n’aboutit qu’à une montée en tension et au désordre. L’expérience du Stade de France a été éclairante sur l’inefficacité de cette doctrine.
Il est temps d’en finir avec cette militarisation à outrance du maintien de l’ordre et de concevoir des stratégies de désescalade et de dialogue. Si de tels événements se sont produits au Stade de France, que se passera-t-il lors des jeux Olympiques de 2024, quand le monde aura le regard braqué sur nous ?
Il est urgent de changer la doctrine non seulement pour la sécurité des manifestants et des participants aux rassemblements, mais aussi pour les policiers et gendarmes qui subissent cette montée en tension permanente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 202, 203, 190, 100 et 150 ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Concernant l’amendement n° 202 présenté par Mme Assassi, je l’ai déjà dit hier, il existe des inspections chargées du contrôle de l’activité des services. L’adoption de cet amendement entraînerait des conséquences disproportionnées.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Pour ce qui est des amendements suivants, je l’ai également indiqué hier et le rappellerai ultérieurement si nécessaire, la doctrine de la commission est la suivante. La mission d’information sur les moyens d’action et les méthodes d’intervention de la police et de la gendarmerie dont les rapporteurs sont Maryse Carrère et Catherine Di Folco, qui traite en particulier des doctrines de maintien de l’ordre, procède actuellement à des auditions et remettra un rapport. Nous émettrons un avis défavorable sur tous les amendements ayant un lien avec les sujets relevant de cette mission tant qu’elle n’aura pas remis ses conclusions.
L’avis est donc défavorable sur les amendements nos 203, 190, 100 et 150.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 187, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 235
1° Quatrième et sixième phrases
Supprimer ces phrases.
2° Dernière phrase
Supprimer les mots :
, simplifier la procédure pénale
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Le présent amendement vise à supprimer dans le rapport annexé la description des règles de la procédure pénale comme autant de tâches détachées du cœur de métier de l’investigation. La lourdeur de ces règles est présentée dans ce projet de loi comme la cause principale de la désaffection dont souffre la filière investigation.
Selon nous, la simplification de la procédure pénale telle qu’elle est exposée dans ce texte ne permet pas d’améliorer la qualité des enquêtes. Elle conduit à faire passer aux agents encore plus de temps sur la voie publique, ce qui contredit l’objectif de renforcement de l’attractivité de la filière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat hier soir. Comme nous nous sommes efforcés de le démontrer, on peut parfaitement alléger la procédure pénale sans affaiblir la protection des libertés et des droits des citoyens.
Mme Assassi et son groupe ont le mérite de la cohérence, mais nous l’avons aussi : l’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 186, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 236 à 239
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Nous considérons que la suppression de la condition d’ancienneté de trois ans d’exercice actuellement requise pour passer le concours d’officier de police judiciaire (OPJ) représente un abaissement, non souhaitable, des exigences en termes de recrutement.
Un officier de police judiciaire dispose de pouvoirs coercitifs dont ne dispose pas un agent de police judiciaire (APJ). C’est notamment lui qui prend la décision de recourir à une mesure de garde à vue, sous l’autorité du ministère public, et qui se transporte au domicile du mis en cause en cas de flagrance.
De telles décisions nécessitent mesure et maturité. Il n’est donc en aucun cas judicieux d’abaisser les seuils d’exigence et de trop faciliter l’accès à cette profession de très grande responsabilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Lorsque nous les avons auditionnés, le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale nous ont indiqué que le niveau du concours ne changerait pas, et que les candidats n’ayant pas le niveau requis ne réussiraient pas les épreuves.
Il faut en outre, pour devenir OPJ, effectuer trente mois de service, dont au moins six mois en tant qu’APJ.
J’ajoute que les élèves qui sortent de l’École nationale de la magistrature, dont le temps de formation est peu près le même, sont tout aussi aptes à mettre en application la procédure pénale que les policiers.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce point est très important. Dans la suite du débat sur cet article, nous irons sans doute plus vite pour le traiter, mais je tiens d’abord, monsieur le sénateur, à ce que vous compreniez bien pourquoi nous prévoyons cette mesure.
Aujourd’hui, les policiers – pour les gendarmes, le fonctionnement est différent – qui sortent de l’école de police ne peuvent pas passer, même lorsqu’ils souhaitent rejoindre la filière investigation, le bloc OPJ. Ils doivent attendre au moins trois ans. C’est cette disposition du code de procédure pénale que nous voulons modifier, car elle nous paraît inepte. En effet, on n’exige pas la même chose des magistrats qui sortent de l’École nationale de la magistrature, lesquels peuvent devenir facilement – si je puis dire – substitut du procureur. Or les policiers ne sont pas plus bêtes, me semble-t-il, que les magistrats…
Le problème est surtout, dans le système actuel, que l’on ne prête pas attention à la qualité ou au nombre des diplômes dont sont titulaires des policiers qui ont passé un concours de la police parce qu’ils avaient envie de changer de vie. Je connais ainsi beaucoup de gens qui ont une licence, une maîtrise, voire un master de droit, et qui présentent les épreuves du concours de gardien de la paix ; il y en a plein dans les écoles de police…
Il nous a semblé que la seule condition d’ancienneté à partir de la sortie de l’école de police, actuellement requise pour passer le bloc OPJ, n’était pas satisfaisante et qu’il fallait considérer la qualification personnelle du candidat qui souhaite passer ces épreuves.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, lorsqu’un policier reçoit son affectation à la sortie de l’école de police, il met rarement sa vie professionnelle et sa vie personnelle entre parenthèses pour passer un concours – c’est tout le problème des personnes qui passent des concours internes de la fonction publique. Il lui faut parfois davantage de temps pour s’inscrire dans la vie professionnelle qu’il a choisie, surtout s’il est affecté dans une autre ville que la sienne et s’il est un « célibataire géographique ». Un policier ne passe donc pas automatiquement le concours d’OPJ au bout de trois ans d’exercice ; il peut se dire qu’il l’envisagera dans cinq, dix ou quinze ans.
De ce fait, il nous manque en tout 5 000 OPJ, et vous devez sûrement le constater dans votre territoire. Vous êtes en effet nombreux à m’écrire pour me dire qu’il manque des OPJ dans vos commissariats.
Or la difficulté, monsieur le sénateur, c’est que le ministre de l’intérieur que je suis ne peut pas affecter des OPJ dans les commissariats de façon – si j’ose dire – militaire. La seule chose que je puisse faire est d’ouvrir des postes. Et si aucun candidat ne se présente pour occuper un poste ouvert, je ne peux forcer personne à y aller.
Le ministre de l’intérieur ne peut obliger à rejoindre des postes uniquement les policiers qui sortent de l’école de police. Puisqu’aucun policier sortant de l’école de police ne pouvait, jusqu’à présent, passer le concours d’OPJ, je ne pouvais pas affecter dans les commissariats des policiers sortis de l’école ayant la qualification d’OPJ. CQFD !
Demain, en revanche, si vous votez cette disposition qui me paraît de bon sens, je pourrai affecter directement des OPJ dans les commissariats, car je disposerai de deux types d’élèves gardiens de la paix : ceux qui n’ont pas obtenu le concours d’OPJ et ceux qui l’ont réussi.
Enfin, je terminerai ce propos, en complétant les propos de M. le rapporteur, par un point très important.
Nous avons essayé d’avoir de la suite dans les idées. Vous avez voté l’année dernière la disposition faisant passer de huit à douze mois la formation de gardien de la paix. Dans ce délai de quatre mois de formation supplémentaire, les gardiens de la paix passeront le bloc OPJ. Cela ne signifie pas que tous les réussiront. « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés », comme disait l’autre…
Pour ceux qui ne réussiront pas les épreuves du bloc OPJ, ce n’est pas très grave : ils auront suivi des cours de droit supplémentaires, ce qui ne fait de mal à personne, et surtout pas à un futur policier.
Quant à ceux qui les ont réussies – nonobstant d’ailleurs les trente mois de probation, soit pas loin de trois ans si l’on fait le calcul –, non seulement ils auront passé un concours dont les épreuves, inchangées, sont toujours rédigées, corrigées et présidées par des magistrats, mais ils auront obtenu leur qualification à la fin.
Telle n’est pas la démonstration que vous avez faite, monsieur le sénateur. J’avoue que cette histoire d’OPJ est un peu complexe. Je le répète, j’ai moi-même, après ma nomination en tant que ministre de l’intérieur, découvert que je ne pouvais pas affecter directement des OPJ. C’est le mal dont souffre aujourd’hui la police nationale : beaucoup d’agents procèdent à des interpellations, et peu font des enquêtes.
Je crois donc que vous devriez retirer votre amendement, car cette disposition est de bon sens, et les participants au Beauvau de la sécurité peuvent en témoigner.
M. le président. Monsieur Gay, après trois minutes quarante-cinq d’une intervention pleine de conviction de M. le ministre, auriez-vous la bonté d’âme de retirer l’amendement n° 186 ? (Sourires.)
M. Fabien Gay. Non, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Monsieur le président, je me permets de faire état d’un certain malaise : depuis maintenant un très long temps, nous examinons sous forme d’amendements, dans le cadre d’une procédure législative, les dispositions générales d’un rapport qui n’a pas de caractère législatif. Il me semble donc qu’il y a eu une erreur de manœuvre de la commission, laquelle a consenti à ce que tout cela donne lieu à une sorte de procédure législative « en l’air ».
Dans le cas particulier, je trouve que l’amendement de nos collègues du groupe communiste manque un peu de la qualité habituelle de leurs propositions puisque nous allons examiner un article législatif qui portera exactement sur le même sujet. Nous en aurons donc parlé deux fois, donc l’une aura été rigoureusement inutile.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 188, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 240 à 253
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Puisque j’ai eu une mauvaise note, j’y retourne… (Sourires.)
Le présent amendement vise à supprimer dans le rapport annexé la sous-section intitulée « Alléger le formalisme procédural et simplifier la procédure pénale ».
Vous le savez, nous rejetons formellement l’allégement du formalisme procédural et la simplification de la procédure pénale, laquelle doit préserver un équilibre entre l’objectif de recherche, la poursuite des infractions, et la garantie de la liberté et des droits des citoyennes et des citoyens.
Nous refusons la dématérialisation du dépôt de plainte et de son suivi. La volonté d’aller vite s’entend, que ce soit pour les victimes ou pour les enquêteurs. Mais encore faut-il ne pas priver les victimes d’un accueil humain et physique ! Et quand bien même l’utilisation d’une telle dématérialisation servirait uniquement pour les atteintes aux biens, l’aspect cathartique pour la victime du déplacement au commissariat n’est, selon nous, pas à négliger.