Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite d’abord réitérer notre soutien à l’ensemble des personnels de santé et paramédicaux, qui prennent en charge depuis deux ans les patients de la covid-19 malgré les erreurs stratégiques du Gouvernement, les mensonges, les insuffisances de masques, de tests, de vaccins, de purificateurs d’air,…
M. Philippe Bas, rapporteur. Eh oui !
Mme Éliane Assassi. … Et qui subissent désormais les démissions des professionnels lassés de travailler dans des conditions indignes pour les patients et pour eux-mêmes.
M. Philippe Bas, rapporteur. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Ce onzième projet de loi sanitaire, en raison du rebond de l’épidémie de covid-19 et du sous-variant BA5, interroge sur la volonté réelle du Gouvernement d’investir dans notre système de santé pour se doter des capacités de prise en charge des malades.
Depuis l’alerte, à la fin du mois de mai, les 120 services d’urgence en détresse sont rejoints désormais par 13 autres. Depuis 2017, 17 000 lits d’hospitalisation ont été fermés, dont 5 700 en pleine pandémie. Près de 100 000 postes sont vacants à l’hôpital. Et, malgré tout cela, le Gouvernement refuse la réintégration des personnels suspendus, alors même que les études internationales démontrent que si la vaccination joue un rôle dans la diminution de la transmission du virus, d’autres stratégies sont aussi, voire plus importantes. Je pense à la mise en place de capteurs de dioxyde de carbone, à l’installation de purificateurs d’air dans les lieux clos et au respect des gestes barrières.
C’est la raison pour laquelle notre groupe a déposé un amendement visant à réintégrer les personnels de santé et les pompiers suspendus.
Avec ce premier texte, le Gouvernement a découvert la réalité du Parlement. À cet égard, la suppression de l’article 2 à l’Assemblée nationale a rappelé au Gouvernement, qui ne dispose pas d’une majorité absolue, la nécessité d’écouter les autres forces politiques, ce qu’il s’est refusé à faire jusqu’ici.
Le rapporteur de la commission des lois a modifié le texte en rétablissant les dispositions supprimées à l’Assemblée nationale tout en essayant de les encadrer davantage pour leur donner un caractère plus acceptable.
M. Philippe Bas, rapporteur. C’est bien cela !
Mme Éliane Assassi. Comment ne pas pressentir – je vais être quelque peu impertinente – une entente entre Les Républicains et le Gouvernement (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), dont le terrain serait le projet de loi sanitaire et le texte sur le pouvoir d’achat ?
Nous serons très attentifs, monsieur le rapporteur, à l’attitude de la majorité sénatoriale. Allez-vous céder, comme d’habitude,…
M. Philippe Bas, rapporteur. Ce n’est pas notre genre !
Mme Éliane Assassi. … en échange de je ne sais quel arrangement ? Ou bien, allez-vous tenir bon ?
Il faut reconnaître que le maintien d’un dispositif d’exception du Gouvernement et le respect des libertés de nos concitoyens relevaient d’un exercice d’équilibriste. Notre groupe rappelle sa constance sur le refus des dispositifs d’exception et du passe sanitaire.
Nous l’avons toujours dit, l’efficacité de la lutte contre la pandémie passe évidemment par la vaccination. Mais elle réside également dans la force de notre système de santé, dans les moyens donnés au service public – je pense à l’école – et dans le respect des gestes barrières, par une information régulière, permanente, accessible.
Il est singulier que la seule réponse soit encore et toujours la coercition, et non une nouvelle politique de santé.
Pour notre groupe, il est également plus que temps de mettre fin aux systèmes d’information qui permettent la levée du secret médical et au stockage des données personnelles médicales.
L’évocation d’un risque pour nos concitoyens de ne plus pouvoir voyager en Europe si notre Parlement ne votait pas la prolongation de tels systèmes d’exploitation, alors que la liberté de circulation des personnes en Europe a été préservée même au plus fort de la pandémie, ne peut pas s’entendre. Elle se limite à la sphère technocratique, alors que la préservation des données est une question hautement politique, qui doit se régler à l’échelon européen également. M. Macron s’y est-il intéressé lors de sa présidence de l’Europe ?
Enfin, la possibilité pour le Gouvernement de rétablir un certificat sanitaire de voyage pour les déplacements à destination ou en provenance de la Corse ou d’une collectivité ultramarine nous apparaît comme un très mauvais signal envoyé à nos concitoyens. La rédaction de la commission est, certes, plus acceptable que celle du Gouvernement, mais nous considérons pour notre part qu’il serait préférable d’instaurer un droit d’initiative de cette mesure pour les élus ultramarins, et non une simple consultation.
Le Gouvernement serait bien avisé de lancer un plan d’investissement des services de santé ultramarins pour rattraper le retard accumulé depuis des années. La levée des sanctions contre les soignants est là-bas d’une très grande urgence. L’envoi de forces répressives, plutôt que de moyens pour la santé, y a été très mal vécu.
En conclusion, par cohérence avec l’opposition que nous avons exprimée dès les premiers jours à l’instauration du passe sanitaire et du passe vaccinal, et en l’absence de dispositifs visant à renforcer notre service public de santé, en l’absence de gratuité des tests, en l’absence de fourniture de masques FFP2 aux personnels médico-sociaux, en l’absence pour la rentrée scolaire prochaine de purificateurs d’air et de capteurs de CO2 dans les écoles, le groupe CRCE votera contre ce projet de loi.
Certes, le travail de la commission des lois du Sénat atténue le texte gouvernemental, mais il n’annonce ni de près ni de loin un changement de politique sanitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après plus de deux années de productions législatives dédiées à la gestion de la crise sanitaire, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est-il le dernier ? Nous l’espérons sincèrement.
Nous avons en effet vécu depuis 2015 sous des régimes d’état d’urgence successifs, les trois premiers du fait de l’urgence liée au risque terroriste, les suivants, puis le régime dit « de sortie de crise sanitaire », étant liés au risque sanitaire. Cela veut dire, mes chers collègues, que nous avions quitté depuis longtemps le droit commun. Il est important, et même essentiel, que nous y revenions à l’issue des textes votés. Ceux-ci ont fixé une échéance au 31 juillet 2022.
À cette échéance, trois options s’offrent au Gouvernement : premièrement, ne rien faire et laisser s’éteindre – dans quelques jours, donc – les dispositions de gestion de crise, dont j’ai souligné en préambule le caractère exorbitant ; deuxièmement, demander au Parlement de renouveler « la boîte à outils anti-covid » et de prolonger ces mesures ; troisièmement, choisir ce qui est à nos yeux un juste milieu, proportionné à la situation épidémique actuelle, en proposant des mesures intermédiaires. Le Gouvernement a retenu la troisième option, que la commission des lois a également examinée favorablement.
Selon moi, trois éléments positifs doivent être mis en exergue.
Tout d’abord, nous revenons au droit commun.
Ensuite, nous retrouvons des libertés publiques classiques dès lors que des mesures attentatoires aux libertés disparaissent.
Enfin – et je sais, mes chers collègues, que vous y êtes attentifs –, nous revenons à un régime parlementaire classique, dans lequel les dispositions applicables résultent d’un dialogue entre le pouvoir exécutif et le Parlement. Vous l’avez entendu en creux dans les propos des orateurs précédents, ce n’est pas ce que nous avons vécu lors des deux dernières années.
J’en viens au contenu du texte.
Premièrement, nous constatons qu’il est proposé dans la version issue des travaux de la commission des lois d’abroger formellement les dispositifs antérieurs liés soit à l’état d’urgence, soit au régime dit « de sortie de crise sanitaire ». M. le ministre disait que les choses allaient mieux lorsqu’elles étaient formulées de manière complète. Nous évitons effectivement toute ambiguïté au travers d’une abrogation, pour employer des termes juridiques, explicite, et non pas implicite.
Deuxièmement, nous permettons le maintien des systèmes de traitement des données à caractère personnel SI-DEP et Contact Covid, mais avec un changement essentiel. En effet, nous permettons ce maintien pour faciliter la vie de nos concitoyens, afin qu’ils puissent justifier avec leur téléphone mobile de leur situation sanitaire, et nous le faisons avec leur consentement. Par conséquent, si, à l’occasion d’un examen médical ou d’une vaccination, une personne consent à ce que les données y afférentes figurent dans les systèmes SI-DEP et Contact Covid, ces données y figureront. Si le consentement n’est pas donné, la personne sort de ces systèmes. Ce dispositif paraît tout à fait correct en termes de libertés publiques.
Nous partageons la logique du rétablissement de l’article 2 et le raisonnement du rapporteur de la commission des lois, qui a distingué deux sous-catégories, la première étant liée aux déplacements internationaux et la seconde aux déplacements outre-mer et en Corse.
Sur les déplacements internationaux, nous ne voyons pas comment notre pays pourrait, dans le cas d’un retour de crise – bien entendu, personne ne le souhaite –, se priver de la possibilité de contrôler les transports et les conditions dans lesquelles un passager est autorisé à accéder à un vol à destination de la France. Reste à définir les modalités pratiques de ce contrôle. En l’occurrence, notre groupe a été assez surpris.
En effet, nous sortons d’un historique que chacune et chacun d’entre nous a en tête. Il y avait une sorte de « trilogie » : pour vivre complètement notre vie de citoyens au travers du passe sanitaire, qui disparaît, nous pouvions justifier d’un certificat de vaccination complet, d’un test négatif ou d’un certificat de rétablissement.
Cette trilogie, nos concitoyens l’ont en tête, car, pendant deux ans, ils y ont été formatés. Et on leur dirait aujourd’hui, au motif que le variant a changé et que la vaccination diminue, mais n’empêche pas la circulation du virus et qu’il leur suffit désormais de présenter un test négatif ? On ne parle plus de rétablissement après maladie, pas plus que de certificat de vaccination… Mes chers collègues, c’est un sérieux sujet !
À un moment donné, il faut tout de même faire preuve de cohérence. Comme l’a rappelé M. le ministre, la vaccination reste nécessaire. La vaccination collective est le meilleur moyen de lutte contre l’épidémie. L’ensemble de la logique que nous avons suivie est fondée sur l’idée d’une résilience collective par rapport à la maladie.
Si demain la présentation du certificat de vaccination n’était plus exigée, cela reviendrait à dire qu’au sein de la hiérarchie des moyens dont dispose notre pays, la vaccination n’est plus un sujet ! S’il n’est plus besoin de certifier de la vaccination, cet élément ne comptera plus pour la justification de nos déplacements.
Il s’agit d’un changement de regard important, qui nous pose un problème pour demain, un problème de cohérence par rapport à ce que nous avons accepté de voter pendant ces deux ans, où nous avions intégré cette donnée vaccinale.
Nous avons validé un système prévoyant, en cas d’apparition de nouveaux variants et de pression hospitalière, un examen conditionnant les déplacements vers la métropole et vers les territoires ultramarins.
La commission des lois lie l’éventuelle réintégration des personnels à une appréciation médicale, ce qui paraît tout à fait convenable aux membres de mon groupe.
Le groupe Union Centriste est donc favorable au texte, sous réserve d’une analyse précise de ce qui sera voté sur l’article 2. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de mon groupe, j’aimerais d’abord avoir une pensée pour toutes celles et tous ceux qui, en Gironde, subissent ou combattent le feu. Je salue en particulier ma collègue Nathalie Delattre, qui fait face sur le terrain à cette crise à caractère environnemental.
Je veux aussi vous souhaiter la bienvenue, monsieur le ministre. J’espère que nous effectuerons collectivement un travail collaboratif efficace, car notre système de santé aura besoin de toutes les forces.
C’est le treizième texte sanitaire que nous examinons depuis le début de l’épidémie de covid-19. Si un régime d’exception a très tôt été mis en place pour lutter plus vite et plus efficacement contre le virus, les parlementaires ont aussi été consultés à de très nombreuses reprises par le Gouvernement pour porter la voix des citoyens et des élus locaux, dont la vie et le travail ont été profondément bouleversés depuis plus de deux ans.
Ce nouveau projet de loi acte la fin des régimes d’exception, et donc de l’état d’urgence sanitaire au 31 juillet. Contrairement à ce que certains ont laissé croire ces derniers jours, il est question non pas de prolonger l’état d’urgence, mais de prévoir un système de veille et de garde-fou pour continuer à lutter contre cette épidémie, qui est loin d’être achevée, même si la situation est en voie d’amélioration ; il faut aussi le reconnaître, et vous avez rappelé les chiffres en ce sens, monsieur le ministre.
Comme l’a souligné le Conseil scientifique, c’est le « retour à une normalisation annoncée, mais prudente ». Nous savons désormais comment la maladie fonctionne. Nous avons les vaccins, quelques traitements – il faudrait le dire plus souvent –, et la covid prend une trajectoire de virus plus classique. Mais les populations les plus à risque doivent toujours être protégées, tout comme nos hôpitaux et l’ensemble de notre système de santé, qui se trouvent structurellement en situation de surchauffe. Il reste donc prudent de maintenir un système de veille, tout en faisant le maximum pour reprendre une vie normale.
Afin d’être réactif en cas de survenue d’un variant plus virulent, le projet de loi prévoit un contrôle de l’épidémie aux frontières et via les systèmes d’information SI-DEP et Contact Covid.
Nous ne présenterons pas d’amendement sur l’article 1er, convaincus de la nécessité de prolonger ces deux systèmes, qui permettent de suivre l’évolution de l’épidémie.
Par ailleurs, grâce à l’intelligence artificielle, on pourrait à l’avenir envisager d’utiliser plus finement ce type de données pour gérer les consignes sur des territoires plus ciblés, en fonction de l’évolution des contaminations sur le terrain.
Les choses sont plus complexes concernant l’article 2, qui offre la possibilité au Gouvernement, en cas de résurgence de l’épidémie, de freiner les déplacements aux frontières. Nous sommes en effet circonspects sur la création d’un « certificat de voyage » nécessitant un simple test de dépistage virologique. Le passe sanitaire existe depuis maintenant plus d’un an. Il est connu et compris de tous. Il a permis, bien avant le passe vaccinal, d’augmenter significativement le nombre de vaccinations. Pourquoi tout changer maintenant ? Pourquoi ne pas permettre la libre circulation des personnes vaccinées ?
Il faut le dire, il n’est pas vrai que le vaccin ne limite pas la circulation virale, même s’il ne la limite effectivement pas complètement. Nombreuses sont les études qui prouvent combien le vaccin a réduit la contagiosité.
Je suis persuadée que les membres de la Haute Assemblée ne profiteront pas, contrairement à leurs collègues de l’Assemblée nationale, de ce débat pour faire de la politique, dans le mauvais sens du terme. Ne cédons pas à cette tentation, car, sur ces sujets de santé, nous devrons être pragmatiques, asseoir nos décisions sur les données de la science, et envoyer des messages clairs et compris à nos concitoyens.
Telle est la position qui sera défendue par mon groupe, en préférant le passe sanitaire au certificat de voyage.
J’en viens à la suspension des soignants non vaccinés. Nous considérons que l’article 2 bis introduit une ambiguïté. La loi actuelle prévoit déjà la possibilité, sur avis de la Haute Autorité de santé, de supprimer l’obligation vaccinale contre la covid-19 en cas d’amélioration significative de la situation épidémiologique. Ce nouvel article adopté en commission peut être perçu comme une réintroduction des soignants suspendus. Quel signal envoie-t-on quand on prône la vaccination générale tout en laissant entendre que les soignants non vaccinés devraient ou pourraient être réintégrés sans délai, sur fond de scepticisme vaccinal ?
Au-delà du caractère anecdotique de l’effet de ces suspensions sur le système de soins – on parle de 0,4 % à 0,5 % des effectifs nationaux –, nous devons être fermes et clairs sur les valeurs de civisme et d’exemplarité, auxquelles le RDSE est attaché ; en témoigne, et ce n’est pas anodin, le rapport de mon collègue Henri Cabanel fait au nom de la mission d’information sur la redynamisation de la culture citoyenne.
Nous devons aussi faire attention aux conséquences que pourrait avoir une telle décision sur le respect d’autres obligations vaccinales, comme celles liées à l’hépatite B ou à la poliomyélite, voire à d’autres maladies. Pour porter un message clair et compris, nous proposerons un amendement de suppression de l’article 2 bis.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Véronique Guillotin. Si le projet de loi acte donc la fin de l’état d’urgence sanitaire, l’esprit de responsabilité doit prendre le relais et infuser durablement au sein de notre société.
Monsieur le ministre, je veux insister sur la nécessité de communiquer sur les gestes barrières, l’aération, la vaccination et les traitements, qui sont encore les oubliés de l’arsenal thérapeutique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Alain Milon applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est sans conteste un contre-pouvoir. Il établit l’équilibre entre une Assemblée nationale, qui comprend aujourd’hui une forte opposition, et un gouvernement butant sur la conciliation.
Ce serait un tort de penser que le Sénat deviendrait l’antichambre de l’exécutif. Ces deux dernières années, cet hémicycle a connu de longs débats animés, qui ont parfois eu des retombées importantes sur la vie des Français.
Dans le cadre du projet de loi, une tâche difficile nous incombe : trouver le juste milieu, en conciliant liberté et sécurité avec l’impératif de santé publique.
Pourtant, l’exécutif s’obstine à tout prix à instaurer un régime transitoire à l’état d’urgence sanitaire. À l’origine, celui-ci devait durer jusqu’au 31 mars 2023. En commission, il a été jugé pertinent de s’aligner sur les réglementations européennes et de reporter cette date au 30 juin 2023. En d’autres termes, pour voyager librement partout, la présentation d’un certificat numérique covid sera encore nécessaire.
Permettez-moi de m’interroger sur les bienfaits d’une telle prorogation. Alors que nous pensions en finir avec l’état d’urgence sanitaire, nous devons à présent composer avec un régime transitoire aux contours encore incertains. Le Gouvernement a encore failli à la mission de transparence qui lui incombe en proposant un texte resserré manquant de clarté. Il n’en demeure pas moins que nous mettons officiellement fin au régime de l’exception. Les risques d’un passe sanitaire, d’un couvre-feu ou d’un potentiel confinement sont définitivement exclus.
Au fil de l’épidémie, nous nous sommes adaptés tant bien que mal aux mesures prises par le Gouvernement. Celles-ci, qui ont parfois été jugées injustes, ont considérablement divisé les Français. Une réelle fracture s’est créée au sein de la société entre vaccinés et anti-vaccins.
Toutefois, la réécriture proposée par le Sénat préconise la présentation d’un certificat sanitaire de voyage pour les territoires ultramarins en cas de saturation des systèmes de santé locaux, et après consultation des exécutifs et parlementaires locaux.
Il est essentiel de réfléchir à terme à un réel dispositif de droit commun pour prévenir durablement, dans la limite du possible, les risques sanitaires présents et à venir, puisque les Français auront à vivre avec ce virus et ses variants. Le réchauffement climatique entraînera inévitablement de nouveaux risques sanitaires du même genre. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pandémie de covid n’est pas finie. Elle change, elle évolue, elle mute, et elle menace toujours en particulier les plus fragiles, les plus âgés et les plus pauvres d’entre nous. Plus de 150 000 Français en sont décédés, dont 25 000 depuis le début de l’année.
Avec le temps, les mesures que nous devons adopter évoluent.
Dans son projet de loi, le Gouvernement estime nécessaire de maintenir le système de surveillance épidémiologique et de prévoir l’hypothèse de restauration de contrôles pour les déplacements au-delà de l’Hexagone. Ces deux demandes nous paraissent justifiées, et nous les approuverons, sous réserve de quelques précisions.
Mais la pandémie n’est pas finie, et nous attendions de ce texte qu’il exprime la vision du Gouvernement sur les grands axes : maintien d’une protection collective large par la vaccination ; dispositif assurant la qualité de l’air des lieux clos ; pédagogie sur le port du masque dans les lieux clos, en particulier pendant la saison hivernale.
Car nous devons prévoir, anticiper les évolutions possibles pour les prochains mois, ainsi que nous y invite à raison le Conseil scientifique dans son dernier avis.
Sortir de l’état d’urgence sanitaire, sortir des mesures d’exception, ce n’est pas sortir de la pandémie. Nous n’avons aucune gloire à tirer de l’abandon de mesures devenues inutiles : cela ne fabrique aucune mesure utile pour la suite d’une pandémie qui se poursuit.
Or nous devons nous contenter d’un texte réduit au minimum, qui, après sa réécriture par la commission des lois, esquive toujours des sujets importants, voire les a écartés.
Dans quelques jours, le Conseil scientifique sera dissous et aucune indication n’est avancée sur un dispositif efficace de veille, d’alerte et de propositions en cas de nouvelle crise. Le nouveau dispositif ne saurait trop tarder, monsieur le ministre.
Encore une fois, la pandémie n’est pas finie. La commission des lois a procédé à un salutaire toilettage du code de la santé publique, mais en nous ramenant à l’état ante crise de la législation ; nous sommes au milieu du gué. Il nous faudra rapidement avancer pour définir un nouveau cadre adapté.
Malheureusement, en introduisant dans le projet de loi, au terme de son mémorandum, la question de la réintégration des soignants non vaccinés, la commission prend une position politique que nous ne partageons pas. À l’heure où les plus âgés, les plus fragiles, sont insuffisamment vaccinés, alors qu’il nous faut relancer sans tarder la réalisation des rappels, il n’est pas responsable de se faire le relais d’une telle demande.
Nous sommes ici, sur ce premier texte d’une nouvelle législature, pour montrer que le compromis auquel nous appellent les Français doit se fonder sur un partage commun de ce qui est juste pour notre pays, et non sur des messages envoyés aux plus extrémistes et aux populistes.
Le vaccin est une chance pour la santé publique. Il a sauvé, il sauve et il sauvera tant de vies. Nous le défendons – il ne doit pas disparaître de l’article 2 ! –, comme nous défendons l’idée que le métier de soignant ne s’exerce que dans l’acceptation des règles de protection réciproque et collective. Se soustraire à ces règles, c’est renier une part de l’éthique et de la grandeur des professions concernées. Tant que l’on ne les accepte pas, c’est un aller sans retour.
Alors, laissez les 0,3 % qui refusent la règle commune là où ils sont, et nous exprimerons ainsi soutien et compréhension envers l’immense majorité des soignants. Car si nous exonérons cette infime minorité de ses obligations, nous récolterons incompréhension et colère dans nos hôpitaux, nos cabinets médicaux et nos Ehpad.
Tel est notre état d’esprit, celui d’un travail parlementaire engagé pour mieux anticiper nos réponses à l’épidémie, et pour répondre avant tout au devoir de protection de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, Mme Véronique Guillotin et M. Henri Cabanel applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Di Folco. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici donc le treizième texte relatif à la crise sanitaire depuis le mois de mars 2020. Consacré cette fois-ci à la « veille et à la sécurité sanitaire », il diffère toutefois fortement des précédents, tant par son contexte que par son contenu.
Le contexte, nous le connaissons évidemment tous.
Il est d’abord sanitaire. Nous faisons face à une septième vague qui se répand rapidement, mais qui – c’est heureux ! – aura été moins virulente que les premières et qui semble fortement décliner depuis une semaine. Comme le rapporteur, Philippe Bas, a pu le souligner précédemment, l’évolution de la pandémie est cohérente par rapport à ce que nous observons pour d’autres virus, mais elle ne doit pas être ignorée pour autant.
Il y a aussi un contexte politique que nous connaissons, et sur lequel je ne m’attarderai pas.
Enfin, il y a le contexte juridique. Plus de deux ans après l’adoption de la première loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, la France est sur le point de sortir de l’essentiel des régimes dérogatoires du droit commun institués pour la gestion de cette crise sans précédent. C’est l’une des raisons pour lesquelles la commission a suivi son rapporteur et changé le titre du texte. Ce dernier reflète désormais la réalité que je viens de rappeler.
J’en viens au contenu du projet de loi. C’est un texte court, pas seulement technique, comme initialement annoncé, mais avec des enjeux politiques. Il était initialement proposé au législateur de maintenir seulement deux dispositifs de veille sanitaire : d’une part, les systèmes d’information SI-DEP et Contact Covid, afin de permettre aux autorités de santé d’observer de plus près l’évolution de l’épidémie ; d’autre part, la possibilité d’instituer certains contrôles sanitaires aux frontières, ainsi qu’entre l’Hexagone et les outre-mer.
Par comparaison avec les textes précédents, c’est évidemment peu. Mais il n’en reste pas moins que l’exécutif demandait à conserver jusqu’à début 2023 un pouvoir de contrôle de certains déplacements.
De plus, il y avait ce que le texte ne disait pas : les régimes d’exception des derniers mois arrivaient à leur terme. Certes, les juristes parmi nous avaient conscience du fait que les différents dispositifs étaient sur le point de devenir caducs. Mais les textes, même sans produire d’effet, demeuraient.
Tout cela a pu susciter l’inquiétude de nos concitoyens, après deux années de régime d’exception. Nous l’avons tous bien perçu ; nombre de courriers électroniques nous ont été adressés en ce sens.
Dans sa démarche habituelle de responsabilité et d’exigence, la commission des lois de notre assemblée s’est saisie du projet de loi et, suivant son rapporteur, a proposé de le remanier très substantiellement. Le texte qui en résulte opère une réelle conciliation entre la prudence indispensable face à une situation sanitaire demeurant quelque peu incertaine et l’encadrement toujours plus strict du recours par l’exécutif à des pouvoirs dérogatoires.
Une telle attitude a présidé au rétablissement de l’article 2, relatif au contrôle sanitaire pour les personnes entrant sur le territoire national. Ce rétablissement est le fruit d’un travail considérable de notre rapporteur, qui a construit un dispositif juridiquement robuste, très ciblé dans son application et exigeant à l’égard de l’exécutif.
Il l’a fait en prenant en compte les travaux des députés, ainsi que les remarques de nos collègues sénateurs, par exemple sur la question des contrôles concernant les outre-mer.