M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Il y a six mois, le président Macron, devant le Parlement européen, a émis le souhait d’inscrire le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Nous avons été nombreux et nombreuses à applaudir à ce moment-là. Depuis lors, il y a eu l’effroyable décision de la Cour suprême des États-Unis, qui a été pour nous un choc brutal. Aucune démocratie n’est désormais à l’abri : le lobby international anti-IVG, anti-choix, est puissant, il dispose de moyens financiers importants, de relais idéologiques, politiques et religieux. Personne ne peut dire ce qui se passera en France demain ou après-demain. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Plusieurs propositions de loi ont été déposées. Je salue à cet instant mes collègues du groupe communiste, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, ainsi que tous les groupes de l’Assemblée nationale qui travaillent sur le sujet. Cependant, la Constitution de 1958 est ainsi faite que le droit d’initiative du Parlement n’est pas le plus aisé à mettre en œuvre en matière de révision de la Constitution. La procédure la plus efficace est celle du projet de loi.
Aussi, madame la Première ministre, ma question est aussi simple que solennelle : pensez-vous inscrire à l’ordre du jour un projet de loi constitutionnelle pour définitivement garantir dans la Constitution le droit à l’avortement et à la contraception ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Rossignol, l’Histoire fourmille d’exemples de libertés fondamentales que l’on croyait acquises et qui ont été balayées comme des fétus de paille. Le cas américain nous rappelle que, même dans les grandes démocraties, ce que l’on croyait acquis depuis cinquante ans ne l’est pas en réalité.
Le droit à l’IVG est un droit fondamental, bien sûr, et personne – je dis bien : personne – ne peut envisager de retirer aux femmes le droit de disposer de leur corps. C’est la raison pour laquelle, vous l’avez rappelé, le Président de la République, dès janvier, avant même la décision américaine, a indiqué qu’il envisageait de le faire inscrire dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. C’est la raison pour laquelle Mme la Première ministre, elle aussi, a déclaré que le Gouvernement soutiendrait toutes les initiatives parlementaires engagées sur cette question. Je pense évidemment à la proposition de loi constitutionnelle de la députée Aurore Bergé, mais, en la matière, madame la sénatrice, toutes les volontés sont bonnes à prendre, et nous savons tous ici votre engagement à cet égard.
Certains diront que l’exemple américain n’est pas transposable en France. En réalité, rien n’est jamais acquis : la liberté, la démocratie, les droits fondamentaux sont toujours fragiles et méritent notre vigilance constante. C’est vrai, nos institutions fonctionnent différemment. Le droit à l’IVG est ici mieux protégé, et je sais que ma collègue Isabelle Rome se bat au quotidien pour donner à toutes les femmes un égal accès à celle-ci, mais, de grâce, ne prenons pas de risque ! C’est pourquoi, en tant que garde des sceaux, je soutiendrai avec force ces initiatives pour les voir aboutir. Le Parlement est dans son rôle ; le Gouvernement sera dans le sien pour qu’enfin le droit à l’IVG devienne un droit inaliénable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Donc la réponse est non !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le garde des sceaux, je me réjouis du fond de votre réponse. N’en prenez pas ombrage, mais je vais m’adresser à Mme la Première ministre. Rien de personnel, soyez-en certain !
Madame la Première ministre, j’ai cru comprendre que vous cherchiez des majorités de projet. Je vous en propose une à cet instant ! Une belle majorité sur un projet de loi constitutionnelle ! J’insiste sur ce point, parce que la procédure d’initiative parlementaire n’aboutira pas : personne ne veut un référendum sur l’accès à l’IVG. C’est la seule solution pour que vos engagements se concrétisent, pour que votre mandat à Matignon soit non pas simplement le mandat d’une deuxième femme Première ministre, mais le mandat d’une deuxième femme Première ministre qui a fait avancer les droits des femmes. Je vous le redemande : faites un projet de loi constitutionnelle ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mmes Patricia Schillinger, Guylène Pantel et Annick Billon applaudissent également.)
artificialisation des sols
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre, dans le prolongement de la question posée par ma collègue François Gatel.
Madame la Première ministre, vous avez à plusieurs reprises, et notamment dans cette enceinte, mercredi dernier, lors de votre discours de politique générale, affirmé votre respect pour le Sénat et votre volonté de vous inspirer à l’avenir de ses travaux. En voici une occasion, à travers un sujet majeur qui préoccupe aujourd’hui les maires, à savoir l’objectif de zéro artificialisation nette, que l’on va donc appeler ZAN.
Après avoir fait une trentaine de déplacements dans le pays, je peux vous dire que les élus sont en ébullition sur ce sujet. Que disent-ils ? Que le ZAN « surmétropolise » notre pays une fois de plus ; qu’il punit notre ruralité une fois de plus également ; que l’État abandonne tout le monde, puisqu’il n’y a aucune ingénierie mise à la disposition de nos élus pour atteindre cet objectif. Enfin, ils reprochent au pouvoir réglementaire, que vous incarnez, de revenir sur la loi. C’est quand même assez grave, quand on pense à la hiérarchie des normes – on peut encore prononcer ces mots –, que le pouvoir réglementaire retranche sur la loi votée.
Que disait cette loi votée au Parlement ? Nous n’étions pas contre le ZAN, mais nous nous opposions à la méthode descendante, à ce centralisme régional punitif qui était proposé alors.
Aussi, nous avons voté une territorialisation de l’objectif, par exemple. Nous avons voulu des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) les plus souples possible. Nous avons demandé que l’on prenne en compte les trajectoires des élus qui sont dans la sobriété foncière depuis longtemps. Nous avons demandé de faire confiance aux élus, tout simplement, à travers les schémas de cohérence territoriale (SCoT), pour qu’ils puissent vous faire des propositions.
Personne ne comprend pourquoi les décrets sont plus restrictifs que la loi.
Seront-ils dévitalisés, puisque vous comptez à présent changer de méthode et prendre en compte les inquiétudes de tout le monde, et des élus en particulier ? En d’autres termes, comptez-vous réexaminer ces décrets et revenir à la volonté exprimée par le Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Blanc, il me semblait que le début de réponse que j’avais fait à Mme Gatel permettait de vous donner une idée de notre détermination. Je vais donc aller un chouïa plus loin.
Vous ne pouvez ignorer que ces décrets, qui datent du 29 avril, ont fait l’objet d’un certain nombre de travaux récents d’analyse, y compris dans cette assemblée. Ce n’est que le 29 juin que vous avez remis vous-même votre rapport, accompagné de huit recommandations, au Gouvernement. Nous sommes le 13 juillet, et vous comprendrez que je n’aie pas encore totalement eu le temps de vous répondre, ayant été nommé postérieurement à votre rapport. Il ne s’agit donc pas de ma part d’un manque de diligence, d’attention, ou de prise de conscience de la situation.
La présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, Mme Sophie Primas, a communiqué le 6 juillet sur le retour des 1 242 questionnaires envoyés pour comprendre ce que les élus locaux reprochaient à ce début d’exécution du zéro artificialisation nette.
Dès l’instant où chacun, ici, est conscient de la nécessité de préserver nos espaces naturels et agricoles avec le zéro artificialisation nette à compter de 2050, nous devons nous demander comment y parvenir, comment traiter les disparités territoriales, et avec quels moyens d’accompagnement financier. Votre première préconisation sur la pérennisation du fonds friches inscrite dans le plan de relance a d’ores et déjà fait l’objet d’un arbitrage favorable de la part de la Première ministre. À compter de 2023, nous poursuivrons les accompagnements financiers nécessaires avec un dispositif de ce type.
Mais vous évoquez aussi les questions d’ingénierie et la mobilisation potentielle du Fonds national des aides à la pierre, vous proposez un guichet unique pour les élus locaux, qui leur permette d’y voir clair, vous suggérez enfin que l’on considère la possibilité de projets d’intérêt national : il y a plein de pistes sur lesquelles on peut travailler !
Alors, au-delà de la séance d’aujourd’hui, je vous donne rendez-vous dans quelques jours pour que nous puissions avancer : la volonté est réelle, le cap donné par la Première ministre est clair et l’ambition est partagée ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Blanc. Dont acte, monsieur le ministre, sachant que les élus locaux ont jusqu’au 22 octobre pour faire des propositions à leurs régions respectives. Il y a donc véritablement plus qu’urgence. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Laurent Lafon. Cette question s’adresse à Mme la Première ministre. Je la pose en mon nom, mais aussi au nom de François-Noël Buffet, président de notre commission des lois.
La finale de la Ligue des champions de football a été marquée par des événements d’une particulière gravité. Si le pire a pu être évité, les dysfonctionnements constatés ce jour-là ne doivent et ne peuvent pas être minimisés. Nous devons des explications à ceux qui en ont été victimes – je pense en particulier aux supporters du club de Liverpool –, mais aussi à ceux qui, depuis lors, s’interrogent sur la capacité de notre pays à organiser de grands événements sportifs, notamment la coupe du monde de rugby l’année prochaine et les jeux Olympiques et Paralympiques en 2024.
Le Sénat, à travers ses commissions des lois et de la culture, de l’éducation et de la communication, a auditionné un certain nombre de personnes pour comprendre ce qui s’est passé ce jour-là. François-Noël Buffet et moi-même avons produit un rapport ; il a été présenté ce matin aux membres de nos deux commissions, qui ont adopté à l’unanimité les propositions que nous y faisions. Notre objectif était d’identifier de manière précise les dysfonctionnements, d’établir les responsabilités des uns et des autres et de faire des propositions pour éviter que cette situation ne se reproduise.
Madame la Première ministre, votre parole a été rare sur ce sujet. Nous pensons qu’elle est nécessaire aujourd’hui, notamment pour bien engager la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques. Alors, voici ce que nous voulons savoir, tout simplement : quelle analyse faites-vous de ces dysfonctionnements et quels enseignements en tirez-vous ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Messieurs les présidents Lafon et Buffet, nous avons pris connaissance ce matin du rapport de vos deux commissions. Nous suivrons les recommandations du Sénat. (Marques de satisfaction à droite.)
Ces recommandations s’articulent en trois parties. La première porte sur la billettique. Sur ce point, la Première ministre a demandé à Mme la ministre des sports et à moi-même de mettre en place, avec les organisateurs de tels événements et nos propres organisations sportives, les billets infalsifiables et toutes les autres recommandations que vous faites.
Le second axe de votre rapport porte sur un point très important, l’ordre public. Dans ce domaine, il s’agit de faire en sorte que la police se concentre moins sur le hooliganisme, et davantage sur les mouvements de foule et la protection de nos concitoyens. En la matière, à l’exception de la suggestion de ce qui porte sur la garde à cheval montée – si vous en êtes d’accord, nous pourrions reprendre la discussion sur ce point ultérieurement –, il nous semble que la quasi-intégralité des propositions que vous faites doivent être suivies par le ministère de l’intérieur et, en son sein, la préfecture de police.
Le troisième sujet est évidemment celui de la délinquance, sur laquelle vous avez fait un constat réel dans votre rapport. Ce soir-là, pour reprendre vos mots, il y a eu non seulement des dysfonctionnements, mais bien des erreurs de préparation, dont la préfecture de police, le ministère de l’intérieur tout entier et le ministre lui-même doivent tirer toutes les conséquences.
Tel était bien le sens de la réunion que nous avons eue autour de la Première ministre voilà dix jours, mais nous ne connaissions alors pas encore le contenu de vos propositions ; tel est aussi le sens de la réunion que le Président de la République présidera la semaine prochaine autour des jeux Olympiques : elle ne portera pas uniquement sur les questions de sécurité, mais celles-ci figureront bien à son ordre du jour.
Dès la semaine prochaine, à la demande de la Première ministre, avec la ministre des sports, nous réunirons l’ensemble des services du ministère de l’intérieur pour mettre en place les recommandations du Sénat.
Je vous propose donc, monsieur Lafon, si vous en êtes d’accord, de revenir au lendemain de l’été devant votre commission, avec la ministre des sports et le préfet de police, pour vous faire savoir où nous en sommes arrivés dans notre préparation,… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Quel aveu d’humilité !
M. Gérald Darmanin, ministre. … même si, entre cette finale de la Ligue des champions et les jeux Olympiques ou la coupe du monde de rugby, comparaison n’est pas forcément raison. Je voudrais d’ailleurs faire remarquer que lors des trois matchs à enjeu qui se sont déroulés au Stade de France depuis cette finale, avec le même nombre de spectateurs, les choses se sont passées le plus correctement du monde. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour la réplique.
M. Laurent Lafon. Madame la Première ministre, monsieur le ministre, nous partageons votre souci de faire en sorte que les jeux Olympiques et Paralympiques se déroulent dans les meilleures conditions possible. Pour nous, l’une des conditions indispensables pour y parvenir est que l’on tire tous les enseignements de ce qui s’est passé lors de la finale de la Ligue des champions. Nous ne doutons pas une seconde que la France saura être au rendez-vous des jeux Olympiques, mais il faut pour cela avoir la lucidité de tirer tous les enseignements de ce qui s’est passé le 28 mai dernier.
Nous nous tenons à votre disposition pour travailler ensemble, monsieur le ministre, puisque vous nous avez fait cette proposition. Je tiens simplement à vous préciser, dans la mesure où vous n’avez peut-être pas eu le temps de regarder toutes nos propositions, qu’elles ne sont pas identiques à celles de M. Cadot et qu’il y en a même certaines qui s’opposent. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
finances de la ville de paris
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Charon. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
À deux ans des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, les interrogations et les révélations s’accumulent quant à la maîtrise de leur organisation.
Selon les conclusions du rapport du comité d’audit de l’organisation, parmi les risques financiers sur le coût des travaux, seuls ceux qui sont liés à l’inflation sont clairement affichés, alors même que l’explosion de certaines factures, pour le centre aquatique olympique – 173 millions d’euros au lieu de 90 millions – ou l’Arena de la porte de la Chapelle – 132 millions d’euros au lieu de 90 millions –, n’a rien à voir avec cette inflation, tout comme les coûts engendrés par des changements de dernière minute de sites olympiques.
Les interrogations s’accumulent aussi sur les questions de sécurité publique.
On pense notamment aux risques qui pèsent sur la cérémonie d’ouverture prévue sur la Seine, avec la sécurisation sur plus de 6 kilomètres de 160 barges flottantes accueillant 205 délégations étrangères et 10 000 athlètes, à quoi s’ajoute la présence de nombreux chefs d’État, et tout cela devant 600 000 spectateurs.
Les interrogations s’accumulent, enfin, sur la manière dont la Ville de Paris gère ces jeux.
À ce jour, pas moins de 5 000 chantiers gangrènent la capitale. De nombreux élus parisiens réclament davantage de transparence dans la gestion de ce dossier, sans réponse de la maire de Paris.
Même l’ancien ministre et champion olympique Guy Drut nous alerte sur les risques d’explosion des coûts et le manque de concertation.
Le budget s’élevait initialement à 6,8 milliards d’euros ; il est aujourd’hui près d’atteindre 8 milliards d’euros et ne tient pas compte de la garantie de 3 milliards d’euros apportée par l’État.
Il s’agit d’éviter que cette grande fête populaire ne se transforme en un immense fiasco.
Aussi, pouvez-vous, madame la Première ministre, confirmer que le Gouvernement a pris la pleine mesure de ce dossier et qu’il veille à « sécuriser le cadre budgétaire et financier des jeux », comme l’a réclamé la Cour des comptes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur Charon, merci d’abord pour une question qui ne concerne pas le zéro artificialisation nette !
Comme vous l’avez dit, Paris 2024, c’est la promesse d’une grande fête, mais aussi un défi majeur : la livraison de l’ensemble de ces infrastructures. Vous connaissez aussi le mode d’organisation de ces constructions : une société présidée par la maire de Paris, la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), a la responsabilité de l’ensemble de ces infrastructures ; des décisions sont prises par la mairie de Paris sur un certain nombre de ces sujets et entraînent parfois, voire souvent, les évolutions financières que vous décrivez, hors inflation.
Je souhaite rappeler que la situation financière de la Ville de Paris s’est singulièrement améliorée au cours des derniers mois. (Marques dubitatives sur les travées du groupe Les Républicains.) Regardons le compte administratif pour 2021 : on y trouve une épargne de 64 millions d’euros net, à comparer au déficit de 380 millions d’euros ; la progression des recettes, d’un demi-milliard d’euros, est portée par le retour des recettes tarifaires, mais également par la reprise des droits de mutation.
Dès lors, il serait de mauvaise manière de se défausser sur le Gouvernement, en considérant que la crise des finances locales viendrait justifier d’une manière ou d’une autre un appel à un coup de main particulier de notre part. (Mme Sophie Primas s’esclaffe.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est rassurant !
M. Christophe Béchu, ministre. Nous suivons évidemment avec beaucoup d’attention ces sujets, qui relèvent de cas variés. Pour certains d’entre eux, la gestion des chantiers par exemple, je vous avoue ne pas avoir une expertise particulière de la manière dont les choses se passent ; pour d’autres, au contraire, les discussions qui peuvent se tenir, notamment entre le cabinet de la ministre des sports et la mairie de Paris, nous permettront sans doute d’assurer un meilleur suivi et d’avoir une vision plus claire des sujets sur lesquels vous nous interpellez cet après-midi. Votre question nous conduira à considérer un certain nombre de ces sujets avec bien plus d’interrogations.
Pour autant, je tiens à redire que la fierté d’organiser ces jeux et le fait de revendiquer un certain nombre de décisions qui relèvent de la mairie ne doivent pas conduire à se défausser sur le Gouvernement de décisions qui sont prises à un autre échelon que le nôtre.
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour la réplique.
M. Pierre Charon. Monsieur le ministre, vous êtes trop subtil pour ne pas avoir compris ma question ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) Il ne s’agissait pas de me défausser ; je parlais surtout, bien évidemment, de la mauvaise gestion de la maire de Paris. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe SER.)
situation dans les ehpad
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Michelle Meunier. La publication en janvier dernier du livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet a suscité une véritable déflagration dans le monde des Ehpad.
Face aux manquements du groupe Orpea dans le soin porté aux résidents, face aux atteintes aux droits des salariés, face à la faiblesse documentée de l’action publique dans la surveillance de ces activités, le Sénat a mis en place une mission d’information sur le contrôle des Ehpad dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête. Mon collègue rapporteur Bernard Bonne et moi-même avons mené plus de cinquante auditions ; nous avons écouté les dirigeants d’Orpea, le Gouvernement, les corps de contrôle et les financeurs que sont les agences régionales de santé et les départements.
Ce rapport a été présenté hier en commission des affaires sociales et adopté à l’unanimité.
Alors, monsieur le ministre de l’autonomie, ma question est simple et appelle une réponse tout aussi simple : le Gouvernement va-t-il prendre à bras-le-corps la question du grand âge et de la perte d’autonomie ? Va-t-il nous proposer un projet de loi sur ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Michelle Meunier, je vous remercie d’abord de m’offrir par cette question l’occasion de m’exprimer pour la première fois devant votre assemblée, que je connais bien et avec laquelle j’aurai plaisir à travailler sur l’ensemble des sujets qui intéressent mon ministère.
Nombre de ces sujets reposent sur les compétences des collectivités locales dont vous êtes les représentants. J’aurai aussi à cœur d’entretenir un dialogue permanent, transparent et de qualité avec les collectivités.
Comme vous l’avez dit, les urgences sont nombreuses dans ce secteur. Je connais parfaitement les attentes des personnes accompagnées, des familles, mais aussi des professionnels, dont je tiens à saluer l’engagement constant, particulièrement dans cette période difficile. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai choisi pour mon premier déplacement, la semaine dernière, de me rendre dans un Ehpad du Val-d’Oise, afin d’y annoncer un plan visant à assurer la continuité de la prise en charge, notamment médicale, des personnes âgées cet été.
Vous avez raison : le scandale Orpea nous pose un défi immense et nous rappelle combien la sécurité des personnes âgées et la qualité de leur accueil dans ces établissements doivent être prioritaires pour nous.
J’aurai évidemment à cœur de reprendre l’ensemble des mesures qui avaient d’ores et déjà été annoncées par ma prédécesseure, Mme Brigitte Bourguignon ; je réitère notamment notre engagement à ce que, d’ici deux ans, l’ensemble des 7 500 Ehpad de notre pays soient contrôlés. Nous renforcerons donc les moyens des ARS pour ce faire. J’aurai aussi à cœur d’améliorer les systèmes de signalement et leur suivi au sein des Ehpad, ainsi que d’encourager plus fortement les familles à participer à la vie des établissements. Je tiens enfin à travailler de façon structurelle aux problématiques de recrutement que ce secteur connaît.
Je porte une vision forte de la société et du bien vieillir, celle d’une société qui fait du grand âge une capacité plutôt qu’une incapacité,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. … d’une société qui donne aux personnes le droit d’agir. Dans cet esprit, j’aurai plaisir à prendre connaissance de votre rapport, dont je n’ai pas encore entendu les conclusions, et à travailler à les mettre en œuvre avec vous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Alain Richard. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour la réplique.
Mme Michelle Meunier. Merci pour votre réponse et vos propos, monsieur le ministre. Nous ne mettons nullement en doute l’intérêt que vous portez au sujet, mais entendez l’urgence ! Entendez l’urgence des professionnels, qui la proclament depuis fort longtemps ! Entendez aussi l’urgence des familles, qui sont peut-être plus en demande encore depuis la crise sanitaire et qui ne peuvent pas attendre ! Le statu quo n’est plus possible, il nous faut un cadre législatif. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe RDSE. – MM. Bernard Bonne et René-Paul Savary applaudissent également.)
feux de forêt
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Monsieur le ministre, il y a quelques jours, dans mon département du Gard, le feu a consumé 900 hectares en près de vingt-quatre heures ! Bordezac, Bessèges, Gagnières, Générac ou encore Alès n’ont pas été épargnés. Aujourd’hui, de nombreux Gardois s’apprêtent à vivre leur été dans l’angoisse permanente de ces flammes.
Je veux rendre ici un hommage appuyé aux sapeurs-pompiers mobilisés. C’est grâce à leur bravoure et à la réactivité des maires concernés, en lien avec le sous-préfet d’arrondissement, qu’aucune habitation n’a été touchée.
Reste que ces feux, s’ils peuvent être des drames humains, sont toujours un désastre écologique.
Monsieur le ministre, il faut absolument adapter nos textes à nos territoires. En effet, il arrive qu’au nom de la biodiversité des élus départementaux ou municipaux ne puissent débroussailler les abords des routes comme ils le souhaiteraient afin d’en faire de véritables coupe-feux. Il faut davantage laisser les préfets concilier ces deux objectifs qui, je tiens à le redire, ne sont pas antinomiques.
Surtout, nos communes rurales du Gard s’étendent souvent sur de nombreux hectares ; elles ne peuvent assumer seules ce risque qui, malheureusement, est amené à s’amplifier. Le débroussaillement a un coût aussi important que son utilité, tout comme l’entretien des voies de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) ou encore des vigies.
Monsieur le ministre, vous conviendrez que les feux coïncident rarement avec les limites administratives ; la lutte contre les incendies doit donc pouvoir compter sur le soutien total de l’État. Allez-vous donc renforcer les moyens financiers des collectivités concernées par cet aléa ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)