Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour la réplique.
Mme Béatrice Gosselin. Madame la ministre, j’entends bien vos explications, mais certains « oubliés » du Ségur de la santé n’ont pas reçu ces primes. Par ailleurs, l’État vient d’étendre le bouclier tarifaire énergétique aux Ehpad pour 2023, alors que les établissements hébergeant des personnes handicapées sont exclus de ce soutien financier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. La revalorisation issue du Ségur de la santé, déclinée ensuite dans le médico-social, a conduit au versement d’une prime par touches successives, après de multiples appels à considérer les « oubliés » du Ségur. Et pourtant, deux ans après la prime décidée pour l’hôpital, le Ségur est encore très inéquitablement appliqué dans le médico-social.
Là où il est censé s’appliquer, la réalité est assez confuse et, malheureusement, il subsiste encore des invisibles du Ségur. Tout l’été, des professionnels ont témoigné de ces injustices, notamment les agents affectés aux missions administratives ou logistiques dans les établissements.
Cette segmentation est injuste et délétère.
Injuste, car les personnels savent que, sur le terrain, ce cloisonnement n’a pas lieu d’être : un agent d’accueil en Ehpad est au contact des résidents et de leur famille ; un agent de ménage travaillant dans un établissement de l’aide sociale à l’enfance (ASE) participe à la mission éducative quand il s’assure du respect des règles de propreté.
Délétère aussi, car elle indique la porte de sortie à des personnels formés et compétents, rapidement employables dans le privé.
Certes, ces tensions ne dépendent pas que de l’État, certaines collectivités tardant aussi à financer leur part de cette revalorisation, mais il est de votre devoir, madame la ministre, d’orchestrer l’entrée en application de ce dispositif.
Ma question est simple : le Ségur pour toutes et tous, c’est pour quand ?
M. Xavier Iacovelli. C’est pour maintenant !
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, vous le savez, ce Ségur de la santé a été suivi de décisions historiques. Les revalorisations, tant à l’hôpital que dans les Ehpad, n’avaient jamais atteint ce niveau. Je crois qu’il est bon de le rappeler et de le souligner.
L’enjeu est bien de proposer un rattrapage, mais lorsque l’on propose un rattrapage à des « oubliés » du Ségur, on découvre en général de nouveaux oubliés. C’est un peu ce qui se passe depuis 2020. Cela nous a fait prendre conscience de la nécessité d’un véritable dispositif qui nous permettrait d’éviter cet écueil : je veux parler de la convention collective unique pour le secteur du médico-social et du social.
C’est un véritable enjeu, sur lequel l’État et les départements sont en train de travailler. Ils se sont engagés à soutenir financièrement ce rapprochement, afin d’éviter qu’il y ait encore des oubliés à l’avenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Les pouvoirs publics incitent depuis plusieurs années à la mise en place d’une médecine de « parcours » – de santé, de soins, de vie –, à même de renforcer la prise en charge des patients et des résidents sur tout le territoire et de décloisonner les secteurs.
L’objectif affiché est de prévenir, de soigner et d’accompagner de manière globale et continue les patients et les résidents, au plus près de chez eux.
Cet objectif suppose une bonne répartition des structures sanitaires, médico-sociales et ambulatoires sur le territoire national, mais aussi la complémentarité efficace des professionnels de ces structures.
Cet objectif doit aussi accompagner un virage domiciliaire, qui répond aux souhaits d’une part grandissante de la population.
Dans ce contexte, les acteurs du médico-social ont donc un rôle à jouer dans l’organisation de l’offre de soins, et notamment dans l’offre de soins de demain, qui va devoir prendre en compte le vieillissement de la population.
Compte tenu des difficultés de recrutement du secteur médico-social aujourd’hui, des médecins aux aides-soignants, cette participation à l’organisation des soins de demain suppose néanmoins de faire bouger les lignes pour renforcer l’attractivité du secteur.
Ma question, madame la ministre, portera sur l’architecture budgétaire, et donc, indirectement, sur les moyens.
Les dépenses relatives aux soins à domicile, à savoir celles du virage domiciliaire, relèvent de deux enveloppes différentes, répondant à des logiques de régulation différentes : dotation limitative pour les services de soins à domicile ; enveloppe ouverte pour les actes infirmiers, pour me limiter à ces exemples.
Comment faire, alors, pour que cette architecture institutionnelle ne soit pas un frein à la participation du médico-social à l’organisation des soins de demain ? Quelles sont, selon vous, les conditions à réunir pour qu’une telle réforme réussisse à atteindre les objectifs fixés ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, vous l’avez souligné dans vos propos, prévoir et accompagner, c’est le véritable enjeu auquel l’État doit s’atteler, avec les partenaires que sont les conseils départementaux.
Cela doit se faire autour d’un parcours de prise en charge de la personne, qui nécessite une vision globale de tous les acteurs sur le territoire. C’est tout à fait le sujet de notre débat : acteurs du médico-social et organisation territoriale.
Le virage domiciliaire, c’est le souhait de 80 % de nos concitoyens, qui veulent pouvoir rester chez eux le plus longtemps possible. Ce souhait a été pris en compte lors du dernier quinquennat avec la restructuration des services d’aide à domicile, mais nous voyons bien que le virage domiciliaire ne peut pas être la seule réponse. Il s’agit bien de trouver un mix de solutions d’accompagnement du grand âge.
L’enjeu est avant tout celui du modèle économique.
Il y a d’abord l’heure de prise en charge. C’est pour cette raison que nous avons créé un tarif plancher de 22 euros, qui n’existait pas jusqu’alors, les tarifs étant très inégaux selon les départements. C’est un vrai progrès, voté dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Il y a également eu l’augmentation de 15 % du taux horaire, via l’avenant 43, pour les personnels des aides à domicile.
On voit bien que l’articulation entre les services à domicile et les actes infirmiers, deux domaines différents et complémentaires, est nécessaire. À nous d’inventer les modèles de financement qui permettent une prise en charge globale à domicile.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.
M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, nous avons entendu votre constat, en gros le même que le nôtre, et vos objectifs, mais, concrètement, l’architecture administrative est un frein global à la mise en place d’un véritable service de qualité. Nous pourrons toujours ajouter des moyens supplémentaires, comme avec le Ségur de la santé, tant que nous ne réglerons pas ce problème d’architecture, nous aurons en permanence des difficultés. Ce point me paraît essentiel, au-delà même des budgets complémentaires, souvent aléatoires, à mettre en place.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Les acteurs du médico-social sont divers et variés. En plus des acteurs éducatifs, nous y retrouvons des soignants – aides-soignants, infirmiers, médecins généralistes, psychiatres –, et des paramédicaux – kinésithérapeutes, orthophonistes, ergothérapeutes, psychologues.
Les dirigeants de ces structures ont depuis longtemps compris l’intérêt du maillage territorial et de la coordination du parcours des personnes accompagnées par leurs structures : parcours éducatif, parcours de soins, maillage et partenariat.
Les communautés professionnelles territoriales de santé et médico-sociales pourraient être l’une des réponses. Il s’agirait de s’appuyer sur ce secteur pour renforcer les soins de demain sur nos territoires, ce qui apporterait une valeur ajoutée exponentielle.
Nous pouvons citer l’exemple de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) d’Aulnay-sous-Bois, portée par une association médico-sociale, et qui, pourtant, répond aux missions socles des CPTS et à leur cadre réglementaire.
En revanche, dans un contexte de traitement inégalitaire entre le sanitaire et le médico-social au regard des revalorisations Ségur et Laforcade, comment comptons-nous donner envie à ce secteur de s’engager dans un nouveau défi portant sur le soin ? Quelle reconnaissance du médico-social et quels moyens pour demain allez-vous proposer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, où vous avez présenté ces communautés professionnelles territoriales de santé du médico-social.
Je vais replacer votre intervention dans le contexte du CNR. Très clairement, ce genre d’expérimentation mérite d’être présenté, et peut-être d’être un peu plus accompagné. C’est la vocation du CNR de rendre pérennes les expérimentations qui fonctionnent et de les mettre à disposition d’autres territoires dans une sorte de boîte à outils. La création de communautés professionnelles territoriales de santé et du médico-social, dans un parcours de prise en charge globale, est à mon sens une bonne idée. Je viendrai donc volontiers observer comment fonctionne la structure que vous avez citée. On ne peut pas parler de décloisonnement et ignorer ce genre de dispositif, à partir du moment où ce sont les professionnels eux-mêmes qui se sont entendus pour le créer. Je suis intimement convaincue que ce dispositif ne peut fonctionner que s’il est créé par les professionnels, pour les professionnels, au seul bénéfice de l’accompagnement de nos concitoyens.
Madame la sénatrice, n’hésitez pas à mettre en valeur cette solution dans le cadre du CNR, à aller plus loin dans l’expérimentation d’un modèle de financement. Au croisement de la santé et du médico-social, on rencontre souvent des difficultés, car il y a plusieurs acteurs, mais si l’on trouve la maquette pour le financement, pourquoi ne pas l’intégrer dans le droit commun et la proposer à d’autres territoires ? C’est tout l’intérêt du CNR. En tout cas, je le répète, je viendrai me rendre compte sur place, car je crois que c’est l’une des réponses au problème de prise en charge globale de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour la réplique.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Madame la ministre, en tant que médecin coordinateur de cette structure, je vous invite bien volontiers à venir nous rencontrer. Si ce type de projet peut faire l’objet d’une expérimentation généralisée, c’est parfait.
Rappelons tout de même qu’il est primordial de donner plus de moyens à tous les acteurs du secteur médico-social.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annick Petrus. La crise sanitaire provoquée par le covid-19 et les nombreux décès en Ehpad ont renforcé la conviction d’une nécessaire amélioration de la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
Cette approche doit également permettre d’accroître l’efficience du soutien à l’autonomie. Elle est aussi la promesse d’une solidarité renforcée pour l’ensemble des citoyens nécessitant un soutien à l’autonomie.
Aussi, l’un des chantiers prioritaires permettant de parvenir à une réelle transformation de l’offre est, pour moi, le développement de maisons départementales de l’autonomie (MDA) ; dans la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin, il s’agirait d’une maison territoriale de l’autonomie (MTA).
À la suite de la création, en 2007, des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, il n’y a pas été créé de maison territoriale des personnes handicapées, analogue des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) de métropole. Une convention pluriannuelle relative aux relations entre la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et la collectivité de Saint-Martin a été renouvelée en décembre 2020, pour la période 2021-2024, sans offrir aux instances locales – commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) et équipe pluridisciplinaire d’évaluation (EPE) – le statut juridique de MDPH.
Ces instances fonctionnent à l’intention des personnes en situation de handicap ; la collectivité a recruté en interne des personnes dont les compétences permettent d’assurer pleinement les missions d’une MDPH au sein de la direction de l’autonomie. Cette direction est organisée de manière à assurer sa mission auprès des personnes en situation de handicap, mais aussi en perte d’autonomie.
À l’instar de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, mon territoire doit pouvoir rapidement migrer vers le dispositif de MTA. Cela nécessite une modification du code de l’action sociale et des familles, comme l’ajout de l’article L. 531-8 a pu le faire pour Saint-Pierre-et-Miquelon.
Madame la ministre, ma question est la suivante : l’État est-il prêt à nous accompagner dans cette évolution que nous réclamons depuis trop longtemps ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, l’équité dans l’accès aux droits pour toutes les personnes âgées et en situation de handicap est une nécessité défendue fermement par le Gouvernement.
Cette équité demande de pouvoir décliner les organisations des maisons départementales des personnes handicapées et les services du département en fonction du territoire. Ainsi, on ne propose pas un accueil de proximité de la même façon dans les Hauts-de-Seine, en Haute-Loire, en Guyane, ou a fortiori à Saint-Martin.
La mise en place, dès 2006, d’une maison territoriale de l’autonomie à Saint-Pierre-et-Miquelon résulte d’un choix fort de cette collectivité. D’autres travaux sont conduits par les collectivités d’outre-mer, comme il est prévu dans la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, à la décentralisation, à la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS.
Dès maintenant, pour garantir l’équité de traitement pour les personnes, les professionnels du pôle autonomie de Saint-Martin peuvent s’appuyer sur les outils mis à leur disposition par la CNSA : guides, webinaires d’information et échanges de bonnes pratiques. On peut saluer le suivi individualisé et personnalisé proposé aux habitants âgés ou en situation de handicap de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon par les équipes des collectivités, qu’il s’agisse d’une maison territoriale de l’autonomie ou d’un pôle social.
J’invite donc les acteurs du territoire à formuler une demande – c’est d’ailleurs un peu ce que vous avez fait avec votre question, madame la sénatrice – et nous verrons comment nous pourrons les accompagner.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Saury. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hugues Saury. Dix mille : c’est le nombre de médecins généralistes que la France a perdus en seulement douze ans !
Un tiers de la population française vit désormais dans un désert médical ; dans le Loiret comme dans plus des trois quarts de nos départements, la densité médicale a diminué en 2021. Sans surprise, la pyramide des âges des praticiens assombrit un peu plus encore ce paysage.
Parmi les propositions faites récemment, notamment par le Sénat, on trouve l’extension du champ des actes médicaux prodigués par des professionnels du paramédical. Cette proposition a trouvé un écho particulier en 2018 avec la création du métier d’infirmier en pratique avancée. Celui-ci, rappelons-le, peut désormais se voir confier par un médecin le suivi de patients, dans le strict respect du champ des compétences médicales pour lequel il a été formé et diplômé.
Le modèle de cette profession mérite notre attention : il peut nous inspirer si l’on veut atténuer les difficultés que rencontrent des acteurs du secteur médico-social.
Contraints de composer avec des moyens limités, des revenus souvent modestes et un système de formation inadapté, la majorité des professionnels du secteur regrettent de n’être ni considérés ni reconnus.
Dès lors, madame la ministre, votre éclairage est espéré sur plusieurs points.
En attendant de retrouver un nombre de professionnels de santé en cohérence avec les besoins de nos concitoyens, prévoyez-vous d’étendre la délégation de certaines compétences aux professionnels du médico-social ? Si oui, pouvez-vous préciser les actes concernés ?
Enfin, quelles mesures comptez-vous prendre pour accroître l’attractivité de ces métiers essentiels, notamment celui des aides-soignants ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur l’attractivité des métiers dans le secteur médico-social ; vous avez commencé par rappeler le nombre de médecins que nous avons perdus en quelques années.
C’est bien parce que nous avons perdu 10 000 médecins que nous nous trouvons aujourd’hui dans cette situation pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens. Mais la pyramide des âges n’est pas le seul facteur problématique pour le nombre de médecins, car il y a aussi, si je puis dire, un facteur sociétal : les médecins d’aujourd’hui ne souhaitent plus tout à fait travailler comme les médecins d’il y a quelques années. Quand un médecin prend sa retraite, il en faut trois pour le remplacer.
Nous partageons bien évidemment cette préoccupation, comme je l’ai déjà dit plusieurs fois aujourd’hui ; nous avons bien conscience des fortes tensions de recrutement existant dans tous les secteurs du social et du médico-social.
Les métiers du lien social souffrent aussi de leur faible attractivité. Afin d’y répondre, je le redis, nous avons déjà mené un nombre important d’actions. Nous avons engagé un effort de 4 milliards d’euros en année pleine pour l’ensemble des professionnels du secteur social et médico-social. On compte près de 700 000 bénéficiaires d’une revalorisation équivalente à 183 euros nets mensuels, dont 500 000 au titre du Ségur de la santé et de la mission Laforcade et 200 000 à la suite des annonces de la conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social du 18 février 2022. Jamais pareil investissement n’avait été entrepris dans ce secteur ; je crois qu’il faut le dire et le redire.
Mon collègue Jean-Christophe Combe a par ailleurs annoncé, le 15 septembre dernier, l’élargissement aux salariés du secteur associatif, toutes professions confondues, des mesures de revalorisation du point d’indice prises dans la fonction publique. Cette mesure est sans conteste une avancée très significative.
En outre, dans la continuité de la conférence des métiers du 18 février 2022 et pour accompagner la mise en place des actions concrètes qui ont été annoncées, le comité des métiers socio-éducatifs lancé au printemps dernier devra notamment faire avancer les chantiers relatifs à la validation des acquis de l’expérience (VAE) et au plan d’amélioration de la qualité de vie au travail.
Nous attendons dans les jours à venir un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) sur la profession des infirmiers et des infirmières. Ce rapport devra très vite nous aider à nous orienter, parce que nous avons bien conscience que nous avons beaucoup à faire pour les métiers d’infirmier et d’aide-soignant, dans le cadre des formations initiales et continues, afin de rendre ces métiers beaucoup plus attractifs ; nous en avons grand besoin et nous allons en avoir encore plus besoin dans les années à venir.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Saury, pour la réplique.
M. Hugues Saury. Madame la ministre, ce que l’on constate aujourd’hui, ce sont de grandes difficultés à recruter, de nombreux arrêts de travail, des démissions et des demandes de rupture conventionnelle, un sentiment de lassitude et de frustration, enfin une affirmation exacerbée des revendications d’ordre socio-économique autour de la vie chère et du bas niveau de pouvoir d’achat.
Je doute que votre réponse appelant à changer de regard ne parvienne à rassurer les acteurs du médico-social ! Pendant ce temps, l’hémorragie continue. Or, ne nous y trompons pas, l’avenir de notre système de soins dépend aussi de notre capacité à rendre attractifs ces métiers essentiels dont l’utilité sociale est reconnue. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Conclusion du débat
Mme la présidente. En conclusion du débat, la parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe auteur de la demande.
M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais, en guise de conclusion, saluer la tenue de ce débat au sein de notre assemblée.
Les propositions concrètes qui en ressortent témoignent de l’intérêt que nous, législateurs, portons aux acteurs du secteur médico-social, dont le rôle – cela a été unanimement rappelé – est essentiel auprès de nos concitoyens les plus fragiles.
Le renforcement de l’attractivité de ces métiers, améliorer la coopération, notamment à travers des CPTS étendues aux professionnels du secteur médico-social, comme l’a proposé notre collègue Annie Delmont-Koropoulis, et la garantie de l’égal accès, sur tous nos territoires, à ces soins de demain sont autant d’enjeux que de solutions possibles.
Nous sommes au cœur de la semaine nationale des personnes retraitées et personnes âgées, à laquelle nous avons cette année donné comme thème « Changeons notre regard sur les aînés ». Un tel changement de regard est crucial pour nos personnes âgées, mais nous pouvons aussi souligner, comme cela a été fait pendant nos débats, qu’il convient également de changer de regard sur les métiers du médico-social.
Leur rôle est au cœur de la République, comme la crise sanitaire l’a encore une fois démontré. Aux côtés des soignants, ils ont été aux avant-postes, mobilisés 24 heures sur 24 pour maintenir la continuité du lien, offrir un accompagnement digne à nos concitoyens les plus vulnérables et gérer, bien souvent, des situations d’urgence.
Cela a été dit, ces femmes et ces hommes sont indispensables, parce qu’ils contribuent au maintien des liens de solidarité et au développement de la vie sociale du pays. Ils sont présents dans tous les territoires et dans tous les domaines de l’intervention sociale : ceux du grand âge et de la politique du handicap, celui des personnes rencontrant des difficultés sociales et, bien sûr, celui de la protection de l’enfance.
Nés de l’instauration de la sécurité sociale qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, les travailleurs sociaux sont intimement liés à notre histoire. Ils sont les fers de lance de notre système de solidarité nationale, au contact direct de nos concitoyens.
Ces métiers, que nous pourrions qualifier de vocations – éducateurs spécialisés, assistants maternels, aides-soignants, éducateurs de jeunes enfants –, sont au cœur de notre modèle social, puisqu’ils ont un impact sur la vie et sur l’avenir de celles et de ceux qu’ils assistent.
Le constat est clair et unanimement partagé, que l’on traite de la protection de l’enfance, du grand âge ou de la politique du handicap : le secteur médico-social souffre.
Il souffre d’un manque d’attractivité – vous l’avez rappelé, madame la ministre –, d’un manque de reconnaissance et, par conséquent, d’une pénurie alarmante.
Celle-ci a bien sûr des conséquences directes sur les travailleurs sociaux, puisque leur mission est entravée, mais aussi sur les publics fragiles.
Concrètement, je pense aux enfants placés sous protection qui n’ont même plus la possibilité de se rendre en visite médiatisée avec leurs parents, faute de professionnels pour les accompagner.
Je pense à diverses informations préoccupantes : la durée de traitement des demandes s’allonge parfois faute de personnel suffisant, ce qui peut entraîner des situations dramatiques pour l’enfant en danger.
Je pense à l’épuisement des travailleurs sociaux dans certains foyers de l’enfance, qui ont pour mission de gérer, parfois seuls, 40 enfants placés sous protection et devant donc faire l’objet d’une attention toute particulière. Nous, parents ou grands-parents, serions incapables de mener efficacement cette mission. Dès lors, comment un travailleur social, aussi dévoué soit-il, pourrait-il assumer correctement la mission que nous lui confions ?
À cet égard, je souhaite saluer l’action du Gouvernement qui, conscient de ces difficultés, décrétera un taux et des normes d’encadrement qui permettront de soulager les travailleurs sociaux et, par ricochet, de mieux protéger les enfants.
Mes chers collègues, dans tous les centres de loisirs des 36 000 communes de notre pays, un taux d’encadrement est fixé, qui protège les enfants et sécurise le personnel périscolaire. Il apparaît donc urgent d’établir des règles similaires dans les foyers de l’enfance, alors que nous savons qu’un enfant sur quatre pris en charge par l’aide sociale à l’enfance est en situation de handicap.
La revalorisation historique des métiers du secteur médico-social, dont le Gouvernement a pris la décision en février dernier et que nous avons tous soutenue, témoigne de la reconnaissance par l’État du rôle essentiel des travailleurs sociaux dans le soin et l’accompagnement de nos concitoyens les plus vulnérables.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, qui prévoit près de 1,5 milliard d’euros supplémentaires pour le secteur médico-social, apporte également des solutions concrètes. Je pense notamment à l’effort important en faveur de l’attractivité des métiers de l’autonomie afin de renforcer la qualité et l’offre d’accompagnement sur l’ensemble du territoire.
Je pense également à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), qui continuera sa forte progression en 2023 : une hausse de 3,7 % hors dépenses liées à la crise sanitaire.
Les mesures prévues dans ce PLFSS traduisent notre volonté partagée de bâtir une société plus inclusive pour nos concitoyens en situation de handicap, par la poursuite de l’investissement en faveur de la scolarisation des enfants en situation de handicap et les mesures spécifiques concernant l’autisme et les troubles du neurodéveloppement.
Nous le remarquons sur tous nos territoires, les professionnels du secteur médico-social ont toute leur part dans l’organisation des soins de demain, parce que le soin inclut non seulement le sanitaire, mais également le social, parce qu’accompagner est aussi une manière de soigner.
Pour conclure, je souhaite une nouvelle fois saluer la tenue de ce débat et remercier Mme la ministre et l’ensemble des orateurs des groupes pour la qualité de nos échanges.
Ces enjeux, nous le savons, sont d’une importance cruciale. Ils ont trait à notre modèle social, à l’égalité des chances, à notre conception de la solidarité nationale.
Nous devrons les traiter ensemble durant les mois et les années à venir et le Sénat, chambre des territoires, devra y prendre toute sa place aux côtés du Gouvernement, des acteurs locaux et du monde associatif.
Enfin, le Sénat se grandirait à créer une délégation aux droits de l’enfant, comme compte le faire aujourd’hui l’Assemblée nationale ; une telle délégation aurait aussi toute sa place dans notre chambre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)