Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert, M. Dominique Théophile.
1. Ouverture de la session extraordinaire de 2021-2022
4. Candidatures à des commissions
5. Désignation d’un vice-président du Sénat
6. Nomination d’un membre d’une commission
8. Politique générale. – Lecture d’une déclaration du Gouvernement
Suspension et reprise de la séance
Conclusions de la conférence des présidents
10. Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
11. Ordre du jour
Nomination de membres de commissions
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert,
M. Dominique Théophile.
1
Ouverture de la session extraordinaire de 2021-2022
M. le président. Mes chers collègues, j’ai reçu de Mme la Première ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 28 juin 2022 portant convocation du Parlement en session extraordinaire. Ce décret, qui vous a été adressé, a été publié sur le site internet du Sénat.
Je donne lecture de ce décret :
« Le Président de la République,
« Sur le rapport de la Première ministre,
« Vu les articles 29, 30 et 50-1 de la Constitution,
« Décrète :
« Article 1er. – Le Parlement est convoqué en session extraordinaire le mardi 5 juillet 2022.
« Article 2. – L’ordre du jour de cette session extraordinaire comprendra :
« 1. Une déclaration du Gouvernement devant l’Assemblée nationale ;
« 2. Une déclaration du Gouvernement devant le Sénat ;
« 3. Une déclaration du Gouvernement devant l’Assemblée nationale, suivie d’un débat, sur le bilan de la Présidence française de l’Union européenne, en application de l’article 50-1 de la Constitution ;
« 4. Une déclaration du Gouvernement devant le Sénat, suivie d’un débat, sur le bilan de la Présidence française de l’Union européenne, en application de l’article 50-1 de la Constitution ;
« 5. Une déclaration du Gouvernement devant l’Assemblée nationale, suivie d’un débat, sur le projet de programme de stabilité pour 2022-2027, en application de l’article 50-1 de la Constitution ;
« 6. Une déclaration du Gouvernement devant le Sénat, suivie d’un débat, sur le projet de programme de stabilité pour 2022-2027, en application de l’article 50-1 de la Constitution ;
« 7. L’examen ou la poursuite de l’examen des projets de loi suivants :
« - projet de loi de finances rectificative pour 2022 ;
« - projet de loi relatif aux mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ;
« - projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 ;
« - projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19 ;
« - projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-1605 du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statuaires relatives à la fonction publique territoriale ;
« 8. La poursuite de l’examen de la proposition de loi suivante :
« - proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne ;
« 9. L’examen ou la poursuite de l’examen des projets de loi autorisant l’approbation des accords internationaux suivants :
« - projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar relatif au statut de leurs forces ;
« - projet de loi autorisant la ratification de la convention portant création de l’Organisation internationale pour les aides à la navigation maritime ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord portant révision de l’accord général de coopération entre les États membres de la Commission de l’océan Indien ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Autorité bancaire européenne relatif au siège de l’Autorité bancaire européenne et à ses privilèges et immunités sur le territoire français ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de la convention de coopération judiciaire internationale entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation des Nations unies, représentée par le Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie ;
« - projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Banque des règlements internationaux relatif au statut et aux activités de la Banque des règlements internationaux en France, et de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et la Banque des règlements internationaux ;
« 10. Une séance de questions par semaine.
« Article 3. – La Première ministre est responsable de l’application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
« Fait le 28 juin 2022.
« Emmanuel Macron
« Par le Président de la République :
« La Première ministre,
« Élisabeth Borne »
Acte est donné de cette communication.
En conséquence, la session extraordinaire est ouverte.
2
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 23 mars 2022 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
3
Remplacement de sénatrices
M. le président. En application de l’article L.O. 320 du code électoral, le mandat sénatorial de M. Jean-Baptiste Lemoyne a repris le mardi 21 juin 2022, à zéro heure. En conséquence, le mandat sénatorial de Mme Marie Evrard a cessé le lundi 20 juin, à minuit.
Je salue le retour de notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne dans notre hémicycle. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe RDPI.)
Par lettre en date du 1er juillet 2022, M. le ministre de l’intérieur m’a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, M. Daniel Breuiller était appelé à remplacer, en qualité de sénateur du Val-de-Marne, Mme Sophie Taillé-Polian, démissionnaire à la suite de son élection à l’Assemblée nationale.
J’ai écrit à Mme Taillé-Polian, à la fois pour la féliciter de son élection et pour la remercier.
Le mandat de M. Daniel Breuiller a commencé le lundi 4 juillet 2022, à zéro heure.
Au nom du Sénat, je lui souhaite la bienvenue parmi nous. (Applaudissements.)
4
Candidatures à des commissions
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires économiques, de la commission des finances et de la commission des affaires européennes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
5
Désignation d’un vice-président du Sénat
M. le président. J’informe le Sénat que, conformément à l’article 2 bis, alinéas 9 et 10 de notre règlement, M. Alain Richard est devenu vice-président du Sénat le 1er avril dernier, en remplacement de M. Georges Patient. (Applaudissements.)
Je souhaite de nouveau remercier notre collègue Georges Patient de la manière dont il a exercé sa vice-présidence et de sa contribution aux travaux du bureau du Sénat.
6
Nomination d’un membre d’une commission
M. le président. J’informe le Sénat que, conformément à l’article 8 de notre règlement, M. Jean-Pierre Corbisez est devenu membre de la commission des affaires européennes le 17 juin dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
7
Décès d’anciens sénateurs
M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues :
- Michel Delebarre, qui fut sénateur du Nord de 2011 à 2017 ;
- Dominique Mortemousque, qui fut sénateur de la Dordogne de 2002 à 2008 ;
- Jean Faure, qui fut sénateur de l’Isère de 1983 à 2011, mais aussi vice-président et questeur du Sénat ;
- Ivan Renar, qui fut sénateur du Nord de 1985 à 2011, mais aussi secrétaire du Sénat.
Nous observerons un bref moment de recueillement en mémoire de Jean Faure et de nos trois autres anciens collègues au début de la séance de questions d’actualité au Gouvernement du 13 juillet prochain.
8
Politique générale
Lecture d’une déclaration du Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle la lecture d’une déclaration de politique générale du Gouvernement.
Au nom du Sénat, je veux saluer la présence au banc du Gouvernement de nombreux ministres. À ces derniers, dont certains, mais pas tous, connaissent déjà notre hémicycle ou celui de l’Assemblée nationale, je souhaite une cordiale bienvenue.
Je donne la parole à M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui va lire cette déclaration devant le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme la tradition le veut, j’ai l’honneur de m’adresser à vous pour vous faire part de la déclaration de politique générale que la Première ministre prononce en ce moment même devant l’Assemblée nationale.
« En m’adressant à vous, c’est à la France que je parle. Chacune de vos circonscriptions porte une parcelle de notre histoire et des défis qui s’ouvrent à nous. »
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Chacun de vos territoires exprime une réalité de notre pays, de ses craintes et de ses espoirs.
« Nous mesurons tous l’ampleur de la tâche : les Français à protéger, la République à défendre, notre pays à rassembler, la planète à préserver.
« C’est le sens de l’action du Président de la République depuis cinq ans. C’est notre mission collective, au Gouvernement comme sur ces bancs. Avec vous, avec tout le Gouvernement, avec nos concitoyens, nous réussirons. J’y suis déterminée.
« Ces dernières semaines, à quatre reprises, les Françaises et les Français se sont exprimés. Par le résultat des urnes, ils nous demandent d’agir et d’agir autrement. Par leur message, ils nous demandent de prendre collectivement nos responsabilités. Nous le ferons.
« Ensemble, nous répondrons à l’écho de l’abstention. Elle est le signe d’une démocratie malade, d’un désarroi de la jeunesse, d’une perte de confiance dans notre capacité à changer des vies.
« Ensemble, nous répondrons à la demande d’action. C’est celle qui s’exprime le plus fortement dans le vote des Français. Nous ne pouvons pas décevoir.
« Ensemble, nous répondrons à l’exigence de responsabilité. Les Français ont élu une assemblée sans majorité absolue. Ils nous invitent à des pratiques nouvelles, à un dialogue soutenu et à la recherche active de compromis.
« Le contexte nous oblige. La guerre en Ukraine, aux portes de l’Europe, nous rappelle combien la paix est fragile. Les prix de l’énergie augmentent, et nous devons continuer à protéger les Français. L’épidémie est toujours là, et notre vigilance doit rester totale. L’urgence écologique se fait chaque seconde plus pressante, et nous avons un devoir d’action. L’insécurité inquiète nos concitoyens et brise encore des vies et des destins.
« Nous devons le dire aussi : dans les dernières semaines, du fait de la guerre qui dure, notre situation économique s’est assombrie. Nos perspectives de croissance se dégradent. Les taux d’intérêt augmentent. Quant à nos finances publiques, elles doivent retrouver le chemin de l’équilibre. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.)
« Face à de tels défis, le désordre et l’instabilité ne sont pas des options. Nous ne sommes peut-être pas d’accord sur toutes les solutions, »…
M. Fabien Gay. C’est sûr ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
M. Bruno Le Maire, ministre. … « mais nous avons toutes et tous conscience de l’urgence et de la nécessité d’agir. Les Français nous demandent de nous parler plus, de nous parler mieux, et de construire ensemble. Nous répondrons présent.
« Je veux que, ensemble, nous redonnions un sens et une vertu au mot “compromis”, depuis trop longtemps oublié dans notre vie politique. »
M. Jérôme Bascher. Depuis cinq ans !
M. Rachid Temal. Allez le dire à l’Élysée !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Faire des compromis, ce n’est pas se compromettre. C’est accepter, chacun, de faire un pas vers l’autre. Cela ne signifie nullement l’effacement de nos différences ou le renoncement à nos convictions. Les clivages existent, et ils continueront d’exister.
« Bâtir ensemble ne signifie pas renoncer à son identité. La mienne, vous le savez, a pour socle inaltérable les valeurs de notre République : la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
« Mon identité, c’est une France plus forte dans une Europe plus indépendante. C’est l’égalité entre les femmes et les hommes, toujours, tout le temps. C’est le respect de la laïcité, sans accommodement ni compromission. »
M. Jérôme Bascher. Merci ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Le Maire, ministre. « C’est le refus d’opposer les uns aux autres et de désigner des boucs émissaires. C’est le courage de dire la vérité aux Français. »
M. Bruno Sido. Vous avez donc changé ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « C’est forte de ces convictions, des valeurs que je chéris et protège comme citoyenne et comme élue, que je crois souhaitable et possible que chaque conviction ou chaque idée puisse être défendue, débattue et, s’il le faut, combattue.
« Trop longtemps, notre vie politique n’a été faite que de blocs qui s’affrontent. Il est temps d’entrer dans l’ère des forces qui bâtissent ensemble. (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRCE.)
« Une majorité relative n’est pas et ne sera pas le synonyme d’une action relative. Elle n’est pas et ne sera pas le signe de l’impuissance.
« Rappelons-nous que, en 1958, les gaullistes n’étaient pas majoritaires à l’Assemblée nationale quand la Ve République connaissait ses premières heures et créait les centres hospitaliers universitaires (CHU) et l’assurance chômage. »
Mme Cécile Cukierman. Cela n’a rien à voir !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Rappelons-nous aussi que c’est le gouvernement Rocard, qui n’avait pourtant qu’une majorité relative sur ces bancs, qui a créé le revenu minimum d’insertion (RMI), ainsi que la contribution sociale généralisée (CSG), et lancé le processus de paix en Nouvelle-Calédonie.
« Nous avons encore des droits à conquérir, des progrès à réaliser, des protections à bâtir. S’ils y sont arrivés, nous y parviendrons également.
« Ces dernières semaines, le Président de la République, garant de nos institutions, et moi-même avons consulté et écouté. Nous vous avons proposé plusieurs manières de procéder pour faire face à l’urgence comme pour affronter les années à venir. Le résultat de nos échanges est clair. Une nouvelle page de notre histoire politique et parlementaire commence : celle des majorités de projet. Avec mon gouvernement, j’en serai l’infatigable bâtisseuse. »
M. Rachid Temal. Eh bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Je sais combien nous sommes attendus, et nous ne nous déroberons ni devant les défis ni devant les débats.
« Je crois en trois choses : l’écoute, l’action et les résultats. Je n’ai qu’une boussole, qui sera celle de mon gouvernement : bâtir pour notre pays.
« Mon gouvernement ne sera jamais celui des clivages factices et des idées toutes faites, car je crois fermement au dépassement entamé il y a cinq ans par le Président de la République. »
M. Fabien Gay. Quel dépassement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous mènerons sur chaque sujet une concertation nourrie. Nous aborderons chaque texte dans un esprit de dialogue, de compromis et d’ouverture. »
Mme Éliane Assassi. Cela va nous changer !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous nous inscrirons dans le cadre fixé par le Président de la République et agirons selon les valeurs qui ont inspiré son projet. »
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Lesquelles ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Je l’ai dit aux présidents de groupe de l’Assemblée nationale : nous sommes prêts à entendre les propositions venues de tout bord, à en débattre, et si nous en partageons les objectifs et les valeurs, à amender notre projet.
« Nous devrons incarner cette méthode de travail pour réfléchir collectivement à l’avenir et aux évolutions de nos institutions. Sous l’égide du Président de la République, une commission transpartisane sera lancée à la rentrée pour y parvenir.
« Nous devrons appliquer cette méthode au-delà des murs de cette assemblée. Nous associerons davantage les élus locaux à nos réflexions et nos décisions. » (Exclamations et applaudissements ironiques sur les travées du groupe SER.)
M. Didier Marie. Enfin !
M. Rachid Temal. Il était temps !
M. Rachid Temal. Vous n’avez que cinq ans de retard !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous devons laisser des marges de manœuvre aux territoires, car c’est grâce aux solutions différenciées que l’on obtient des résultats concrets (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) et que l’on parvient à la véritable égalité.
« Je ne crois pas que notre école ou notre système de santé soient confrontés aux mêmes défis dans le centre de Paris, dans les quartiers de Cayenne ou dans un village au bord de la Vire.
« Nous consulterons plus encore les corps intermédiaires (Exclamations et applaudissements ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.), les forces vives de notre pays, les Françaises et les Français de chaque territoire.
« Plus que jamais, nous mènerons chaque réforme en lien étroit avec les organisations syndicales et patronales. » (Mêmes mouvements.)
M. Rachid Temal. À quel âge, la retraite ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous avons besoin d’elles, et elles savent qu’elles trouveront en moi une interlocutrice franche, constructive et déterminée. »
Mme Éliane Assassi. Qu’avez-vous fait pendant cinq ans ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Associer toutes les forces vives du pays dans le cadre d’un dialogue renouvelé, en partageant les opportunités comme les contraintes, c’est le sens du Conseil national de la refondation voulu par le Président de la République. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE. – Plusieurs sénateurs martèlent leurs pupitres.)
« Les Français nous attendent : ils n’accepteront ni immobilisme, ni obstruction, ni invectives. Ils veulent un Gouvernement et un Parlement d’action.
« Nous avons une responsabilité historique vis-à-vis de nos concitoyens à la fois dans notre manière d’agir, dans les réponses à leur offrir et dans les résultats à atteindre. Aussi, à partir du cadre qu’ont choisi les Français, je vous propose de bâtir ensemble.
« Notre premier défi, et je sais que cela fait consensus parmi nous, est de répondre à l’urgence du pouvoir d’achat.
« Sous l’impulsion du Président de la République, de nombreuses mesures ont été prises depuis l’automne dernier pour protéger les Français de l’augmentation des prix. Sans elles, les prix de l’électricité auraient augmenté d’un tiers ; grâce à elles, la hausse a été limitée à 4 %. (Mme Cécile Cukierman le conteste.) Sans elles, les prix du gaz auraient augmenté de 45 % ; grâce à elles, les prix ont été bloqués. Sans elles, un plein de soixante litres d’essence coûterait 11 euros de plus.
« Nous avons réalisé un investissement rapide et massif pour garantir le pouvoir d’achat des Français. Grâce à lui, notre inflation est la plus faible de la zone euro. »
M. Laurent Duplomb. Ça reste à voir…
M. Jean-Marc Todeschini. Et le déficit ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous avons protégé les Français, et nous allons continuer à le faire, car nombre de nos concitoyens restent à la merci de chaque hausse de prix.
« Dès demain, le Gouvernement présentera des textes d’urgence en conseil des ministres. Face à l’inflation, ils comporteront des mesures concrètes, rapides et efficaces.
« Nous vous proposerons de prolonger le bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité, d’augmenter les revenus du travail et de mieux partager la valeur en baissant les charges des indépendants et en triplant le plafond de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, de revaloriser les retraites et les prestations sociales, notamment les allocations familiales, la prime d’activité, les aides personnalisées au logement (APL) et l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de revaloriser les bourses sur critères sociaux, d’aider les travailleurs pour lesquels la voiture est une nécessité. »
M. Rachid Temal. Et les salaires ?
M. Roger Karoutchi. Qui va payer ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Ces mesures sont notre base de travail. Le Gouvernement et moi-même serons à votre écoute, et nous les amenderons quand des convergences émergeront.
« Au-delà de l’urgence, pour la plupart des Français, le logement est la première dépense. »
Mme Cécile Cukierman. Cinq ans de perdus !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous voulons qu’il soit abordable pour chacun. C’est pourquoi nous avons décidé d’un plafonnement de la hausse des loyers. »
Mme Cécile Cukierman. Votre première décision a pourtant consisté à diminuer les APL !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous proposerons de nouvelles solutions pour que le logement soit accessible partout, notamment en étendant la caution publique aux classes moyennes, en construisant davantage de logements dans les zones en tension, en concluant un pacte de confiance avec les acteurs du logement social, ou encore en proposant aux collectivités un nouvel acte de décentralisation, afin de concentrer les moyens et les responsabilités à l’échelle des bassins de vie, tout en restant exigeants pour permettre aux projets de sortir de terre.
« Le pouvoir d’achat, c’est aussi garantir à tous l’accès à une alimentation saine et de qualité. Nous définirons avec les professionnels, avec les associations, avec vous, les contours du chèque alimentation.
« Le pouvoir d’achat, c’est venir en aide aux plus vulnérables. »
Mme Cathy Apourceau-Poly. En rétablissant l’ISF, par exemple ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous voulons que chacun perçoive les aides auxquelles il a droit. Avec la solidarité à la source, nous mettrons fin à l’injustice sociale du non-recours et nous lutterons plus efficacement contre la fraude.
« Je veux l’affirmer : les deux clés du pouvoir d’achat durable, ce sont le plein emploi et la transition écologique. Sur tous ces sujets, je suis convaincue que nous pouvons trouver des solutions communes, mais nous devrons garder en tête trois principes.
« Le premier est celui de la responsabilité environnementale. Nous devons prendre en compte l’impact environnemental de toutes nos dispositions et remplacer, dès que possible, nos dépenses en faveur des énergies fossiles par des solutions décarbonées.
« Le deuxième principe est celui de la responsabilité budgétaire.
« Les nombreuses mesures que nous avons mises en œuvre ont protégé les Français. Il fallait les prendre, mais aujourd’hui nous devons retrouver des perspectives claires pour améliorer nos comptes publics. C’est une nécessité pour continuer à financer notre modèle social. C’est un devoir vis-à-vis des générations futures.
« Une déclaration de politique générale est un moment non seulement de vérité, mais aussi de partage des contraintes auxquelles nous faisons face.
« Les données sont claires. Du fait de la guerre qui dure, et comme partout en Europe, notre croissance économique sera plus faible que prévu, l’inflation sera plus forte et la charge de la dette augmentera.
« Nos objectifs, eux aussi, sont clairs. »
M. Roger Karoutchi. Vraiment ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « En 2026, nous devrons commencer à réduire le niveau de la dette publique. En 2027, nous devrons ramener le déficit sous les 3 % du PIB. » (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Il y aura longtemps que Mme Borne ne sera plus là !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous atteindrons ces objectifs en réunissant les conditions d’une croissance forte et durable qui créera les emplois, en menant les réformes nécessaires, en prenant des mesures de bonne gestion et en accentuant la lutte contre les fraudes.
« L’équilibre de nos finances publiques est une question de souveraineté. Je sais que beaucoup y sont attachés sur vos bancs.
« Enfin, notre troisième principe est celui du respect ferme de l’engagement pris par le Président de la République devant les Français : pas de hausses d’impôts. Nous devons cesser de croire que, face à chaque défi, la solution consiste à créer une taxe. Aussi, pas de hausses d’impôts !
« Nous sommes crédibles. Nous avons supprimé la taxe d’habitation et baissé le montant de l’impôt sur le revenu. Nous avons diminué les impôts des Français et des entreprises de plus de 50 milliards d’euros pendant le précédent quinquennat. » (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme Laurence Rossignol. Les Français sont vraiment ingrats de ne pas vous avoir laissé gagner les élections !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Dès cet été, nous tiendrons parole : la suppression de la redevance audiovisuelle permettra de faire économiser 138 euros à plus de 20 millions de foyers. Elle ira de pair avec une réforme du financement de l’audiovisuel public, qui garantira son indépendance et des moyens pérennes. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Nous y travaillerons ensemble.
« La fiscalité sera l’un des sujets de nos débats, mais elle sera peut-être aussi un sujet de consensus entre nous. »
M. Rachid Temal. Bien sûr que non !
M. Bruno Le Maire, ministre. « J’ajoute que le combat pour le pouvoir d’achat est un combat collectif. Chacun doit y prendre sa part, notamment les entreprises qui dégagent des marges. »
M. Rachid Temal. Elles tremblent ! (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. Bruno Le Maire, ministre. « Au moment où l’inflation est forte, j’attends des employeurs qui le peuvent qu’ils prennent leurs responsabilités. Nous pouvons, nous devons aller plus loin en la matière. »
M. Rachid Temal. À fond ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Bruno Le Maire, ministre. « Notre deuxième défi consiste à bâtir ensemble la société du plein emploi.
« C’est une conviction qui m’anime profondément, une conviction nourrie par mon parcours, par les deux années où j’ai été ministre du travail et par les échanges que j’ai eus avec vous et avec nos concitoyens.
« Nous devons changer notre rapport au travail. (M. Fabien Gay rit.) Et le cœur de ce changement, c’est le plein emploi ! Ce n’est pas une illusion ni un objectif inatteignable. Aujourd’hui, le plein emploi est à notre portée. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.) Et le travail reste pour moi un levier majeur d’émancipation.
« Lors du précédent quinquennat, nous avons déjà parcouru la moitié du chemin vers le plein emploi : nous avons le taux de chômage le plus bas depuis quinze ans ; le taux de chômage des jeunes est le plus faible depuis quarante ans ; la proportion de Français qui ont un travail n’a jamais été aussi élevée depuis qu’on la mesure.
« C’est le résultat des réformes de fond que nous avons menées pendant cinq ans : nous avons déverrouillé l’apprentissage, avec plus de 700 000 apprentis en 2021 ; nous avons rendu le travail toujours plus incitatif, avec la réforme de l’assurance chômage ; nous avons amélioré et intensifié la formation des demandeurs d’emploi, en investissant 15 milliards d’euros dans la formation professionnelle ; nous accompagnons mieux les jeunes, grâce au plan “1 jeune, 1 solution” et au contrat d’engagement jeune.
« C’est grâce à ce bilan que nous pouvons désormais viser le plein emploi. J’ai la conviction profonde que notre pays doit et peut sortir du cercle vicieux du chômage de masse.
« Aujourd’hui, la situation de l’emploi a changé dans notre pays. De nombreuses entreprises, dans toutes les filières, dans tous les métiers et dans tous les territoires cherchent à recruter.
« Cette situation a des vertus. Elle impose aux employeurs d’améliorer les conditions de travail, de questionner leur mode de management et d’œuvrer à l’attractivité de leurs métiers. Avec le plein emploi, les travailleurs retrouvent le pouvoir de négocier.
« Pour atteindre le plein emploi, nous devons aussi ramener vers l’emploi celles et ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail.
« Je pense bien sûr aux jeunes que nous continuerons à accompagner, mais aussi aux bénéficiaires du RSA. Ce que nous voulons, c’est leur permettre de retrouver un travail.
« Comme le disait Michel Rocard, »…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tiens !
Mme Laurence Rossignol. S’il cite François Mitterrand, je l’applaudis ! (Rires sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. Bruno Le Maire, ministre. « Revenons à l’esprit du RMI et du RSA. Verser une allocation ne suffit pas. Ce que nous voulons, c’est que chacun s’en sorte et retrouve sa dignité grâce au travail. Ce que nous proposons, ce n’est ni plus ni moins qu’une mesure de justice sociale et d’équilibre entre droits et devoirs.
« Nous atteindrons aussi le plein emploi en accompagnant mieux les chômeurs.
« Aujourd’hui, notre organisation est trop complexe. Son efficacité en pâtit. Nous ne pouvons plus continuer à avoir, d’un côté, l’État qui accompagne les demandeurs d’emploi et, de l’autre, les régions qui s’occupent de leur formation et les départements qui se chargent de l’insertion des bénéficiaires du RSA.
« C’est la raison pour laquelle nous voulons transformer Pôle emploi en France Travail. » (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)
M. Jérôme Bascher. C’est bien trouvé !
Mme Éliane Assassi. Cela va tout changer !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous devons joindre nos forces, travailler ensemble pour être plus efficaces dans l’accompagnement des chômeurs. C’est de cette manière que chaque Français trouvera sa place sur le marché du travail et que nous répondrons aux besoins de recrutement des entreprises.
« Le plein emploi, c’est aussi relever le défi de la découverte des métiers, de l’orientation et de la formation.
« Cela commence dès l’enseignement secondaire. Avec les collectivités, nous ferons en sorte que chaque élève puisse découvrir et connaître des métiers, notamment ceux de l’artisanat, de l’industrie, du tourisme, ainsi que les métiers d’art.
« Nous ferons bénéficier le lycée professionnel du succès de l’apprentissage.
« Nous devrons, dans le supérieur, permettre aux étudiants de choisir une voie et de s’y lancer en fonction du métier qu’ils veulent exercer.
« Grâce à la formation tout au long de la vie, nous voulons qu’ils puissent se sentir libres d’en changer et de saisir de nouvelles opportunités. Grâce à cela, ces prochaines années, nous pourrons former un million de jeunes dans les métiers d’avenir, dont la moitié dans le numérique.
« Enfin, c’est grâce au plein d’emploi que nous créerons de la richesse et que nous pourrons financer notre modèle social.
« Vous le savez, nous avons toujours dit les choses clairement aux Françaises et aux Français.
« Notre modèle social est un paradoxe : il est à la fois l’un des plus généreux et l’un de ceux dans lesquels l’on travaille le moins longtemps. »
Mme Cathy Apourceau-Poly. On y vient !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Notre système de retraite est une exception, puisque l’on part plus tard chez la totalité de nos voisins européens. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
« Aussi, je le dis aujourd’hui : pour la prospérité de notre pays et la pérennité de notre système par répartition, pour permettre de nouveaux progrès sociaux, pour qu’aucun retraité avec une carrière complète n’ait une pension inférieure à 1 100 euros par mois, pour sortir de situations où le même métier ne garantit pas la même retraite, nous devrons progressivement travailler un peu plus longtemps.
« Notre pays a besoin d’une réforme de son système de retraite. Celle-ci ne sera pas uniforme et devra prendre en compte les carrières longues et la pénibilité. Elle devra veiller au maintien dans l’emploi des seniors.
« Le Gouvernement la mènera dans la concertation avec les partenaires sociaux, en associant les parlementaires le plus en amont possible. Elle n’est pas ficelée. Elle ne sera pas à prendre ou à laisser, mais elle est indispensable.
« J’ajoute que je ne peux pas, que nous ne pouvons pas nous résoudre à la pénibilité de certains métiers. Par l’innovation, par la technologie, par l’évolution des carrières, nous pouvons, nous devons améliorer les conditions de travail et faire en sorte que nos compatriotes ne finissent plus leurs carrières en étant brisés.
« Oui, le travail est une valeur essentielle : le travail, c’est la clé de l’émancipation, la création de richesses, la liberté d’entreprendre, le partage de la valeur, des ressources complémentaires pour notre modèle social, une ambition plus grande en faveur de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Nous avons tous à y gagner !
« Mesdames, messieurs les sénateurs, bâtir ensemble, c’est apporter des réponses radicales à l’urgence écologique.
« Devant un tel défi, il n’est plus question d’opposer les radicaux aux partisans d’une écologie des petits pas. Tous, nous avons conscience des enjeux et des risques. Tous, nous devons faire bloc.
« Je prends donc à mon compte ce mot de “radicalité”. Nous engagerons des transformations radicales dans notre manière de produire, de nous loger, de nous déplacer, de consommer. Toutefois, je l’affirme : je ne crois pas un instant que cette révolution climatique passe par la décroissance. »
Mme Cécile Cukierman. Personne n’a dit cela !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Au contraire ! La révolution écologique que nous voulons mener, ce sont des innovations, des filières nouvelles, des emplois d’avenir. C’est un modèle social préservé, car, sans activité, nous ne pourrions plus le financer.
« Au cours des cinq dernières années, nous avons accéléré la baisse des émissions de gaz à effet de serre, mais nous devons faire plus. Sous l’impulsion de la France, l’Europe s’est fixé l’objectif d’être neutre en carbone en 2050 et de réduire les émissions de 55 % d’ici à 2030. Ces objectifs, nous devons les atteindre. Ensemble, nous gagnerons la bataille du climat.
« Pour y parvenir, tout le Gouvernement est mobilisé. Chaque ministre aura une feuille de route “climat et biodiversité”. Nous allons définir ensemble un plan d’action, un plan de bataille. Dès le mois de septembre prochain, nous lancerons une vaste concertation en vue d’une loi d’orientation énergie-climat. »
Mme Sophie Primas. Encore !
M. Guy Benarroche. Il y en a déjà une de lancée !
M. Roger Karoutchi. Je vais faire un colloque dans mon immeuble ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Le Maire, ministre. « Filière par filière, territoire par territoire, nous définirons des objectifs de réduction d’émissions, des étapes et des moyens appropriés.
« La transition écologique est l’affaire de tous. Les dirigeants des grandes entreprises doivent montrer l’exemple, et leur rémunération dépendra de l’atteinte par leur société des objectifs environnementaux.
« Nous avancerons avec les élus locaux. Ils ont en charge l’aménagement du territoire, les transports, l’habitat et les déchets. Nous avons besoin d’eux, et c’est le sens même de la création d’un ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Ils seront également des sources d’inspiration, d’initiatives et d’idées. Bien souvent, dans leurs territoires, ils ont montré le chemin.
« Mesdames, messieurs les sénateurs, nous voulons être la première grande nation écologique à sortir des énergies fossiles. »
M. Jean-François Husson. Il y a du travail…
M. Bruno Le Maire, ministre. « C’est la garantie de notre souveraineté énergétique ; c’est la préservation du pouvoir d’achat ; ce sont des filières industrielles nouvelles et des emplois créés. En effet, je le répète, notre écologie est une écologie de progrès.
« Je sais que cette transition peut parfois susciter des craintes, notamment des salariés des secteurs en mutation. Mais nous ne laisserons personne sur le bord de la route. »
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ah ça !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous avons retenu les leçons du textile et de l’acier. Chaque transition ira de pair avec un accompagnement pour la formation et la reconversion. (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRCE.)
« Pour sortir du carbone, nous nous doterons d’un mix énergétique équilibré autour des énergies renouvelables et du nucléaire. Nous accélérerons le déploiement des énergies renouvelables. Nous investirons dans le nucléaire (Mme Sophie Primas s’exclame.), avec la construction de nouveaux réacteurs et des innovations pour le nucléaire du futur. La transition énergétique passe par le nucléaire. »
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Jean-François Husson. Que de temps perdu !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Je sais que c’est une conviction largement partagée sur ces bancs. C’est une énergie décarbonée, souveraine et compétitive.
« Réussir la transition énergétique, c’est pouvoir la piloter. Je disais, il y a quelques instants, que l’urgence climatique imposait des décisions fortes, radicales.
« Nous devons avoir la pleine maîtrise de notre production d’électricité et de sa performance. Nous devons assurer notre souveraineté face aux conséquences de la guerre et aux défis colossaux à venir. Nous devons prendre des décisions que, sur ces bancs mêmes, d’autres ont prises avant nous, dans une période de l’Histoire où le pays devait aussi gagner la bataille de l’énergie et de la production.
« C’est pourquoi je vous confirme aujourd’hui l’intention de l’État de détenir 100 % du capital d’EDF. »
M. Fabien Gay. Pour quoi faire ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Cette évolution permettra à EDF de renforcer sa capacité à mener dans les meilleurs délais des projets ambitieux et indispensables pour notre avenir énergétique.
« Réussir la transition énergétique, c’est ensuite consommer moins. »
M. Guy Benarroche. Attention à la décroissance ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
M. Bruno Le Maire, ministre. « Si notre pays est moins dépendant du gaz russe que nos voisins, nous ne pouvons pas croire, ou faire croire, que les décisions unilatérales de la Russie nous épargneraient. Si la Russie venait à couper ses exportations de gaz, nous serions touchés, nous aussi.
« Dès maintenant, nous devons donc envisager tous les scénarios concrets, même les plus difficiles, et partager leurs conséquences avec les acteurs et les Français. Nous pouvons tenir, mais chacun devra agir.
« Plus largement, nous devons éviter toutes les consommations inutiles, notamment dans le domaine du logement. Nous amplifierons donc le succès de MaPrimeRenov’, pour rénover 700 000 logements par an.
« Nous voulons permettre à chacun d’avoir accès à des transports propres. Cela vaut partout, en ville comme dans la ruralité.
« Le ferroviaire est et restera la colonne vertébrale d’une mobilité propre. Nous continuerons les investissements de ces dernières années dans les transports du quotidien et dans les petites lignes. Je tiens ici à rendre hommage à l’action de Jean Castex, infatigable voix des territoires, qui s’est engagé personnellement pour le ferroviaire. »
M. Martin Lévrier. C’est vrai !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Partout, d’autres solutions que l’usage individuel de la voiture thermique devront être construites. Partout, nous devrons continuer à soutenir les mobilités propres et actives.
« Nous souhaitons permettre aux Français d’avoir accès à une voiture à zéro émission. Pour y parvenir, nous prolongerons les aides à la conversion et nous mettrons en place un système de location de longue durée à moins de 100 euros par mois. C’est un projet écologique. C’est aussi une ambition industrielle, car nous construirons ces voitures électriques en France.
« Au-delà des transports, partout, nous allons décarboner. C’est vrai notamment dans l’industrie, en nous appuyant sur les 50 milliards d’euros d’investissements du plan France 2030. La moitié au moins sera consacrée à ces enjeux. Cela vaut aussi pour l’agriculture, en continuant à transformer notre modèle agricole. »
M. Jean-François Husson. Et surtout en le préservant…
M. Bruno Le Maire, ministre. « Protéger l’environnement, c’est enfin préserver la nature et la biodiversité, face au risque d’une sixième grande extinction.
« Nous accentuerons notre politique de préservation des espaces naturels, des forêts, des montagnes, des littoraux et des océans. Nous aurons une attention toute particulière pour nos outre-mer, dont la biodiversité est un trésor inestimable.
« Nous devrons enfin poursuivre notre sortie de la société du gaspillage et du tout-jetable. Il faut du réemploi, de la réparation, du recyclage. Cela crée de l’activité et du pouvoir d’achat. »
M. Jacques Fernique. Ce n’est pas de la décroissance, ça ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Les outils ont été mis en place lors du précédent quinquennat. Il faut maintenant pleinement s’en emparer.
« Vous le voyez, derrière les mots, derrière les engagements, l’urgence nous impose des actes rapides. Tout ne viendra pas de l’État seul. Chacun devra y prendre sa part, c’est la condition de la réussite.
« Mesdames, messieurs les sénateurs, nous refusons une société où la vie et les destins sont tracés : selon le quartier où l’on naît, selon le lieu où l’on vit, selon la couleur de sa peau ou la profession de ses parents.
« Aussi, au cœur de l’engagement du Président de la République et du Gouvernement se trouve la volonté de briser les inégalités de destins, de n’accepter aucune assignation sociale ou culturelle, de permettre à chacun de choisir son avenir et de tracer les chemins de l’émancipation.
« La République de l’égalité des chances se construit dès la naissance. L’enfance sera une priorité de ce quinquennat, dans la droite ligne du chantier des “mille premiers jours”.
« Nous répondrons à ce qui est la première préoccupation des parents aujourd’hui : le manque de solutions de garde pour les enfants, et notamment ceux de moins de 3 ans.
« Pour réussir, le Gouvernement souhaite bâtir, avec les collectivités, un véritable service public de la petite enfance. Il permettra d’offrir les 200 000 places d’accueil manquantes.
« Nous voulons des solutions proches des domiciles et accessibles financièrement. Nous viendrons en aide, en priorité, à ceux qui en ont le plus besoin : les parents qui élèvent seuls leurs enfants, le plus souvent des femmes. Pour eux, pour elles, nous continuerons à bâtir un accompagnement global.
« Avec les pensions alimentaires désormais directement versées sur les comptes en banque, nous avons franchi une étape majeure. Nous continuerons et nous accorderons une aide aux familles monoparentales pour la garde des enfants jusqu’à 12 ans.
« Bâtir la République de l’égalité des chances, c’est agir en priorité pour l’école et la jeunesse. C’est un chantier essentiel.
« Nous continuerons la refondation de l’école, entamée lors du dernier quinquennat. Notre école, c’est celle qui conforte les savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter, respecter autrui – et s’emparer de nouveaux savoirs, comme le codage informatique.
« Notre école, c’est celle qui garantit l’égalité et ne renonce jamais à l’excellence. Nous devons pousser chaque élève à se dépasser. Dans notre école, nous devons aider les jeunes à faire éclore leurs talents et les adultes à déceler ces derniers, même s’ils n’entrent pas dans le moule.
« Former des millions de jeunes et s’adapter aux personnalités de chacun, c’est le défi auquel font face, chaque jour, les professeurs. Notre école doit donc être celle qui offre aux enseignants la reconnaissance et la place qu’ils méritent.
« Les enseignants sont le cœur battant de la République. Grâce à leur mobilisation durant la crise sanitaire, ils ont permis à notre école de rester ouverte. Nous devons mieux les associer à la transformation de l’école. Nous revaloriserons leurs salaires et construirons, avec eux, les évolutions de leur profession.
« Avec eux, nous devrons bâtir un nouveau pacte, répondre à la question des remplacements, avancer pour l’aide individualisée, adapter leur formation, soutenir les projets collectifs. Mais il serait illusoire de croire que les solutions seraient identiques, partout, sur tous les territoires.
« L’égalité réelle, c’est adapter notre action en fonction des situations locales et des besoins des élèves. Le plan “Marseille en grand”, lancé par le Président de la République l’année dernière, a ouvert la voie. Nous donnerons aux établissements des marges de manœuvre pour s’adapter.
« Nous mobiliserons toute la communauté scolaire, les associations, les élus, car l’émancipation de nos jeunes passe par l’école, mais aussi par le sport, la culture, l’engagement. L’égalité réelle, nous la construirons dans le dialogue avec toutes les parties prenantes. Cette concertation sera lancée dès septembre prochain.
« Notre jeunesse doit également continuer à faire vivre les valeurs républicaines. Le Gouvernement poursuivra le déploiement du service national universel.
« L’avenir de notre jeunesse, enfin, passe par un enseignement supérieur et une recherche qui aient les moyens de leurs ambitions.
« L’université française est une chance précieuse. Elle forme et aiguise les esprits. Elle assure la transmission et le progrès des savoirs dans tous les champs de la connaissance. L’université sera donc au cœur de l’action de notre gouvernement. Nous améliorerons les conditions de vie et d’étude de nos jeunes. Nous renforcerons l’égalité d’accès et de réussite, en particulier dans le premier cycle universitaire, et nous simplifierons le système de bourses étudiantes.
« L’avenir de notre jeunesse, c’est aussi accompagner toutes les voies de l’émancipation. Assumons d’être une nation culturelle, où la culture sauve et grandit. La culture fait l’âme et le rayonnement de notre pays.
« Rendons la culture accessible à toutes et tous, dès la jeunesse. C’est pourquoi nous proposerons d’étendre le pass Culture dès la classe de sixième et d’amplifier l’éducation artistique et culturelle. Soutenons la création, dans l’espace physique comme numérique. Prolongeons notre action pour sauvegarder le patrimoine. C’est notre identité ; c’est notre histoire ; c’est notre héritage.
« Bâtissons une nation sportive. Le sport donne sa chance à tous. Offrons à chaque élève en primaire trente minutes de sport par jour. Faisons des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 un accélérateur de l’activité physique dans notre pays.
« Bâtir la République de l’égalité des chances, c’est aussi offrir à toutes et à tous une santé de qualité.
« Les Français le savent, ils nous le disent, nous faisons face à un manque criant de professionnels de santé. »
Mme Laurence Cohen. Vous êtes très perspicaces !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Cette réalité, nous ne pouvons ni la nier ni l’occulter. Si nous avons supprimé le numerus clausus en 2018, nous devons aussi dire les choses : cette situation durera encore plusieurs années.
« Face à ce défi, nous devons activer tous les leviers. Le premier, c’est la prévention. Trop souvent, à tort, on résume la santé aux soins. La prévention, ce sont des campagnes de santé publique, des dépistages et des bilans de santé aux moments clés de notre vie.
« Toutefois, bien au-delà, ce doit être une vision des politiques publiques. Prévenir les maladies, c’est agir sur la qualité de l’air, sur l’habitat, sur les conditions de vie. C’est prendre en compte les inégalités sociales, qui sont aujourd’hui les principaux déterminants de la santé de chacun.
« C’est pourquoi, avec le Président de la République, j’ai souhaité que le Gouvernement comprenne un ministre de la santé et de la prévention. »
M. Rachid Temal. Ah !
M. Bruno Le Maire, ministre. « C’est un défi que l’État ne peut pas relever seul. Nous travaillerons avec les élus, en particulier les maires, qui sont nos partenaires privilégiés. »
M. Jacques Grosperrin. Et qui vont payer…
M. Bruno Le Maire, ministre. « Enfin, nous devons soutenir nos soignants. Le covid-19 a mis au jour les fragilités de notre système de soins. Il a aussi montré l’engagement exceptionnel de nos soignants. Et je veux ici leur rendre hommage : c’est d’abord grâce à eux que notre pays a tenu. Notre devoir est de continuer à agir.
« Le Ségur de la santé a permis des revalorisations sans précédent des rémunérations des soignants et dégagé des moyens inédits pour notre hôpital. Pourtant, tout n’est pas réglé, loin de là. Nous avons pris des mesures d’urgence pour cet été. L’heure est maintenant aux solutions structurantes.
« Nous devons renforcer l’attractivité des métiers et permettre aux soignants de passer plus de temps auprès des patients, en allégeant la charge administrative, en renforçant la coopération entre les professions de santé et en investissant dans l’innovation pour moderniser notre système de soins.
« Nous devons construire dans chaque territoire une offre de santé adaptée. »
M. Loïc Hervé. Avec les élus !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Je suis convaincue que les solutions viendront des professionnels, des élus, des patients et du terrain. »
M. Loïc Hervé. Bravo !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Dès septembre prochain, des concertations seront lancées, partout en France, avec un objectif clair : lutter contre les déserts médicaux, par une meilleure coordination entre les acteurs, entre la ville et l’hôpital, entre le public et le privé. »
M. Jacques Grosperrin. Cela fait quinze ans que l’on en parle…
M. Bruno Le Maire, ministre. « Je veux ici, aussi, rappeler que l’épidémie de covid-19 n’est pas terminée. »
Mme Cécile Cukierman. Ah bon ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Même, elle reprend, nettement, ces derniers jours. Si notre système de santé est pour l’instant préservé, nous devrons rester vigilants et prêts à agir.
« Bâtir la République de l’égalité des chances, c’est faire de la France un pays où l’on vieillit bien. Un pays qui favorise l’espérance de vie en bonne santé, »…
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est pour cela qu’il ne faut pas partir à la retraite à 65 ans !
M. Bruno Le Maire, ministre. … « un pays qui assure une prise en charge de qualité, à domicile ou en maison de retraite.
« Notre première mission, c’est de donner aux personnes âgées la capacité de vieillir sereinement chez elles. Nous y parviendrons avec le dispositif MaPrimeAdapt’, pour leur permettre d’aménager leur logement. Nous y parviendrons en améliorant la qualité des services à domicile. Mais il nous faut aussi améliorer la vie de nos aînés en maison de retraite. Les scandales récents sont révoltants. Nous avons renforcé les contrôles pour qu’ils ne puissent plus survenir.
« Nous devons maintenant inventer les établissements de demain, plus ouverts, plus humains et mieux médicalisés. »
M. Rachid Temal. Et moins chers ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous devons construire des liens plus forts entre établissements et domicile, créer des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) hors les murs, pour une prise en charge plus adaptée à chaque situation. Les investissements du Ségur de la santé ont été une étape majeure pour cette transformation.
« Nous devons aussi relever le défi de l’attractivité, pour permettre le recrutement de 50 000 infirmiers et aides-soignants d’ici à 2027.
« Lors du précédent quinquennat, nous avons créé la cinquième branche de la sécurité sociale, »… (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Sans gouvernance ni financement !
M. Bruno Le Maire, ministre. … « nous avons posé les fondements du financement de cette nouvelle solidarité nationale pour le grand âge.
« Là encore, avec les départements, je vous propose de travailler ensemble et de bâtir un service public efficace, qui réponde aux besoins des personnes âgées et des familles, au plus près des territoires.
« Bâtir la République de l’égalité des chances, c’est reconstruire une société inclusive.
« Le handicap, c’est 12 millions de Français. C’est un conjoint, un parent, un enfant : toutes nos familles sont concernées. Offrons-leur une société qui accepte, qui inclut, qui respecte. Une conférence nationale du handicap se tiendra au début de 2023. »
Mme Pascale Gruny. Ah, vous aimez les conférences ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous agirons pour l’accessibilité universelle, pour l’autonomie des personnes handicapées, notamment financière, pour la transformation des structures médico-sociales, pour une meilleure reconnaissance des personnels de l’accompagnement.
« Nous devons améliorer l’inclusion par le travail, dans le milieu ordinaire d’abord, ainsi que dans les établissements et services d’aide par le travail (ÉSAT) ou en entreprise adaptée.
« Je vous annonce enfin que le Gouvernement réformera, avec vous, avec les associations, l’allocation aux adultes handicapés. (Marques de satisfaction sur les travées des groupes SER, CRCE et Les Républicains.) Il s’agira d’une réforme en profondeur. Nous partirons du principe de la déconjugalisation. (Mêmes mouvements.) C’est une question de dignité et une avancée très attendue. »
Mme Sophie Primas. Les textes sont déjà votés au Sénat !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Bâtir la République de l’égalité des chances, c’est réussir la cohésion des territoires. Nous voulons une relation fondée sur le respect, le dialogue et l’action.
« Je veux saluer l’engagement et la détermination des élus locaux. Je l’ai dit, les politiques publiques doivent se construire avec eux. La crise sanitaire l’a montré : quand nous travaillons main dans la main, nous pouvons tout surmonter.
« Les cinq dernières années ont permis de surmonter un certain nombre de fractures en France. Nous avons créé plus de 2 000 maisons France Services. Nous avons investi pour redynamiser les centres-villes et les centres-bourgs et accéléré le renouvellement urbain. Le Gouvernement poursuivra la logique de différenciation partout où elle répond aux attentes. »
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. « La règle commune doit pouvoir être adaptée en fonction des spécificités de chaque territoire. Nous voulons donner plus de poids aux élus locaux, »… (Exclamations.)
Mme Cécile Cukierman. Le couple maire-préfet, on a donné !
M. Bruno Le Maire, ministre. … « plus de lisibilité dans leurs compétences, plus de cohérence dans leur action. »
M. Loïc Hervé. Quel chemin de Damas !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Le conseiller territorial peut être un moyen d’y parvenir et de construire les complémentarités indispensables entre départements et régions. »
Mme Cécile Cukierman. Bien sûr !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Cela passera naturellement par des concertations approfondies que nous lancerons l’an prochain. (Brouhaha.)
« Pour mener à bien leurs missions, les collectivités ont besoin de visibilité et de stabilité dans leurs compétences. »
M. Jean-François Husson. Elles ont besoin d’argent !
M. Bruno Le Maire, ministre. « C’est l’enjeu de l’agenda territorial que nous devons bâtir ensemble. État et collectivités doivent se donner une lecture commune des défis à relever, des leviers à activer, des moyens nécessaires.
« En Corse, le cycle des discussions engagé avec les élus et les forces vives sera relancé dans les prochains jours. Il doit aboutir à des solutions concrètes pour tous les Corses, notamment les jeunes, pour le travail, pour le logement, pour la transition écologique, pour le développement économique et la sécurité.
« Nous sommes prêts à aborder tous les sujets, y compris institutionnels, à les discuter en toute transparence et dans un esprit constructif et responsable. Mais ne cédons pas à la facilité. Répondons, au cas par cas, à ce qui bloque ou ne fonctionne pas.
« Le Gouvernement sera aussi celui de la justice territoriale. Quartiers prioritaires ou zones rurales, nos territoires partagent des défis communs : bâti dégradé, manque de transports collectifs, accès à la santé et à l’emploi, sécurité. De tous les territoires de France, j’entends cette demande commune de justice, de cohésion, de considération. Nous allons y répondre.
« Pour nos quartiers, nous bâtirons des solutions qui changent le quotidien et redonnent des opportunités. Nous définirons les nouveaux contrats de ville et répondrons aux urgences, avec les habitants, avec les associations, avec les élus locaux. »
Mme Éliane Assassi. Ah oui ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous mènerons les opérations de renouvellement urbain essentielles, car l’égalité, cela commence par l’état de sa rue, de son hall d’immeuble ou de son école.
« Pour la ruralité, nous continuerons à investir. Un nouvel agenda rural sera mis en œuvre. Nous continuerons le déploiement des maisons France Services, pour garantir des services publics de proximité et de qualité aux habitants.
« Nous lutterons contre la fracture numérique. »
M. Fabien Gay. Oh là là !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous irons au bout de la couverture mobile et très haut débit de notre territoire. Nous accélérerons les formations et l’accompagnement aux usages numériques.
« La cohésion des territoires, ce sont aussi des fonctionnaires présents partout et un État qui répond vite et bien aux demandes des Français. »
Mme Cécile Cukierman. On les cherche encore !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Il faut donner aux fonctionnaires les moyens de leur action. Nous continuerons la modernisation de l’État.
« Il faut offrir aux agents des trois versants de la fonction publique une reconnaissance et de meilleures conditions de travail. C’est le sens de la revalorisation du point d’indice, la plus importante menée depuis près de quarante ans. »
Mme Cécile Cukierman. Qui va payer ?
Mme Éliane Assassi. Revalorisation non compensée aux collectivités !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Je veux aussi avoir un mot particulier pour nos compatriotes des outre-mer. Les outre-mer sont une chance inestimable pour notre pays. Ce sont des terres de jeunesse et d’espoir, les places fortes de notre souveraineté : plus que jamais, nous avons besoin d’elles.
« Pourtant, ces derniers mois, vous avez exprimé vos doutes, vos craintes et vos colères.
« Il y a quelques jours, toutes les collectivités d’outre-mer se sont rassemblées pour lancer l’appel de Fort-de-France. Nous leur répondrons. Le Gouvernement les accompagnera pour soutenir leur développement économique et créer de l’emploi, pour renforcer la présence des services publics et assurer la sécurité, pour améliorer la distribution d’eau potable, l’assainissement et le traitement des déchets. »
Mme Laurence Cohen. Cinq ans de perdus… C’est tout de même fou !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous voulons agir sur toutes les causes de la vie chère, comme dans l’Hexagone.
« Nous devons avancer sur tous ces sujets et placer les outre-mer aux avant-postes de la transition écologique. Je demande à tous les membres de mon gouvernement la plus grande attention pour les territoires ultramarins.
« Ce quinquennat sera également celui d’une nouvelle page de notre histoire républicaine avec la Nouvelle-Calédonie. Nous aurons à écrire l’avenir de notre relation au terme du processus politique défini par l’accord de Nouméa. Des discussions seront engagées avec l’ensemble des parties.
« Je veux ici rendre hommage à l’action d’Édouard Philippe, figure du sens de l’État face aux crises. Chacun connaît son engagement pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. »
M. Bruno Retailleau. Tout comme Gérard Larcher !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Bâtir la République de l’égalité des chances, c’est agir pour notre sécurité. C’est une conviction qui m’anime profondément, car l’insécurité est une inégalité.
« L’insécurité touche directement et violemment ceux qui ont déjà été fragilisés par la vie, ceux qui vivent dans des quartiers ou des zones où certains cherchent à imposer leur loi face à celle de la République. Le combat pour la sécurité est donc un combat pour l’égalité. Ce combat, mon gouvernement le mènera avec fermeté. »
Mme Laurence Cohen. On l’a déjà entendu, cela !
M. Bruno Le Maire, ministre. « J’ai confiance dans nos forces de l’ordre et j’ai le plus grand respect pour elles. C’est pour cela que j’ai envers elles la plus grande exigence. Et je le dis sans détour : honte à ceux qui attaquent systématiquement nos policiers et nos gendarmes, honte à ceux qui tentent de dresser les Français contre ceux qui les protègent. » (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous voulons une gendarmerie et une police républicaines, au plus près des Français.
« Les Français veulent des réponses fortes pour leur sécurité du quotidien. Les cinq dernières années ont permis de donner des moyens exceptionnels à nos forces de sécurité intérieure. Nous avons recruté 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires. Nous avons fortifié notre sécurité civile et agi pour nos sapeurs-pompiers. Nous avons renforcé notre lutte contre le terrorisme et les moyens de nos services de renseignement, en prolongeant l’effort entamé depuis les attentats de 2015.
« Le quinquennat qui s’ouvre doit nous permettre d’amplifier cet effort autour d’une vision globale et de moyens pour notre sécurité. C’est pourquoi le Gouvernement vous proposera une loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
« Les défis sont nombreux. Contre l’insécurité du quotidien, contre la cyberdélinquance, contre les trafics, nous renforcerons encore les moyens de notre sécurité.
« Je sais ce que sont le sentiment d’abandon de certains territoires et la crainte de voir la sécurité s’éloigner. Il ne doit pas y avoir de zones blanches de sécurité. Aussi, nous engageons la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Ces dernières années ont montré la nécessité de mieux assurer l’ordre républicain. Nous créerons 11 nouvelles unités de forces mobiles.
« Toutefois, chacun le sait sur ces bancs, et les Français nous le disent : la solution ne se trouve pas uniquement dans des effectifs supplémentaires. Je me rappellerai toujours la colère des familles et l’exaspération des forces de l’ordre, face aux multirécidivistes.
« La réponse, c’est le refus de l’impunité. Nous doublerons le temps de présence des forces de l’ordre sur le terrain d’ici à 2030. Cela se fera grâce à nos recrutements, en allégeant les procédures et en les modernisant. Une profonde réforme de l’investigation sera mise en place, avec une formation plus longue, le passage obligatoire de l’examen d’officier de police judiciaire et la création des assistants d’enquête.
« La réponse, c’est aussi l’efficacité de la justice. Ce sont des décisions rapides et respectées. Les États généraux de la justice, lancés par le Président de la République, ont montré qu’il fallait des moyens supplémentaires et des méthodes nouvelles, qu’il fallait répondre à la crise de confiance de nos concitoyens, aux attentes fortes des professionnels et garantir, toujours, l’indépendance de la justice.
« Le Gouvernement vous proposera donc une loi de programmation pour la justice. Nous voulons notamment recruter 8 500 magistrats et personnels de justice supplémentaires, pour une justice plus proche, pour réduire les délais et permettre aux juges de se concentrer sur leurs missions fondamentales.
« Nous agirons pour que chaque peine prononcée soit exécutée et pour lutter contre la surpopulation carcérale. »
Mme Françoise Dumont. Encore faut-il avoir les prisons nécessaires !
M. Bruno Le Maire, ministre. Une quarantaine d’établissements pénitentiaires – 15 000 places – seront livrés dans les prochaines années. » (Brouhaha.)
M. Mathieu Darnaud. C’est toujours la même chose !
Mme Laurence Rossignol. Et tout le monde se fiche de la justice civile !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Je veux que nous ayons, en lien étroit avec les élus, les associations, les magistrats et les forces de l’ordre, une action toujours plus résolue dans la lutte contre les violences, sexuelles, sexistes et intrafamiliales. Ce sera notre combat, pour que les victimes soient écoutées, protégées, accompagnées, pour que les plaintes soient déposées et la justice dite. C’est une exigence absolue, qui nécessite une mobilisation absolue.
« Enfin, bâtir la République de l’égalité des chances, c’est porter nos valeurs et les défendre avec intransigeance. La liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité ne sont pas négociables.
« La laïcité, c’est un pilier de notre pacte républicain. Face à elle, le séparatisme et l’islamisme sont des périls mortels. Ils s’en prennent à notre unité républicaine. Ils sont le terreau de la radicalisation et du terrorisme. Le Gouvernement continuera à les combattre de toutes ses forces.
« L’égalité, c’est refuser les discriminations. Avec tous les membres du Gouvernement, je serai pleinement engagée pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle est la grande cause du quinquennat. »
Mme Victoire Jasmin. Ah !
Mme Laurence Rossignol. Grande cause perdue, grande cause toujours ! (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous agirons dans tous les domaines, notamment pour l’égalité économique. Nous lutterons avec intransigeance contre toutes les discriminations.
« Qu’elle concerne le genre, la religion, la couleur de la peau, le handicap, l’orientation sexuelle, chaque discrimination est une humiliation, une blessure, une violence. En concertation avec tous les acteurs, nous continuerons à les prévenir et à les sanctionner.
« Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à présent vous parler de notre souveraineté. »
Mme Pascale Gruny. Ah !
M. Bruno Le Maire, ministre. « La souveraineté, ce n’est ni le repli sur soi ni l’exclusion ; c’est notre capacité à peser et à affronter les crises.
« Cette souveraineté est à la fois profondément française et profondément européenne.
« La pandémie nous a prouvé notre trop forte dépendance à l’égard des industries étrangères. La guerre en Ukraine nous a rappelé que nous devions faire front pour faire entendre notre voix. Les crises migratoires nous ont montré le besoin de solidarité européenne et la nécessité de toujours mieux protéger nos frontières.
« L’Union européenne nous protège et nous projette dans l’avenir. Une Europe plus forte, c’est une France plus forte.
« La présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) a permis plus de 130 accords et autant de réponses pour le climat, le numérique, l’autonomie stratégique, les droits sociaux ou encore l’égalité femme-homme.
« Les défis de la souveraineté nous attendent : bâtissons ensemble une France plus forte dans une Europe plus indépendante.
« Une France plus forte dans une Europe plus indépendante, c’est la souveraineté énergétique. Nous ne pouvons plus dépendre du gaz et du pétrole russes : nous gagnerons notre souveraineté grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables.
« Une France plus forte dans une Europe plus indépendante, c’est la souveraineté industrielle et numérique : nous sommes sur la bonne voie. Par les baisses d’impôts, par la réforme du marché du travail, par l’attractivité retrouvée, nous avons mis un coup d’arrêt à quarante années de désindustrialisation. Maintenant, accélérons ; accélérons en continuant à attirer les entreprises et les industries.
« Comme l’a annoncé le Président de la République, nous vous proposerons de baisser encore les impôts de production et de supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dès la loi de finances pour 2023. » (M. François Patriat applaudit.)
M. Jacques Grosperrin. Et les collectivités ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Concrètement, ce sont près de 8 milliards d’euros qui permettront de renforcer la compétitivité de nos entreprises, aux trois quarts des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Tout aussi concrètement, nous compenserons cette perte de ressources pour les collectivités. » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Et l’autonomie fiscale ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Accélérons en investissant massivement dans les secteurs d’avenir, comme l’alimentation, l’énergie, le spatial, les biomédicaments ou l’électronique. C’est le sens des 50 milliards d’euros d’investissements de France 2030 pour l’innovation, la recherche et la réindustrialisation.
« Nous investirons dans nos sites universitaires et nos organismes de recherche. Nous continuerons à revaloriser et à simplifier le métier de chercheur.
« La recherche, quel qu’en soit le domaine, inspire et fait la force de notre pays. Je veux rendre hommage à l’excellence de nos universités et laboratoires. Je tiens en particulier à féliciter, au nom du Gouvernement, le mathématicien Hugo Duminil-Copin, dont la médaille Fields fait la fierté de toute notre recherche. (MM. Martin Lévrier et Loïc Hervé, ainsi que Mme Esther Benbassa, applaudissent.)
« Accélérons en protégeant et promouvant notre culture et notre création.
« Accélérons aussi en tenant notre rang de grande nation numérique, de nation qui soutient sa French Tech, de nation capable d’apprendre à ses jeunes les bons usages et, grâce à la régulation, de lutter contre le cyberharcèlement et la haine en ligne.
« Une France plus forte dans une Europe plus indépendante, c’est notre souveraineté alimentaire. Or – le constat est édifiant – près de la moitié de nos agriculteurs prendront leur retraite d’ici à 2030.
« Nous devons assurer l’avenir de la filière agricole. La représentation nationale a déjà montré, autour de la question des retraites, qu’elle pouvait s’unir pour nos agriculteurs. Aussi, bâtissons ensemble une loi d’orientation et d’avenir pour l’agriculture, »…
Mme Laurence Rossignol. Encore ?
M. Bruno Le Maire, ministre. … « qui permette de faire émerger une nouvelle génération d’agriculteurs.
« Ce travail passe d’abord par une meilleure rémunération et par le soutien à la transmission de nos exploitations.
« C’est la poursuite de notre soutien massif à l’adaptation de l’agriculture au changement climatique, avec l’assurance récolte comme avec des moyens de protection des exploitations.
« C’est l’investissement en faveur de nouvelles productions, les protéines végétales notamment. (Mme Sophie Primas s’exclame.)
« C’est la protection, dans les accords internationaux, contre la concurrence déloyale des pays qui ne respectent pas nos critères sociaux et environnementaux. »
M. Laurent Duplomb. Comme la Nouvelle-Zélande !
M. Bruno Le Maire, ministre. « C’est une politique d’alimentation qui respecte chacun des acteurs et lui donne une juste rémunération.
« Une France plus forte dans une Europe plus indépendante, c’est également tenir nos frontières.
« À l’échelle européenne, nous poursuivrons le travail entamé sous présidence française pour renforcer Schengen, assurer des contrôles accrus aux frontières de l’Europe et garantir une politique d’asile mieux coordonnée.
« À l’échelle nationale, la France restera fidèle à sa tradition d’asile ; et, pour que cette politique soit juste, nous devrons poursuivre l’accélération du traitement des demandes. À ceux que nous accueillons, nous devons offrir une meilleure intégration par le travail. Nous devons dans le même temps reconduire plus rapidement ceux dont la demande d’asile a été refusée. »
M. André Reichardt. Eh oui !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Pour y parvenir, nous allons simplifier et moderniser les procédures.
« Cela étant, disposer d’un titre de séjour en France impose également de respecter nos lois. Nous serons intransigeants sur ce point. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
« Contre l’immigration irrégulière, nous poursuivrons la lutte à tous les niveaux. Nous créerons une “force des frontières”. Nous continuerons notre combat contre les passeurs, qui organisent de véritables trafics d’êtres humains. Ils doivent être poursuivis et sanctionnés.
« Une France plus forte dans une Europe plus indépendante, c’est, enfin, notre souveraineté stratégique.
« La guerre aux portes de l’Europe et le maintien de la menace terroriste nous le rappellent : nous devons pouvoir nous défendre et faire entendre notre voix, que ce soit au Levant, au Sahel ou sur le flanc est de l’Europe, sur terre, dans les airs, sur les mers ou dans le cyberespace.
« Partout et dans tous les milieux, nos soldats se battent pour notre liberté, parfois au péril de leur vie. Je veux dire à nos armées le plein soutien et la confiance du Gouvernement et de la Nation ici représentée. Je leur rends hommage. J’ai une pensée pour nos soldats tombés au combat, pour les familles endeuillées et pour tous ceux revenus des terrains d’opération meurtris dans leur chair ou dans leur esprit. (Applaudissements prolongés.)
« Le contexte géopolitique et les désordres du monde nous obligent. Nous devons disposer d’un modèle d’armée complet, équilibré et modernisé ; d’un modèle d’armée cohérent et capable d’agir.
« Le précédent quinquennat a permis, en faveur de nos armées, un effort sans précédent depuis la fin de la guerre froide. Nous avons respecté l’exécution de la loi de programmation militaire, modernisé nos infrastructures, mené un renouvellement massif de nos équipements et lancé de grands programmes d’avenir, comme celui du nouveau porte-avions. Nous devons maintenant poursuivre et amplifier cet investissement.
« Prochainement, le Président de la République présentera les contours d’une nouvelle loi de programmation militaire. Il donnera une vision et un cap à nos armées comme à notre industrie de défense en tirant tous les enseignements de l’engagement de nos forces et de la coopération avec d’autres armées.
« Nous tiendrons notre rôle. Nous agirons en cohérence avec nos ambitions européennes et nos alliés de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).
« Nous devons aussi fortifier la résilience de la Nation. Par l’accroissement de la réserve, par des actions auprès de notre jeunesse, par le travail sur la mémoire, par l’attention portée à nos anciens combattants, nous renforcerons le lien armée-Nation.
« La France, sous l’impulsion du Président de la République, devra enfin tenir sa place sur la scène internationale. Cela signifie plus d’efforts de solidarité internationale et une ambition accrue pour les défis globaux comme la santé ou le changement climatique ; cela signifie aussi poursuivre le renouvellement de notre relation avec l’Afrique, par le dialogue, par les partenariats ou encore par le travail de mémoire.
« Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je viens de vous présenter l’ambition qui anime le Gouvernement.
« Je vous l’ai dit, elle est le socle de notre travail à venir ; mais les moyens de l’atteindre pourront être enrichis et amendés.
« Les échanges nourris menés avec les groupes de l’Assemblée nationale »…
M. Jean-François Husson. Et pas ceux du Sénat ?
M. Bruno Le Maire, ministre. … « le montrent : nous avons les moyens et la volonté de nous retrouver autour de valeurs et d’objectifs communs, de construire ensemble et de bâtir des majorités d’idées.
« L’heure n’est pas à nous compter, mais à nous parler. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
« La confiance ne se décrète pas a priori. Elle se forgera texte après texte, projet après projet, car nous travaillerons en bonne foi et en bonne intelligence, comme nous le demandent les Français. »
M. Antoine Lefèvre. C’est ce que nous avons toujours fait !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Devant chaque défi, chacun devra se poser la question : veut-il bloquer ou veut-il construire ? »
Mme Dominique Estrosi Sassone. Vous pouvez vous la poser également !
Mme Éliane Assassi. Il y a d’autres questions ! On peut faire autrement !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Les enjeux devant nous sont immenses, mais je suis confiante et déterminée.
« Notre pays est celui de tous les possibles ; celui qui a surmonté les crises une à une avec force et solidarité ; celui qui refuse la fatalité ; celui où la promesse républicaine peut et doit avoir un sens et une réalité.
« Cette conviction, je la tiens de mon histoire, de ce que je dois à la République.
« C’est la République qui m’a tendu la main en me faisant pupille de la Nation.
« C’est la République qui m’a montré que le travail peut déjouer les destins tracés.
« C’est la République qui a ouvert la voie à tant de femmes avant moi.
« Je pense à Irène Joliot-Curie, à Suzanne Lacore et à Cécile Brunschvicg, premières femmes membres d’un gouvernement, en 1936, sous le Front populaire. »
Mme Cécile Cukierman. Souvenez-vous aussi des valeurs du Front populaire !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Je pense aux trente-trois premières femmes à faire leur entrée dans cet hémicycle au lendemain de la Libération.
« Je pense à Simone Veil, dont la force et le courage m’inspirent à ce pupitre.
« Je pense à Édith Cresson, première femme à accéder aux fonctions de Première ministre. »
M. Rachid Temal. Ah !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Dans cette assemblée présidée pour la première fois par une femme, je sais, comme chaque femme sur ces bancs, ce que je dois à toutes celles qui ont ouvert le chemin avant nous.
« Nous croyons à la force de l’exemple et nous mènerons ce combat jusqu’à ce que l’égalité ne pose plus de question.
« La France, notre France, c’est celle des enseignants, qui donnent des visages et des noms à la transmission et à l’émancipation.
« La France, notre France, c’est celle des soignants, qui ne comptent pas leurs heures et n’ont reculé devant aucun effort pendant plus de deux années de pandémie. »
Mme Laurence Cohen. Il faut passer aux actes !
M. Bruno Le Maire, ministre. « C’est celle des travailleurs de la deuxième ligne, qui ont assuré la continuité de notre économie ; celle des commerçants, qui ont été exemplaires et qui ont tenu.
« C’est celle de cette jeunesse, qui nous place devant nos responsabilités et s’engage pour le climat, prête à se battre pour notre destin commun. »
Mme Laurence Cohen. Quel blabla !
M. Bruno Le Maire, ministre. « C’est celle des créateurs, des entrepreneurs, des travailleurs, des fonctionnaires, des artisans et des agriculteurs ; celle qui vient en aide à ceux qui en ont besoin, qui ne laisse personne sur le côté et tend toujours la main.
« C’est celle de la solidarité, de l’engagement et de la volonté. C’est aussi celle des craintes que nous devons écouter, des peurs auxquelles nous devons répondre et, parfois, des colères que nous devons apaiser.
« Cette France, c’est la nôtre ; aussi, soyons à sa hauteur, à la hauteur des Françaises et des Français. Une nouvelle page de notre histoire politique s’ouvre. Nous allons l’écrire ensemble.
« Devant vous, je m’engage à partager les enjeux et les contraintes, à vous faire part de nos feuilles de route et des différentes voies que nous pourrons emprunter.
« Je m’engage à ne jamais rompre le fil du dialogue avec les groupes parlementaires, avec les forces vives, avec les Françaises et les Français.
« Je m’engage à bâtir des compromis ambitieux sans compromission sur les valeurs, des solutions concrètes, des majorités de projets et d’idées.
« Les Français ont sonné l’heure de la responsabilité : nous serons au rendez-vous. Nous avons toutes et tous une part à prendre. Nous avons tout pour réussir. Bâtir ensemble, nous y parviendrons ! » (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Catherine Conconne et M. Paul Toussaint Parigi applaudissent également.)
M. le président. Acte est donné de la déclaration de politique générale dont il vient d’être donné lecture au Sénat.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à vingt et une heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
9
Conférence des présidents
M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, qui s’est réunie le 30 juin dernier, sont consultables sur le site du Sénat.
En l’absence d’observation, je considère que ces conclusions sont adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
SESSION EXTRAORDINAIRE 2021-2022
Mercredi 6 juillet 2022
À 15 heures
- Ouverture de la session extraordinaire
- Lecture d’une déclaration du Gouvernement
À 21 heures
- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution
• Intervention des orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe, par ordre décroissant des effectifs des groupes, avec 14 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste et 8 minutes pour les autres groupes, ainsi que 3 minutes pour les sénateurs non-inscrits
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 5 juillet à 15 heures
Mardi 12 juillet 2022
À 14 h 30
- Éloge funèbre de Catherine Fournier
À 15 h 15 et, éventuellement, le soir
- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur le bilan de la présidence française de l’Union européenne
• Temps attribué à la commission des affaires européennes, auteure d’une demande de débat sur le sujet : 10 minutes
• Intervention des orateurs des groupes, avec 14 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste et 8 minutes pour les autres groupes, ainsi que 3 minutes pour les sénateurs non-inscrits
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 11 juillet à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne (texte n° 514, 2021-2022)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 juillet à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 juillet matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 juillet à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 12 juillet à 14 heures
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 11 juillet à 15 heures
Mercredi 13 juillet 2022
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 13 juillet à 11 heures
Mardi 19 juillet 2022
À 14 h 30
- Éloge funèbre d’Olivier Léonhardt
À 15 h 15 et, éventuellement, le soir
- cinq conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord portant révision de l’accord général de coopération entre les États membres de la Commission de l’océan Indien (texte n° 408, 2021-2022)
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention de coopération judiciaire internationale entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation des Nations unies, représentée par le Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie (texte n° 417, 2021-2022)
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Autorité bancaire européenne relatif au siège de l’Autorité bancaire européenne et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (texte n° 525, 2021-2022)
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar relatif au statut de leurs forces (texte de la commission n° 461, 2021-2022)
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains (texte de la commission n° 510, 2021-2022)
• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : vendredi 15 juillet à 15 heures
- Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021
Ce texte sera envoyé à la commission des finances.
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mardi 19 juillet matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 19 juillet à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 19 juillet à l’issue de la discussion générale
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 18 juillet à 15 heures
Mercredi 20 juillet 2022
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 20 juillet à 11 heures
À 16 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19
Ce texte sera envoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 18 juillet à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 19 juillet matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mercredi 20 juillet à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 20 juillet début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 19 juillet à 15 heures
Mardi 26 juillet 2022
À 14 h 30
- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur le projet de programme de stabilité pour 2022-2027
• Temps attribué à la commission des finances, auteure d’une demande de débat sur le sujet : 15 minutes
• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 5 minutes
• Intervention des orateurs des groupes, avec 14 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste et 8 minutes pour les autres groupes, ainsi que 3 minutes pour les sénateurs non-inscrits
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 25 juillet à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 25 juillet à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 25 juillet à 15 heures
Mercredi 27 juillet 2022
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 27 juillet à 11 heures
À 16 h 30
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 26 juillet à 15 heures
Prochaine réunion de la Conférence des Présidents : mardi 19 juillet 2022 à 18 heures
10
Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
Madame la Première ministre, il s’agit là de votre première intervention au Sénat en tant que chef du Gouvernement. Je vous souhaite sincèrement une pleine réussite dans ces fonctions.
Je salue également les membres du Gouvernement : certains siègent au banc des ministres pour la seconde fois aujourd’hui ; d’autres ont des souvenirs de cette maison ; à tous, je souhaite la bienvenue.
Madame la Première ministre, dans un courrier daté d’hier, je vous ai proposé de faire évoluer les relations entre l’exécutif et le Parlement, afin de concrétiser la nouvelle méthode annoncée par le Président de la République, notamment dans son discours du 7 mai dernier. Je compte sur votre prise en considération attentive de ces propositions ; nous aurons l’occasion d’en parler plus avant. (Mme la Première ministre le confirme.)
Enfin, je salue le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui assiste à sa première séance du Sénat en cette qualité.
La parole est à Mme la Première ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a quelques heures, j’ai prononcé devant l’Assemblée nationale la déclaration de politique générale de mon gouvernement.
Par respect pour nos institutions, par attachement pour notre Parlement et pour le bicamérisme, par engagement pour nos territoires, j’ai souhaité, ce soir, m’adresser à vous.
De mes années au service de l’État, de mes cinq ans comme membre du Gouvernement et de ces premières semaines comme Première ministre, j’ai tiré une conviction qui n’a cessé de se consolider : je n’imagine pas la République sans le Sénat. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC, Les Républicains et SER.)
M. Roger Karoutchi. C’est parfait ainsi : on peut s’arrêter là ! (Sourires.)
M. le président. Poursuivez ainsi, madame la Première ministre ! (Nouveaux sourires. – Mme la Première ministre rit.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Vous êtes à la fois les relais des préoccupations des Français, la voix des élus locaux et des territoires, la force d’équilibre et d’apaisement de nos institutions.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Les Français se sont exprimés dans les urnes. Ils nous ont appelés à trouver des solutions communes et à répondre ensemble aux défis qu’ils affrontent. Ils nous ont demandé des débats francs, mais respectueux. Ils ont voulu des propositions fortes et des compromis. Ils ont exigé de l’action, mais, au préalable, de l’écoute des forces vives, des territoires et de tout un chacun.
Bâtir des solutions ensemble en écoutant les propositions de tous, en s’appuyant sur nos territoires et en restant fidèles à nos valeurs, c’est la méthode du Sénat depuis longtemps.
Un sénateur du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Depuis toujours !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous devrons nous inspirer de l’expérience et des pratiques du Sénat. (Exclamations et vifs applaudissements.)
M. Xavier Iacovelli. Bravo !
M. Jean-François Husson. Attention, il va falloir tenir la distance ! (Sourires.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. À l’heure où s’ouvre une nouvelle étape de notre histoire politique, nous avons plus que jamais besoin de vous.
Ce soir, en m’adressant à vous, je vous parle avec responsabilité et humilité.
Je vous parle avec responsabilité, car les années qui viennent de s’écouler ont été éprouvantes pour bon nombre de nos concitoyens.
M. Loïc Hervé. C’est vrai !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. On a parlé d’années de crise. J’ai surtout vu chez les Français le courage, la force de caractère et la volonté : grâce à eux, la France n’a jamais baissé la tête, et notre pays a tenu.
Je tiens à saluer les deux Premiers ministres qui m’ont précédée, Édouard Philippe et Jean Castex. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.) J’ai eu l’honneur de servir dans leurs gouvernements et de mener avec eux des réformes essentielles. J’ai été au côté de ces deux hommes d’État, qui ont traversé les difficultés et les épreuves avec force et droiture. Ils sont des exemples.
Je vous parle avec responsabilité, car je connais, comme vous, tous les défis qui nous attendent.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie est le rappel douloureux que la paix est fragile. Monsieur le président du Sénat, je vous sais très attentif à la situation ukrainienne. Je sais aussi que vous serez dans quelques heures à Kiev.
Cette guerre a des conséquences concrètes : l’inflation, notamment dans le secteur de l’énergie, pèse sur le pouvoir d’achat des Français, et les perspectives économiques s’assombrissent.
Par ailleurs, l’épidémie de covid-19 n’a peut-être pas dit son dernier mot : nous devons rester vigilants.
Le réchauffement climatique devient chaque seconde plus inéluctable.
L’insécurité gâche encore le quotidien de trop de nos concitoyens.
Les inégalités territoriales sont autant de fractures pour le pacte républicain. Elles menacent l’unité de notre pays.
Dès lors, nous avons la responsabilité d’agir. Nous le devons aux Français, et mon gouvernement s’y emploiera avec force.
Ces dernières semaines, à quatre reprises, les Français ont choisi entre les différents projets présentés à leurs suffrages. Ils ont réélu le Président de la République, puis élu, à l’Assemblée nationale, une majorité relative.
Dans ce résultat, nous entendons la volonté de dialogue accru et de construction commune. Dans le verdict des urnes, nous percevons des inquiétudes, des peurs et des colères. Dans l’abstention, trop forte, nous devinons aussi de la défiance et, parfois, de la résignation.
Beaucoup de Français n’ont plus confiance en la politique, en nos institutions, pour leur apporter des solutions concrètes et changer leur quotidien. Nous devons leur répondre.
Cela passe d’abord par une action résolue, par des résultats concrets, qui se voient et changent le quotidien des Français – j’y reviendrai.
Cela implique sans doute aussi des changements institutionnels. Mais on ne modifie pas les institutions sans consulter, sans dégager un consensus. Le Sénat sera pleinement associé à ces réflexions et à la mise en œuvre des évolutions de nos institutions. Sous l’égide du Président de la République, une commission transpartisane sera instituée à la rentrée pour y parvenir.
Répondre au message des Français, c’est changer certaines pratiques. Bâtir des compromis, ce n’est pas se renier : c’est choisir de construire autour de ce que nous avons en commun. Ce n’est pas mettre de côté nos différences : c’est assumer les clivages et les désaccords, mais refuser les postures. En cela, le Sénat a été précurseur.
Mon gouvernement partage avec vous bon nombre de priorités et même, sans aucun doute, de solutions.
Dans certains domaines et pour certains textes, au-delà de ce que la Constitution prévoit, le travail parlementaire pourra commencer dans cet hémicycle avant de se prolonger à l’Assemblée nationale.
Ainsi, le Sénat pourra pleinement agir comme force de coconstruction, au service des territoires et des Français. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. Emmanuel Capus. Excellente idée !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Répondre au message des Français, cela veut dire associer, en donnant la parole à tous.
Mon gouvernement consultera les corps intermédiaires et les forces vives de notre pays. Nous mènerons chaque réforme en lien avec les partenaires sociaux. Nous serons à l’écoute de tous nos compatriotes, de leurs aspirations et de leurs idées. Nous agirons, surtout, en lien étroit avec les élus locaux.
Les élus locaux sont les premiers interlocuteurs des Français et les meilleurs connaisseurs de leurs territoires. Ils sont les visages du courage et de l’engagement. Ils sont en première ligne face à toutes les urgences. Ils sont les premiers innovateurs, bien souvent précurseurs pour les mobilités ou pour la transition écologique.
La crise sanitaire nous l’a montré une fois de plus : pour aider nos concitoyens, ils étaient présents ; pour mener la campagne de vaccination, ils étaient présents ; pour expliquer, alerter, et accompagner, ils étaient présents. Je tiens à leur rendre hommage. Pour chaque projet, mon gouvernement les associera et les écoutera. Pour chaque défi, nous nous inspirerons de leurs idées et de leurs actions.
Parce que les élus locaux ont besoin de visibilité et de stabilité, il n’y aura pas de grand bouleversement dans les compétences des collectivités territoriales. Parce qu’ils doivent avoir les moyens d’agir, nous définirons avec eux un agenda territorial, en cherchant un accord sur des objectifs et des moyens, notamment financiers.
Les élus locaux doivent avoir du poids. Le conseiller territorial peut être l’occasion d’une complémentarité plus forte entre les départements et les régions. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Sur ce sujet, nous lancerons des concertations approfondies l’année prochaine.
Surtout, les élus locaux et, plus largement, les territoires, doivent pouvoir prendre les décisions adaptées au contexte local.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je le crois fermement : répondre au message des Français, cela passe par des solutions au plus près du terrain.
Les cinq dernières années ont été l’occasion de premiers pas.
M. Jean-François Husson. De tout petits pas !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous avons entamé le retour des services publics partout dans notre pays. Plus de 2 000 maisons France Services ont vu le jour. Notre objectif est simple : pas un Français avec une maison France Services à plus de trente minutes de chez lui.
Nous avons avancé dans le déploiement de notre couverture mobile et haut débit ; nous avons investi pour faire revenir la vie et l’activité dans le centre des villes et des bourgs ; nous avons donné aux collectivités les moyens de solutions différenciées.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je veux dire ici un mot de la Corse. Le cycle des discussions engagé avec les élus et les forces vives sera relancé dans les prochains jours.
Il doit aboutir à des solutions concrètes pour tous les Corses, notamment pour les jeunes, pour le travail, pour le logement, pour la transition écologique, pour le développement économique et la sécurité.
Nous sommes prêts à aborder tous les sujets, y compris institutionnels ; à les discuter en toute transparence, dans un esprit constructif et responsable. Ne cédons toutefois pas à la facilité ; répondons, au cas par cas, à ce qui bloque ou ne fonctionne pas.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous proposer une méthode d’action pour les années qui viennent. (Ah ! sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Il est temps de rendre son sens au mot « égalité ». Trop longtemps, nous avons cru qu’il signifiait qu’une règle unique, dictée depuis Paris, devait s’appliquer partout, toujours et sans adaptation possible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Françoise Gatel et M. Bruno Sido applaudissent également.)
L’égalité réelle, ce n’est pas un carcan. C’est nous fixer des ambitions communes et trouver les solutions adaptées pour les atteindre. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, qui peut réellement affirmer que les enjeux de santé sont les mêmes dans le centre de Lyon ou dans les banlieues de Pointe-à-Pitre ?
Qui peut réellement penser que les écoliers des quartiers nord de Marseille font face aux mêmes défis que ceux des villages du Calvados ?
Bien sûr, il y a des enjeux communs, mais la justice territoriale, ce sont des solutions différenciées ; la cohésion des territoires, ce sont des marges de manœuvre données.
Pour la santé, pour l’éducation, pour la transition écologique, pour la ruralité, pour la ville, nous associerons les élus, les habitants, les associations. Avec eux, nous dresserons des constats ; avec eux, nous trouverons des solutions ; avec eux, nous donnerons des moyens.
Je souhaite ici avoir un mot particulier pour nos compatriotes des outre-mer. Voilà quelques jours, l’appel de Fort-de-France a été un nouveau signal d’alarme. Les outre-mer, c’est une jeunesse prête à s’engager ; les outre-mer, ce sont des trésors de biodiversité ; les outre-mer, ce sont les places fortes de notre souveraineté.
Grâce aux outre-mer, le drapeau tricolore flotte partout dans le monde ; aussi, dans les outre-mer, la promesse républicaine doit être tenue.
Avec les collectivités, nous agirons pour la présence des services publics, contre la vie chère, pour le développement économique et l’emploi, contre la délinquance et l’immigration illégale.
Ce quinquennat sera également l’occasion d’une nouvelle étape dans notre histoire républicaine avec la Nouvelle-Calédonie. J’y prendrai toute ma part.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai confiance en nous et je suis déterminée. Je sais la volonté constante du Sénat de bâtir au service de la France et d’agir au service des territoires et des Français. Cette volonté, mon gouvernement la partage.
Aussi, ensemble, autour du projet du Président de la République, nous allons dialoguer, échanger et construire les réponses aux urgences et aux défis que nous avons à relever.
Le premier défi, c’est celui du pouvoir d’achat. De nombreuses mesures ont été prises depuis l’automne dernier pour limiter la hausse des prix de l’électricité, du gaz ou de l’essence. Grâce à nos investissements massifs, nous avons limité la hausse des prix, et l’inflation, en France, est la plus faible de la zone euro.
Nos concitoyens ressentent toutefois encore chaque jour les effets de la guerre, les prix qui augmentent, et leur quotidien s’en trouve affecté.
C’est la raison pour laquelle mon gouvernement présentera demain en conseil des ministres des textes d’urgence et des mesures concrètes, rapides et efficaces.
Pour les ménages, nous prolongerons le bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité.
Pour ceux qui travaillent, nous proposerons des baisses de charges pour les indépendants, le triplement du plafond de la prime de pouvoir d’achat et une aide pour ceux qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler.
Pour les retraités, nous revaloriserons les pensions.
Pour les plus démunis, les prestations sociales seront augmentées.
Pour les étudiants, nous allons revaloriser les bourses sur critères sociaux.
Pour les fonctionnaires, c’est le dégel du point d’indice pour les trois versants de la fonction publique, et nous pourrons discuter, ensemble, des meilleurs moyens d’accompagner les collectivités, surtout les plus vulnérables.
Ces mesures sont notre base de travail. Avec mon gouvernement, nous serons à votre écoute et vous pourrez les amender lors du travail parlementaire.
M. Jean-François Husson. Trop aimable ! (Sourires.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je veux réaffirmer trois principes qui doivent guider notre action.
La responsabilité environnementale, tout d’abord : il nous faudra systématiquement évaluer l’impact de nos mesures sur l’environnement.
M. Guy Benarroche. Tiens donc !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. La responsabilité budgétaire, ensuite. Je sais que beaucoup y tiennent dans cet hémicycle, à raison. Après avoir protégé les Français durant la crise, nous devons retrouver des perspectives claires pour l’amélioration des comptes publics. C’est une nécessité pour continuer à financer notre modèle social ; c’est un impératif pour notre souveraineté.
Devant vous, je pose donc des jalons clairs : en 2026, nous devrons commencer à baisser la dette.
M. Jean-François Husson. C’est trop tard !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. En 2027, nous devrons ramener le déficit public sous la barre des 3 %.
Je souhaite que nous puissions travailler ensemble à atteindre ces objectifs. Nous vous proposons de le faire grâce à une croissance forte, durable, qui créera des emplois ; grâce à des réformes essentielles pour notre pays ; grâce à la lutte contre la fraude, à la modernisation de l’État et à des mesures de bonne gestion.
Enfin, notre troisième principe, c’est le respect de l’engagement pris par le président de la République devant les Français : pas de hausses d’impôts.
M. Jean-François Husson. Et la dette, alors ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous l’avons fait durant le précédent quinquennat en supprimant la taxe d’habitation et nous avons baissé l’impôt sur le revenu. Au total, nous avons diminué les impôts des Français et des entreprises de plus de 50 milliards d’euros.
Dès cet été, nous vous proposerons la suppression de la redevance audiovisuelle, qui ira de pair avec une réforme de l’audiovisuel public, laquelle garantira son indépendance et des moyens durables. Nous y travaillerons avec le Parlement.
Je veux le dire également : ce combat pour le pouvoir d’achat, nous ne le mènerons pas seuls. Les entreprises qui dégagent des marges devront aussi prendre leurs responsabilités.
Notre deuxième défi, c’est de bâtir ensemble la société du plein emploi. Vous connaissez ma conviction : c’est par le plein emploi et par le bon emploi que nous changerons notre rapport au travail.
Durant le précédent quinquennat, nous avons mené des réformes en profondeur pour transformer le marché du travail, pour l’apprentissage, pour la formation des demandeurs d’emploi, pour nos jeunes, avec le plan « 1 jeune, 1 solution » et le contrat d’engagement jeune. Ces réformes ont porté leurs fruits : le taux de chômage est au plus bas depuis quinze ans ; le taux de chômage des jeunes est au plus bas depuis quarante ans.
Grâce à ce bilan, le plein emploi est à portée de main. Nous pourrons sortir de la logique du chômage de masse et redonner du pouvoir de négociation aux salariés. Quand il y a des tensions sur le marché du travail, les employeurs doivent être plus attractifs, améliorer les conditions de travail et augmenter les salaires.
Aussi, je vous propose, avec le Gouvernement, de jeter toutes nos forces dans la bataille du plein emploi. Nous devrons ramener vers l’emploi celles et ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail ; nous devons continuer notre action envers les jeunes ; nous devons permettre l’insertion des bénéficiaires du RSA en assurant un meilleur équilibre entre droits et devoirs ; nous devons mieux accompagner nos chômeurs.
Aujourd’hui, l’État, les régions et les départements avancent trop souvent en ordre dispersé. Nous devons joindre nos forces, c’est pourquoi nous transformerons Pôle emploi en France Travail. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ah, ça, c’est bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Le plein emploi, enfin, c’est permettre une meilleure orientation dès l’enseignement secondaire et offrir des formations tout au long de la vie.
C’est ainsi que nous pourrons affronter les défis de demain et former dans les prochaines années un million de jeunes dans les métiers d’avenir, notamment dans les domaines de la transition écologique et du numérique.
Enfin, le plein emploi, c’est la garantie de continuer à créer des richesses et à financer notre modèle social.
Nous dirons les choses clairement, à vous, comme aux Français : notre système social est un paradoxe ; c’est à la fois l’un des plus généreux et l’un de ceux où l’on travaille le moins longtemps. Aujourd’hui, on part à la retraite plus tard chez la totalité de nos voisins européens.
Aussi, pour la prospérité de notre pays et la pérennité de notre système par répartition, pour bâtir de nouveaux progrès sociaux, pour qu’aucun retraité avec une carrière complète ne gagne une pension inférieure à 1 100 euros par mois, pour sortir de situations où le même métier ne garantit pas la même retraite, oui, nous devrons travailler progressivement un peu plus longtemps. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. Pierre Louault. Très bien !
Mme Cathy Apourceau-Poly. La messe est dite !
M. Pascal Savoldelli. Jusqu’à 65 ans ! Jouez cartes sur table !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. La réforme que nous mènerons ne sera pas uniforme. Elle devra tenir compte des carrières longues, de la pénibilité et de l’emploi des seniors. Cette réforme, nous la mènerons en concertation étroite avec les partenaires sociaux et nous vous associerons le plus en amont possible.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose ensuite d’apporter des réponses radicales à l’urgence écologique. Devant ce défi, nous devons faire bloc et sortir de la querelle entre les radicaux et les pragmatiques. Nous devons changer, nous adapter et bâtir une écologie de progrès, car la révolution écologique permettra des innovations, fera émerger des filières nouvelles et créera des emplois d’avenir.
Nous avons déjà réalisé des avancées significatives, mais, pour atteindre la neutralité en carbone en 2050 et réduire nos émissions de 55 % d’ici à 2030, nous devons mener une action encore plus résolue et organisée.
Des concertations seront lancées dès septembre prochain pour bâtir une loi d’orientation énergie-climat. Tout le monde doit en prendre sa part.
Tous les ministères : le Président de la République m’a confié la charge de la planification écologique, et chacun aura une feuille de route climatique avec, des objectifs à tenir.
Toutes les filières : nous définirons avec elles des objectifs de réduction d’émission, un calendrier et des moyens pour le respecter.
Tous les territoires : par leurs compétences, les collectivités sont au cœur de notre transition écologique. Bien souvent, elles ont également été des précurseurs. Nous avancerons avec les élus locaux et nous définirons des stratégies adaptées avec eux. C’est pourquoi nous avons créé un ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Par notre action, nous avons les moyens d’être la première grande nation à sortir des énergies fossiles. Nous y parviendrons grâce à un mix énergétique plus équilibré autour des énergies renouvelables et du nucléaire.
Nous aurons besoin de piloter parfaitement notre transition énergétique. C’est pourquoi j’ai confirmé, aujourd’hui, l’intention de l’État de détenir 100 % du capital d’EDF. Cette évolution permettra à cette entreprise de renforcer sa capacité à mener, dans les meilleurs délais, des projets ambitieux et indispensables pour notre avenir énergétique.
Nous mènerons la transition énergétique, aussi, en consommant moins. Nous devons nous préparer à toutes les décisions possibles de la Russie. Même si nous sommes moins exposés, nous serions tout de même impactés. Dès maintenant, nous nous préparons donc à tous les scénarios. Je ne mentirai pas : nous avons les moyens de tenir, mais il faudra agir.
Plus largement, nous devons décarboner tous les pans de notre économie et de notre vie.
Cela vaut dans l’industrie, et nous nous appuierons sur les 50 milliards d’euros d’investissements d’avenir de France 2030.
Cela vaut pour le logement : nous continuerons, grâce aux succès du précédent quinquennat, et nous rénoverons 700 000 logements par an.
Mme Sophie Primas. Les succès du précédent quinquennat, vraiment ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Cela vaut pour notre agriculture. J’y reviendrai.
Ce sera le cas pour les transports, enfin. Nous voulons permettre à chacun, quel que soit le territoire où il habite, d’avoir accès à un moyen de transport propre.
Nous agirons pour le ferroviaire, en prolongeant les investissements de ces dernières années pour les petites lignes, pour les trains de nuit et pour les lignes du quotidien.
Nous offrirons à chacun une solution de rechange à la voiture thermique. Chaque Français devra avoir accès à une voiture à zéro émission, notamment grâce aux primes à la conversion et à un système de location longue durée à moins de 100 euros par mois.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que nous partageons l’ambition d’une République de l’égalité des chances, celle du refus de l’assignation à résidence, celle qui rompt les inégalités de destins.
C’est dès la naissance que tout se joue.
Par le chantier des « mille premiers jours », comme par le service public de la petite enfance que nous voulons bâtir avec les collectivités, nous voulons répondre au problème à la racine. Notre objectif est de trouver des solutions de garde pour les enfants de moins de 3 ans, d’offrir les 200 000 places d’accueil manquantes et d’agir en particulier pour les parents, le plus souvent les mères, qui élèvent seules leurs enfants.
Bâtir la République de l’égalité des chances, c’est agir aussi pour l’école.
Celle qui conforte les savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter, respecter autrui –, mais aussi qui prépare aux savoirs de demain, comme le codage informatique.
Celle qui garantit l’égalité et ne renonce jamais à l’excellence.
Celle qui offre des savoirs, mais aussi prépare à des métiers. Nous voulons rapprocher l’enseignement secondaire et les métiers et réformer le lycée professionnel.
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous aurons à mieux associer les enseignants à la transformation de l’école. Nous devons revaloriser leurs salaires et construire, avec eux, les évolutions de leur profession.
Dans la ligne du plan « Marseille en grand », lancé par le Président de la République, nous voulons donner des marges de manœuvre et d’adaptation aux établissements, en fonction de leurs besoins et de leurs territoires. Une concertation avec la communauté éducative, les élus et les associations sera lancée dès septembre prochain.
Pour que notre jeunesse continue de faire vivre les valeurs républicaines, mon gouvernement continuera de déployer le service national universel.
Nous continuerons de promouvoir notre université et notre enseignement supérieur. Cela passe par un travail pour l’égalité des chances, par la simplification du système de bourse et par l’amélioration des conditions de vie et d’études de nos jeunes.
Construire l’égalité réelle, c’est partager les moyens de l’émancipation, le sport comme la culture.
À l’aube des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, il nous faut bâtir une nation sportive, qui partage le goût de l’exercice physique, du dépassement et de l’effort.
À nous aussi de bâtir une nation culturelle, qui valorise, soutient et protège son patrimoine, ses créateurs, ses industries créatives. Le pass Culture est une réussite. Aussi, nous l’étendrons dès la classe de sixième et amplifierons l’éducation artistique et culturelle.
Sans une santé de qualité, il n’y a pas d’égalité des chances. En ville comme en ruralité, nous faisons face à un manque de soignants, et les effets de la suppression du numerus clausus ne se feront pas sentir immédiatement.
Le défi de la santé, c’est d’abord celui de la prévention. Pour dépister, pour prévenir, il nous faut agir ensemble, avec les élus, en particulier les maires, et activer tous les leviers : qualité de l’air, habitat, conditions de vie.
Nous aurons aussi à poursuivre le soutien à nos soignants. Nous avons tous été les témoins admiratifs et reconnaissants de leur engagement lors de la crise du covid-19.
Le Ségur de la santé a permis de grandes avancées, notamment en termes de rémunérations, mais la situation est encore loin d’être réglée.
Pour cet été, nous avons pris des mesures d’urgence. Il faut maintenant voir plus loin et construire des solutions durables. Cela veut dire renforcer l’attractivité des métiers du soin, permettre aux soignants d’être au maximum auprès des patients et renforcer la coopération entre les professionnels de santé.
À nous, tous ensemble, avec les élus locaux, les professionnels de santé et les patients, de moderniser et d’adapter l’offre de soins pour chaque territoire.
Des concertations seront lancées dès septembre prochain, partout sur le territoire. Nous voulons en priorité trouver des solutions contre les déserts médicaux. Je sais combien le Sénat partage cette priorité.
Je veux ajouter, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous n’avons pas encore tourné la page du covid-19. L’épidémie reprend fort ces derniers jours. À l’heure actuelle, notre système de soins n’est pas affecté, mais nous devons rester extrêmement prudents et vigilants.
La République de l’égalité des chances, c’est celle qui offre une vie sereine à tous les âges.
Nous devons faire croître l’espérance de vie en bonne santé et assurer une meilleure prise en charge que ce soit à domicile ou en maison de retraite. Cela passe par l’aménagement des logements de nos aînés – c’est le sens de MaPrimeAdapt’ – et par l’amélioration de la vie de nos aînés en maisons de retraite.
Après les témoignages insoutenables des derniers mois sur ces établissements, nous avons renforcé les contrôles. Nous devons maintenant construire les Ehpad de demain : mieux médicalisés, ouverts et humains.
D’ici à 2027, nous devons recruter 50 000 infirmiers et aides-soignants. Ce défi est aussi immense qu’indispensable, compte tenu de la révolution démographique à laquelle nous faisons face. Nous y parviendrons en renforçant l’attractivité des professions.
Nous réussirons ce défi avec les départements. C’est ensemble que nous bâtirons un service public du grand âge à la hauteur.
Vous le savez, le quinquennat précédent a porté une attention particulière à rendre notre société plus inclusive.
Le handicap, c’est 12 millions de Français. Toutes nos familles sont concernées. Toutes attendent que nous poursuivions notre effort pour renforcer l’accessibilité, pour l’autonomie et pour une meilleure reconnaissance des personnels de l’accompagnement.
Nous aborderons tous ces sujets lors de la conférence nationale du handicap qui se tiendra au début de 2023.
J’ajoute que, avec vous, avec les associations, mon gouvernement réformera l’allocation aux adultes handicapés, en partant du principe de la déconjugalisation. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Murmures sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Le Sénat a déjà voté cette mesure !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Il s’agira d’une réforme en profondeur. Elle était très attendue.
Enfin, je crois qu’il n’y a pas d’égalité des chances sans sécurité. Cette conviction, je la tiens de mon histoire, de mon parcours. Je la tiens de mes fonctions de préfète. Je la tiens de mes échanges avec les Français.
Comme beaucoup de maux, l’insécurité touche d’abord ceux qui sont les plus démunis. Elle brise des jeunes, emporte des familles. Elle touche les zones rurales comme les zones urbaines.
L’insécurité est une inégalité, une des plus odieuses, des plus inacceptables. Avec mon gouvernement, je suis déterminée à agir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincue que, dans ce domaine, nous pouvons faire beaucoup et ensemble.
Nous avons en commun la volonté d’assurer une vie sereine à tous nos concitoyens.
Nous avons en commun le soutien, la confiance et l’exigence pour nos forces de l’ordre.
Durant le précédent quinquennat, des avancées ont été réalisées : 10 000 policiers et gendarmes ont été recrutés ; notre sécurité civile a été renforcée ; nous avons prolongé l’action menée depuis 2015, pour mieux lutter contre le terrorisme et pour nos services de renseignement.
Je vous propose d’écrire la prochaine étape ensemble, autour d’une loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Nous voulons agir plus encore pour la sécurité du quotidien ; préparer notre police aux défis du futur, notamment la cyberdélinquance ; amplifier encore notre lutte contre les trafics.
Pour y parvenir, nous vous proposerons de renforcer encore les moyens du ministère de l’intérieur.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Pour mieux assurer l’ordre républicain, nous créerons 11 nouvelles unités de forces mobiles. Pour lutter contre ce que trop de Français vivent comme des zones blanches de sécurité, nous créerons 200 nouvelles brigades de gendarmerie.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Ce défi, j’y tiens. Je suis élue d’un département rural. J’ai été préfète d’une région largement rurale.
Ce défi, vous y tenez. Je sais combien la chambre des territoires est attentive à cette égalité devant la sécurité.
Toutefois, les moyens supplémentaires ne sont qu’une partie de la solution. Cette dernière passe aussi par le refus de toute impunité. Nous voulons doubler le temps de présence des policiers et des gendarmes sur la voie publique d’ici à 2030 et réformer la filière de l’investigation.
La solution, c’est aussi une justice efficace, rapide, dont les décisions sont respectées. Les États généraux de la justice, lancés par le Président de la République, nous ont montré le besoin de moyens et de méthodes nouvelles.
Nous voulons restaurer la confiance entre la justice et nos citoyens, répondre aux attentes des personnels et garantir, toujours, l’indépendance de la justice.
Pour aider les magistrats à faire leur métier, nous recruterons 8 500 personnels de justice supplémentaires. Nous vous proposerons ces moyens dans un projet de loi de programmation pour la justice.
Nous voulons aussi que les peines soient exécutées, de même que nous entendons lutter contre la surpopulation carcérale. Quelque 15 000 places de prison seront construites dans les prochaines années.
Je veux dire ici un mot d’un sujet qui me tient à cœur : la lutte contre les violences, sexuelles, sexistes et intrafamiliales. Elle impose la mobilisation de tous les acteurs : forces de l’ordre, justice, associations, élus. Le combat se poursuivra, je m’y engage.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je souhaite également que nous continuions à avancer dans notre lutte contre toutes les discriminations. L’égalité entre les femmes et les hommes, notamment, est la grande cause de ce quinquennat ; croyez bien qu’elle sera au cœur de l’engagement de la seconde Première ministre de notre pays que je suis.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la pandémie, la guerre en Ukraine et les crises migratoires nous ont rappelé que notre souveraineté est à la fois profondément française et profondément européenne.
Sans l’Europe, pas de vaccins, pas de sanctions concertées contre la Russie, pas de réponse efficace pour nos frontières. Aussi, je vous propose de consolider notre souveraineté au sein de l’Europe – de bâtir une France plus forte, dans une Europe plus indépendante.
Cela passe par la souveraineté énergétique face au risque de dépendance à l’égard du gaz et du pétrole russes, mais cette souveraineté française et européenne se construit aussi par l’industrie et le numérique. Ces dernières années, grâce à des baisses d’impôts et à des réformes courageuses, nous avons porté un coup d’arrêt à la désindustrialisation. Il faut poursuivre cette dynamique.
C’est pourquoi nous vous proposerons de supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dans la loi de finances pour 2023.
M. Loïc Hervé. C’est une erreur !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Cette mesure, c’est de la compétitivité pour nos entreprises, surtout pour les petites et moyennes entreprises (PME) et pour les très petites entreprises (TPE).
En m’adressant à vous, je devine votre préoccupation. Je le dis donc : nous compenserons cette perte de ressources pour nos collectivités. (Exclamations.)
Notre souveraineté industrielle, c’est aussi investir dans les secteurs d’avenir comme l’alimentation, l’énergie, le spatial, les biomédicaments ou l’électronique.
Notre souveraineté, c’est aussi une recherche qui fait la fierté de notre pays. Nous voulons continuer à valoriser et simplifier le métier de chercheur.
Notre souveraineté, enfin, c’est assurer l’avenir de la filière agricole. Et je sais combien ce défi vous importe, comme à moi.
Avec les acteurs, avec vous, nous bâtirons une loi d’orientation et d’avenir pour notre agriculture. Celle-ci devra permettre de répondre à tous les défis de l’agriculture, en particulier aux départs massifs à la retraite des prochaines années.
C’est d’abord une meilleure rémunération ; le soutien à la transmission des exploitations, à l’entrepreneuriat ; la poursuite de notre soutien massif à l’adaptation de l’agriculture au changement climatique, avec l’assurance récolte, avec des moyens de protection des exploitations ; l’investissement pour de nouvelles productions, notamment de protéines végétales ; la protection, dans les accords internationaux, contre la concurrence déloyale des pays qui ne respectent pas nos critères sociaux et environnementaux.
C’est une politique d’alimentation qui respecte chacun des acteurs et leur donne une juste rémunération.
Beaucoup a été fait lors du précédent quinquennat ; nous devons continuer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une France plus forte dans une Europe plus indépendante, c’est également tenir nos frontières.
Au niveau européen, nous poursuivrons le travail entamé sous la présidence française.
Au niveau national, nous resterons fidèles à notre tradition d’asile. Mais pour que cette politique soit juste, nous devons poursuivre l’accélération du traitement des demandes.
À ceux que nous accueillons, nous devrons offrir une meilleure intégration par le travail. Nous devons également reconduire plus rapidement ceux dont la demande d’asile a été refusée.
Je veux le dire aussi : disposer d’un titre de séjour en France impose de respecter ses lois. Nous serons intransigeants.
En matière d’immigration irrégulière, nous continuerons notre lutte à tous les niveaux. Nous créerons une « force des frontières ». Nous poursuivrons notre combat contre les passeurs. Ils organisent de véritables trafics d’êtres humains. Ils doivent être poursuivis et sanctionnés.
Une France plus forte dans une Europe plus indépendante, enfin, c’est notre souveraineté stratégique.
Le contexte géopolitique est un rappel sévère. Nous devons pouvoir nous défendre. Nous devons pouvoir faire entendre notre voix.
Partout et dans tous les milieux, nos armées se battent pour notre liberté – parfois au péril de la vie de nos soldats. Je veux dire à nos armées notre confiance et notre soutien. Je veux leur rendre hommage, et avoir une pensée pour nos soldats tombés au combat, pour les familles endeuillées et pour tous ceux revenus des terrains d’opération meurtris dans leur chair ou dans leur esprit. (Vifs applaudissements.)
Le contexte et les désordres du monde nous obligent. Nous devons disposer d’un modèle d’armée complet, équilibré et modernisé. Un modèle d’armée cohérent et capable d’agir.
Le précédent quinquennat a permis un effort sans précédent depuis la fin de la guerre froide pour nos armées, et nous avons respecté l’exécution de la loi de programmation militaire. Nous devons maintenant poursuivre et amplifier cet investissement.
Le Président de la République annoncera prochainement les contours d’une nouvelle loi de programmation militaire. Il donnera une vision et un cap à nos armées, comme à notre industrie de défense.
Nous tiendrons notre rôle. Nous agirons en cohérence avec nos ambitions européennes et nos alliés de l’OTAN.
Nous devons également fortifier la résilience de la Nation. Par une réserve renforcée, par des actions auprès de notre jeunesse, par le travail sur la mémoire et par l’attention portée à nos anciens combattants, nous renforcerons le lien armée-Nation.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dans un contexte géopolitique bouleversé, dans un monde qui n’est pas encore sorti de la pandémie, dans un pays qui connaît une situation politique inédite, nous avons de nombreux défis à relever.
Ma réponse, notre réponse avec tout le Gouvernement, sous l’autorité du Président de la République, tient dans une ambition forte et dans une méthode nouvelle.
Dans les années qui viennent, le Sénat sera plus que jamais au cœur de la recherche de compromis et de la volonté de construction. (Exclamations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Une nouvelle étape commence, et comme je l’ai demandé aux députés tout à l’heure, je vous propose de bâtir, ensemble. Nous pouvons le faire.
Rassemblés autour de nos valeurs, celles de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité.
Rassemblés autour de la volonté d’agir.
Rassemblés autour de majorités d’idées.
Rassemblés autour de l’ambition de rendre notre pays plus fort, plus solide, mieux préparé pour affronter les défis de demain.
J’ai confiance en nous. J’ai confiance en notre capacité à relever les défis de l’avenir ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.
Dans le débat, la parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, madame la Première ministre, nous avons écouté votre déclaration de politique générale. Nous l’avons même écoutée très attentivement, non seulement parce que vous avez su habilement flatter notre patriotisme sénatorial (Sourires.), mais aussi parce que rarement un tel exercice aura aussi bien porté son nom.
En effet, à la crise géopolitique que vous avez évoquée, à la crise sanitaire, à la crise sociale et économique, s’ajoute désormais en France une crise politique et civique. Or, avec une France en voie de fracturation et des Français en voie de sécession, cette crise politique est générale.
Naturellement, il serait profondément injuste de mettre sur le dos d’Emmanuel Macron à la fois cette fracturation et cette sécession. Mais il serait tout aussi injuste de ne pas reconnaître que, depuis cinq ans, tout s’est aggravé.
La fracturation s’est aggravée. Regardez la carte électorale de la France lors des précédentes élections : vous avez là l’image d’une France en pièces détachées. Jamais le vote des Français n’a autant dépendu de leurs revenus, de leur diplôme, de leur âge, de leur territoire.
Vous avez évoqué l’assignation des Français. Or tout se passe comme si les Français étaient assignés dans leurs différences.
C’est un aveu d’échec et un terrible paradoxe pour celui qui avait théorisé la disparition des clivages. Les clivages sont de retour, chers collègues. Ils sont de retour, plus radicaux encore dans leur forme politique – voyez l’Assemblée nationale –, et peut-être plus dangereux lorsqu’ils échappent aux catégories politiques.
Madame la Première ministre, si vous voulez vraiment réparer les fractures françaises, vous devez parler aux Français comme à un seul peuple. Plus de Français qui ne sont rien, plus de premiers de cordée, plus de Gaulois réfractaires.
Car la sécession s’est accélérée, et ce, à cause du « en même temps » – un « en même temps » qui n’aura rien réglé et qui aura tout abîmé.
Il n’aura rien réglé parce que de zigzag en tête-à-queue, d’un revirement à l’autre, ce président virevoltant s’est enfermé dans l’impuissance. Et Jupiter s’est transformé en Gulliver, pris dans les fils de ses propres contradictions.
Permettez-moi d’en donner deux exemples.
Vous avez beaucoup parlé de souveraineté, notamment énergétique. Or vous avez fermé Fessenheim, une centrale nucléaire, et nous allons rouvrir Saint-Avold, une centrale à charbon !
Bien entendu, nous ne nous opposerons pas a priori à la nationalisation d’EDF que vous avez évoquée. Mais ce n’est qu’un moyen, qui ne suffira en rien. Traitez aussi la question de la tarification de l’électricité au niveau européen ! Deux grands pays, l’Espagne et le Portugal, l’ont fait très récemment, au mois de mai.
Vous avez parlé de la souveraineté alimentaire de l’Europe. Or nous venons d’apprendre que l’Union européenne avait conclu un accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande, pays qui ne respecte pas les normes que nous imposons à nos agriculteurs en matière de pesticides ! À quoi cela rime-t-il ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. À rien !
M. Bruno Retailleau. Madame la Première ministre, vous n’avez pas sollicité la confiance de l’Assemblée nationale, mais vous voulez retrouver – et vous avez raison – la confiance des Français.
Si vous le voulez vraiment, renoncez au « en même temps ». Faites des choix clairs, des choix nets. Donnez une boussole, fixez un cap : c’est ce que nous vous demandons d’abord. Or cela tombe bien parce que, comme vous l’avez sous-entendu, et même un peu souligné, l’époque a radicalement changé.
Le Président de la République avait évoqué un tournant marqué par le retour du tragique. Oui, la guerre en Europe marque le retour du tragique.
Mais l’économie, dont le ministre se tenait à votre place cet après-midi, est elle aussi marquée par le retour du tragique, c’est-à-dire par celui de la réalité : ce sont des taux qui ne sont plus négatifs, et qui sont même en train de s’envoler, suivis par l’inflation.
Vous avez dit que la dette serait remboursée par la croissance. Non, parce que la croissance fléchit, et que la parité entre l’euro et le dollar est en train de s’effondrer, renchérissant l’inflation importée.
Il faut donc abandonner le « en même temps », c’est-à-dire renoncer à la politique de l’argent facile. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) Qui peut croire que, demain, les nations qui compteront dans le monde seront celles qui ont dépensé sans compter ? Qui peut croire un seul instant que les nations qui ne tiennent pas leurs comptes tiendront demain leur rang sur la scène internationale ?
Le « quoi qu’il en coûte » aura été terrible, non pas seulement parce qu’il aura coûté à notre pays des centaines de milliards d’euros, dont la Cour des comptes a d’ailleurs indiqué à plusieurs reprises que la dépense était sans lien avec la crise de la covid-19, mais parce qu’il aura emporté un changement culturel, qui nous aura finalement coûté davantage.
Ce changement a introduit cette torsion dans le rapport au travail, cette fausse croyance qui consiste à laisser penser aux Français que l’État peut tout, qu’il peut pourvoir à tout, et que l’amélioration du sort de chacun dépend in fine, non pas des volontés individuelles ni des fruits du travail, mais de l’État.
Madame la Première ministre, vous n’obtiendrez rien de nous, rien, si vous n’abandonnez pas ce « quoi qu’il en coûte » !
Dès cet été, dans le débat à venir sur le pouvoir d’achat, nous ne cautionnerons pas de nouvelles dépenses si elles ne sont pas gagées…
M. Xavier Iacovelli. Et le litre d’essence à 1,50 euro ?
M. Bruno Retailleau. Nous ferons nos propres propositions sur les carburants, mon cher collègue.
Il n’y aura pas de nouvelles dépenses s’il n’y a pas de nouvelles économies. Pas de nouveau chèque s’il n’y a pas de mesures d’encouragement par le travail. Parce que notre marque à nous, c’est de penser que le pouvoir d’achat procède, d’abord, non pas des chèques sans provision signés par l’État, mais du travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Du reste, comment pensez-vous lutter contre l’inflation avec une politique inflationniste ? Les dépenses de l’État n’ont au fond d’autre objectif que de subventionner des emplois à l’étranger, puisque sur 100 euros versés, 62 euros financent l’achat de produits importés, engraissant l’emploi en dehors de notre pays.
C’est la raison pour laquelle nous voulons des économies et plus de travail.
Renoncer au « quoi qu’il en coûte », c’est réformer vraiment. Et si vous êtes courageuse, nous vous suivrons, non seulement à la tribune, mais dans les faits, sur la réforme des retraites. Nous vous suivrons, parce qu’il faut sauver notre régime, non seulement pour nous, mais pour nos enfants et pour nos petits-enfants, au nom de cette solidarité dont j’entends si souvent les uns et les autres rabâcher le refrain. Il faut le faire concrètement !
Il faut aussi, évidemment, réformer les services publics. Trois de nos grands services publics sont en déshérence, vous l’avez dit : la santé, la sécurité et la justice. Et je n’oublie pas l’école.
Mes chers collègues, ne pensons pas un seul instant que la dépense publique peut tout. D’ailleurs, si la dépense publique était la mesure de l’efficacité et de la qualité des services publics, avec 10 points de plus de PIB dépensés par rapport à nos partenaires européens, nous devrions être à l’avant-garde du bonheur universel ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Le Ségur de la santé illustre d’ailleurs ce contresens de façon spectaculaire. Il ne suffit pas de dépenser des milliards : dépenser sans réformer, c’est échouer. Nous vous ferons des propositions sur l’hôpital, sur les déserts médicaux – nous avons d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à lutter contre ces derniers. Ne pensez pas un seul instant qu’il suffira de s’en remettre aux élus locaux. Non, ce n’est pas possible !
Nous voulons une sécurité sociale qui soit la même sur tous les territoires. L’égalité des chances, c’est d’abord l’égalité des chances devant un service public de la santé qui est aujourd’hui à plusieurs vitesses, vous le savez.
Le « en même temps » n’aura donc rien réglé, mais il aura beaucoup abîmé.
Les idées d’abord : tout désormais est interchangeable, et on peut passer d’une conviction à l’autre.
Les fidélités, ensuite, à force de débauchages et de trahisons.
Je n’ai nullement la prétention de détenir la vérité, mais je crois que cette période marquée par l’abstention – vous l’avez souligné – doit nous inciter à la modestie et à l’humilité.
J’ai la faiblesse de penser que l’honneur de la politique, c’est la force des convictions, et que, à l’inverse, son déshonneur est le reniement de ses engagements et la trahison de ses convictions. Pour notre part, nous ne renierons pas et nous ne trahirons pas !
Ici, certains collègues ont des convictions très différentes des miennes, mais ils ont des convictions, et je les respecte profondément pour cela.
Ce que nous attendons de la méthode de travail que vous appelez nouvelle, c’est de parler clair. Je vous en fais solennellement la confidence devant mes collègues, que je prends à témoin : nous ne sommes pas macronistes, nos électeurs ne le sont pas et nous ne le deviendrons pas.
M. Pierre Laurent. Vous voterez tout, quand même !
M. Bruno Retailleau. Mais nous sommes patriotes, nous aimons la France et nous voulons la réussite de notre pays.
Cela signifie que notre ligne, claire et exigeante, sera l’intérêt supérieur du pays. Nous pratiquerons une opposition, oui, mais une opposition d’intérêt général, comme, du reste, nous en avons l’habitude.
Nous sommes des précurseurs – vous l’avez d’ailleurs souligné – : nous avons toujours amendé, proposé, mais bien souvent, nos propositions ont été accueillies par un silence, voire une indifférence parfois méprisante, qu’il s’agisse de la déconjugalisation de l’AAH, que vous avez évoquée, de la laïcité ou de tant d’autres sujets. Nous vous présenterons de nouveau ces propositions.
Parler clair, c’est aussi aller à l’essentiel : la France, qui doit être gouvernée, et les Français, qui doivent être écoutés.
La France est suradministrée jusqu’à l’Absurdistan. Simplifiez, débureaucratisez : c’est la clé de tout et ça ne vous coûtera rien. Mieux, ce sera pour les Français une planche d’appel pour relever tous les défis que vous avez pointés à cette tribune.
Si la France est de moins en moins gouvernée, c’est tout simplement parce que la politique de communication s’est substituée à la politique tout court. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) La diplomatie elle-même, cher Christian Cambon, se voit réduite à une affaire de propagande politique.
Nous voulons une France gouvernée et des Français réellement écoutés.
Écouter les Français suppose de revenir aux sources. Ce n’est pas inventer des machins et des bidules plus ou moins participatifs, qui, bien souvent, ne sont que des sessions de rattrapage pour des recalés du suffrage universel ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Revenir aux sources, c’est revenir à l’article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Nul n’est besoin d’un Conseil national de la refondation ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
La France a des institutions pour réformer ! Elle a un Parlement que vous devrez respecter en faisant moins d’ordonnances et en les ratifiant ! Aujourd’hui, 80 % des ordonnances ne sont plus ratifiées, c’est une entorse constitutionnelle !
La France a aussi un peuple qui veut être écouté et que vous devrez consulter beaucoup plus par la voie de la démocratie directe sur les grands sujets.
Vous avez évoqué l’immigration : élargissez le champ de l’article 11 de la Constitution, nous vous suivrons ! Il n’est pas normal que les Français aient toujours été tenus à l’écart sur une question aussi importante. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Madame la Première ministre, le général de Gaulle avait l’habitude de dire que la politique est une action au service d’un idéal. La majorité de projets que vous nous proposez ne fait pas un idéal. J’estime que, si la confiance est à un niveau aussi bas, c’est parce que la politique se refuse à viser haut, toujours plus haut.
Si vous me le permettez, madame la Première ministre, je m’adresserai pour conclure à Élisabeth Borne.
Certains estiment que votre profil est trop technocratique et pas assez politique. Je vous le dis solennellement : la politique est affaire, non pas de profil, mais de courage.
Ce que nous attendons de vous, ce que les Français attendent de vous, c’est le courage de relever la France. C’est un courage qui consiste à dire aux Français : « Croyez en vous-mêmes ! Croyez dans la France ! Ayez la fierté d’être Français, parce que la France, c’est un combat toujours recommencé contre la fatalité ! » (Marques d’impatience sur les travées du groupe SER.)
Madame la Première ministre, chaque fois que vous porterez l’intérêt supérieur du pays, nous serons là, aux côtés de la République, aux côtés de la France ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe Les Républicains se lèvent et applaudissent longuement.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, madame la Première ministre, j’ai cherché un mot qui pourrait décrire la situation politique dans laquelle vous vous trouvez. Il est toujours compliqué de résumer l’état d’un pays, l’équilibre institutionnel ou le rapport de force au Parlement par une simple phrase, a fortiori un seul mot.
Celui qui caractérise la situation de votre gouvernement m’est pourtant venu assez naturellement : c’est le mot absence.
Absence, d’abord, d’un projet clair pour la France, que l’on a constatée lors des deux campagnes qui se sont succédé. La seule clarté dont vous avez fait preuve concernait des propositions de régression sociale : le conditionnement du revenu de solidarité active (RSA) et la retraite à 65 ans.
Votre absence, ensuite, de colonne vertébrale républicaine ne vous a pas permis de tracer une ligne ferme face à l’extrême droite. La main ne doit jamais trembler devant le risque d’affaiblissement des valeurs de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
Cette absence de lucidité n’est que le résultat de cette médiatique, mais funeste illusion – le président Retailleau l’a souligné – du « en même temps », qui a délité le front républicain au profit d’un front anti-Macron.
Ces différents éléments, entre autres, vous ont contrainte à une absence de majorité absolue pour gouverner.
Que dire, enfin, de l’absence de considération à l’égard de la Haute Assemblée, dont manifestement aucun des membres actifs n’a trouvé grâce aux yeux de Jupiter pour intégrer le Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Jérôme Bascher applaudit également.)
M. Xavier Iacovelli. Si, Lecornu !
M. Patrick Kanner. J’ai dit « actif »…
J’arrête là ma démonstration pour approfondir certains points que je viens d’évoquer.
Cette séquence électorale laisse notre démocratie exsangue, tant l’abstention massive est devenue un fait politique structurant qu’il convient de combattre par tous les moyens. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation qui est porteuse d’un danger majeur pour notre République. Cette crise de la participation n’est pas récente, mais force est de constater qu’elle s’est aggravée durant les cinq dernières années.
Après avoir théorisé et mis en œuvre la fin du clivage gauche-droite, après avoir maltraité, marginalisé les corps intermédiaires et les contre-pouvoirs, vous provoquez au bout de ce chemin une déstructuration du champ politique, et l’accession de 89 – je dis bien 89 ! – députés du Rassemblement national au Palais-Bourbon, alors que la réduction de l’influence de ce parti était l’objectif affiché des politiques gouvernementales en 2017.
Cette situation, si inquiétante soit-elle, peut être le ferment d’un renouveau institutionnel. Pour cela, il faut accepter et assumer la dynamique parlementaire qui s’impose à vous, madame la Première ministre. Il faut accepter et assumer que les oppositions soient reconnues et respectées dans leur capacité à apporter des réponses aux défis de la France.
Je regrette d’ailleurs que vous ayez refusé de vous soumettre au vote de confiance de l’Assemblée nationale. Une motion de défiance déposée par la gauche y suppléera en partie, mais c’est déjà l’aveu d’un premier échec.
Deux semaines d’échanges avec les partis politiques et les groupes parlementaires n’ont pas suffi à vous assurer une majorité. Cela doit vous amener à changer de méthode : vous devez comprendre que la situation rend indispensable le respect mutuel et ne permet en aucun cas les ultimatums.
Certes, la Constitution vous offre beaucoup d’outils pour tenter d’appliquer, même en force, une partie du projet du président Macron. Mais si vous tombiez dans ce travers, les répliques sociales seraient incontrôlables.
Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sont dans l’opposition au Gouvernement, vous ne le découvrez pas aujourd’hui. Mais nous voulons avant tout, non pas le blocage, mais le redressement de la France. Avec exigence, nous cherchons l’apaisement, et non la crise.
Pour entamer ce travail, nous examinerons bientôt un projet de loi sur le pouvoir d’achat des Français. L’inflation devrait continuer d’accélérer, pour atteindre 6,8 % sur un an en septembre, puis rester sur ce rythme durant les derniers mois de l’année. Cette flambée pèsera sur l’économie, dont la croissance peinera à atteindre 2,5 % en 2022.
Et on ne revaloriserait pas le SMIC, les pensions de retraite, les minima sociaux, le point d’indice à la hauteur de la souffrance de millions de familles qui, de plus en plus nombreuses, tombent dans le crédit revolving simplement pour boucler leurs fins de mois ?
Vos premières propositions ne compensent même pas l’inflation pour les catégories concernées, et M. le ministre de l’économie et des finances bloque toute ambition en déclarant que nous avons atteint la cote d’alerte en matière de finances publiques.
Notre ambition est claire : SMIC à 1 500 euros et lancement d’une grande conférence salariale dès septembre pour préserver le pouvoir d’achat des classes populaires et des classes moyennes.
Madame la Première ministre, les premiers de corvée veulent s’asseoir à la table du pouvoir de vivre dignement. La multiplication des chèques ne fera que des miettes ; or ce ne sont pas les miettes qui font le pain, mais c’est le pain qui fait les miettes. Je vous invite à pétrir les moyens pour financer cette ambition, en renonçant à une politique de rustine.
Parmi ces moyens, je citerai la contribution exceptionnelle des grands groupes au financement des politiques publiques, dès lors qu’ils réalisent de superprofits dans le cadre d’une crise ou de toute autre conjoncture qui justifierait le déclenchement d’un tel dispositif. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Je citerai également l’impôt sur la fortune (ISF) climatique, ou encore l’annulation de la baisse des impôts de production décidée lors du dernier quinquennat. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)
Retrouvons les fondamentaux de notre État providence, devenu depuis trop longtemps État pénitence.
Il faut changer votre logiciel, et considérer que l’impôt est non pas une charge, mais le vecteur de la redistribution et la garantie du pacte social tel que le définit l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui nous rappelle un principe simple : l’impôt « doit être également réparti entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».
Nos services publics – pardonnez ma trivialité – « craquent » de toutes parts. Oui, il faut faire plus d’efforts pour la police, pour la justice, pour l’éducation et pour la santé.
Comment peut-on justifier les 3 000 postes d’enseignants non pourvus à la rentrée ? Comment peut-on justifier que des services d’urgences soient en pleine implosion dans les hôpitaux, alors que la pandémie repart de manière inquiétante ?
Ces efforts passeront par une fiscalité plus juste.
Voilà pourquoi le lien entre les Français leurs services publics doit être retissé par l’investissement, en priorité dans les quartiers populaires. Nous avons enfin un ministre chargé de la ville et du logement, qui – je le souhaite – corrigera le bilan indigent du précédent quinquennat.
Les zones rurales sont encore plus affectées par ce sentiment d’abandon. Nos citoyens vivant dans ces territoires sont excédés à juste titre par les inégalités de traitement qui aboutissent à la multiplication des déserts médicaux et numériques ainsi qu’aux difficultés de mobilité et d’accès aux services.
Les fractures se creusent – vous l’avez dit, madame la Première ministre – et se traduisent par une colère démocratique. Mais il n’y a pas de fatalité : l’État peut et doit y remédier.
La cote d’alerte est bien atteinte pour nos services publics. Pour résoudre ce problème, c’est non pas dans la poche des collectivités qu’il faut aller chercher les moyens du redressement, mais dans celle du CAC 40, qui a versé l’an dernier plus de 80 milliards d’euros de dividendes, ou encore dans celles des évadés fiscaux, qui en ont fait perdre tout autant au budget de l’État. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Le programme que vous souhaitez appliquer aux collectivités territoriales est d’ailleurs symptomatique de votre dogmatisme sur le sujet.
Les collectivités ont déjà fait beaucoup d’efforts pour contribuer au redressement des comptes publics. On leur a déjà beaucoup demandé, peut-être trop, je le concède.
Aussi, envisager une suppression de la CVAE revient à empêcher une nouvelle fois les collectivités d’avoir les moyens de leurs ambitions. Opérer des coupes sombres par petites touches ne correspond pas à ce que nous devons faire pour les collectivités, qui ont toujours su, lors des crises, compenser les carences de l’État et continuer à supporter de nouveaux transferts de compétences. C’est aussi cela, madame la Première ministre, l’indivisibilité de la République, qu’aucune différenciation ne doit menacer ! (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)
Profitons de la reparlementarisation de la vie politique pour porter ensemble, aux côtés des élus locaux, une remise à plat des ressources des collectivités, ainsi qu’une refonte de leur autonomie fiscale et financière, lourdement impactée par la pratique des dotations.
Je le répète : il est nécessaire d’examiner une loi de finances spécifique aux collectivités locales, qui représentent plus de 20 % de la dépense publique. Dépourvues de moyens dynamiques, les collectivités territoriales sont dans l’incapacité d’être à la hauteur des défis que nous avons soulevés…
Mme Pascale Gruny. C’est sûr !
M. Patrick Kanner. … concernant le soutien au pouvoir d’achat des Français, la lutte contre le chômage, la contribution à la réforme de la dépendance dont la grande loi tant promise et si nécessaire se fait toujours attendre, ou encore la planification écologique et énergétique.
Je souhaite d’ailleurs revenir sur ce dernier point.
Votre manque d’ambition dans le domaine de la politique environnementale s’est traduit encore il y a deux jours par la rétrogradation symbolique de la cinquième à la dixième place du ministre de l’environnement dans l’ordre protocolaire.
Pourtant, nous n’avons plus le temps de tergiverser sur la question environnementale. En ce domaine, il n’y a pas d’alternative pour les générations futures. Les canicules ou les orages dantesques à répétition ne nous laissent pas le choix ; les glaciers qui s’effondrent ne nous laissent pas le choix ; les rapports du GIEC ne nous laissent pas le choix, sinon celui de mener un effort politique immense, dès aujourd’hui. Pourtant, vous avez choisi de faire reculer cela dans l’ordre de vos priorités.
Il s’agit d’un nouveau recul après cinq ans de renoncements, caractérisés entre autres par le maintien de l’autorisation du glyphosate, le soutien aux énergies fossiles, le non-respect des accords de Paris ou encore le refus d’accepter la mise en œuvre d’une véritable écoconditionnalité des aides dans les plans de relance successifs, que nous avions pourtant proposée.
Madame, nous voulons non pas juste de l’écologie, mais une écologie juste ! La nationalisation d’EDF, dont 84 % du capital appartient déjà à l’État, relève plus de l’évolution que de la révolution. (M. Guy Benarroche applaudit.)
Dans la même veine, la composition de votre gouvernement contient une mauvaise surprise pour nos concitoyens ultramarins. La rétrogradation du ministère des outre-mer en ministère délégué auprès du ministre de l’intérieur est une erreur. Ces territoires ont besoin non d’une orientation martiale des politiques de l’État, mais d’une feuille de route sur l’amélioration du pouvoir d’achat, le développement économique, le renforcement des services publics ou encore la résilience écologique. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)
Les outre-mer veulent non plus entendre parler de promesses républicaines, mais constater in concreto l’équité républicaine.
La nomination de votre gouvernement est également une mauvaise nouvelle pour la parité. Le tour de passe-passe entre ministres et secrétaires d’État n’a eu qu’un seul effet bien visible : amoindrir, pour la première fois depuis dix ans, le nombre de femmes ministres de plein exercice.
Mes reproches sont nombreux. Nos différences sont profondes, comme vous pouvez le constater. Pour autant, comme je vous l’ai dit, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sauront proposer une opposition constructive. Le contexte ne permet pas d’autre solution.
Oui, la nouvelle donne politique vous pousse au compromis : les Français, qui ne vous ont pas octroyé une majorité absolue, vous l’ont demandé.
J’ai donc quelques questions à vous poser. Oui ou non, allez-vous revenir sur votre réforme inique de l’assurance chômage ?
Oui ou non, acceptez-vous d’abandonner votre projet mortifère de recul de l’âge légal de la retraite à 65 ans ? (« Oui ! » sur certaines travées à gauche de l’hémicycle. – « Non ! » sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Oui ou non, maintenez-vous la suppression pure et simple de la redevance audiovisuelle et de ses 3 milliards d’euros de recettes ?
Oui ou non, acceptez-vous de mettre en place un ISF climatique ? (Mêmes mouvements.)
Oui ou non, acceptez-vous d’ouvrir les minima sociaux dès 18 ans ? (Mêmes mouvements.)
Oui ou non, acceptez-vous de taxer les superprofits et d’appeler à la solidarité les foyers fiscaux les plus aisés, qui ont tant bénéficié du bouclier fiscal du précédent quinquennat ? (Mêmes mouvements.)
M. Didier Rambaud. Ni oui ni non ! (Sourires.)
M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, vous avez été l’actrice active d’un gouvernement, dont vous assumez l’insuffisance du bilan dans votre discours. Dont acte. Nous vous donnons acte de votre projet politique. Ce n’est pas le nôtre. Les Français en seront les témoins, et finalement les juges.
Face à votre République de l’égalité des chances au caractère si formel, nous défendrons toujours les actes pour une égalité réelle. Comptez sur le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain pour vous le rappeler en permanence. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, madame la Première ministre, j’ai été ému en entendant vos propos sur le Sénat. (Sourires.) Il faut dire que nous faisons partie d’une communauté martyrisée, et que nous n’avons pas souvent eu l’occasion d’entendre des ministres, encore moins des Premiers ministres, parler de nous avec autant de tendresse. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que des travées du groupe SER.)
J’avais même l’impression d’être dans un monde parallèle, un métavers ! (Rires.)
Madame la Première ministre, je suis sûr que vous apprécierez le Sénat. Après quelques passages à l’Assemblée nationale, tel Ulysse chahuté par la tempête, vous trouverez les rivages de la Haute Assemblée particulièrement paisibles. (Sourires.)
Madame la Première ministre, beaucoup vous connaissent ici comme une interlocutrice attentive, et je forme le vœu que Matignon n’entame en rien vos qualités d’écoute et de dialogue.
De l’écoute, il en faudra. Les électeurs ont opté pour un grand chamboule-tout institutionnel, en ressuscitant la République parlementariste de 1958 dans la République présidentialiste de 1962 consolidée en 2002. Ils ont imposé un indispensable dialogue entre les forces politiques, en replaçant le Parlement au centre du jeu.
La disruption, à la mode en 2017, est synonyme de catastrophe cinq ans plus tard. Beaucoup crient à la faillite des institutions, en invoquant parfois le spectre de l’immobilisme, du blocage et de la paralysie. Que se passe-t-il de si grave pour que certains s’en inquiètent ?
Oui, la majorité présidentielle n’a plus la majorité absolue, et ne détient que 44 % des sièges de l’Assemblée nationale. J’observe pour autant que le SPD du chancelier Olaf Scholz n’en possède que 28 % au Bundestag, et que le PSOE de Pedro Sánchez n’en contrôle que 34 % aux Cortes.
Madame la Première ministre, pourquoi serions-nous les seuls à ne pas savoir rechercher des compromis et des accords ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Si elle peut surprendre, cette situation est au fond normale en démocratie représentative. Sans doute allons-nous découvrir que le parlementarisme peut très bien fonctionner, et même être vertueux, car il nous forcera à légiférer moins pour légiférer mieux, par exemple sans passer par des ordonnances. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Nous y parviendrons à condition de nous désintoxiquer des facilités du fait majoritaire, en cessant de considérer les assemblées comme des chambres d’enregistrement du régime présidentiel. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Les orateurs précédents l’ont indiqué : il ne faudra ni contourner ni dévaloriser ces mêmes assemblées en multipliant des comités Théodule. Les députés et les sénateurs ont la légitimité du suffrage universel, tandis que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et chaque conseil économique, social et environnemental régional représentent, selon la Constitution, les forces vives du pays.
Mme Valérie Létard. Tout à fait !
M. Hervé Marseille. La Constitution nous offre toutes les institutions nécessaires pour débattre ; nous n’avons pas besoin d’improbables conventions citoyennes, aussitôt constituées, aussitôt congédiées, sources de confusion. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Un Parlement fort n’a pas besoin d’ersatz. Oui à la convention transpartisane pour les institutions, non au Conseil de la refondation ! (Mêmes mouvements.)
Je parie que, vivant et créatif, le Parlement représentera le meilleur vecteur pour « réintéresser » les Français à la vie politique. J’en forme du moins le vœu, car je n’oublie pas que plus d’un inscrit sur deux n’est pas allé voter et que, si la représentation issue des élections est certes bien plus conforme à celle du corps électoral, elle n’est pas encore totalement proportionnelle.
Pour que le parlementarisme fonctionne de nouveau, l’exécutif doit apprendre à être plus constructif – ce à quoi s’emploie le Sénat depuis bien longtemps. Madame la Première ministre, bienvenue dans notre monde ! (Sourires sur les travées du groupe UC.)
Cet esprit constructif que vous revendiquez, nous l’avons toujours pratiqué, même si certains prétendent ne jamais s’en être rendu compte. Notre assemblée a dû régulièrement défendre son existence, mais depuis que vous avez parlé, nous avons retiré les sacs de sable de nos fenêtres ! (Rires.)
Qui avait le culot de faire des propositions et de contrôler l’action de l’exécutif ? Qui était tellement intolérant que les deux tiers des projets de loi ont été adoptés avec notre soutien ? Qui était tellement intransigeant que nous avons voté toutes les lois d’urgence sanitaire ?
La recette est simple : organiser la concertation très en amont, proposer, concéder et écouter le terrain.
Au fond, nous n’avons pas le choix. Nos concitoyens ne supportent plus la verticalité jupitérienne, mais ils ne toléreront pas non plus l’inaction. Et ils auront raison : compte tenu de la situation du pays, l’immobilisme est un luxe que nous ne pouvons pas nous payer.
Les campagnes présidentielle et législative n’ont pas permis de faire émerger un véritable projet, et nous découvrons aujourd’hui les intentions de votre gouvernement. Voici quelques considérations auxquelles le groupe Union Centriste est attaché.
La situation sociale est explosive. Elle a été contenue par un « quoi qu’il en coûte » parmi les plus généreux de la planète, mais l’inflation, et surtout l’augmentation des prix de l’énergie, peut remettre le feu aux poudres.
La répartition des richesses est choquante. Nos concitoyens ne supportent plus ni les inégalités ni l’indécence de certains privilégiés. Nous proposerons de taxer les superprofits engendrés par la crise pétrolière. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
Nos services publics, notamment nos écoles et nos hôpitaux, sont dégradés après des années pendant lesquelles on a cru qu’un bon budget était un budget aux moyens augmentés.
Pour faire très simple, nous n’avons pas de divergence notable sur les sujets de politique étrangère, l’ambition européenne, la défense nationale ou l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Nous prenons acte de votre volonté d’agir encore et toujours plus contre la violence qui affleure partout dans la société.
S’agissant de la désertification médicale, la traiter par la seule prévention ne suffira pas. Des réformes de structure s’imposent, comme celles qui sont proposées dans les conclusions du rapport d’information de M. Maurey, pour réguler l’installation des médecins, comme cela se pratique depuis longtemps en Allemagne. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Eh oui !
M. Hervé Marseille. L’un des rares sujets ayant émergé des campagnes est celui des retraites. Nous approuvons la nécessité d’une réforme. Vous avez habilement évité de citer un âge de départ à la retraite, tout en mentionnant la nécessité de travailler plus. Pour nous, le paramètre juste est celui de la durée de cotisation. Dans un régime assurantiel, c’est bien lui qui détermine le niveau des droits.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Hervé Marseille. C’est dans cette direction que nous vous proposerons d’aller.
Cette réforme est susceptible d’intervenir alors que la situation budgétaire du pays est extrêmement préoccupante. Nos moyens d’action sont amputés, car il n’est pas envisageable d’augmenter les prélèvements.
Il faut donc agir sur les dépenses. Nous devons bien sûr soutenir le pouvoir d’achat, à condition de n’aider que ceux qui en ont impérativement besoin, et de commencer à faire les économies correspondantes. L’illusion de l’argent magique ne doit pas perdurer, notamment au détriment des collectivités locales, qui ne doivent plus servir de variable d’ajustement.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Hervé Marseille. Par exemple, l’annonce de la suppression de la redevance télévisuelle ne peut pas s’accompagner d’une ponction sur les dotations des collectivités territoriales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Puisque nous cherchons à faire des économies, acceptons d’être moins pointilleux sur les normes qui contraignent souvent nos collectivités.
Enfin, nous partageons votre regard sur l’état de la planète, le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité et les pollutions en tout genre. Comme vous, nous considérons que la décroissance n’est plus une option, car elle est socialement et humainement impraticable, en France comme ailleurs.
Nous croyons que la puissance de l’innovation nous permettra de sortir par le haut des contradictions de notre modèle, ce qui, comme vous l’avez précisé, ne pourra pas se faire sans le nucléaire – la crise ukrainienne l’a encore cruellement rappelé. Nous ne pouvons que nous réjouir de vos engagements, mais nous ne sommes pas pour autant sortis de l’ambiguïté. Six projets fermes d’EPR, c’est peu, et il faudra aller plus loin.
Par ailleurs, la part du nucléaire est toujours limitée à 50 % du mix électrique. Enfin, il faudra sûrement prolonger le plus possible la durée de vie des réacteurs actuels, comme aux États-Unis, sous peine d’être contraints de recourir au gaz ou au charbon – la réouverture de Saint-Avold en témoigne –, et donc de faillir à nos obligations de réduction des émissions de carbone.
Dans le même esprit de responsabilité et de réalisme, il est certes nécessaire de limiter l’artificialisation des terres, mais nous nous opposons totalement à une approche dogmatique qui fige les territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Hervé Marseille. Les décrets d’application de la loi Climat et résilience sont inapplicables et inacceptables pour beaucoup d’élus. Il est par exemple absurde que les grands travaux d’intérêt national cannibalisent le potentiel d’artificialisation de toute une région. Ils devraient plutôt être versés dans une enveloppe nationale, pour qu’une péréquation puisse s’opérer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe UC.)
En un mot, nous devons retravailler d’urgence avec les collectivités non pas l’objectif de la « zéro artificialisation nette » (ZAN), mais les moyens d’y parvenir.
Madame la Première ministre, je ne donnais là que quelques exemples les plus en vue des dossiers qui nous attendent, pour illustrer l’état d’esprit qui nous animera.
Vous aviez dit avoir une boussole, celle de bâtir pour le pays. Certains, plus érudits que moi, ont convoqué le général de Gaulle, d’autres l’esprit boulanger, avec les miettes et le pain. (Rires.)
Permettez-moi de terminer en citant un auteur que nous aimons particulièrement au Sénat, M. le président Larcher : (Rires.) : « Nous ne disons jamais “oui” par discipline ou “non” par dogmatisme. » Vous avez bien compris que nous souhaitons travailler dans l’intérêt du pays. Chaque fois que vous le voudrez bien, nous travaillerons dans cet état d’esprit. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées des groupes UC, RDSE, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Patriat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes sensibles, madame la Première ministre, au message que vous avez envoyé au Sénat. Même s’il n’est pas toujours facile d’y affirmer son soutien au Gouvernement,…
M. Claude Raynal. Oh ! Pauvre chouchou ! (Sourires.)
Mme Laurence Rossignol. Calimero ! (Mêmes mouvements.)
M. François Patriat. … je vais m’y atteler modestement.
L’heure est à la gravité et à la responsabilité, mais elle est aussi à l’ambition. C’est dans un contexte inédit que s’inscrit votre présentation de la démarche du Gouvernement.
Une guerre en Europe qui continue à faire rage, une pénurie de matières premières, une inflation continue, une hausse des prix de l’énergie, une insécurité alimentaire, les effets croissants du dérèglement climatique, sans parler de la pandémie : cette situation appelle de notre part lucidité et courage politique.
Le vote aux dernières élections législatives reflète de vraies inquiétudes et révèle de profondes fractures, comme certains d’entre vous l’ont évoqué.
En n’accordant la majorité absolue à aucune force politique, les Françaises et les Français ont souhaité renforcer le poids du Parlement dans l’élaboration des réformes et la décision politique.
Malgré tout, seule la majorité présidentielle est en mesure de gouverner le pays : à ce jour, il n’y a pas d’autre possibilité.
Le Gouvernement a reçu le message lui signifiant qu’il devait élargir le dialogue. Les oppositions nationales ne l’ayant pas souhaité, il n’y aura pas d’accord de gouvernement ni de coalition.
C’est donc texte par texte que nous devrons construire des compromis exigeants.
Mes chers collègues, plusieurs choix s’offrent à nous : l’action ou l’immobilisme ; le dépassement ou les postures délétères ; la volonté ou la fatalité ; le courage ou la facilité.
Le pire serait l’affrontement ou le refus du dialogue. Privilégier les postures partisanes conduirait notre pays à la stagnation ou, pis, au recul. Les Français ne nous le pardonneraient pas.
C’est donc en responsabilité que le groupe RDPI fait le choix de l’action déterminée à vos côtés. En un mot, nous voulons construire ensemble, comme vous le proposez, madame la Première ministre.
Mes chers collègues, je suis convaincu que l’ensemble de nos groupes ont vocation à agir dans ce sens. Nous avons su, lors des dernières sessions parlementaires, trouver des compromis sur les textes essentiels, comme en témoigne le nombre de commissions mixtes paritaires conclusives au cours du dernier quinquennat.
À court terme, l’art du compromis fera mentir tous ceux qui pensent que la France n’est pas réformable, et que les politiques sont vouées à l’impuissance.
À long terme, pouvons-nous espérer réconcilier les Français avec leurs élus ? Mes chers collègues, madame la Première ministre, il nous faut gagner la bataille contre cet ennemi mortel du progrès qu’est la résignation.
Il nous appartient de ramener à l’espérance ces jeunes, ces femmes et ces hommes de tous horizons politiques, qui ont préféré s’abstenir ou, pis, se tourner vers les extrêmes populistes.
Contre cet abandon du terrain aux mauvais vents, nous devons nous efforcer de faire partager notre goût de l’action au service de l’État, ce dernier ne pouvant réellement protéger que s’il devient un État investisseur, catalyseur d’énergies, accompagnateur d’initiatives.
C’est à ce point d’équilibre, entre la liberté sans laquelle on s’éteint et la protection sans laquelle on devient victime, que se trouve notre idéal de progrès.
Nous sommes là pour participer à l’application du projet proposé par le chef de l’État, que souhaitent les Français. Il s’agit d’un projet cohérent, crédible et financé. Nous devrons donc travailler ensemble en matière d’urgence écologique, de plein emploi, de santé et de sécurité.
Je ne doute pas que nous saurons discerner les priorités et les resserrer dans des textes moins bavards. Tout le monde le dit : nous légiférons souvent trop. Essayons de résoudre ce problème, en ayant pour seul objectif de défendre l’intérêt général, de participer au redressement du pays, de choisir la voie du progrès.
Madame la Première ministre, parmi vos priorités, j’ai retenu votre volonté de protéger les Françaises et les Français et de construire l’avenir.
Le travail de fond mené depuis 2017 a permis d’obtenir des résultats positifs : un taux de chômage au plus bas depuis plusieurs dizaines d’années ; un taux de croissance qui résiste ; une économie toujours plus attractive ; une inflation annuelle la plus faible de la zone euro. Saluons également les chiffres de l’apprentissage et la réussite du programme « 1 jeune, 1 solution », qui vous revient !
Désormais, l’urgence est à la lutte contre les effets de la hausse des prix et à l’équilibre de nos comptes publics. C’est par le travail, la croissance et l’emploi que nous réduirons notre déficit, et non seulement par l’orthodoxie budgétaire, qui est certes nécessaire, mais qui ne vise pas à décourager les Français par l’impôt et par les charges.
Je rappelle que l’objectif du Gouvernement est de créer du progrès social sans augmenter les impôts et en maîtrisant la dette. Cet objectif doit nous réunir. Les mesures emblématiques du texte « pouvoir d’achat » sur lequel nous serons amenés à débattre vont y participer.
Beaucoup de Français, et notamment les plus jeunes, se sont emparés de l’urgence climatique. À vous écouter, le Gouvernement a entendu ce message.
Des actions dont l’efficacité n’a pas été suffisamment soulignée ont déjà été prises : MaPrimRenov’, la reconversion des véhicules, la lutte contre l’artificialisation des sols, la production décarbonée, la fin de l’exploitation des hydrocarbures, la lutte contre les emballages en plastique. Nous devons poursuivre ces efforts. Des leviers d’adaptation justes doivent être rapidement mis en place.
À ce titre, saluons les accords européens sur le « paquet climat » et la réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, adoptés sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne.
Ce que nous voulons, c’est une écologie positive, une écologie du quotidien, inventive et réactive, pour bâtir un nouveau modèle énergétique et faire de la France le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance à l’égard des énergies fossiles.
Par conséquent, tout ce qui peut renforcer et faciliter la production d’énergies renouvelables va dans le bon sens. L’administration centrale et déconcentrée doit véritablement accompagner le déploiement des énergies renouvelables et accélérer la transition énergétique. Trop de projets sont freinés sur nos territoires à cause de lourdeurs administratives.
Repenser le système de santé constitue aussi une urgence pour les Français. Le Gouvernement s’y emploiera. Madame la Première ministre, vous avez rappelé les efforts engagés à travers le Ségur de la santé. Dans chacun de nos territoires, de nos centres hospitaliers universitaires et de nos hôpitaux locaux, des moyens sans précédent ont été mobilisés pour moderniser l’hôpital.
Nous avons bien sûr déjà travaillé à la lutte contre les déserts médicaux. Le ministre de la santé et de la prévention a ouvert des pistes supplémentaires, et nous continuerons à travailler ensemble pour les suivre. L’hôpital doit être repensé. Le Président a raison de vouloir lancer dès l’automne des débats territoriaux pour une feuille d’action accélérée, au plus près des besoins des territoires.
Enfin, il nous appartient d’assurer la sécurité à nos concitoyens. L’examen prochain du projet de loi d’orientation et de programmation pour le ministère de l’intérieur y contribuera nécessairement.
Par ailleurs, nous serons attentifs à la mise en œuvre des conclusions des états généraux de la justice, remises très prochainement au Président de la République. L’enjeu est crucial. Il s’agit de renforcer l’efficacité de la justice, de la moderniser et de répondre au malaise existant parmi les professionnels, c’est-à-dire, en somme, de consolider le pacte civique entre la Nation et la justice.
Nous approuvons la méthode des « états généraux », faite de larges concertations ouvertes au terrain, intégrant usagers, professionnels et élus autour des parties prenantes, mues par la perspective d’améliorations profondes. Cette méthode répond, madame la Première ministre, à votre proposition de construire ensemble, et nous y souscrivons.
Enfin, madame la Première ministre, je ne peux terminer mon propos sans évoquer le cri d’alerte poussé dans nos territoires ultramarins.
Le choix des extrêmes, amplifié par le taux d’abstention aux dernières élections, est l’expression inédite d’une réelle fracture. Les raisons en sont multiples, mais nous ne devons pas négliger l’influence nocive des fausses informations et des contre-vérités qui ont été assénées. Beaucoup de moyens ont été déployés, mais ces territoires souffrent d’un manque de dialogue, d’un manque de concertation voire d’un manque de différenciation.
Nous devons collectivement repenser la relation entre nos territoires ultramarins et l’Hexagone, pour davantage de confiance, de dialogue et de différenciation, et surtout afin de s’inscrire au plus près des besoins quotidiens de nos compatriotes d’outre-mer.
Pour conclure, madame la Première ministre, votre action visera donc à accompagner notre pays vers une transition réussie, qu’elle soit d’ordre écologique, numérique, générationnel ou encore démocratique, le tout dans un contexte géopolitique inédit et des plus instables à nos frontières européennes.
Pour cette raison, le groupe RDPI vous accorde toute sa confiance, et sera à vos côtés pour rendre possibles ces réformes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la France vit une situation politique inédite.
Pour la première fois dans le cadre du quinquennat, un Président de la République et son gouvernement ne disposent pas du soutien d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Pour la première fois depuis trente ans, un gouvernement s’apprête à agir sans la confiance des parlementaires.
Comment Emmanuel Macron en est-il arrivé là ?
Tout d’abord, les élections en 2017 et en 2022 sont le résultat non pas d’une adhésion à un programme, mais d’une mobilisation contre l’extrême droite. Le chef de l’État nie l’évidence. Le 22 juin, il affirmait même que son élection s’était faite « sur le fondement d’un projet clair, en [lui] donnant une légitimité claire ».
Or l’étape nouvelle de la crise institutionnelle que nous vivons puise sa source dans un hiatus démocratique évident. Emmanuel Macron a vaincu Mme Le Pen grâce à l’électorat de gauche, celui de la droite lui étant déjà acquis dès le premier tour, tandis que des millions d’électeurs faisaient le choix de l’abstention.
À l’évidence, il faut imaginer un nouveau régime parlementaire véritablement ouvert aux citoyens.
En effet, nous en sommes arrivés là, car ce qui est rejeté aujourd’hui, outre un bilan sur lequel je reviendrai, c’est la verticalité d’un pouvoir méprisant et d’une dérive monarchique.
Emmanuel Macron a failli dans l’exercice démocratique du pouvoir, et il a été sanctionné en conséquence. Je le répète, il n’a pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Enfin, une raison fondamentale a conduit à la crise que nous connaissons. Durant ces cinq années, le Président a été perçu comme celui des riches, parce qu’il l’a été. Les chiffres sont là ! Laissez-moi vous donner un seul exemple : en 2021, les salaires des PDG du CAC 40 ont presque doublé.
Dois-je faire le point sur l’explosion des dividendes, ou rappeler que, malgré toutes les belles déclarations gouvernementales, l’évasion fiscale se maintient à hauteur de 80 à 100 milliards d’euros par an, soit près du double du budget annuel de l’éducation nationale ?
Le ruissellement n’a pas eu lieu. Au mieux, les salaires ont stagné, le plus urgent étant pour vous de supprimer l’impôt sur la fortune mobilière. La flat tax et l’exit tax ont pu poursuivre leur belle vie, petits arrangements fiscaux bien au chaud dans le nid douillet de la Macronie.
Le « en même temps » aurait dû entraîner une amélioration de la vie des salariés les plus pauvres. Que nenni ! Nous avons connu la casse du droit du travail par les ordonnances Pénicaud, la baisse des APL, la mise en cause des droits des chômeurs par votre projet, madame la Première ministre, ainsi que l’accélération de la libéralisation du transport ferroviaire, contredisant son essor écologique.
Après la réforme de l’assurance chômage, des millions de chômeurs n’ont pas été indemnisés, puisqu’il faut désormais avoir travaillé au moins six mois, et non plus quatre mois, pour être pris en charge. Il s’agit d’une réforme honteuse : alors que les actionnaires et financiers de tout poil s’engraissaient, vous avez appauvri les chômeurs !
Durant la crise de la covid-19, la Nation tout entière a fait un grand effort pour permettre à notre pays et à son économie de passer l’épreuve.
Nous avons aussi pu constater que les moyens existaient pour agir. La mobilisation financière qui a été possible face à la covid-19 doit être renouvelée pour faire face à l’urgence sociale, éducative et écologique.
Les comptes d’apothicaire ne sont plus de mise. Oui, il est temps d’agir pour redresser notre pays et tracer un avenir.
Votre projet sur le pouvoir d’achat n’est pas à la hauteur des besoins. Il ne permettra pas de relancer la consommation et la mécanique économique. Il ne répondra pas à la détresse de millions de nos compatriotes.
L’inflation galope, soutenue par une spéculation indigne. Il faut d’urgence bloquer les prix des produits de première nécessité et baisser les prix de l’énergie : carburant, électricité et gaz. Les chèques, cela suffit ! 100 euros par-ci, 150 euros par-là peuvent donner l’illusion d’une aide, mais comment imaginer qu’une aumône de 100 euros permettra aux étudiants en difficulté de se loger, de se nourrir, d’acheter du matériel ? Il faut une véritable allocation étudiante de 1 053 euros par mois, comme nous le proposons avec nos amis de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes).
Plus généralement, il faut augmenter les pensions et les salaires. Voilà, madame la Première ministre, la clé d’une amélioration réelle et pérenne de la situation. Le SMIC à 1 500 euros net tout de suite est une nécessité absolue pour des milliers de salariés. C’est le Gouvernement qui peut donner le la en matière salariale, en augmentant le SMIC, ce qui entraînera, par un effet domino, une augmentation générale des salaires.
Qu’est-ce qui bloque, madame la Première ministre ? Le patronat ?
Mme Éliane Assassi. Le CAC 40 ?
Mme Éliane Assassi. La situation politique, le signal fort envoyé par les électeurs exigent que ce soit l’intérêt général qui prime et non l’intérêt de ceux qui détiennent le pouvoir de l’argent. Il faut immédiatement convoquer une conférence nationale sur les salaires. Le capital doit rétribuer dignement le travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Martine Filleul et M. Jean-Luc Fichet applaudissent également.)
Agir pour le peuple, dans l’intérêt du peuple et en écoutant le peuple, ce n’est certainement pas retarder l’âge du départ à la retraite. Là aussi, Emmanuel Macron, s’il persistait, ne respecterait pas la volonté des électeurs. Ces derniers n’ont pas voté pour cette mesure, comme ils ne l’avaient pas fait en 2017. Ils exigent au contraire la retraite à 60 ans. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Agir, cela ne peut consister à mettre au travail les bénéficiaires du revenu de solidarité active. Agir, cela ne peut consister à baisser les impôts, surtout pour les patrons, puisque vous programmez une baisse de 7 milliards des impôts de production, ce qui mettra d’ailleurs à mal les finances des collectivités locales via la suppression de la CVAE. Les collectivités territoriales, tant dans l’Hexagone qu’en outre-mer, sont en première ligne face à la crise sociale. Il faut compenser la hausse du coût de l’énergie qui grève leur budget, ainsi que l’augmentation, pleinement justifiée, mais encore trop faible, des traitements des fonctionnaires territoriaux, faute de quoi le service public en pâtira.
Agir pour le pouvoir d’achat, c’est geler les loyers pour ceux qui ne peuvent plus les payer. Le logement doit redevenir une grande cause nationale ; nous tenons à votre disposition une proposition de loi précise sur ce sujet.
L’accès aux soins doit également être une priorité. Cessez de suivre les recommandations des cabinets de conseil, comme McKinsey et Capgemini ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge ainsi que Mme Christine Bonfanti-Dossat et M. Alain Houpert applaudissent également.) L’épidémie de covid-19 a mis en évidence la crise de notre système de santé, à l’hôpital et dans les Ehpad. Il faut les soustraire à la loi du marché. Alors que la septième vague du virus est là, allez-vous agir, informer, recruter, équiper ? Allez-vous construire et payer dignement, pour casser la désertification médicale ? Allez-vous assurer un remboursement digne, en commençant par appliquer réellement le remboursement à 100 % ?
L’éducation nationale est également en danger. Il manque 3 000 postes pour la rentrée. Un exemple pour décrire la situation : 426 professeurs d’école ont été admis dans l’académie de Versailles alors qu’il y a 1 430 postes à pourvoir !
Un effort financier considérable doit donc être engagé, le développement des services publics, de l’enseignement aux transports, de la police à l’hôpital, en dépend. Cet effort financier sera nécessaire pour mettre en œuvre une nouvelle politique industrielle et agricole fondée sur les relocalisations et le respect de la planète.
En si peu de temps, il n’est pas possible de vous répondre sur tous les points, madame la Première ministre, mais votre logiciel de régression sociale et de casse annoncée des services publics, le peuple n’en veut pas !
Nous n’avons pas d’illusion : la réalité politique pousse votre gouvernement vers la droite des hémicycles et, depuis cinq ans, la majorité sénatoriale a très souvent soutenu les poussées libérales de M. Macron. Votre projet sur les retraites, par exemple, obtiendra à coup sûr son soutien.
Madame la Première ministre, nous vous disons aussi : « Attention à toute tentative d’un jeu mortifère avec le Rassemblement national ! », qui tourne, toujours et encore, le dos à l’idée même de progrès.
Oui, madame la Première ministre, nous serons vigilants, afin que notre peuple soit préservé de la violence libérale et de la haine, et nous porterons en permanence, avec les députés de la Nupes, l’espoir de progrès, de justice sociale et d’une transition énergétique d’une urgence évidente. En somme, nous opposerons à votre logiciel libéral un logiciel de progrès, de transformation pour répondre véritablement aux exigences populaires. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux à mon tour, madame la Première ministre, saluer votre nomination à la tête du Gouvernement et vous adresser, au nom de mes collègues du RDSE et en mon nom propre, nos vœux de pleine réussite. Nous savons que votre tâche s’annonce ardue, mais notre pays et nos concitoyens méritent que vous trouviez la voie du succès.
En effet, c’est un fait incontestable que nous nous situons à un moment charnière de notre histoire collective, dont les causes remontent à plusieurs décennies. Assumant dans toute sa complexité notre histoire – ses épisodes glorieux comme les plus sombres –, nous avons pourtant bien du mal à dessiner un avenir pour un pays en profonde mutation économique et sociale, qui regorge de bien des richesses, mais qui ne sait plus quelle est sa place dans une économie mondialisée, dont les centres de décision semblent lui échapper. Nous constatons, parfois impuissants, que l’innovation se dessine de plus en plus hors d’Europe, que notre industrie recule inexorablement et que notre influence culturelle s’amenuise. Pour tout dire, c’est la définition même de notre souveraineté qui semble mise en balance ; mais quoi de plus normal dans un monde désormais multipolaire ?
Pour notre part, nous ne sommes pas de ceux qui se lamentent d’un déclin irréversible de la France, englués dans les passions tristes d’une nostalgie névrosée. Nous croyons au contraire aux vertus de l’action, du progrès et du génie collectif de notre peuple, comme chaque fois qu’il est confronté à des choix difficiles.
Oui, nous venons de traverser des années difficiles qui ont durement éprouvé les esprits et les corps : série d’attentats terroristes, crise des « gilets jaunes », pandémie de covid-19 et, aujourd’hui, retour de l’inflation. Au cours de toutes ces épreuves, notre société aurait pu basculer dans l’irrationnel et se diviser en fractions irréconciliables. Tel n’a pas été le cas, même si les extrêmes ont su capitaliser sur toutes les peurs pour avancer leurs pions mortifères et pousser leur avantage, au risque de cultiver la violence politique, symbolique, voire physique.
Scrutin après scrutin, l’abstention s’enracine. Chaque fois, nous le déplorons et pensons en avoir compris les causes pour mieux en tirer les leçons, mais, chaque fois, l’abstention progresse, déplaçant les contestations de l’urne à la rue, avec une montée en puissance de la violence.
Or nous devons maintenant y mettre un terme, d’abord en redonnant une véritable portée à l’unité nationale, qui a été trop souvent galvaudée au cours des dernières décennies. Les inégalités économiques et sociales nourrissent une citoyenneté à plusieurs vitesses, qui n’est plus acceptable et qui conduit dans le pire des cas au séparatisme.
Au contraire, notre société a besoin d’apaisement et de dialogue. Nous devons faire sentir à chacun, quel que soit son parcours, qu’il fait pleinement partie de la Nation et que sa voix pèsera. Pour cela, nous considérons qu’il faut encourager le débat sous toutes ses formes, revitaliser les corps intermédiaires et mieux conjuguer démocratie représentative et expression directe. Nous appelons à un véritable sursaut de la conception de la citoyenneté, dans le prolongement des propositions concrètes de notre collègue Henri Cabanel. Il y a urgence à recréer les conditions d’une destinée commune et à redonner aux jeunes l’envie de s’engager pour l’intérêt général.
Néanmoins, tout cela restera vain si l’éducation nationale n’est pas érigée au rang de priorité absolue, au moment où le rationalisme est remis en cause dans de nombreux cénacles, où l’universalisme ne va plus de soi, où la laïcité à l’école est violemment contestée, mais aussi où nous reculons dans les classements internationaux. Au pays de Voltaire et de Pasteur et alors que nous nous honorons d’une nouvelle médaille Fields, le travail à accomplir reste considérable pour que les jeunes soient demain des citoyens éclairés.
À cette crise de la démocratie s’ajoute une crise économique et sociale, dont les « gilets jaunes » n’ont été que la face la plus exacerbée. Par-delà les excès se sont exprimées des préoccupations légitimes, celles d’une partie de la population qui se sent aujourd’hui à l’écart de la mondialisation heureuse, oubliée de l’État avec des services publics de moins en moins présents, évincée de la croissance avec une désindustrialisation massive et peu d’espoir de mobilité sociale, victime de la fracture numérique à l’heure de la dématérialisation de masse, même si les choses s’améliorent de ce point de vue.
Je pense aussi à nos concitoyens de la ruralité, qui n’ont évidemment pas les mêmes facilités d’accès que les populations urbaines aux mobilités dites « douces » et écologiques. Cela ne signifie pas qu’ils soient rétifs à l’écologie, mais, trop souvent, ils ont le sentiment d’être pris de haut à propos de leur mode de vie. La transition écologique ne fonctionnera pas si elle se fait contre nos concitoyens, dans une logique purement punitive.
Nous nous réjouissons évidemment et attendons beaucoup de la nomination de la radicale Dominique Faure au secrétariat d’État à la ruralité, où elle succède à l’excellent Joël Giraud. La ruralité est non pas une charge, mais une chance pour la France !
La question du pouvoir d’achat doit évidemment être au cœur des priorités du Gouvernement. L’explosion du coût des matières premières affecte d’abord les plus fragiles dans leurs consommations de première nécessité. La hausse des prix de l’énergie frappe durablement notre modèle économique et pénalise nos collectivités territoriales. Des solutions pérennes doivent être trouvées, conciliant impératif écologique et soutenabilité financière.
Madame la Première ministre, toutes les démocraties libérales sont aujourd’hui confrontées à cette crise protéiforme, qui remet en cause des acquis parfois séculaires. L’absence de majorité claire ne signifie pas pour autant immobilisme et blocage. Nous avons le sens de la responsabilité : le groupe du RDSE, dans toute sa diversité, est disposé à travailler à vos côtés, sans esprit partisan ni idéologie, mais toujours en faveur de l’intérêt général de nos concitoyens et de nos collectivités. Nous saluons d’ailleurs l’annonce, dans votre discours de politique générale, de la déconjugalisation de l’AAH, que nous avions soutenue, et de la renationalisation d’EDF.
C’est dans cet esprit constructif, ouvert, progressiste et attaché à l’ordre républicain que nous avons travaillé à nos propositions de loi, celles d’Henri Cabanel sur la citoyenneté, de Nathalie Delattre sur la protection pénale des élus, d’Éric Gold sur l’avenir du ferroviaire, de Jean-Yves Roux sur l’instruction des documents d’urbanisme ou encore celle de Christian Bilhac visant à proposer un contrat solidaire d’utilité républicaine. Nous aurons d’autres propositions à vous soumettre pour nos territoires ; vous connaissez notre attachement à la décentralisation.
Vous le savez, guidés par la défense de l’intérêt général, nous restons viscéralement attachés à la liberté de vote au sein de notre groupe, liberté que beaucoup ici nous envient en secret… (Sourires.)
Dans tous les cas, nous nous réjouissons de constater que Sénat trouve aujourd’hui une place particulière dans le jeu institutionnel, sans se départir de ses vertus de modération. Vous trouverez ici, à n’en pas douter, des interlocuteurs exigeants, mais tous empreints du sens de la République, à rebours des excès des populistes de tout bord, encore enfiévrés par des lendemains d’élection qui chantent, mais qui découvriront assez tôt qu’être un parlementaire exige responsabilité et gravité…
À vous, madame la Première ministre, de donner, avec votre gouvernement, des gages de bonne volonté à la Haute Assemblée, le Sénat, plus que jamais chambre des territoires et des collectivités. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis le 19 juin dernier, tout le monde proclame sa victoire avec un art admirable de l’autopersuasion : les uns ont gagné parce qu’ils n’ont pas perdu, les autres ont gagné bien qu’ils aient perdu, d’autres enfin croient avoir gagné parce qu’ils n’ont pas compris qu’ils avaient perdu. (Sourires et quelques applaudissements sur diverses travées.) On connaissait les victoires à la Pyrrhus ; il y a maintenant les défaites gagnantes…
La vérité est beaucoup plus simple et brutale, et je m’étonne que personne n’en ait parlé jusqu’à présent : les deux vrais vainqueurs de ces élections sont le populisme et l’extrémisme.
Mme Françoise Gatel et M. Yves Bouloux. C’est vrai…
M. Claude Malhuret. On en a vu les premiers résultats – un spectacle déplorable – dès cet après-midi à l’Assemblée nationale.
Lorsque, au premier tour de l’élection présidentielle, les extrêmes recueillent 57 % des suffrages, lorsque les uns multiplient le nombre de leurs députés par cinq et les autres par dix, tous les partis démocratiques reçoivent une gifle, tous !
Voilà cinq ans, la France était citée en exemple, elle échappait à la vague de populisme qui frappait les démocraties et qui avait donné Trump, Bolsonaro, le Brexit, Orban et quelques autres. Aujourd’hui, elle est rattrapée par la patrouille.
Elle ne doit son salut provisoire qu’à une particularité historique : alors qu’ailleurs le populisme n’est que d’extrême droite, chez nous, où l’école apprend aux élèves à adorer Camille Desmoulins et à préférer Robespierre à Tocqueville, il est coupé en deux, ce qui l’empêche d’arriver au pouvoir. Pour le moment…
Cela dit, les extrêmes sont moins éloignés l’un de l’autre qu’on ne le pense. Ce qui les rapproche est bien plus fort que ce qui les sépare : la haine de l’Europe et de l’OTAN, l’antiaméricanisme, Assad, Poutine, le dossier de l’Ukraine, celui des retraites, les programmes économiques délirants, le complotisme, le soutien aux « antivax » et aux fake news, la posture tribunitienne, l’obsession du soupçon et de la dénonciation.
Ce qui les sépare ? Leurs histoires respectives et leurs chefs qui se détestent. Leur hybridation, que certains croient impossible, gagne chaque jour du terrain : considérez les transfuges, les militants qui se font des clins d’œil ou encore les reports massifs du deuxième tour des législatives. En outre, il y a chaque jour un peu moins de différence entre la xénophobie des uns et le racialisme des autres, qui hiérarchisent les gens selon leur degré de mélanine. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et UC.) Est-ce qu’il y a quelqu’un ici qui croit que Taha Bouhafs ou Danièle Obono, l’amie de l’antisémite Corbyn, sont antiracistes ?
Aujourd’hui, au-delà des apparences électorales, la France voit s’affronter un pôle européen et républicain et un pôle populiste et nationaliste, le « lepéno-mélenchonisme ». (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP et UC. – M. Martin Lévrier applaudit également.) Ce sont les jumeaux de la ruine. Qui peut affirmer que nous n’assisterons pas demain, comme en Italie, au regroupement des « zadistes » et des fachos, fâchés ou non, au profit de celui qui aura terrassé l’autre ?
Ce qui les sépare également, c’est la stratégie : pour les mélenchonistes, la tenaille entre le chaos à l’Assemblée et le chaos dans la rue ; pour les lepénistes, la respectabilité au service d’un objectif : « Après le chaos, nous ! »
À ma gauche, le général Tapioca du Vieux-Port (Rires sur l’ensemble des travées sauf sur celles du groupe CRCE.), chauffé à blanc par des résultats qu’il surestime, ressort son marxisme architrépassé et son keynésianisme pour cour de récré : « On augmente les dépenses de 250 milliards et, hop ! cela en ramène 267 »… (Mêmes mouvements.) Dans une exaltation qui lui donne plus que jamais l’air de parler depuis le sommet d’une barricade, l’expert en « nigologie », depuis le trotskisme de sa jeunesse jusqu’au soutien inconditionnel à Poutine, a ressorti le programme commun du frigo et l’a imposé au reste de la gauche, avec, en prime, l’entrée de la France dans l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (Applaudissements sur des travées du groupe INDEP. – MM. Michel Canévet et Martin Lévrier applaudissent également.) ; il est un peu l’Yvette Horner de la politique. (Rires sur l’ensemble des travées sauf sur celles du groupe CRCE. – Mme Éliane Assassi s’exclame.) Son blog comporte une liste de 180 thèmes rangés par mots clés ; « démocratie » n’y figure pas… Avec l’effarant appui de pas mal de médias prostrés comme des lapins dans la lumière des phares, il s’est décrété Premier ministre ; le plus cocasse est que certains l’ont cru. Après tout, dans l’Empire romain, on avait bien nommé un cheval consul…
À ma droite, l’héritière du château de Montretout, que cette circonstance n’empêche pas de parler « au nom du peuple », a une stratégie plus intelligente, donc plus dangereuse.
Mme Françoise Gatel. Oui…
M. Claude Malhuret. Oublié, le père Le Pen qui n’a réussi, par ses outrances, qu’à devenir le « maréchal Pétrin » ! (Sourires.) Depuis deux mois, le mot d’ordre est : pas de vagues.
M. Pierre Laurent. Vous avez appelé à voter pour eux !
M. Claude Malhuret. Pas moi, mon cher collègue, pas moi…
C’est bien simple, maintenant, quand elle passe à la télévision, c’est : sourire jusqu’aux oreilles, dents blanches, haleine fraîche et « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ». On croirait voir Lecanuet… (Rires sur l’ensemble des travées sauf sur celles du groupe CRCE.)
Mme Françoise Gatel. Il ne faut pas exagérer…
M. Claude Malhuret. Plus Les Républicains expliquent qu’ils sont dans l’opposition, plus elle sous-entend qu’elle n’exclut pas de faire une fleur au Gouvernement.
M. Pierre Laurent. C’est le Guignol du macronisme !
M. Claude Malhuret. Elle demande maintenant à siéger au centre de l’hémicycle et fait prendre des cours de maintien à ses troupes. Attention à ce contrepied : ce pourrait bien être le baiser qui tue, pour la majorité ou pour la droite républicaine. (Mme Françoise Gatel applaudit.) Cela n’a pas échappé aux Insoumis, qui dénoncent déjà avec des cris d’orfraie une collusion qui n’existe pas.
M. Didier Marie. Qui a voté pour les vice-présidents RN ?
M. Claude Malhuret. Ces deux extrémismes sont dangereux et nous imposent trois responsabilités.
La première est d’éviter de leur courir après, parce que l’une des choses les plus tristes dans ces élections est d’avoir vu des bataillons entiers des républicains de droite et de gauche emboîter le pas aux extrémistes. Quand, dans tant de départements, des responsables de la droite républicaine refusent de suivre l’exemple du président du Sénat et d’appeler comme lui à voter le 19 juin pour les candidats démocrates contre les extrêmes, il y a un problème.
Quand un candidat à une primaire pour l’élection présidentielle annonce qu’il voterait Zemmour contre Macron au deuxième tour, il y a un problème.
Néanmoins, le plus navrant, c’est le naufrage d’une grande partie de la gauche. Après la défaite de 2017, le PS avait vendu son siège ; en 2022, il a vendu son âme. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)
Mme Céline Brulin. Certains ont vendu la leur il y a bien longtemps…
M. Yannick Vaugrenard. Il faut balayer devant votre porte !
M. Claude Malhuret. Adepte du « plus c’est gros, plus ça passe », le mal nommé Olivier Faure ose comparer l’alliance avec La France insoumise au Front populaire, en faisant semblant de ne pas voir l’éléphant dans la pièce : le Front populaire était dirigé par la gauche de gouvernement et non par le projet insensé des Insoumis.
Le plus stupéfiant est que ces nouveaux « pacsés » s’entendent à peu près comme des chats dans un sac. Ils sont totalement opposés sur l’Europe et l’OTAN, sur le nucléaire, sur la loi El Khomri, sur la retraite à 60 ans, sur la VIe République ; bref, ils ne sont d’accord sur rien…
M. Didier Marie. Et vous, vous êtes d’accord sur quoi ?
Mme Céline Brulin. Et à part ça, la politique du Gouvernement, qu’en pensez-vous ?
M. Claude Malhuret. Cazeneuve, Delga, Cambadélis et d’autres l’ont bien compris : c’est l’identité des socialistes depuis le congrès de Tours qui disparaît quand on passe de Léon Blum à Léon Trotski. C’est la victoire posthume de Guesde sur Jaurès. « Ça sent l’Histoire », disait Mélenchon avec sa modestie habituelle au lendemain de l’accord. Moi je trouve plutôt que, comme disait Édouard Herriot, ça sent l’andouillette, pour parler poliment… (M. Emmanuel Capus applaudit.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n’est pas Mélenchon le Premier ministre !
M. Claude Malhuret. La deuxième responsabilité des démocrates est de comprendre les raisons du vote populiste et les moyens de le dégonfler. Continuer de prétendre que les problèmes qui nourrissent cette vague n’existent pas, refuser depuis trente ans de s’interroger sur ce qui se passe est un vrai danger pour la démocratie : celui d’avancer avec un bandeau sur les yeux.
La troisième responsabilité des démocrates consiste à réussir. Gouverner avec une majorité relative est un défi, s’opposer aussi. Nous savons déjà que la coalition ou le pacte de gouvernement n’auront pas lieu. Ne reste donc que la méthode du « au cas par cas », qui impose de changer les habitudes : un gouvernement qui propose au lieu d’imposer, une opposition qui compose au lieu d’empêcher.
Majorité et opposition républicaines sont condamnées à se supporter ; ne pas y parvenir serait la recette infaillible de l’impuissance face à la crise économique et aux défis sociaux qui s’annoncent ; ne pas y parvenir entraînerait, la prochaine fois, non pas la victoire d’une famille contre l’autre, mais la défaite de tous face aux populistes.
Il paraît que la culture du compromis n’existe pas en France ; il va pourtant bien falloir s’y résoudre.
Autant dire, madame la Première ministre, qu’en entrant à Matignon vous avez accepté un nouveau job, celui de démineuse en chef. Même si sa majorité vous est opposée, la tâche ne me paraît pas impossible au Sénat. Cela suppose un respect réciproque ; cela tombe bien, c’est la tradition de la maison. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
M. Didier Marie. Vous faites fort !
M. Claude Malhuret. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires sera en tout cas fidèle à cette ligne de conduite, la seule qui réponde aux défis auxquels est confronté le pays et au message que nous ont envoyé les Français le 19 juin dernier. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, votre déclaration de politique générale, madame la Première ministre, vient apporter quelques précisions bienvenues à un projet présidentiel dont, comme tout un chacun, nous n’avions pas saisi grand-chose. L’exercice est réussi, on en oublierait presque que vous gouvernez depuis cinq ans. On comprend donc bien, même si on le déplore, que vous vous dérobiez à l’engagement de la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale, de peur d’être sanctionnée pour ce passif.
Après le revers historique de la majorité présidentielle aux élections législatives, au premier tour desquelles votre projet est arrivé derrière celui de la Nouvelle Union populaire,…
M. Guillaume Gontard. … il était de votre responsabilité de tendre la main aux oppositions.
Contrairement au Président de la République, encore en deuil de sa toute-puissance, vous avez semblé vous ouvrir au compromis parlementaire. Nos espoirs face à cette perspective ont malheureusement été rapidement douchés par la suite de votre déclaration, dans laquelle à aucun moment la négociation n’a semblé envisageable. Voilà une bien curieuse conception du régime parlementaire, régime dont il vous faudra réapprendre de toute urgence la pratique, en vous inspirant, peut-être, de ce qui se fait au Sénat.
Après avoir diabolisé la gauche écologiste avec une violence inouïe, après avoir voulu l’exclure du champ républicain, il est effectivement difficile de lui tendre la main. Hier encore, le ministre de l’intérieur, curieusement promu malgré son incapacité à organiser correctement une élection régionale ou une finale de la Ligue des champions, nous qualifiait d’« ennemis ». Renvoyer dos à dos, comme le fait également le président du Sénat, les partisans du progrès social et écologique et les héritiers de la collaboration, semeurs de haine et de division, est proprement scandaleux ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Madame la Première ministre, monsieur le président du Sénat, nous ne sommes pas un « danger pour la République » ; affirmer cela, tout comme banaliser le Rassemblement national, constitue une faute face à l’Histoire. Permettez-moi d’appeler solennellement, de cette tribune, toutes celles et tous ceux qui se considèrent comme républicains, qui endossent l’héritage de progrès et de justice, dont la gauche a toujours été le moteur, à s’écarter du chemin crépusculaire qui nous mène droit au retour du fascisme au pouvoir. (Mmes Gisèle Jourda et Cathy Apourceau-Poly applaudissent.)
Madame la Première ministre, votre responsabilité en la matière est considérable. Vos hésitations du mois de juin ont permis l’arrivée de 89 députés du Rassemblement national à l’Assemblée nationale. Les digues doivent être rebâties, nous sommes au dernier arrêt avant la nuit noire. Une chambre sans majorité absolue n’est pas un drame ; c’est même une bonne nouvelle, à condition d’être clair sur les valeurs et de se débarrasser du scrutin majoritaire, dont l’utilité n’est plus et qui porte en lui une violence politique dangereuse pour la démocratie. Instaurons la proportionnelle (M. Emmanuel Capus s’exclame.) et cessons de faire campagne à coups d’anathèmes. Comme aux grandes heures du parlementarisme, délibérons, composons, prenons le temps de faire moins de lois et de meilleures lois.
Madame la Première ministre, engagez, en collaboration avec le Parlement, la refonte de nos institutions. Rééquilibrons les pouvoirs entre l’exécutif et le législatif, mais également entre Paris et le reste de la France. Vous avez clamé votre amour des territoires, il nous en faut surtout des preuves : un nouvel acte de décentralisation, une autonomie renforcée pour les territoires qui le désirent, au premier rang desquels la Corse, et surtout – surtout ! – des moyens financiers.
M. Jean-Jacques Panunzi. On n’a pas besoin de vous pour parler de la Corse !
M. Guillaume Gontard. Sur la défense des droits humains, et notamment des droits des femmes, vous nous trouverez également à vos côtés. Alors que les États-Unis sombrent dans une régression moyenâgeuse, la France doit envoyer au monde un signal d’espoir et de progrès. Pour ce faire, nous vous proposons de rédiger ensemble, avec les Françaises et les Français, une charte des droits des femmes qui se rattacherait au préambule de notre Constitution.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Demandez à Coquerel !
M. Guillaume Gontard. Madame la Première ministre, une question simple : vous engagez-vous à promouvoir une révision constitutionnelle pour consacrer le droit à l’avortement ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
Pour le reste, je crains que le dogmatisme et l’idéologie présidentiels ne nous empêchent de trouver tout terrain d’entente. Les défis de notre temps nécessitent plus de puissance publique. Or votre double logique – exonérer d’impôt les milliardaires et les grandes entreprises qui s’enrichissent indûment pendant les crises et désendetter le pays à marche forcée – va produire exactement l’inverse.
Madame la Première ministre, j’ai préparé la suite de mon propos avec Éléonore, 18 ans, Louis, 16 ans, et Nathan, 19 ans, qui sont actuellement en observation dans mon équipe et qui vous écoutent ce soir. Je veux me faire l’écho de leurs préoccupations et, au-delà, celui d’une partie de notre jeunesse, qui s’angoisse dans un monde rendu de plus en plus incertain par le retour de la guerre et le péril climatique.
Je me fais l’écho de notre jeunesse, de son inquiétude quant à sa capacité à vivre sur la terre dans les prochaines décennies ; inquiétude à laquelle, enfermée dans votre déni des limites planétaires et dans votre illusion techniciste d’une écologie du progrès, vous ne répondez pas.
Je me fais l’écho de notre jeunesse, qui cherche du sens à son activité professionnelle et qui refuse de contribuer à la destruction de la planète opérée par le capitalisme, lequel n’a plus d’autre fin que l’accumulation infinie de richesses. On ne retrouve dans votre propos que peu de traductions concrètes de la planification écologique brandie pour les besoins de la campagne.
Il y a pourtant tellement à faire pour repenser nos modes de vie, protéger le vivant, recouvrer notre souveraineté, lutter contre l’explosion des prix de l’énergie grâce aux énergies renouvelables, transformer notre agriculture en l’orientant vers le bio, rénover réellement les logements, relocaliser des activités économiques et industrielles vertueuses, créer des emplois par centaine de milliers dans la bifurcation écologique et créer des perspectives pleines de sens pour cette jeunesse qui désespère des pouvoirs publics.
Je me fais l’écho d’une partie de notre jeunesse, celle qui souffre de plus en plus de la précarité et qui est la première victime de l’inflation galopante, pendant que les profiteurs de guerre s’enrichissent honteusement.
Je me fais l’écho des étudiants qui se heurtent au mur de Parcoursup, voient l’université française dépérir et désespèrent en voyant que le seul projet que vous portez à leur endroit est le service national universel, symbolisé par le rattachement funeste du secrétariat d’État à la jeunesse au ministère des armées.
Je me fais l’écho des jeunes et des moins jeunes qui souffrent de la dégradation continue des services publics, des fermetures de classe et de la pénurie d’enseignants, qui s’inquiètent, alors que ressurgit la covid-19, de la désertification médicale, de la fermeture de lits voire de services d’urgence entiers et qui sont horrifiés de constater l’état déplorable de nos crèches et de nos Ehpad.
Enfin, je me fais l’écho de notre jeunesse et de nos compatriotes ultramarins, qui souffrent des mêmes maux, mais décuplés, qui expriment leur souffrance et leur désarroi depuis plusieurs années et pour qui votre seule réponse est de les rattacher à un ministère de l’intérieur en pleine dérive sécuritaire. Madame la Première ministre, de grâce, épargnez-leur le préfet Lallement !
Quelles réponses apportez-vous à notre jeunesse ? Votre projet sur le pouvoir d’achat et votre budget rectificatif sont presque vides. À l’occasion des débats parlementaires à venir, nous vous invitons à accepter les propositions de la Nupes visant à enrichir ces deux textes (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.) : le SMIC à 1 500 euros, déjà mentionné, la garantie d’autonomie à 1 000 euros, le relèvement de 10 % du point d’indice de la fonction publique, le blocage des loyers et des prix des produits de première nécessité.
Renoncez également à votre inutile réforme des retraites et à votre honteuse réforme du RSA. Elles ne sont soutenues par aucune majorité, ni dans le pays ni au Parlement.
Madame la Première ministre, nous serons une opposition exigeante afin de produire le choc d’égalité dont notre pays a besoin, afin de protéger, de toute urgence, notre environnement, afin de rénover notre démocratie.
Si majorité il n’y a pas, c’est que vous n’en aurez pas voulu. Vous porterez la responsabilité du blocage de nos institutions et de l’immobilisme de notre pays. J’espère que votre sens de l’intérêt général et vos talents de négociatrice nous éviteront d’en arriver là. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. - Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame le Premier ministre, mes chers collègues, nous sommes partis de la promesse d’un gouvernement très resserré pour en arriver à la nomination de 41 membres, en passant par le maintien, voire la promotion, des ministres en charge de la « France en grand »… En grand ensauvagement, oui ! En grand remplacement ! En grand déclassement et en grand enfermement ! (Murmures sur l’ensemble des travées.)
Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mes chers collègues, mais j’ai la douloureuse sensation de vivre un jour sans fin, tant ce gouvernement Borne II aurait pu s’appeler Castex IV ou encore Édouard Philippe VI !
Ce permanent retour en arrière aurait pu être une cure de jouvence s’il ne s’agissait d’une nouvelle cure de souffrance.
Vous souhaitez, madame le Premier ministre, un renouveau démocratique sans vote de confiance du Parlement, sans ministère des relations avec les collectivités territoriales, tout en conservant comme garde des sceaux un ministre du laxisme judiciaire et du grand ensauvagement, mis en examen par la Cour de justice de la République.
Vous choisissez également de reconduire à son poste le ministre du grand remplacement de l’intérieur, désormais connu comme celui du mensonge et de l’humiliation de notre pays, à la suite des désastreuses razzias et hyperviolences commises au Stade de l’anti-France.
Vous voulez lutter contre le séparatisme de l’islam, et vous nommez ministre chargé de la ville et du logement un maire favorable tant au droit de vote des étrangers qu’à la multiplication des mosquées sur financement public.
Vous prétendez vous inquiéter du pouvoir d’achat des Français, tout en conservant le ministre du grand effondrement économique et du grand déclassement social, qui a accru la dette publique de 600 milliards d’euros en cinq ans, seule la moitié de cette somme – de ce gouffre ! – étant imputable à la crise du covid-19.
Quant à l’ancien ministre de la santé, le ministre de tous les enfermements, physiques comme démocratiques, visé en particulier par la justice administrative pour impréparation et mensonge durant la première vague du covid-19, il devient porte-parole du gouvernement ! Quel symbole !
Pour lui succéder à la santé, vous avez choisi de nommer un ministre pro-masque, pro-pass, vaccinolâtre (Sourires ironiques au banc du Gouvernement.) et déjà honni des professionnels de santé en tant qu’adepte du tri des patients en réponse à l’engorgement des urgences. Plutôt l’intégration des migrants que la réintégration des soignants ! (Exclamations indignées au banc du Gouvernement.)
Vous appelez à plus d’écologie sans parler de localisme. La ruralité a son secrétariat d’État, mais elle n’a pas, en revanche, les moyens humains ni financiers dont bénéficie la politique de la ville, laquelle, avec ses milliards d’euros, n’est que le cache-sexe – on le sait – de la politique d’immigration.
Que dire, ensuite, du ministre de l’éducation, ou plutôt de la rééducation et du vivre-ensemble obligatoire ? Ce pape du wokisme,… (Sourires ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme Céline Brulin. Logique !
M. Stéphane Ravier. … de la déconstruction de notre identité humaine et nationale, a vu sa nomination saluée par le Grand Timonier de l’islamogauchisme qu’est Jean-Luc Mélenchon ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Quant à la ministre de la culture, ou plutôt de la « déculture », elle conseillait déjà le Président quand celui-ci déclarait qu’il n’y avait pas de culture française !
Il n’y a même pas de ministère de la famille, à l’heure même où les démographes annoncent que les Français seront minoritaires chez eux dans quelques dizaines d’années !
En somme, dans le contexte d’hypercrise que nous traversons, vous proposez de la continuité ; vous ajoutez donc de la crise aux crises. Manifestement, mes chers collègues, à travers la composition de ce gouvernement, force est de constater que les non-vaccinés ne sont plus les seuls qu’Emmanuel Macron a décidé d’emmerder : il vise désormais l’ensemble des Français.
Je serai là, quant à moi, pour m’y opposer. Et je veux croire que je ne serai pas le seul.
M. Antoine Lefèvre. Pas sûr !
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie tout d’abord de la richesse de ce débat. (Sourires.)
Mme Céline Brulin. Surtout après la dernière intervention ! (Mêmes mouvements.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Dans la situation inédite que connaît notre pays, le Sénat sera, plus que jamais, un pôle d’équilibre et de stabilité. (Sourires.) Je connais votre capacité à dépasser les postures et les clivages pour imaginer des solutions. Cet esprit de dialogue, qui permet de nourrir les travaux législatifs grâce aux apports des différents groupes, doit nous inspirer. Le bicamérisme, si profondément inscrit au cœur de notre démocratie, illustre en pratique notre capacité à rechercher des compromis durables, à trouver des réponses équilibrées et efficaces.
J’en ai fait l’expérience, au cours de la précédente législature, avec les projets de loi que j’ai portés en tant que ministre : je pense par exemple à la réforme, nécessaire, de la SNCF, que certains pourraient même qualifier de courageuse. (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et CRCE.) Nous avons élaboré ensemble cette réforme trop longtemps différée. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Éliane Assassi. Tout le monde n’en est pas content !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Les textes sur lesquels les assemblées parviennent à un accord sont souvent plus solides. La connaissance des collectivités territoriales ainsi que les éclairages apportés par les travaux de contrôle et d’information des commissions du Sénat nourrissent les amendements ; cela permet de répondre aux priorités des Français sans céder aux solutions toutes faites non plus qu’aux mouvements d’une actualité fébrile.
Les propositions de loi, notamment celles qui résultent des travaux pluralistes des commissions d’enquête et des missions d’information, ont vocation à enrichir le travail législatif.
Monsieur le président Retailleau, je vous remercie d’avoir évoqué « en même temps » des valeurs, celles de la République, et une méthode, celle du dialogue bicaméral, auquel je suis profondément attachée.
Devant votre assemblée, qui incarne les vertus du débat dans le respect de l’autre, je veux réaffirmer l’engagement de mon gouvernement à bâtir des solutions communes sans demander à quiconque de renoncer à ce qu’il est. De toutes mes forces, je lutterai contre cette France « en pièces détachées », dont vous avez parlé : chacun le reconnaîtra, les racines du problème sont profondes.
Nous ne sommes probablement pas d’accord sur tout : nous n’allons pas nier nos divergences et nos différences, mais nous partageons certainement des préoccupations communes. Nous nous accorderons sans doute sur la nécessité de renforcer notre souveraineté, industrielle et énergétique, pour affermir notre conviction que nous avons un destin commun.
Nous pouvons nous retrouver sur la nécessité, d’une part, de revenir à l’équilibre des finances publiques, fortement sollicitées du fait de la pandémie et des bouleversements économiques consécutifs au conflit ukrainien, et, d’autre part, d’améliorer nos services publics, en particulier dans les quartiers prioritaires et les zones rurales.
La situation de nos finances publiques est vécue, semble-t-il, avec une inquiétude d’une intensité qui diffère selon les groupes. Comme vous, monsieur le président Retailleau, le Gouvernement en a une perception très claire, qui doit nous inciter à la responsabilité.
Par ailleurs, nous ne renonçons pas à porter nos valeurs à l’échelle européenne et mondiale : la présidence française du Conseil de l’Union européenne l’a montré. Pour ma part, je crois profondément que la voix de la France porte. Je suis certaine que la manière dont nous avons traversé la crise ensemble était la bonne, notamment grâce au « quoi qu’il en coûte », qui a permis de protéger nos entreprises et nos emplois.
Vous le voyez, monsieur le président Retailleau, vouloir construire des compromis ne signifie pas être d’accord sur tout.
Monsieur le président Kanner, j’ai bien écouté vos propos, vos critiques – souvent caricaturales – et vos commentaires. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Vos propositions ont été plus discrètes, exception faite d’une accumulation d’impôts et de taxes…
Monsieur le président Kanner, je vous rejoins quand vous dites que la prise en compte des outre-mer est une exigence absolue. Les départements et collectivités d’outre-mer sont une des grandes richesses de notre République. Je l’ai dit cet après-midi devant les députés, je le redis devant vous : nous répondrons à l’appel de Fort-de-France qu’ont lancé, il y a quelques jours, les collectivités.
Cependant, monsieur le président Kanner, je dois dire que j’ai été surprise par vos procès d’intention dans cette enceinte. Jugez-nous sur nos actes, et retrouvons-nous peut-être là-dessus. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) Quand vous annoncez vouloir être constructifs, je le prends comme une lueur d’espoir.
Monsieur le président Patriat, je partage votre engagement tourné vers l’action (Exclamations amusées.), afin de répondre à l’urgence climatique, de repenser notre système de santé, de tirer les enseignements des États généraux de la justice, d’accélérer le développement des énergies renouvelables. Nous agirons sur tous ces sujets, et nous le ferons dans la concertation.
Monsieur le président Marseille, vous avez souligné le caractère inédit pour la France de notre situation politique, beaucoup moins originale si l’on regarde par-delà nos frontières. Comme vous le dites souvent, monsieur le président : nous devons nous projeter dans l’avenir et l’Europe nous y aide.
Une capacité à peser et à affronter les crises : voilà ce qu’est la souveraineté. Plusieurs travaux du Sénat ont pointé, avec justesse, notre forte dépendance à l’égard des industries étrangères, par exemple en matière pharmaceutique. Notre souveraineté doit être pensée dans un cadre européen : une Europe plus forte, c’est une France plus forte, qui naîtra de notre capacité à dialoguer. Je vous remercie déjà, à ce titre, d’avoir mis des propositions sur la table.
Madame la présidente Assassi, je partage vos préoccupations face à la désespérance sociale d’une partie de nos concitoyens. Nous ne pouvons accepter de les laisser ainsi s’éloigner de la démocratie et des élections. Cependant, je suis convaincue que le SMIC à 1 500 euros est seulement l’assurance pour tous d’un tassement des progressions de salaire. Sur ces sujets, les solutions miracles sont souvent des mirages qui contribuent fortement à la défiance de nos concitoyens.
La réflexion relative à l’avenir de nos institutions, qui s’engagera à l’automne sous l’égide du Président de la République, devra tenir compte de la défiance exprimée lors des dernières élections. Là également, une approche pluraliste nous permettra de construire des réponses utiles et équilibrées.
Je vous remercie, monsieur le président Requier, d’abord, de vos vœux de réussite, ensuite, de votre bienveillance et de votre optimisme. C’est bien de la réussite de notre pays qu’il est question. Vous avez mentionné ce qui est une préoccupation partagée par l’ensemble des groupes : l’État et les collectivités doivent, d’une part, dresser ensemble une liste des défis à relever, d’autre part, identifier les leviers à activer et les moyens à mobiliser. L’action publique des collectivités territoriales doit pouvoir s’appuyer sur une visibilité des compétences et des conditions de leur action.
Par conséquent, nous construirons ensemble un agenda territorial. J’ai confiance dans notre capacité à dialoguer et à apporter des réponses au plus près de nos concitoyens.
Je partage votre diagnostic, monsieur le président Malhuret (Sourires ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) : les Français ont exprimé des doutes et demandent que nous agissions. L’abstention est le signe d’une démocratie en souffrance, d’une perte de confiance dans l’action publique. Nous ne pouvons et ne devons pas laisser le champ libre à ceux qui voudraient revenir sur nos acquis démocratiques. Les évolutions que nous pouvons observer dans d’autres pays nous rappellent que la démocratie est une lutte de tous les jours, que les combats pour les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité doivent sans cesse être repris.
Pour cette raison aussi, je suis convaincue que nous pourrons construire des majorités d’action : les Français n’ont pas choisi le blocage de nos institutions.
La nécessité de construire des compromis pour répondre aux attentes des Français, je la perçois comme vous, monsieur le président Gontard. Je vous demande de nous juger non pas sur les intentions que vous nous prêtez, mais bien sur nos actes. Nous allons apprendre à travailler ensemble ; à vrai dire, nous avons déjà commencé à le faire ces dernières années… Il nous faut cependant aller plus loin.
Comme vous nous y avez invités dans votre courrier, monsieur le président du Sénat, nous aurons bientôt l’occasion d’échanger sur les modalités de mise en œuvre d’un dialogue le plus fructueux possible sur les réformes que nous allons engager. Clemenceau lui-même a fini par déclarer : « Les événements m’ont appris qu’il fallait donner au peuple le temps de la réflexion. Le temps de la réflexion, c’est le Sénat » ; on pourrait ajouter que c’est aussi le temps du dialogue.
Je vous remercie de tout ce que le Sénat pourra apporter à notre pays dans cette période inédite. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC.)
M. le président. Je vous remercie, madame la Première ministre.
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 12 juillet 2022 :
À quatorze heures trente :
Éloge funèbre de Catherine Fournier
À quinze heures quinze et, éventuellement, le soir :
Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur le bilan de la présidence française de l’Union européenne ;
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne (texte de la commission n° 753, 2021-2022).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures trente.)
nomination de membres de commissions
Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Jean-Baptiste Lemoyne est proclamé membre de la commission des affaires économiques, en remplacement de Mme Marie Evrard, dont le mandat de sénatrice a cessé.
Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires a présenté une candidature pour la commission des finances.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Daniel Breuiller est proclamé membre de la commission des finances, en remplacement de Mme Sophie Taillé-Polian, démissionnaire.
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a présenté une candidature pour la commission des affaires européennes.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Pierre Ouzoulias est proclamé membre de la commission des affaires européennes, en remplacement de M. Jérémy Bacchi, démissionnaire.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER