Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Monsieur le ministre, je me livre aujourd’hui à un exercice peu commun : relayer une alerte du Mouvement des entreprises de France (Medef). (Sourires.)
M. Julien Bargeton. Tout arrive !
Mme Monique de Marco. Le Medef s’inquiète en effet de voir s’évaporer un vivier d’ingénieurs et, j’ajouterai, de femmes ingénieures.
La réforme du lycée que vous avez conduite, avec la suppression des mathématiques du tronc commun de première et terminale générale, a eu de fâcheuses conséquences : les mathématiques ne sont plus une matière obligatoire, mais une spécialité de six heures par semaine en terminale pour celles et ceux qui la choisissent, soit 37 % seulement des élèves.
Or le niveau en mathématiques des Françaises et des Français se situe à l’avant-dernière position des pays de l’OCDE, derrière tous les pays de l’Union européenne.
M. Julien Bargeton. C’est une donnée ancienne !
Mme Monique de Marco. Les mathématiques sont la base de métiers comme l’informatique ou l’ingénierie, qui garantissent un bon taux d’emploi et de rémunération.
Nous courons donc un risque de pénurie d’ingénieurs, notamment d’ingénieurs informatiques. Si cette discipline attire moins les élèves, c’est aussi par manque d’information sur les attentes de l’enseignement supérieur et par peur de se voir sanctionné par le système Parcoursup.
Autre alerte : après des décennies d’efforts pour arriver à un quasi-équilibre entre garçons et filles dans les filières scientifiques, le ratio s’est écroulé en seulement deux années.
Cette spécialité est devenue excluante. Nous assistons à un retour des stéréotypes de genre, qui aura pour conséquence l’accentuation des inégalités femmes-hommes, pourtant supposée être – rappelons-le – la grande cause du quinquennat.
Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il faudrait renforcer le rôle et le nombre – qui est insuffisant – des conseillers d’orientation psychologues en collège et en lycée, qui sont actuellement en moyenne d’un pour 1 500 élèves ?
Enfin, et surtout, comment comptez-vous réorienter votre réforme, conspuée de toutes parts, pour répondre à cette baisse de niveau en mathématiques, qui creuse des inégalités sociales et de genre ?
M. Jacques-Bernard Magner. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, je vais vous rassurer et, ce faisant, rassurer le Medef (Sourires.), avec qui j’ai déjà échangé sur ce point, comme avec d’autres interlocuteurs : beaucoup d’éléments ayant suscité plusieurs réactions sont totalement inexacts.
Les deux objectifs que nous devons nous fixer sont – nous sommes bien d’accord sur ce point, me semble-t-il –, d’une part, un bon niveau général en mathématiques et, d’autre part, l’excellence et la largeur de l’élite scientifique.
En ce qui concerne le niveau général de la population, je le répète : nous avons augmenté le niveau des élèves et mis en œuvre, depuis 2018, le plan Villani-Torossian.
Je n’ai donc pas attendu cette semaine pour mettre en œuvre une stratégie qui, sur cette question, ne peut être que de long terme. Je le redis : nos élèves qui entrent en sixième aujourd’hui sont meilleurs en mathématiques.
S’agissant des résultats des dédoublements de classes, monsieur le sénateur Brisson, nous ne les verrons en sixième qu’ultérieurement, les premières cohortes étant encore en CM2. Mais j’insiste sur ce point : y compris au lycée, l’objectif est d’augmenter le niveau en mathématiques.
S’agissant à présent de l’élargissement de l’élite scientifique – c’était le début de votre question –, nos programmes de mathématiques sont, à l’instar de l’ensemble des programmes du lycée – tout le monde vous le dira –, plus exigeants qu’auparavant.
Les élèves de spécialité suivent en outre davantage d’heures de cours. En terminale S, ils suivaient huit heures de mathématiques, ils en ont désormais neuf.
Par ailleurs, je vous le disais : 80 % des élèves suivant des spécialités scientifiques s’orientent désormais vers l’enseignement supérieur scientifique, contre 50 % auparavant, en terminale S.
On me dit ensuite que le nombre de filles est en baisse. Regardez ce qu’on appelait autrefois Maths Sup : alors que le nombre d’étudiants est exactement le même d’une année sur l’autre, nous sommes passés de 25 % à 26 % de filles. C’est une augmentation modeste, certes, mais ce n’est en aucun cas une baisse.
Enfin, en maths complémentaires, qui s’adressent notamment aux futurs étudiants en médecine, on compte 60 % de filles.
Attention, donc, aux fake news sur le sujet ! (Mme Monique de Marco proteste.) Cette matière, d’ailleurs, ne s’y prête pas en temps normal.
Je le répète : le niveau en mathématiques n’a pas baissé, il s’est même amélioré au lycée. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je suis très ouvert pour faire plus et mieux et c’est pour cette raison que j’ai lancé une concertation sur le sujet.
M. Max Brisson. Tout va bien, circulez, il n’y a rien à voir !
M. Julien Bargeton. Vous faites dans la caricature !
M. Max Brisson. Décidément, c’est un festival d’autosatisfaction !
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, j’aurais beaucoup à dire sur votre bilan, mais je le ferai en d’autres lieux.
Je souhaite en effet vous interroger sur la rentrée scolaire qui, me semble-t-il, préoccupe bon nombre de personnes aujourd’hui.
Les dédoublements de classes se sont traduits par des effectifs chargés, hors éducation prioritaire. Avec quels moyens envisagez-vous de tenir votre promesse selon laquelle aucune classe n’excédera vingt-quatre élèves ?
Les évaluations nationales montrent toujours d’importantes inégalités entre les élèves des réseaux d’éducation prioritaire et les autres. Or les suppressions de postes sont particulièrement nombreuses en REP et REP+, les diminutions de dotations horaires globales (DHG) également, tandis que les dispositifs d’inclusion sont menacés.
En parallèle, une nouvelle offensive vise à fusionner les écoles rurales. Or le contexte sanitaire et social justifierait des mesures en faveur d’une école de proximité, qui tourne le dos à une gestion « comptable ».
Allez-vous entendre les protestations contre les fermetures de classe en éducation prioritaire, comme le refus de voir l’école rayée de nos villages ?
Pourquoi, par exemple, ne pas maintenir la règle selon laquelle aucune école rurale ne puisse fermer, dans les communes de moins de 5 000 habitants, sans l’accord du maire ?
Pour cela, il nous faut davantage de moyens financiers et humains, notamment pour assurer les remplacements. Comptez-vous ouvrir plus de postes pour la prochaine session des concours ? Les heures supplémentaires ne remplacent pas les postes, tous les chiffres en attestent.
Quant aux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), nous en manquons encore terriblement et leur statut reste excessivement précaire.
Le Conseil d’État vient par ailleurs de les transférer subrepticement aux collectivités, notamment sur les temps de restauration. Comptez-vous assumer la rémunération complète des AESH ?
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Brulin, ma réponse peut se résumer en quelques chiffres : 13 % d’augmentation du budget de l’éducation nationale au cours de ce quinquennat. Aucun autre mandat n’a donné lieu à une telle augmentation ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
À l’école primaire, où nous avons concentré les augmentations de moyens – et j’en suis fier –, plus de 11 000 postes ont été créés lors de ce quinquennat, alors que l’on compte 280 000 élèves en moins.
Cela n’est jamais arrivé et je peux vous dire que depuis 2017, dans chaque département de France, le taux d’encadrement s’est amélioré, à chaque rentrée, pour atteindre des niveaux inédits.
Certes, nous avons parfois concentré les efforts sur les réseaux d’éducation prioritaire, mais ce n’est pas vous, me semble-t-il, qui m’en blâmerez. Contrairement à ce que vous dites, cela ne s’est jamais fait au détriment d’autres zones et c’est ainsi que nous avons réduit les inégalités.
Sur certaines compétences que nous mesurons par les évaluations, nous sommes passés d’un écart de 13 points, entre les plus défavorisés et les 80 % du reste de la population, à un écart de 7 points. Cela aussi, c’est inédit et c’est le fruit de notre politique.
Cette politique d’éducation prioritaire, qui bénéficie à près de 350 000 enfants chaque année, a fonctionné et j’ose le dire : il n’y en a jamais eu de telle.
On peut toujours décrire l’or en plomb, mais je défie quiconque de me donner un exemple de politique d’éducation prioritaire qui ait donné de tels résultats depuis qu’elle existe.
Il en est de même en ce qui concerne les élèves en situation de handicap : le budget qui leur est consacré a augmenté de 65 %, passant à 3,5 milliards d’euros désormais, pour 400 000 élèves.
Les efforts doivent bien sûr être poursuivis en faveur des AESH, même si, je suis le premier à le dire, beaucoup reste à faire encore. En 2017, nous comptions 70 000 contrats aidés, pour 125 000 CDD ou CDI aujourd’hui. C’est le jour et la nuit ! Aucun progrès similaire n’avait été accompli depuis les années 2000.
M. Julien Bargeton. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Ce que je craignais est arrivé : nos collègues du groupe Les Républicains ont donné l’occasion au ministre de se livrer à un satisfecit sur sa politique menée depuis cinq ans.
M. Julien Bargeton. C’est la réalité des chiffres !
Mme Céline Brulin. Je remarque qu’il y a une dizaine de jours – un mois tout au plus – toute la communauté éducative était réunie dans la rue dans une mobilisation absolument inédite.
Vos chiffres disent certainement des choses, monsieur le ministre, mais la vérité, c’est le ressenti dans le pays.
Vous devriez tout simplement écouter ce que nous sommes nombreux à vous dire : des moyens ont été mobilisés, mais un certain nombre de sujets demeurent prégnants.
Nous sommes dans une situation sanitaire et sociale exceptionnelle qui demande des moyens exceptionnels. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Si vous exigez que je sois d’accord avec chacun d’entre vous, cela s’annonce difficile. (Protestations sur diverses travées.)
Mme Catherine Belrhiti. C’est un débat !
M. Julien Bargeton. M. le ministre peut-il répondre ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Cela s’appelle en effet un débat. Je suis très heureux de pouvoir justifier point par point notre bilan. Il ne m’échappe pas que, à droite comme à gauche, on ait envie de le dévaloriser. Ce n’est pas pour rien, c’est un point fort.
M. Max Brisson. C’est faux et ce n’est pas acceptable !
M. Julien Bargeton. Caricature !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il n’est pas acceptable de défendre un bilan ? Si tel est votre souhait, vous n’avez qu’à débattre seul !
M. Jacques-Bernard Magner. Il vous a soutenu, donc il est fâché…
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous posons tout de même, en ce qui nous concerne, des questions concrètes.
Nous n’atteindrons pas, à la prochaine rentrée, l’objectif que vous avez vous-même fixé : moins de 24 élèves par classe.
Mme Céline Brulin. Non, nous n’y sommes pas.
Mme Céline Brulin. Je peux vous donner de nombreux exemples et je suis sûre que, tous ici, nous pouvons vous en donner.
Cessez donc de vous adresser des satisfecit (Mme Catherine Belrhiti opine.) et acceptez que la situation que nous vivons exige de débloquer des moyens supplémentaires !
Chacun sait que se pose dans le pays un problème absolument crucial de remplacement. De très nombreux remplacements ne sont pas assurés. Cela se traduit par des semaines et des mois d’enseignement perdus.
Vous devez, en toute humilité, pouvoir entendre nos propositions en la matière. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Billon. Permettez-moi d’abord de remercier Max Brisson pour l’inscription de ce débat à l’ordre du jour du Sénat. Il nous donne l’occasion de débattre à la fois avec la droite, la gauche et le centre.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les mathématiques et sur la sanctuarisation des heures dédiées à l’orientation.
Selon un rapport de l’OCDE, la France occupe l’avant-dernière place en mathématiques. Depuis un certain nombre d’années, on constate un affaissement du niveau des lycéens en la matière, ainsi qu’un faible taux de féminisation dans les filières scientifiques et techniques.
La réforme du lycée de 2019 a entraîné une chute historique du nombre d’élèves suivant des cours de mathématiques en première et en terminale. Une donnée illustre à elle seule les écueils de cette réforme : de 2018 à 2020, le nombre d’heures de cours dispensées en mathématiques a diminué de 18 %.
Pour corriger sa copie, le Gouvernement a lancé, la semaine dernière, une consultation sur le sort des mathématiques au lycée. En cette période électorale, je m’interroge avec bienveillance, monsieur le ministre, sur le tempo de cette annonce pour le moins tardive. Nous attendrons, malgré tout, des garanties concrètes sur ce qui pourrait en résulter.
Enfin, permettez-moi d’aborder un second point, qui conditionne en bonne partie l’avenir de nos futurs étudiants. En février 2020, la Cour des comptes soulignait que 65 % des proviseurs et 85 % des professeurs principaux n’avaient reçu aucune formation spécifique pour exercer leur mission d’orientation.
Monsieur le ministre, mes questions sont simples : quelles garanties comptez-vous donner aux enseignants, aux parents d’élèves et aux lycéens quant à l’avenir des mathématiques dans le tronc commun ?
Que comptez-vous faire pour renforcer le temps de formation des professeurs principaux afin d’améliorer l’orientation de nos jeunes générations ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Il est difficile de répondre dans le détail à ces questions en quelques minutes.
Je le répète : s’agissant des mathématiques, certaines données qui circulent sont tout simplement inexactes. Si j’ai ouvert une concertation, c’est précisément pour les mettre à plat dans leur ensemble. Je le fais d’autant plus volontiers que je suis parfaitement à l’aise avec ces données, notamment celles que je vous ai présentées.
Quand plus de 80 % des élèves ayant choisi des matières scientifiques dans le cadre du nouveau baccalauréat poursuivent des études scientifiques contre 50 % auparavant depuis la terminale S, cela vous donne une petite explication quant au meilleur usage que nous faisons désormais des heures de mathématiques.
Il n’est qu’à lire telle ou telle tribune de tel ou tel représentant de telle ou telle discipline – l’exercice est assez classique dans notre pays, chaque discipline tentant d’obtenir le plus grand nombre d’heures – pour comprendre que les mathématiques ne sont en aucun cas défavorisées : il s’agit de la matière la plus souvent choisie en enseignement de spécialité – plus de 60 % des élèves.
Par ailleurs, il n’est pas exact d’affirmer que le nombre de filles en mathématiques s’effondre. On a entendu dire, sur une grande antenne, que la proportion de filles était passée de 50 % à 10 %. Ce chiffre est totalement fantaisiste.
Dans un certain nombre de cas, on constate même, à l’inverse, un rebond du nombre de filles. Le temps me manque pour entrer dans les détails, mais je mets ces éléments à la disposition de chacun.
Si je n’ouvre pas de concertation, on me reproche d’être vertical, et si j’en ouvre une, on me dit que je recule… Ce n’est ni l’un ni l’autre. J’ai ouvert une concertation afin de mettre à plat les données et préparer l’avenir, quel qu’il soit sur le plan politique, de façon à ce que les choses soient faites en toute lucidité.
Nous avons besoin de plus de mathématiques et de plus de sciences dans notre pays et, en effet – vous avez raison, madame la sénatrice –, cela passe par l’orientation.
En la matière, nous avons mené là encore, depuis 2018, de grandes réformes, même si la crise de la covid-19 n’a pas aidé à leur mise en œuvre.
La compétence d’orientation est désormais partagée – vous le savez – entre les régions et l’éducation nationale. Les élèves bénéficient, dès la classe de quatrième, de plus de 40 heures par an en la matière. Nous avons également créé deux professeurs principaux en classe de terminale, là aussi, dès 2018, afin d’accompagner les élèves dans l’utilisation de Parcoursup.
Le temps me manque pour développer, mais il est exact de dire que les réformes du baccalauréat et de Parcoursup ont créé de nouvelles logiques d’articulation entre le bac et l’enseignement supérieur.
Ces logiques vont dans le sens de la revalorisation du baccalauréat, d’une part, et de la baisse du taux d’échec dans l’enseignement supérieur, d’autre part, une baisse que nous commençons à constater dans les premiers chiffres qui nous parviennent.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. La grande cause du quinquennat était l’égalité femmes-hommes. Je souhaite que les filles comme les garçons aient les mêmes chances de s’orienter vers des filières scientifiques et que les moyens nécessaires soient consacrés à l’orientation, à tous les niveaux.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, ce n’est pas le cas. Les enseignants manquent de temps.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je suis vraiment très heureux d’avoir ce débat et j’en remercie les sénateurs.
À l’inverse de la verticalité qui a été évoquée, l’orientation est précisément une compétence que nous avons confiée aux régions.
M. Max Brisson. Les villages Potemkine…
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous sommes d’ailleurs en relation très étroite avec elles pour qu’elles puissent s’approprier pleinement ces questions. Cela a été plus difficile l’année dernière en raison de la crise de la covid et c’est donc très important aujourd’hui.
S’agissant ensuite de l’égalité garçons-filles, à laquelle je suis très sensible, un rapport récent que j’ai commandé nous permettra d’avancer encore sur cette question.
Puisqu’il a été question précédemment du numérique, j’en profite pour dire que les mathématiques ne sont qu’une discipline scientifique parmi d’autres. Au rang des innovations de la réforme du lycée figure l’entrée, dans le système scolaire, de l’informatique comme véritable discipline. Cela fait partie, désormais, du bilan du quinquennat.
Désormais, la spécialité « numérique et sciences informatiques » est enseignée au lycée et les élèves de seconde suivent tous quatre heures d’informatique.
Nous sommes par ailleurs en situation d’accroître le nombre de filles dans ce domaine. Nous sommes déjà passés de 11 % à 18 %, sachant que nous partions de zéro, dans un secteur professionnel où, parfois, on ne compte que 5 % de femmes.
Certes, il y a beaucoup à faire, mais nous nous sommes donné les moyens de disposer de leviers pour l’avenir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Personnellement, je suis extrêmement sensible à notre capacité à donner, dans les prochaines années, des moyens aux enseignants pour orienter les élèves de manière éclairée.
Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. La réforme du baccalauréat a finalement complexifié l’orientation, avec des spécialités qui déterminent les choix des élèves et sur lesquelles les professeurs ne sont pas totalement en phase, s’agissant des attendus et prérequis de l’enseignement supérieur.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d’accorder l’importance nécessaire à cette question de l’orientation.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Monsieur le ministre, un mois après l’Agora de l’éducation qui s’est tenu au Sénat, ce débat proposé par le groupe Les Républicains – que je remercie – traduit notre préoccupation commune quant à la politique éducative française.
Notre éducation nationale devrait être une fierté nationale. Or les différents classements évoqués précédemment n’y contribuent guère.
Ils ne sont que litanie de nos insuffisances en lecture et en mathématiques, une avalanche de chiffres certes parfois contradictoires : part de PIB supérieure à nombre de nos voisins – Allemagne en tête – et, cependant, un montant consacré par élève inférieur ; plus d’heures consacrées aux fondamentaux et pourtant inégalité sociale aggravée ; salaires des enseignants plus bas ; recul de l’attractivité des métiers d’enseignant ; augmentation des démissions.
Pourtant, je vous l’accorde, monsieur le ministre, beaucoup a été entrepris et il est encore trop tôt – vous l’avez rappelé – pour évaluer les effets de certaines mesures. Mais l’éducation nationale, comme nous avons la prétention de l’appeler, ne se résume pas à l’instruction et à la transmission des savoirs.
Trois mondes cohabitent trop hermétiquement : l’école, la famille et la rue, où hélas ! certains enfants passent trop de temps.
Un comportement inadapté en milieu scolaire trouve parfois son inspiration dans la rue, où il doit être encadré. Les difficultés d’acquisition nécessitent un soutien familial qu’il faut accompagner.
De façon plus évidente encore, la question de la santé est essentielle, dans toute son acception, physique, psychique et sociale. Il est nécessaire d’aller plus loin dans le rapprochement de la médecine scolaire avec les services de protection maternelle et infantile (PMI), les services de santé et sociaux des départements.
Il n’y a pas de pathologies spécifiques à l’école. Le dépistage du handicap, qu’il soit auditif, visuel ou d’attention, est nécessaire à l’école comme en famille ou dans la vie en général. Quel sens donner au travail des assistantes sociales si celles-ci ne peuvent pas coordonner leurs interventions dans les familles et à l’école ?
Il en est de même pour les surveillants scolaires, les intervenants périscolaires et les éducateurs de rue.
Telle est la prise en charge globale dans les trois mondes de la famille, de l’école et de la rue que nous avons le devoir d’assurer pour garantir l’équilibre et la réussite de nos enfants.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, vos propos me semblent très justes. Il est exact que nous devons distinguer entre ce qui relève du noyau dur de la mission de l’éducation nationale, c’est-à-dire l’instruction et la transmission des connaissances, et tous les autres enjeux également très importants que l’on peut qualifier d’« éducatifs ».
Loin de considérer qu’il faut opposer l’instruction publique et l’éducation nationale, il me semble, au contraire, qu’on doit articuler les deux.
Certes, les enjeux éducatifs sont nombreux et nous y avons répondu sous plusieurs angles pendant ce quinquennat.
Tout d’abord, nous finissons celui-ci avec un ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, ce qui montre que nous nous sommes aussi intéressés aux temps périscolaire et extrascolaire.
Ensuite, nous nous sommes également montrés attentifs aux facteurs extrascolaires de la réussite scolaire. Je pense à ce qui a été réalisé au titre des cités éducatives ou à l’ensemble des politiques sociales de ce ministère.
Il est vrai qu’il faut du personnel pour mener ces actions. Vous avez cité les assistantes sociales et les infirmières, dont la mobilisation a été particulièrement importante pendant l’épisode de covid.
Oui, nous devons continuer de mettre en œuvre des politiques qui agissent sur les facteurs de la réussite scolaire sous l’angle social. Oui, le bilan en la matière est très important. Oui, des progrès restent à faire, notamment en matière de santé scolaire, au cours des prochaines années. Sans doute faudra-t-il aussi travailler sur l’articulation entre les administrations sociales, par exemple sur le lien entre les assistantes sociales de l’éducation nationale et celles des départements.
Des progrès importants ont été réalisés, en particulier grâce au plan Mercredi et au dispositif Vacances apprenantes.
Enfin, oui, nous devons avoir la vision complète que vous décriviez, a fortiori dans les territoires les plus défavorisés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le ministre, je voudrais vous parler des rythmes scolaires. Je rappelle que le décret du 24 janvier 2013 relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires, dit décret Peillon, prévoit neuf demi-journées d’une durée maximale de cinq heures trente par jour et trois heures trente par demi-journée, la durée de la pause méridienne ne pouvant être inférieure à une heure trente.
Aujourd’hui, par le biais de dérogations très nombreuses, on constate que la plupart des écoles – près de 90 % d’entre elles – fonctionnent en semaine de quatre jours d’une durée de six heures. Ce choix est motivé avant tout par des considérations de vie sociale et familiale et il a été arrêté en fonction des contraintes et des préférences des adultes, mais il reste en totale inadéquation avec les besoins des enfants.
Pourtant, de nombreuses études de chronobiologistes montrent que ce type de fonctionnement s’accompagne d’une baisse du niveau de performance, en particulier chez les enfants des milieux défavorisés, qui ne bénéficient pas de structures périscolaires et extrascolaires, de sorte qu’ils se retrouvent malheureusement trop souvent livrés à eux-mêmes.
Il est désormais avéré que les apprentissages se font mieux pendant les matinées. Le fait d’en supprimer une par semaine, soit trente-six par an, est évidemment dommageable pour la réussite de nombreux enfants de nos écoles.
La France – on l’a beaucoup dit – est de plus en plus mal classée dans les enquêtes PISA, mais vous avez expliqué précédemment que cela n’était pas vrai, même si nous nous situons entre le quinzième et le vingt et unième rang sur trente-six pays. En outre, la France reste le pays de l’OCDE qui a le moins de jours d’école pour un nombre total d’heures plus élevé en moyenne. Il y a là une contradiction.
Le précédent gouvernement en avait tiré des enseignements en proposant d’abandonner la semaine de quatre jours, telle qu’elle avait été imposée par le Gouvernement en 2008, et d’introduire une neuvième demi-journée plus favorable au travail scolaire et à l’épanouissement des enfants. Toutefois, l’expérience n’aura pas assez duré pour qu’on en mesure les bienfaits et les nombreux égoïsmes autour de l’école et dans l’école auront bientôt raison de cet allongement bénéfique de la semaine avec cinq matinées favorables aux apprentissages.
Ajoutons à cela la disparition quasi générale des activités culturelles et sportives, faute de temps, dans une semaine désormais concentrée sur les disciplines de base.
Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il serait nécessaire de rouvrir le dossier des rythmes scolaires dans nos écoles ?