Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Robert, je diviserai ma réponse en plusieurs parties.
Comme vous le savez, le débat est ouvert, et j’ai récemment accordé plusieurs entretiens à ce sujet. La concertation a commencé. Ainsi, tous les chiffres seront rendus publics. Mais je tiens d’ores et déjà à vous en citer quelques-uns, afin de battre en brèche certains des arguments qui ont été avancés dans le débat. Par ailleurs, je rappelle que les enjeux ne se cantonnent pas uniquement aux mathématiques.
Durant l’année 2021, 64,1 % des élèves de classe de première générale ont choisi l’enseignement de mathématiques, soit 252 233 élèves, dont 55 % étaient des filles. Nous sommes donc bien loin de l’effondrement que vous avez décrit, madame la sénatrice.
J’en veux pour preuve un autre chiffre : en classe de terminale, l’option complémentaire de mathématiques, qui prépare aux études de médecine ou de biologie, avec une durée de trois heures hebdomadaires, est suivie à plus de 60 % par des filles. Toutefois, pour l’enseignement de spécialité, ce taux s’élève à 39 % – le même que précédemment. Nous n’avons pas résolu tous les problèmes, mais nous avons progressé.
À grands traits, ce sont plutôt les garçons qui choisissent la physique-chimie, tandis que les filles optent plutôt pour les sciences de la vie et de la terre (SVT) ; ce faisant, elles étudient moins les mathématiques que les garçons.
Comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice, le vrai sujet est d’encourager davantage d’élèves, et plus particulièrement des filles, à choisir les mathématiques et les enseignements scientifiques lorsque les choix d’orientation doivent être formulés en classe de seconde. Nous devons répondre à cette grande question en nous fondant sur des chiffres clairs.
Non, nous ne constatons pas d’effondrement ni dans le nombre d’élèves étudiant les mathématiques ni dans le niveau des enseignements.
Mme Sylvie Robert. Je n’ai pas parlé de niveau !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. En effet, le programme est plus exigeant, le nombre d’heures est plus important et plus d’élèves étudient cette matière lors de leurs études supérieures.
Ainsi, les résultats sont conformes à nos objectifs. Cependant, je reconnais bien volontiers qu’il reste beaucoup à faire pour que les filles choisissent d’étudier les matières scientifiques, surtout après la terminale. Sur ce point, la situation s’améliore peu à peu.
Madame la sénatrice, vous avez également évoqué la question de l’informatique. Avant la réforme du baccalauréat, la spécialité « numérique et sciences informatiques » n’existait pas ! Cette année, la proportion de filles ayant choisi cette option s’élevait à 18 %, contre 11 % l’année précédente, qui était la première de la réforme. Certes, nous devons progresser, mais je considère qu’il s’agit là déjà d’un bon début.
Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin.
Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le ministre, pour sécuriser leur saut dans le nouvel univers de Parcoursup, les élèves doivent dorénavant s’appuyer sur les conseils de leurs professeurs principaux.
La réforme du lycée a ainsi érigé l’accompagnement à l’orientation en impératif, afin que les élèves accèdent à une information claire et à une aide individualisée. Celle-ci prévoit, en théorie, un volume annuel de 54 heures en lycée général et de 265 heures au total pour les trois années en lycée professionnel, afin d’aider les élèves à élaborer leur projet d’orientation.
Malheureusement, ces heures ne sont pas financées par le ministère de l’éducation nationale. Les établissements doivent alors décider de puiser dans leurs marges horaires pour éventuellement inscrire ces actions d’accompagnement dans les emplois du temps.
S’y ajoute l’absence de cadrage fixe, qui avait pour but au départ de faciliter l’organisation d’actions ponctuelles durant l’année scolaire, telles que les semaines de l’orientation, les forums, les périodes d’immersion en milieu professionnel ou dans les établissements d’enseignement supérieur, notamment dans les universités.
Force est de constater que les actions mises en place sont très hétérogènes – elles dépendent des établissements et des équipes – et manquent clairement de lisibilité et de cohérence.
Le retour d’expérience des professeurs principaux est quasi unanime : depuis la mise en place de Parcoursup, une responsabilité immense repose sur leurs épaules. Celle-ci est d’autant plus difficile à gérer lorsque la mission d’aide à l’orientation n’est pas fléchée.
En outre, la réforme du lycée a mis fin à l’existence du groupe classe, en raison des multiples enseignements de spécialité. Enfin, la crise sanitaire a changé la donne : les salons de l’orientation se sont transformés en visites et conférences virtuelles, parfois déroutantes pour les lycéens.
Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour que les lycéens, déjà malmenés par la crise sanitaire, ne manquent pas d’ambition, simplement à cause d’une méconnaissance des formations existantes ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, vous soulevez avec raison la question très importante de l’orientation.
Plusieurs éléments expliquent la situation actuelle. Je reconnais bien volontiers que la réforme que nous avons engagée apporte de nombreux changements. Comme toujours, la transformation des habitudes suscite des questions et des interrogations. Cela explique d’ailleurs que, pendant vingt ans, rien – ou presque ! – n’ait changé au lycée, alors que, voilà encore cinq ans, chacun constatait que le lycée et le baccalauréat étaient à bout de souffle.
D’aucuns soutenaient qu’une réforme du baccalauréat susciterait beaucoup d’objections, d’oppositions et de critiques. Tel est bien le cas depuis que nous avons mené cette réforme ! Pourtant, la majorité des lycéens y est favorable.
J’interrogeais hier encore des élèves lors d’une visite d’établissement : ceux-ci ont bien compris qu’ils disposaient désormais de plus de choix. Je me réjouis d’ailleurs que les jeunes s’intéressent à leur orientation plus tôt dans leur parcours. Nous traitons le problème à la racine : jusqu’alors, les difficultés d’orientation conduisaient à l’échec à la fin de la première année de l’enseignement supérieur.
Avant la réforme, chacun était déresponsabilisé. Or aucun spécialiste ne pouvait assumer le sujet à lui seul. C’est ainsi que l’on a « poussé la neige » : cela explique le scandale français d’un taux d’échec de 60 % à la fin de la première année de l’enseignement supérieur. Certes, les effets de nos décisions sont encore minimes, mais ce pourcentage a baissé l’année dernière. Les nouvelles générations s’interrogent plus tôt sur leur avenir et suivent des parcours d’orientation plus conformes à leurs désirs.
Je suis fier de l’une des innovations de la réforme, à savoir la présence de deux professeurs principaux en classe de terminale. Certes, ceux-ci ne sont pas omniscients, mais nous comptons sur eux pour aider les élèves et leurs familles dans l’orientation – c’est d’ailleurs leur mission depuis longtemps, mais nous l’avons réactualisée.
Une bonne orientation est l’affaire de toute la société : je pense au rôle nouveau que la loi a octroyé aux conseils régionaux. Bien sûr, la crise sanitaire a empêché la réforme de prendre toute son ampleur, mais celle-ci constitue une première étape intéressante (M. Jean-Claude Anglars proteste.), à laquelle nous pouvons apporter de nouvelles améliorations.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le ministre, je souhaiterais évoquer la revalorisation du métier d’enseignant, des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et des accompagnants des personnels en situation de handicap (APSH).
Selon le rapport publié le 20 septembre 2021 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les salaires des enseignants restent inférieurs d’au moins 15 % à la moyenne des 38 pays de l’organisation, même si un rattrapage a été engagé à partir de l’année 2015.
Pour l’instant, quelques primes, telles que la prime d’attractivité, la prime d’équipement informatique, la prime d’éducation prioritaire ou l’indemnité de direction d’école, sont distribuées pour masquer le problème. Toutes ces mesures ne constituent pas une réelle revalorisation des salaires des professeurs.
Certes, plusieurs mesures issues du Grenelle de l’éducation constituent des avancées appréciables pour diverses catégories de personnel, mais elles ne sauraient masquer le refus du Gouvernement d’ouvrir la question centrale de la revalorisation du point d’indice, alors qu’un contexte inflationniste s’installe durablement. Ces évolutions de revenus ne correspondent ni ne répondent à la baisse du pouvoir d’achat des enseignants. Il en résulte une perte considérable d’attractivité de leur métier.
Dans le même temps, il convient d’évoquer la situation des AESH et des APSH, qui accomplissent des missions essentielles au sein de l’école, dont le rôle inclusif a été considérablement renforcé par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République de 2013, dite loi Peillon.
Des progrès significatifs ont été accomplis à la rentrée de 2021, grâce à l’élaboration d’une nouvelle grille et à la création d’un avancement automatique. Toutefois, l’objectif d’une rémunération reconnaissant la professionnalisation de ces personnels, qui leur permettrait de vivre dignement de l’exercice de leur métier, n’est pas encore atteint, en grande partie en raison du temps de travail qui leur est imposé.
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer une réelle revalorisation de ses métiers, qui sont au cœur de notre système éducatif ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Magner, je vous remercie d’avoir énuméré la longue liste des primes que nous avons mises en place depuis notre arrivée aux affaires.
Certes, vous semblez remettre en cause leur bien-fondé, mais ceux qui les touchent s’en plaignent moins, d’autant plus que, avant ce rattrapage, les professeurs bénéficiaient de moins de primes que les autres fonctionnaires, comme nous l’avons constaté lors de l’examen du projet de loi consacré aux retraites. Il est légitime d’évoquer le point d’indice, qui est un autre sujet, mais je me réjouis de la création de ces primes.
Certaines d’entre elles, comme la prime informatique, sont universelles et valent pour tous les professeurs, tandis que d’autres, comme la prime REP+, d’un montant significatif, sont plus ciblées. Il me semble important de rappeler que cette dernière, qui s’ajoute à des primes déjà existantes, a permis une stabilisation, inconnue jusqu’alors, des enseignants dans ces établissements, grâce à son montant de 3 000 euros annuels. Il en va de même pour la prime de directeur d’école, d’un montant de 600 euros par an.
Comparons la situation d’un directeur d’école en REP+ entre 2017 et 2022. Depuis 2017, cette personne reçoit 3 000 euros de prime REP+, 600 euros de prime de directeur, 200 euros de prime informatique – contre 150 euros auparavant. Elle bénéficie en outre des classes dédoublées en grande section de maternelle, en CP et en CE1, ainsi que de plus d’AESH.
Certes, des améliorations sont toujours possibles, mais nul ne peut dire qu’il ne s’est rien passé pour cette personne durant le quinquennat, malgré le contexte difficile de la crise sanitaire.
Chacun s’accorde à reconnaître qu’il faut faire plus et mieux pour les AESH. Alors que je visitais hier un établissement à Marseille et que j’allais, comme souvent, à la rencontre des personnes qui souhaitent me présenter leurs revendications, une AESH m’indiquait, à juste titre, qu’elle ne gagnait pas assez d’argent.
Toutefois, elle a reconnu que sa situation s’était améliorée : voilà quatre ans, elle était en contrat aidé. Aujourd’hui, elle bénéficie d’un CDI et elle travaille plus de 30 heures par semaine, contre 20 heures auparavant : son salaire dépasse désormais le seuil des 1 000 euros. Sa situation devra encore être améliorée dans l’avenir, mais des progrès sont intervenus entre 2017 et 2022. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Le ministre a épuisé son temps de parole !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. La loi de finances pour 2022 consacre 150 millions d’euros à la revalorisation des AESH et 112 millions d’euros à leur grille indiciaire, que nous avons créée. À cela s’ajoutent 24 millions d’euros pour la protection sociale complémentaire, 12 millions d’euros pour la prime inflation et, enfin, les revalorisations liées au SMIC.
Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Courtial.
M. Édouard Courtial. Monsieur le ministre, l’école de la République est une promesse pour chacun des enfants de France : celle d’un avenir meilleur grâce au savoir, celle de l’égalité des chances, sans distinction sociale, raciale, religieuse ou encore territoriale.
Tel est le sens de la proposition de loi que j’ai déposée au Sénat en 2018, tendant à créer des REP ruraux, à l’image des actions qui ont été menées en faveur de certains quartiers urbains et qui ont donné des résultats intéressants. En effet, l’école rurale doit elle aussi relever des défis, et les conventions ruralité, lorsqu’elles existent, ne suffisent pas.
Conscients des enjeux, les élus se mobilisent fortement pour proposer des capacités d’accueil à la hauteur des attentes de leurs administrés, malgré les moyens limités dont ils disposent.
Pourtant, chaque année, la publication de la carte scolaire pour la prochaine rentrée suscite la même inquiétude pour certaines communes, malgré les investissements consentis et les projets engagés : notre école fera-t-elle l’objet d’une fermeture ? Chaque année, j’interviens auprès des services du rectorat, afin de renouer le dialogue et de le faire revenir sur des décisions difficilement admissibles et souvent perçues comme injustes.
En effet, comment comprendre que, en ville, les classes sont dédoublées, alors que, à quelques kilomètres de là, des classes sont fermées pour en gonfler d’autres ? Comment comprendre que l’État renie sa parole alors qu’aucune classe n’est censée fermer sans l’accord du maire ? Il faut sortir d’une logique purement comptable.
Monsieur le ministre, dans un village, l’école est un gage d’avenir et un élément essentiel d’attractivité. Il s’agit là d’un sujet fondamental pour l’avenir de notre pays : demain, voulons-nous une France composée de centres urbains et de déserts ruraux ou une France ayant préservé un cadre de vie diversifié et respectant ses traditions et les attentes des Français, en leur laissant le choix de leur lieu de vie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Courtial, nous souscrivons tous à l’objectif que vous mentionnez. Celui-ci n’a jamais été atteint aussi nettement que durant le présent quinquennat, grâce à la création de près de 12 000 postes malgré 280 000 élèves en moins, qui vivaient malheureusement souvent en milieu rural, je vous l’accorde.
Nous devons bâtir une stratégie consensuelle, afin de faire renaître l’école rurale, que je défends, car elle fait souvent mieux réussir les élèves que l’école urbaine ; elle est fondamentale dans la vie de notre pays.
C’est pourquoi nous avons décidé de ne jamais fermer une école rurale sans l’avis du maire. Certains avaient compris que cette mesure s’appliquait aux fermetures de classe. Or nous ne nous y étions engagés que pour la rentrée ayant suivi le premier confinement. Si nous avions pérennisé le gel des fermetures de classe, les situations auraient été figées, suscitant à terme des inégalités extraordinaires : certaines classes auraient compté 5 élèves, contre 30 ou 35 élèves dans d’autres.
Personne ne peut soutenir que le monde rural est défavorisé par rapport au monde urbain. Je suis en désaccord avec vous : les mesures prises en faveur des réseaux d’éducation prioritaire ne se font pas au détriment du monde rural, où le taux d’encadrement reste largement plus favorable que celui qui est constaté en milieu urbain. De grâce, n’opposons pas la ville à la campagne ! Menons une politique volontariste en faveur du monde rural, a fortiori lorsque de nombreuses familles souhaitent s’y installer après l’épidémie de covid-19.
Nous devons valoriser l’image du village grâce à son école. Ainsi, nous accompagnons les maires dans le développement de leur stratégie. Nous entendons favoriser les logiques pluriannuelles. J’en veux pour preuve les contrats de ruralité, qui concernent 67 départements. Ces stratégies répondent à votre attente et permettent de maintenir une classe en milieu rural, chaque fois que cela est possible.
M. Max Brisson. Les maires ruraux constatent le contraire !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous entendons non pas sauver un monde rural qu’il conviendrait de défendre, mais montrer que la renaissance de chaque village de France est possible grâce à son excellence et à son attractivité.
M. Max Brisson. La situation sur le terrain est le contraire de celle que vous décrivez !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Rietmann. Monsieur le ministre, au mois d’avril 2021, j’interrogeais Mme la secrétaire d’État Nathalie Elimas sur l’avenir de l’école dite « du socle ».
Je cite quelques mots de sa réponse : « On constate […] des points d’amélioration : le taux d’élèves ayant une maîtrise insuffisante ou fragile des acquis diminue, tant en français qu’en mathématiques. […] La prise en charge de la difficulté scolaire tout au long du parcours des élèves est bien installée dans l’établissement. […] Une amélioration des résultats au diplôme national du brevet est perceptible depuis trois ans. […] Les élèves semblent mieux comprendre et vivre les transitions inhérentes au parcours scolaire. »
Forte de ce diagnostic optimiste et encourageant, l’expérimentation menée sur le territoire de Jussey s’est poursuivie et entre désormais dans sa quatrième année.
Si la crise sanitaire a retardé l’objectivation des résultats, il n’en demeure pas moins que l’école du socle, de l’avis de la communauté éducative, produit des résultats toujours aussi prometteurs. Les élèves en milieu rural sont moins préoccupés par le changement de degré scolaire. Leurs chances de réussite sont donc optimisées.
Nous constatons également que l’école du socle a ouvert les portes d’une acculturation entre les enseignants, de la petite section de maternelle à la classe de troisième.
Comme l’indique l’intitulé de notre débat, l’heure du bilan est venue : ce dispositif est positif. Aussi, monsieur le ministre, quand et comment prévoyez-vous de consacrer les écoles du socle ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Rietmann, ces cinq ans n’ont pas été un long fleuve tranquille, et je reconnais volontiers que tout n’a pas toujours été possible.
Nous aurions voulu consacrer l’école du socle par le biais des établissements publics d’enseignement primaire (EPEP). Vous avez raison de le souligner, joindre l’école et le collège est une bonne idée, a fortiori en milieu rural, notamment en vue d’atteindre une masse critique des effectifs et, ce faisant, de sauver une école ou un collège.
Sur ce sujet comme sur d’autres, nous ne devons jamais avoir de position dogmatique : cet outil peut être pertinent dans certains territoires et moins utile dans d’autres. Toutefois, le cadre juridique actuel permet, grâce à l’expérimentation, d’aboutir à ce type de résultat. J’y suis favorable, mais je suis pleinement conscient des oppositions suscitées par ce dispositif, y compris dans cet hémicycle.
Peut-être les esprits mûriront-ils prochainement ? Si des expérimentations de ce type ont pu être menées, je ne pense pas qu’elles doivent être généralisées – sauf lorsqu’un consensus local se fait jour sur un tel projet.
Comme vous le savez, j’ai beaucoup évoqué la notion d’école de la confiance : notre pays réussira sur le plan scolaire uniquement si nous parvenons à créer des consensus politiques sur ces questions. Or ces conditions ne sont pas toujours réunies, sur le plan tant local que national. C’est pourtant ce que j’appelle de mes vœux, car, lorsque l’on y parvient, on fait réussir l’école.
Par ailleurs, je tiens à souligner devant la représentation nationale que, lors de mes nombreuses visites d’établissement, je constate l’utilité de mieux articuler l’école et le collège. Je vois aussi tant de classes et d’écoles qui vont bien, d’élèves heureux et de professeurs investis !
Monsieur le sénateur, votre question n’est ici nullement en cause, mais prenons garde à nos discours : heureusement, dans de nombreux endroits, les choses vont bien ! Certes, nous devons remédier aux problèmes, mais je vous remercie d’avoir souligné la belle réussite de cette expérimentation. (M. Julien Bargeton applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour la réplique.
M. Olivier Rietmann. Monsieur le ministre, vous évoquez les lieux où se dégage un consensus autour de ces dispositifs.
Lorsque l’école du socle a été mise en place à Jussey, j’étais maire et président du syndicat scolaire. Nous étions trois à y croire : le principal du collège, la directrice de l’école et moi-même. Nous devions faire face à l’opposition de tous les enseignants, et j’étais devenu la bête noire des syndicats de la Haute-Saône en voulant créer cette école. Il nous en a fallu, du courage et de la volonté !
Peut-être ce dispositif est-il la bonne solution pour réduire le grand écart entre les élèves les plus en retard et ceux qui sont les plus avancés. De grâce, faisons donc preuve de courage et de volonté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le ministre, notre rapporteur, Max Brisson, chez lequel nous aurons compris que vous ne partirez pas en vacances, nonobstant l’attrait et la verdure du Pays basque, a parfaitement résumé la situation : que vous le vouliez ou non, le bilan de la politique éducative française est sévère.
Pourtant, je me refuse à la perspective de voir notre pays condamné au déclin de son école. Il apparaît ainsi clairement que la faiblesse de notre système éducatif tient au manque d’une stratégie globale et de long terme.
L’école est une institution centrale au cœur de la promesse républicaine d’égalité des chances. Or celle-ci reste aujourd’hui lettre morte. Pis encore, les travaux du centre de recherches politiques de Sciences Po montrent que l’effondrement de la confiance des Français dans la démocratie s’explique largement par cette crise de la méritocratie républicaine.
La centralité de l’école réside bien sûr dans sa dimension civique ! Il est urgent d’encourager, dès l’école primaire, l’éducation à la citoyenneté et à un usage critique des médias et des écrans, par exemple, mais ces enseignements restent encore balbutiants.
Que dire de cette étude montrant que la moitié des différences de croissance entre les pays s’explique par le différentiel de niveau en mathématiques et en sciences ? Les performances de la France en la matière sont très décevantes. Cédric Villani est intarissable sur le sujet ; s’agissant des mathématiques, souffrez que je préfère son analyse à la vôtre !
Malheureusement, l’école est encore trop souvent le prétexte à des surenchères idéologiques, peu susceptibles de traiter les problèmes à la racine. Les gouvernements se succèdent et mettent en place une ou deux réformes iconiques, mais ponctuelles. Parfois, celles-ci consistent à défaire l’action du gouvernement précédent.
M. Julien Bargeton. C’est caricatural !
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le ministre, comment peut-on avoir des perceptions aussi différentes ? Les sénateurs seraient-ils tous fous ?
M. Julien Bargeton. En tout cas, certains ne témoignent pas d’un grand sens de la nuance !
M. Jean-Raymond Hugonet. Sachez que le satisfecit ne constituera jamais une politique, et la nervosité dont vous avez fait montre au cours de ce débat en a été la preuve ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Hugonet, l’histoire jugera ! Nous en reparlerons dans quelques années.
Toute personne de bonne foi sait que les changements en matière éducative prennent du temps. Toute personne de bonne foi sait que la situation dont j’ai hérité en 2017 n’était pas reluisante. Toute personne de bonne foi sait que j’ai une stratégie, qui, certes, peut ne pas vous plaire, mais qui existe. Les objectifs sont clairs : en résumé, il faut hausser le niveau général et réduire les inégalités.
M. Max Brisson. C’est un échec !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Toute personne de bonne foi peut constater, non pas grâce à des paroles, mais grâce à des chiffres, que le niveau a monté à l’école primaire : les évaluations en attestent.
M. Max Brisson. C’est faux !
M. Julien Bargeton. Si, c’est vrai !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur Brisson, cela vous déplaît, car vous n’êtes pas dénué d’arrière-pensées politiciennes. C’est pourtant la réalité.
M. Max Brisson. Non !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le sénateur, souhaitez-vous poursuivre ce débat ? Si c’est le cas, je vous réponds ; sinon, je cesse de parler immédiatement. Je ne vous ai pas interrompu lors de votre intervention, et ce ne sont pas vos invectives…
M. Max Brisson. Elles sont justifiées !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Dans ce cas, madame la présidente, je cesse de parler. (Exclamations.)
Mme Pascale Gruny. C’est un signe de faiblesse !
M. Julien Bargeton. Tout de même, écoutons-nous !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur Blanquer, vous n’êtes pas forcément le pire ministre de ce gouvernement !
M. Julien Bargeton. Qu’est-ce que l’on aurait entendu, alors !