M. Vincent Segouin. Vous avez le mérite de l’être ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Grand. Il faut dire ce que l’on fait et éviter les coups de billard à quatre bandes.
Ce texte n’est pas fortuit. Ce n’est pas le fruit du hasard si deux sénateurs de l’Hérault, mes collègues Hussein Bourgi et Henri Cabanel, se sont exprimés lors de la discussion générale et si un député du même département en a pris l’initiative.
C’est tout simplement parce que nous avons été saisis par des associations, de femmes notamment, dont la représentante de l’une d’entre elles est d’ailleurs présente dans nos tribunes cette après-midi. Nous avons été extrêmement attentifs au message qui nous a été adressé et aux témoignages qui sont les leurs.
Mme le président. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 17, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 311-24-2. – Toute personne majeure peut intervertir l’ordre de ses deux noms accolés choisi par ses parents ou porter, à titre d’usage, le nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien ou le nom de famille de l’ensemble des frères, sœurs ou demi-frères et demi-sœurs, par substitution ou par adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’elle choisit, dans la limite de deux noms de famille.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement a pour objet d’étendre le choix qui s’offre à une personne souhaitant modifier son nom d’usage. Celle-ci doit pouvoir adjoindre ou substituer le nom de l’un des deux parents, mais également celui de ses frères et sœurs ou demi-frères et demi-sœurs.
J’ai déjà cité cet exemple tout à l’heure : je pense à celles et ceux qui ont des demi-frères ou des demi-sœurs et qui, parce que chacun porte le nom de son père, n’ont de fait aucun lien avec leur belle-famille.
Dans de tels cas, ils n’ont pas d’autre moyen de faire famille avec eux, alors que, pourtant, il s’agit parfois du lien auquel ils attachent le plus de prix.
Mme le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 21 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 27 rectifié est présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 6
Après le mot :
peut
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
porter, à titre d’usage, l’un des noms prévus par les premier et quatrième alinéas de l’article 311-21.
II. – Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« À l’égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en œuvre par les deux parents exerçant l’autorité parentale ou par le parent exerçant seul l’autorité parentale.
« En outre, le parent qui n’a pas transmis son nom de famille peut l’adjoindre, à titre d’usage, au nom de l’enfant mineur. Cette adjonction se fait dans la limite du premier nom de famille de chacun des parents. Il en informe préalablement et en temps utile l’autre parent exerçant l’autorité parentale. Ce dernier peut, en cas de désaccord, saisir le juge aux affaires familiales, qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 21.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement a pour objet de rétablir l’article 1er, tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale, sous réserve d’un renvoi à l’article 311-21 du code civil.
Votre commission des lois a souhaité supprimer, pour les mineurs, l’ensemble du mécanisme relatif au nom d’usage qui avait été introduit par l’Assemblée nationale. Or, j’ai eu l’occasion de l’indiquer tout à l’heure, le Gouvernement souhaite une évolution en la matière.
Tout d’abord, il n’y a franchement aucune raison, dès lors que les deux parents sont d’accord ou que le juge l’autorise, d’interdire de donner à l’enfant, à titre d’usage, le nom de l’autre parent, avec l’ensemble des combinaisons qui sont offertes par la loi, y compris la substitution de ce nom.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Absolument !
Mme Marie Mercier, rapporteur. Nous sommes d’accord !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Tout le monde en est d’accord.
Je ne comprendrais absolument pas une logique de simplification qui conduirait à interdire la substitution d’un nom à titre d’usage et à obliger les parents à entamer une procédure lourde de changement du nom de famille, notamment au vu de toute la machinerie administrative parfois pesante, coûteuse et, je l’ai dit, aléatoire et intrusive – il faut raconter à l’administration un certain nombre de choses que l’on n’a pourtant pas toujours envie de relater –, qu’il faut mettre en branle. En résumé, pourquoi faire simple quand on peut faire très compliqué ?
Actuellement, la Chancellerie est saisie de cas de parents qui ont donné un double nom à leur enfant à sa naissance et qui souhaitent lui substituer le nom d’un seul d’entre eux. Faut-il, dans cette hypothèse, interdire la substitution du nom à titre d’usage ? Personnellement, je ne le crois pas.
Par ailleurs, le Gouvernement souhaite simplifier la vie quotidienne des femmes séparées, dont l’enfant ne porte pas le même nom, en leur permettant d’adjoindre leur propre nom, à titre d’usage, à celui de l’enfant, à condition bien sûr d’en avoir préalablement, et en temps utile, informé l’autre parent – c’est la moindre des choses. La simplification résulte précisément du fait que c’est ce parent qui, en cas de désaccord, devra saisir le juge aux affaires familiales, et non la mère.
Votre commission a supprimé ce dispositif au motif qu’il serait contraire à l’intérêt de l’enfant, dans la mesure où la procédure devant le juge aux affaires familiales dure en moyenne six mois. Je vous rappelle qu’il existe des procédures d’urgence, comme le référé, qui permettent au juge de statuer en quelques jours si nécessaire. Votre argument – pardonnez-moi de le dire aussi nettement – ne tient pas.
Enfin, le Gouvernement souhaite améliorer la rédaction du texte, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, en ce qui concerne le choix des noms possibles. Pour les majeurs comme pour les mineurs, nous proposons de renvoyer à un dispositif connu, celui de l’article 311-21 du code civil, plutôt que d’énumérer les différentes possibilités de choix de noms, au risque bien sûr d’en oublier.
Ce renvoi, que je proposerai également dans le cadre du dispositif de l’article 2, permet d’unifier les règles relatives au nom d’usage et à la dévolution du nom de famille. Il permet à l’évidence d’assurer une continuité entre le nom d’usage, porté éventuellement pendant la minorité de l’enfant, et l’option dont celui-ci bénéficiera à sa majorité, s’il décide de changer de nom selon la procédure simplifiée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite donc à voter cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je serai bref : dans le même esprit que le Gouvernement, et en complément des arguments que le garde des sceaux vient d’avancer, je précise que les dispositions que nous proposons sont assorties de garanties conformes à l’intérêt de l’enfant. En effet, l’accord des deux parents qui ont l’autorité parentale est exigé, et le juge reste compétent en cas de désaccord.
Nos propositions s’inscrivent de plus dans le strict cadre familial et dans celui de la filiation. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter ces amendements.
Mme le président. L’amendement n° 29, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
usage,
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
porter l’un des noms prévus par les premier et quatrième alinéas de l’article 311-21.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à apporter davantage de souplesse au nom d’usage, en reprenant la rédaction proposée par le Gouvernement.
Mme le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mme Artigalas, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Monier, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« À l’égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en œuvre par les deux parents exerçant l’autorité parentale ou par le parent exerçant seul l’autorité parentale.
« En outre, le parent qui n’a pas transmis son nom de famille peut l’adjoindre, à titre d’usage, au nom de l’enfant mineur. Cette adjonction se fait dans la limite du premier nom de famille de chacun des parents. Il en informe a posteriori, une fois la démarche effectuée et en temps utile l’autre parent exerçant l’autorité parentale. Ce dernier peut, en cas de désaccord, saisir le juge aux affaires familiales, qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant.
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Cet amendement a pour objet de rétablir la rédaction de l’article 1er, tel qu’elle est issue de l’Assemblée nationale, enrichie des apports de notre rapporteur. Le dispositif nous semble ainsi plus équilibré.
Mes chers collègues, nous vous proposons donc, pour plus d’efficacité, de voter notre amendement.
Mme le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Paccaud et Genet, Mme Lassarade, M. Gremillet, Mme Garriaud-Maylam et MM. Rapin, Laménie, Tabarot, Guerriau et Burgoa, est ainsi libellé :
Alinéa 7, deuxième phrase
Après le mot :
œuvre
insérer les mots :
pour tous les enfants communs
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Cet amendement vise à compléter et à préciser l’article 1er, afin de consolider et de sécuriser l’union patronymique d’une fratrie.
Comme l’a mentionné tout à l’heure Mme Vogel, mais de manière différente, l’article 1er dispose que, à l’égard des enfants mineurs, la faculté proposée ne peut « consister qu’en l’adjonction du nom du parent qui n’a pas transmis le sien, dans la limite d’un nom de famille, et dans un ordre choisi ». Il est également indiqué que le choix est mis en œuvre « par les deux parents exerçant l’autorité parentale ou par le parent exerçant seul l’autorité parentale ».
Je propose de préciser que ce choix est mis en œuvre « pour tous les enfants communs ». Il s’agissait peut-être de la volonté implicite du législateur, mais mieux vaut que cette précision figure explicitement, pour éviter tout risque de morcellement patronymique d’une fratrie.
Mme le président. L’amendement n° 19, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 7
1° Deuxième phrase
Remplacer les mots :
les deux parents exerçant l’autorité parentale ou par le parent exerçant seul l’autorité parentale
par les mots :
le parent exerçant l’autorité parentale n’ayant pas transmis son nom
2° Dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Dans la même logique que celle du Gouvernement, cet amendement vise à rétablir la possibilité, pour un parent n’ayant pas transmis son nom et exerçant l’autorité parentale, de transmettre son nom a posteriori sans qu’il soit contraint d’exercer seul l’autorité parentale ou d’avoir l’accord préalable, mais après avoir informé bien sûr, et en temps utile, l’autre parent.
Nous allons donc dans le même sens que le Gouvernement et supprimons de surcroît la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. L’amendement n° 17 de Mme Vogel vise à étendre les choix possibles pour le nom d’usage aux noms des frères, sœurs ou demi-frères et demi-sœurs. Nous avons déjà étendu ces choix aux noms que portent les parents à la naissance – tel est l’objet de l’amendement n° 29. Aller au-delà ajouterait à la confusion des situations, me semble-t-il.
Je rappelle qu’il est possible de changer de nom d’usage sans formalité plusieurs fois dans sa vie. Accroître le nombre des choix possibles pourrait favoriser une succession de noms d’usage au fil de ses affinités affectives.
Or il ne faut pas mettre le nom au cœur de toutes les problématiques familiales ou affectives auxquelles fait face, en particulier, un enfant. Ce n’est pas le nom qui fait les liens familiaux ou affectifs. Il s’agit d’un élément d’identification des tiers, si bien qu’il est opportun d’en garantir une certaine stabilité.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Les amendements identiques nos 21 du Gouvernement et 27 rectifié de M. Mohamed Soilihi tendent à rétablir la rédaction de l’article 1er, tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale.
Je rappelle que, pour les mineurs, la commission a refusé de permettre la substitution d’un nom à l’autre et de se passer de l’office du juge en cas de désaccord entre les parents.
Je rappelle également que le nom d’usage n’est pas qu’une mention administrative sur une carte d’identité. C’est le nom par lequel l’enfant sera appelé par sa maîtresse ou son professeur de judo et celui qui figurera sur ses bulletins de notes. C’est son nom : il n’est pas en mesure de distinguer ce nom d’usage et son véritable nom de famille !
Si l’article 1er a pour seul objet de faire porter la mention du nom de la mère sur la carte d’identité de l’enfant, il n’est pas nécessaire de faire une loi : il suffit de demander au ministère de l’intérieur de changer le format de la carte d’identité et d’ajouter sur celle-ci une nouvelle rubrique, ce qui relève du pouvoir réglementaire. Cela correspondrait à un mini-livret de famille, que l’on n’aurait dès lors plus à emporter avec soi.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
L’amendement n° 7 de notre collègue Bourgi vise à rétablir la possibilité de substitution du nom d’un parent à l’autre et celle d’adjoindre unilatéralement un nom à titre d’usage.
Comme les amendements identiques nos 21 et 27 rectifié, il tend donc à revenir au texte adopté par les députés. Il en diffère toutefois en ce que ses auteurs prennent acte que l’usage d’un nom d’usage est instantané et que l’autre parent en serait informé a posteriori.
En commission, nous avions supprimé cette disposition, car un enfant ne fait pas la différence entre nom d’usage et nom de famille. Rien ne justifie de lui imposer dans sa vie quotidienne de ne plus utiliser le nom de l’un de ses parents ou de lui adjoindre un autre nom dans un contexte conflictuel.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Les dispositions de l’amendement n° 1 rectifié bis de M. Paccaud reposent sur le principe d’unité du nom d’usage dans la fratrie.
Notre collègue souhaite que tous les enfants ayant les mêmes parents aient le même nom d’usage. Cela semble une bonne idée que de répliquer ici un principe qui existe pour les noms de famille. Cette unité serait respectée pour les enfants de moins de 13 ans, et sous réserve de leur consentement, pour les enfants plus âgés. La commission y est favorable. (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.)
Enfin, l’amendement n° 19 de Mme Vogel vise à permettre au parent n’ayant pas le même nom que l’enfant d’ajouter son nom à titre d’usage, sans l’autorisation de l’autre parent. Notre collègue souhaite que le parent qui n’a pas transmis son nom puisse l’adjoindre de manière unilatérale, sans que l’autre en soit informé ou puisse s’y opposer.
Or nous l’avons vu, le nom d’usage est le nom par lequel l’enfant est désigné dans sa vie de tous les jours. Il semble par conséquent important de maintenir une décision conjointe des parents.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je souhaite vous signaler, madame la rapporteure, que deux de vos arguments me semblent parfaitement oxymoriques.
Mme Marie Mercier, rapporteur. J’aime beaucoup les oxymores ! (Sourires.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. D’un côté, vous nous dites que vous craignez que les services de l’état civil ne soient surchargés, ce à quoi je vous ai répondu que cela ne changera rien, puisque, lorsque la DACS autorise un changement de nom, l’officier d’état civil doit de toute façon le transcrire à la marge.
D’un autre côté, vous incitez à ce que l’on refasse les cartes d’identité : pour le coup, ce serait une surcharge de travail colossale !
C’est l’un ou l’autre : soit on laisse les choses en l’état, et l’officier d’état civil retranscrit les changements de nom, ce qu’il a évidemment l’habitude de faire – que cela vienne de la Chancellerie ou non n’y change rien, puisque, comme je l’ai expliqué, la charge de retranscrire ce changement pèse au bout du compte sur les officiers d’état civil ; soit on refait les cartes d’identité, mais ce serait alors une tâche gigantesque, et pas seulement pour le ministère de l’intérieur d’ailleurs, car les officiers d’état civil en seraient chargés pour partie.
Pour le reste, je suis évidemment favorable à l’amendement que j’ai déposé – cela n’étonnera personne ! (Sourires.) –, ainsi qu’à celui de M. Mohamed Soilihi, puisqu’il lui est identique. À l’inverse, j’émets un avis défavorable sur tous les autres amendements en discussion commune.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 27 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Paccaud et Genet, Mme Lassarade, M. Gremillet, Mme Garriaud-Maylam et MM. Rapin, Laménie, Tabarot, Guerriau et Burgoa, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer le mot :
treize
par le mot :
onze
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Cet amendement a pour objet l’âge de consentement d’un mineur dans la procédure de changement de nom. Celui-ci est fixé par le texte à 13 ans, et je propose de l’avancer à 11 ans.
Cela peut paraître étonnant, tant il est vrai que, à 13 ans, on est certainement beaucoup plus mature qu’à 11 ans. Cependant, c’est l’âge où l’on passe de l’école primaire au collège, ce qui peut toujours être un moment difficile pour un préadolescent.
Or, s’il s’accompagne d’un changement de nom qui a été subi, et non pas consenti, il peut y avoir une réelle perturbation, un réel traumatisme. C’est pour cette raison qu’il ne me semble pas illogique d’offrir aux enfants de 11 ans ce que nous nous apprêtions à accorder aux enfants de 13 ans.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Mon cher collègue, vous voulez avancer à 11 ans l’âge à partir duquel le consentement des mineurs est requis pour changer de nom d’usage.
La question de l’âge du consentement, dont nous avons souvent parlé ici, est très délicate. Ce genre de situation peut être un poids énorme pour l’enfant, qui sera pris dans un conflit de loyauté. Il peut ressentir ce choix comme l’aveu d’une préférence pour son père ou sa mère.
On ne peut pas se reposer ainsi sur un enfant, surtout en cas de conflit, dont le pédopsychiatre que j’ai entendu a souligné combien il était néfaste de faire peser sa solution sur l’enfant. J’y insiste, mon cher collègue, même si j’en suis désolée, il ne me semble pas que ce soit une très bonne idée.
Le code civil a déjà fixé cet âge à 13 ans pour l’adoption des changements des noms et prénoms, et la commission souhaite conserver cette cohérence pour le nom d’usage.
J’ajoute que, certes, l’enfant entre au collège à 11 ans, mais le premier examen qu’il va passer, c’est le brevet des collèges. Il a alors plus de 13 ans, et c’est souvent là qu’il se rend compte qu’il n’a pas les mêmes noms de famille et d’usage.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis en accord total avec ce que vient de dire Mme le rapporteur. Les deux raisons qu’elle évoque sont excellentes et me poussent à donner également un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. J’entends bien vos arguments, madame le rapporteur, notamment celui du pédopsychiatre, que je comprends tout à fait.
Simplement, je vous rappelle que nous sommes sur le point de finir l’examen d’un texte sur le harcèlement scolaire, dont je suis rapporteur au Sénat. Dans le cadre des différentes auditions que j’ai pu mener, à la lecture des différents travaux que j’ai pu parcourir, j’ai appris qu’il y avait des cas de harcèlement liés au nom de famille.
Un enfant arrivant en sixième à 11 ans, voire à 10 ans, et dont le nom aurait éventuellement changé, sans qu’il l’ait intégré lui-même ou voulu, vivra certainement très mal les possibles moqueries de ses petits camarades à ce sujet. Le fait qu’il accepte lui-même ce changement, donc qu’il en porte le poids, pour reprendre le champ sémantique du pédopsychiatre, sera peut-être plus facile à vivre que si ce poids lui tombe sur le dos.
Je ne suis pas persuadé que ce soit fondamentalement différent à 13 ans. De toute façon, c’est une question complexe. La maturité et la capacité de l’enfant à subir certains traumatismes ou chocs émotionnels dépendent en fait de son mode d’éducation.
Cependant, je maintiens mon amendement, même si je comprends tout à fait votre plaidoirie.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 8 est présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mme Artigalas, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Monier, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 14 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 264 du code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « , mais peut conserver l’usage du nom de son conjoint s’il en fait la demande explicite » ;
2° Le second alinéa est supprimé.
La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l’amendement n° 8.
M. Hussein Bourgi. Cet amendement a pour objet la situation particulière du nom d’usage.
Comme vous le savez, lorsque deux personnes se marient, l’une d’entre elles peut utiliser le nom du conjoint pendant la durée du mariage et au-delà. Lorsqu’une séparation survient, il faut naturellement que l’époux concède l’usage de son nom patronymique ou qu’un juge en décide ainsi.
Des femmes qui ont eu une carrière professionnelle riche, dans le monde du spectacle, dans le monde du droit ou dans la médecine peuvent se voir interdire par le mari d’utiliser son nom, par mesure de rétorsion, même après vingt ans d’usage, ce qui peut perturber la clientèle ou la patientèle d’un avocat ou d’un médecin.
Par cet amendement, nous vous proposons de faire en sorte que cette faculté soit automatique, sans requérir obligatoirement l’autorisation du mari ou d’un juge, ce qui peut prendre du temps.
Or, dans ce délai, je le répète, la clientèle ou la patientèle peut être troublée de ne pas retrouver la plaque de l’avocat ou du médecin qu’elle consultait précédemment.
Mme le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 14.
Mme Mélanie Vogel. C’est le même amendement, donc je ne vais pas répéter ce qui a déjà été dit.
J’ajoute simplement que l’on ne peut pas en rester à un système où l’on a longtemps obligé les femmes à changer de nom lorsqu’elles se mariaient pour ensuite les obliger à renoncer au nom qu’elles avaient été obligées de prendre, au prix de toute une série de complications.
La majorité des femmes, je le répète, ont été obligées de prendre un nom qui n’était pas le leur et de mener une vie professionnelle, politique, publique avec ce nom-là. C’est une injustice ! Le minimum, c’est qu’elles puissent au moins le garder.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Ces deux amendements identiques visent à permettre l’usage par une personne du nom de son conjoint après divorce sur simple demande, sans prendre en compte la volonté de l’ex-conjoint, qui aurait, en quelque sorte – il est un peu étrange de le dire ainsi –, prêté son nom.
Quand on épouse un homme, on prend son nom, mais notre nom patronymique, d’état civil, est notre nom de jeune fille. Après le mariage, il s’agit d’un nom d’usage que l’on emprunte au mari que l’on a choisi.
Actuellement, la possibilité de continuer d’utiliser le nom de son ex-époux n’existe que si celui-ci en est d’accord, ou si le juge aux affaires familiales (JAF) l’autorise en raison d’un intérêt particulier, pour le demandeur ou pour les enfants. Ce mécanisme participe de la dimension contractuelle du mariage. C’est un contrat : lorsqu’on le brise, le conjoint repart avec son nom. Il n’y a pas lieu d’en faire un droit.
Mme Catherine Belrhiti. Je ne suis pas d’accord !
Mme Marie Mercier, rapporteur. L’avis de la commission est donc défavorable.