M. Patrick Kanner. … et vous voudrez bien m’en excuser par avance.
Il y a assez d’incendies de forêt actuellement dans notre pays pour que vous ne pratiquiez pas ce soir une sorte d’enfumage généralisé à l’endroit de plusieurs groupes de notre assemblée… (Murmures de désapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je le dis très simplement : la raison qui motive votre position, que vous avez tenté de présenter le plus scientifiquement possible, n’est pas seulement scientifique. Elle est aussi dictée par une situation politique, qui vous lie à un groupe de l’Assemblée nationale.
M. Philippe Bas, rapporteur. C’est un procès d’intention !
M. Patrick Kanner. Certes, mais je persiste et signe…
Or je ne souhaite pas que les débats politiques de la Haute Assemblée soient conditionnés par des contraintes et des considérations qui sont propres à la majorité sénatoriale et au parti Les Républicains. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas le cas !
M. Patrick Kanner. Sur un sujet aussi important, sur lequel tous nous nous sommes battus – favoriser, encourager et même, pour ce qui nous concerne, presque obliger à la vaccination –, je déplore que nous soyons obligés de faire machine arrière. C’est tout à fait inacceptable au regard des enjeux de santé publique dans notre pays.
Aussi, monsieur le rapporteur, nous voterons par scrutin public en faveur des amendements défendus pas nos collègues, notamment M. Bonnecarrère, parce que nous estimons que le bien de la Nation est en cause.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Si nous sommes nombreux à intervenir, c’est parce que nous voyons bien qu’il se passe un événement d’une certaine gravité en cet instant au Sénat. Voilà quarante-huit heures, monsieur le rapporteur, vous étiez tout à fait favorable à conserver les trois modalités : le vaccin, le certificat de rétablissement, le test. Votre position a par la suite évolué, et il est difficile de ne pas penser, en effet, que la situation complexe qui est celle de la chambre basse ait pu conduire certains – après tout, il y a là une certaine logique – à imaginer que nos débats devaient être guidés par la nécessité de favoriser tel ou tel vote de tel ou tel groupe à l’Assemblée nationale.
Je le dis : c’est grave ! La question est de savoir ce que l’on pense, ce qui nous paraît juste et vrai. À mon sens, le bicamérisme suppose que chaque assemblée se détermine par rapport à elle-même. Pour le reste, il existe une commission mixte paritaire…
À considérer par exemple le très difficile combat de nos amis d’outre-mer pour défendre le vaccin face à des oppositions irrationnelles, le sujet est d’une grande importance. Nous avons défendu le vaccin ; ne revenons pas en arrière pour des questions d’opportunité ! Ce qui se passe à l’Assemblée nationale ne saurait déteindre sur ce que le Sénat, en toute indépendance, décide de son côté. C’est ainsi que la République doit fonctionner.
Mme le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. J’ai demandé à mon groupe de retirer l’amendement que nous avions déposé, lequel allait dans le même sens que d’autres amendements et que la position du Gouvernement. Je l’ai fait pour une raison principale : le raisonnement praticien défendu par Philippe Bas. Le gouvernement qui sera en fonction lorsqu’un nouveau variant inquiétant se développera devra utiliser les moyens les plus pratiques pour traiter cette nouvelle situation de circulation virale.
À l’heure où nous parlons, faire du vaccin une preuve concurrente, si je puis dire, du test virologique ne me semble pas une solution adaptée.
J’ai entendu les arguments de M. ministre et j’ai été frappé que, parlant au banc du Gouvernement, il déclare qu’il ne pouvait prendre une autre position, « en tant que médecin ». Je respecte cette approche, mais, en l’occurrence, il s’agit de rendre efficace un système de contrôle public dans une situation de crise.
À cet égard, il me semble qu’il vaut mieux s’en tenir à l’utilisation du test, qui permet d’identifier la situation de circulation du virus la plus récente. L’utilisation du vaccin ou du certificat de rétablissement datant de trois ou de six mois serait trompeuse.
Voilà le motif qui m’a déterminé à choisir de ne pas suivre cette logique.
On peut se faire des procès politiques,…
Mme le président. Il faut conclure.
M. Alain Richard. … avec plus ou moins d’élégance, mais, dans le cas présent, il se trouve que la simple observation du réel conduit à cette solution.
Mme le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Alain Richard a parlé avec beaucoup de sagesse. Je suis très heureux que le rapporteur Bas dise implicitement que le meilleur passe sanitaire, c’est le contrôle offert par les tests.
Revenons au vaccin. Ce que j’ai appris en tant que praticien, c’est qu’un vaccin efficace est fait avec la souche la plus récente. Or il a été prouvé que les vaccins n’agissaient pas sur le variant omicron, et j’ai peur qu’il en soit de même pour les variants futurs.
J’entends bien la position de M. Bonnecarrère sur le vaccin, mais prenons un peu de recul. Ne nous obstinons pas sur quelque chose qui a marché au départ, mais qui marche de moins en moins.
Mme Dominique Vérien. Ah, ça marche, maintenant ? C’est bien de le reconnaître !
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Pourquoi se protège-t-on ? Outre le fait de ne pas contaminer, il s’agit surtout, on le sait, de ne pas engorger nos hôpitaux.
Or qu’est-ce qui permet le mieux d’atteindre cet objectif ? On le sait aussi : c’est le vaccin. Si, en effet, ce dernier n’empêche pas d’attraper la maladie, il évite du moins d’aller aux urgences, en réanimation, bref, d’engorger les hôpitaux.
Prenons maintenant le cas d’une famille qui va passer ses vacances à l’étranger, au hasard en Suisse, un pays frontalier (M. Loïc Hervé ironise.), qui, tout à coup, devient rouge, sans que l’on sache pourquoi. Peut-être la Suisse n’est-elle pas le meilleur exemple, car on y trouve assez facilement où aller faire un test PCR. Souvenez-vous, malgré tout, des contraintes imposées aux travailleurs frontaliers, qui devaient faire un test toutes les quarante-huit heures… Toutes ces obligations qui semblaient derrière nous depuis que le vaccin permet de nouveau de se déplacer normalement, il faudrait de nouveau s’y soumettre ?
Imaginez maintenant une famille en vacances dans un pays plus éloigné. Avant son vol de retour, elle devra trouver où faire des tests PCR, qu’elle paiera éventuellement très cher. Et imaginez que l’un des enfants soit positif… (Mme Sylviane Noël s’exclame.)
Que faire ? Faut-il laisser l’enfant ? Il est probable que toute la famille doive annuler ses billets d’avion et rester quinze jours supplémentaires… Si l’objectif est d’éviter d’« emmerder » les Français, pour reprendre une expression maintes fois utilisée, il faut conserver les trois possibilités, certificat de guérison, vaccin ou test PCR : sans obliger à la vaccination, on permet aux gens, Français comme étrangers, de continuer à voyager en leur laissant bien davantage de souplesse.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour explication de vote.
Mme Catherine Di Folco. Je souhaite répondre aux propos de M. Jomier, qui s’inquiétait que l’on ne puisse pas savoir dès maintenant quel serait l’outil le plus efficace dans deux ou trois mois. Or, précisément, aux termes de l’alinéa 2 du présent article, si le dispositif prévu est mis en œuvre par le Gouvernement, son application au-delà d’un mois devra être autorisée par le Parlement.
Aussi, mon cher collègue, votre inquiétude s’éteint d’elle-même (M. Bernard Jomier fait la moue.) : si l’on constate, au bout d’un mois, que le dispositif mis en œuvre n’est pas le plus efficace, nous pourrons voter de nouveau.
Mme le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je veux insister sur un point, qui n’est pas le sujet de notre discussion. Le soir du 31 juillet prochain, il va se passer quelque chose : le passe vaccinal et le passe sanitaire mourront de leur belle mort. Par conséquent, l’argument de l’incitation à la vaccination via des mesures telles que le passe vaccinal ou le passe sanitaire ne tient pas, puisque ces dispositifs n’existeront plus.
Nous parlons en l’espèce d’un dispositif très particulier, applicable pour l’essentiel au transport aérien, consistant à imposer à l’intégralité des passagers d’un vol la réalisation d’un test PCR. J’ai moi-même vécu cette situation ; dans certains territoires d’outre-mer, un tel test était obligatoire et, vacciné ou non, s’il se révélait positif, on n’embarquait pas ! Le 31 décembre dernier, j’ai ainsi subi un test à La Réunion et j’avais beau avoir été trois fois vacciné, étant positif, je n’ai pas pu embarquer et je me suis mis en quarantaine !
Ainsi, si l’on veut avoir la garantie absolue, indépendamment du statut vaccinal – j’avais été, je le répète, vacciné trois fois –, qu’aucun passager n’embarque atteint de la covid, on doit forcer tout l’avion à se soumettre à un test PCR !
Mme Catherine Deroche. Mais oui !
M. Loïc Hervé. Et on exclut forcément les autres dispositifs – le certificat de rétablissement comme le certificat de vaccination –, qui ne sont pas en mesure de prouver que la personne n’est pas porteuse du virus.
C’est la raison pour laquelle je ne voterai aucun de ces amendements ; je suis, bien qu’étant vacciné, très attaché à la rédaction proposée par Philippe Bas, au nom, aussi, de la défense des libertés publiques.
Mme le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. J’ai le sentiment que nous sommes en train de légiférer, ici, au Sénat – je ne parle pas de l’Assemblée nationale –, en tirant des plans sur la comète, en nous plaçant, comme l’a dit M. le rapporteur, dans l’hypothèse d’une reprise très forte et très subite de l’épidémie. Or nous ne savons rien de ce qu’il se passera à ce moment-là !
Pour ma part, je veux prendre date devant vous, mes chers collègues : j’affirme que, quel que soit le dispositif que nous adopterons ce soir, celui-ci sera inapplicable. Et, si d’aventure la circonstance venait à surgir telle qu’elle est envisagée par Philippe Bas, la meilleure solution serait de soumettre la nouvelle situation au Parlement : nouveau variant ou non, tests sensibles ou non, etc.
En effet, tout est dans la nature ! J’aggraverai encore le constat qui vient d’être fait : on a parlé de tester tous les passagers d’un avion, mais on sait très bien désormais – j’en ai eu des témoignages directs – qu’il est des personnes atteintes du covid, symptomatiques, et néanmoins négatives pendant quatre jours, qui deviennent positives au bout de cinq jours alors qu’elles sont contagieuses depuis six… En d’autres termes, mes chers collègues, nous ne savons rien de ce qui va se passer. (Brouhaha sur les travées du groupe SER.) Chacun assène ses certitudes ; ce que je suggère, quant à moi, pour être sûr d’avoir juste le moment venu, c’est de rejeter l’article 2 et de demander au Gouvernement de revenir devant le Parlement quand il disposera d’éléments factuels – alors seulement on pourra nous dire où sont les virus, quelle est leur intensité et de quels outils nous avons besoin.
Ce qui est proposé ce soir, toutes travées confondues, n’a aucun rapport avec la situation future ; nous essayons de déduire de la situation actuelle ce qu’il conviendra de faire dans des circonstances dont nous ne savons rien. C’est ubuesque ! Et ce n’est pas à l’Assemblée nationale que cela se passe !
J’ai été le benjamin de cette maison en 1995, j’y ai vécu de bons moments ; mais des épisodes comme celui-ci, en tant que législateur, je n’en ai pas vécu beaucoup !
Mme le président. Votre temps de parole est épuisé, mon cher collègue.
M. Alain Joyandet. J’en termine, madame la présidente, je n’ai pas pris beaucoup la parole. (Sourires.) Je veux donc vraiment prendre date. M. le rapporteur fait ce qu’il peut : je comprends qu’il cherche à instaurer un dispositif concret,…
Mme le président. C’est moi qui décide qui a la parole et qui ne l’a pas, mon cher collègue.
La parole est à Mme Victoire Jasmin…
M. Alain Joyandet. … mais je préférerais quelque chose de juste… (M. Alain Houpert applaudit.)
Mme le président. Monsieur Joyandet, c’est moi qui préside ; c’est moi qui décide. Donc, quand je vous demande de vous arrêter, vous devez le faire. Vous êtes nombreux à vous exprimer ce soir, je ne peux pas laisser chacun dépasser ainsi son temps de parole. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Alain Joyandet. Je vous présente mes excuses, madame la présidente.
Mme le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Nous sommes à un moment important de nos échanges et il est bon que nous puissions débattre ainsi. La situation est devenue complexe, mais une chose est sûre : le vaccin a ses limites, la cinétique vaccinale – j’en ai déjà parlé ici même – n’étant que de court terme. Par ailleurs, le vaccin n’est pas efficace contre toutes les mutations du virus ; il peut l’être contre certains variants, mais il ne permettra jamais de faire face à toutes les situations.
C’est la raison pour laquelle je suis très favorable au test, PCR ou antigénique, qui permet de connaître la situation d’une personne à un moment donné.
Le Gouvernement a refusé, voilà quelques mois, les tests sérologiques, qui auraient pourtant permis de connaître le statut sérologique des personnes, c’est-à-dire leur taux d’anticorps. On nous a objecté qu’un tel outil n’était pas efficace, alors qu’il pourrait s’agir d’un indicateur important.
Tous, ou presque, nous avons été vaccinés une, deux, trois, quatre ou cinq fois, parce que le vaccin a une efficacité variable selon les variants et selon les périodes. Peut-être des formes plus graves du virus vont-elles émerger ; ma conviction, aujourd’hui, est néanmoins qu’il faut privilégier les tests. La question n’est pas de savoir si les personnes vaccinées pourraient être offensées par une telle approche au motif que, vaccinés, certains ne le sont pas… D’ailleurs, bien que nous ayons pour la plupart reçu plusieurs doses de vaccin, nous pouvons tous ici régulièrement constater, sur nos travées, des places vides dues à une contamination par un nouveau variant.
Nous devons donc faire preuve d’humilité et axer notre action sur la prévention.
Mme le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Je suis pour qu’il demeure possible, en cas de déplacement, de présenter un test négatif, une preuve de vaccination ou un certificat de guérison. Ces conditions sont scientifiquement et médicalement reconnues comme valables et nous n’allons pas réinventer les études de médecine dans cet hémicycle.
Nous recherchons le compromis le plus adapté, celui qui permettra au texte d’être équilibré et d’arriver avec succès au terme de son parcours législatif. Si la solution proposée est la bonne, allons-y ! Le dispositif du passe sanitaire va certes bientôt s’éteindre, cela a été dit. Il autorisait les trois options : preuve de vaccination, test négatif, certificat de guérison – l’un n’exclut pas l’autre ! Sauf à considérer le vaccin comme un irritant insupportable, une ligne rouge à ne pas franchir, je ne vois pas en quoi l’inclure dans le dispositif enlèverait quoi que ce soit à ceux qui ne veulent pas se faire vacciner mais peuvent, en tout état de cause, se faire tester.
Je voterai donc ces amendements.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6, 36 rectifié et 54.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant des groupes Les Républicains et SER.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 119 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 187 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 31, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
I – Alinéas 1 et 3
Compléter ces alinéas par une phrase ainsi rédigée :
Pour les ressortissants français de l’étranger, ce dépistage peut être effectué à l’arrivée sur le territoire national.
II – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Cette exigence ne saurait toutefois interdire le retour sur le territoire national d’un ressortissant français.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Dans une ordonnance du 18 août 2020, le Conseil d’État a rappelé que le droit pour un ressortissant français établi à l’étranger d’entrer sur le territoire national était une liberté fondamentale.
Le présent amendement a pour objet, sur ce fondement, d’assurer le respect cette ordonnance et de concilier la nécessaire protection sanitaire avec la défense de la liberté fondamentale des Français établis hors de France.
Il comporte deux dispositions.
La première consiste à inscrire clairement dans la loi que l’exigence d’un test négatif ne saurait empêcher le retour sur le territoire national d’un ressortissant français.
La seconde consiste à prévoir, pour les Français revenant de l’étranger, la possibilité que le dépistage soit effectué à l’arrivée sur le territoire national. Je précise d’emblée que cela n’implique pas, à moins que le Gouvernement fasse n’importe quoi au moment d’appliquer la loi, ce que je ne saurais croire, que des Français prennent l’avion ou le train en étant positifs et contaminent ainsi tout le monde. Il s’agit simplement d’offrir une base légale au Gouvernement pour les cas où la réalisation de tests à l’arrivée serait indispensable au respect de l’ordonnance du Conseil d’État, sous réserve du respect des exigences sanitaires appropriées.
Par ailleurs, je vous le rappelle, les personnes qui se trouvent dans pareilles situations sont souvent vaccinées, mais il arrive que le schéma vaccinal du pays dans lequel elles vivent ne soit pas conforme au schéma vaccinal français, car les vaccins accessibles ne sont pas les mêmes.
Un moyen d’éviter que ces personnes ne soient discriminées serait de faire en sorte que les tests qu’elles effectuent soient remboursés ou gratuits. Si le Gouvernement en décide ainsi, il n’aura pas besoin d’appliquer les mesures que je propose.
Mme le président. L’amendement n° 64, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Cette exigence ne saurait toutefois interdire le retour sur le territoire national d’un ressortissant français.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Cet amendement, qui va dans le même sens que le précédent, vise à aménager les modalités d’usage du certificat sanitaire de voyage, afin de ne pas pénaliser les ressortissants français de l’étranger qui souhaitent se rendre sur le territoire national.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Madame Vogel, admettons que circule un variant très dangereux du virus ; si le test n’est réalisé qu’une fois les voyageurs arrivés sur le territoire national, que fera-t-on des personnes positives ? Elles devront être placées en quarantaine… Or je ne suis pas sûr qu’il vaille mieux pour elles subir une quarantaine à leur arrivée sur le territoire que de retarder de quelques jours leur voyage.
Ainsi, tout en comprenant bien votre intention positive à l’égard de ces voyageurs, nous pensons qu’il n’est pas de leur intérêt, pour ces raisons assez pratiques, que nous adoptions ce genre de dispositif. Avis défavorable, donc, sur l’amendement n° 31.
J’en viens à l’amendement n° 64. Il n’est pas question d’interdire à qui que ce soit le retour sur le territoire national, mais simplement d’attendre un peu que les conditions soient redevenues favorables et que la protection de nos concitoyens soit de nouveau garantie. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Ces amendements tendent à prévoir des dispositifs spécifiques pour les Français de l’étranger, afin que ceux-ci ne puissent se voir refuser leur retour en France.
Madame Vogel, vous proposez ainsi qu’un test de dépistage leur soit proposé à leur arrivée sur le territoire national. Or permettre aux Français de l’étranger de réaliser un test à leur arrivée viderait de sa substance le passe variant. En effet, cela a été rappelé, ce passe vise à freiner l’arrivée sur le territoire national d’un nouveau variant. Or la disposition ici proposée permettrait aux Français de l’étranger provenant d’un pays où un tel variant circule, possiblement contaminés, d’entrer en contact avec d’autres voyageurs durant leur trajet en avion ou en train. Le variant étant dorénavant présent sur le territoire, le risque de contamination est avéré, sauf à mettre tout le monde en quarantaine.
Par ailleurs, permettez-moi d’observer, madame la sénatrice, que le passe outre-mer n’est applicable qu’aux trajets réalisés entre l’Hexagone et les collectivités ultramarines et ne peut avoir pour effet d’interdire un retour sur le territoire national d’un ressortissant français.
De manière générale, le droit fondamental de tout Français de rejoindre le territoire national doit être concilié avec l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé publique. La jurisprudence admet que des restrictions peuvent être apportées si le bénéfice pour la protection de la santé publique excède l’atteinte portée à ce droit fondamental.
L’émergence éventuelle, à l’étranger, d’un nouveau variant doté de caractéristiques inconnues justifie de protéger le territoire national en instaurant un passe variant, qui s’appliquerait temporairement aux Français résidant à l’étranger. En revanche, vous le savez, il a été jugé qu’il ne peut être imposé de motif impérieux aux nationaux pour revenir sur le territoire et le projet de loi ne revient pas sur ce point.
Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces amendements.
Mme le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Ces deux amendements traitent d’un point essentiel, rien moins qu’anodin, qui a pu échapper à certains d’entre vous, mes chers collègues. Il y a eu un précédent grave, lorsque, à la fin du mois de janvier 2021, le Gouvernement a pris un décret exigeant de nos propres ressortissants établis hors de l’espace européen qu’ils fassent valoir un motif impérieux pour revenir sur notre territoire. Ce jour-là, le Gouvernement a décidé de faire le tri entre ses propres ressortissants, en contradiction avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui reconnaît clairement le droit fondamental d’un ressortissant d’entrer dans son pays et d’en sortir. Nous avons, sur ce fondement, mené une fronde auprès du Conseil d’État, qui a cassé ce décret.
Pourquoi s’agit-il d’un précédent grave ? Parce que certaines personnes, moins bien intentionnées que vous, siégeant d’ailleurs plutôt dans l’autre chambre, voudraient probablement faire à leur tour un tri entre nos ressortissants, mais sur la base d’autres critères… C’est pourquoi nous devons, en tant que législateurs, faire en sorte que ce genre de situations ne puisse plus se reproduire. C’est ce que nous ferons en votant pour ces amendements.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le ministre, que répondrez-vous aux Français qui, se trouvant sur un territoire où ils courent un danger en raison de la présence d’un variant, ne pourront rentrer en France faute de pouvoir se faire tester ? Leur direz-vous de rester là où ils sont, que ce n’est pas votre problème ? Je précise qu’une telle situation s’est produite voilà quelques années.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Braun, ministre. Monsieur le sénateur, la situation que vous évoquez est bien entendu inacceptable et, je l’ai déjà indiqué à l’Assemblée nationale, je m’engage à régler au cas par cas ce genre de problèmes, par des mesures de gestion, et à récupérer nos ressortissants qui seraient « coincés » à l’étranger.
Mme Laurence Rossignol. Vous leur donnerez votre numéro de portable ?
Mme Cécile Cukierman. 3615 ministère ! (Sourires.)
Mme le président. L’amendement n° 41, présenté par MM. Chantrel et Leconte, Mmes Conway-Mouret et de La Gontrie, MM. Sueur, Jomier, Kanner, Lurel et Marie, Mmes S. Robert, Rossignol et Conconne, M. Kerrouche, Mmes Lubin et Préville, MM. Jacquin, Durain, P. Joly, Montaugé, Tissot, Antiste et Bourgi, Mme Harribey, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Concernant les Français établis à l’étranger, ce dispositif ne s’applique pas à ceux résidant dans un des pays figurant sur une liste établie, après concertation avec les conseillers des Français de l’étranger des pays concernés, par le décret prévu au premier alinéa du I.
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Cet amendement vise à réparer l’injustice qui frapperait nos compatriotes établis hors de France et n’ayant pas accès à la vaccination ou à des tests de dépistage. Le dispositif prévu au I de l’article 2, s’il entrait en vigueur, les priverait en effet de leur droit fondamental à rentrer dans leur pays.
Nous souhaitons donc que le Gouvernement établisse, après concertation avec les conseillers des Français de l’étranger des pays concernés – nous avons la chance d’avoir des élus à travers le monde qui, vivant dans ces pays, ont une véritable expertise et sont à même de décrire la situation sanitaire locale –, une liste des pays où le décret ne s’appliquerait pas, et ce afin de permettre à tous nos ressortissants d’accéder au territoire national, ce à quoi vous vous êtes engagé, monsieur le ministre.