Mme la présidente. La séance est reprise.
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Communication relative à des commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, de la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte, de la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, et du projet de loi portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français, sont parvenues à l’adoption d’un texte commun.
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Quelle politique ferroviaire pour assurer un maillage équilibré du territoire ?
Débat organisé à la demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sur le thème : « Quelle politique ferroviaire pour assurer un maillage équilibré du territoire ? »
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Philippe Tabarot, au nom de la commission qui a demandé ce débat.
M. Philippe Tabarot, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, presque quatre ans après l’adoption de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire et plus de deux ans après l’adoption de la loi d’orientation des mobilités (LOM), dont le rapporteur dans cette chambre était notre collègue Didier Mandelli, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a souhaité faire un point d’étape, sous la forme d’un débat avec le Gouvernement sur les orientations de la politique ferroviaire pour nos territoires.
Or je dois vous dire, monsieur le secrétaire d’État, que les retours du terrain dont nous nous faisons l’écho aujourd’hui sont pour le moins contrastés !
Le Premier ministre a certes pris l’engagement, en décembre dernier, de régénérer les lignes de desserte fine partout dans le pays, soit 9 200 kilomètres de voie ferrée, mais le compte n’y est pas. Il est vrai que des protocoles d’accord ont bien été conclus entre l’État, SNCF Réseau et certaines régions afin d’identifier les lignes qui seraient reprises soit par les régions, soit par SNCF Réseau, et celles qui, comme actuellement, feraient l’objet d’un cofinancement.
Mais de quoi s’agit-il, sinon d’une manière pour l’État, comme il le fait souvent, de se défausser sur les régions de l’entretien des petites lignes, qui sont pourtant, en complément du réseau plus structurant, un gage d’égalité entre nos citoyens en matière de mobilité ?
En dépit des promesses, les montants consacrés par l’État à la régénération des lignes de desserte fine du territoire sont loin d’être à la hauteur des enjeux. Le rapport du préfet François Philizot évaluait le besoin de financement global à 7,6 milliards d’euros d’ici à 2028, dont 6,4 milliards à engager à partir de 2020, soit plus de 700 millions d’euros par an. Or le ministre délégué chargé des transports Jean-Baptiste Djebbari nous déclarait à l’automne dernier, lors de son audition par notre commission, qu’environ 600 millions d’euros y ont été consacrés sur les deux dernières années, soit seulement 300 millions d’euros par an.
Notre commission a bien proposé à plusieurs reprises, depuis 2020, de doubler les crédits investis par l’État dans les petites lignes, afin de se rapprocher des recommandations du rapport Philizot, mais ces amendements n’ont pas reçu les faveurs du Gouvernement. Comment expliquez-vous, monsieur le secrétaire d’État, un tel décalage entre les engagements et la réalité ?
Un écart similaire entre les intentions et les moyens mis en œuvre en matière de développement du transport ferroviaire transparaît significativement dans le projet d’actualisation du contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau.
Le Sénat avait voté à l’unanimité l’inscription dans la loi d’un objectif d’augmentation de la part modale du transport ferroviaire. Pour autant, le projet de contrat qui devrait bientôt – je l’espère en tout cas – nous être transmis manque cruellement d’ambition et semble faire l’unanimité contre lui : les nouveaux entrants, Régions de France, ou encore la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) ont tous déploré ses principales orientations. Les moyens qui y figurent sont en effet insuffisants pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.
Monsieur le secrétaire d’État, il faut faire évoluer ce contrat pour donner au ferroviaire les moyens de nos ambitions !
Enfin, toujours dans une perspective de maillage équilibré du territoire, je souhaiterais vous entendre sur le modèle de financement du transport ferroviaire, notamment en ce qui concerne le secteur conventionné et les petites lignes.
Nous savons que le niveau des péages est très élevé en France, puisqu’il est en moyenne deux fois supérieur à la moyenne européenne. Régions de France a alerté le Premier ministre sur la trajectoire insoutenable d’augmentation des péages et invite à repenser le modèle de financement de SNCF Réseau à l’heure de l’ouverture à la concurrence. Comment comptez-vous répondre à ces demandes ?
Les régions ont déjà énormément investi en faveur du développement des transports du quotidien, et ce dans une logique d’aménagement du territoire, comme l’a d’ailleurs rappelé un récent rapport de la Cour des comptes relatif aux trains express régionaux (TER). Monsieur le secrétaire d’État, n’abandonnez pas ce patrimoine national ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Jacquin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à saluer le président de notre commission et notre collègue Philippe Tabarot pour avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour du Sénat de ce sujet qui m’est cher.
Quelle politique ferroviaire pour assurer un maillage équilibré du territoire ? La question se pose après quarante ans de tout-TGV et de TER sous-financés, ce qui a entraîné un grand nombre de fermetures de petites lignes et une très forte dégradation du réseau ferré national.
Je répondrai à cette question en deux temps, qui seront autant de questions qu’il me faut vous adresser, monsieur le secrétaire d’État.
Je veux tout d’abord revenir sur la méthode et les priorités du Gouvernement. Elles étaient d’abord consensuelles, lorsqu’il a été décrété, à l’occasion des Assises nationales de la mobilité, que priorité serait donnée aux trains du quotidien. Elles l’étaient déjà un peu moins lorsqu’il s’est agi d’ouverture à la concurrence et de réforme du statut des cheminots.
Vos méthodes ont été acceptées lors de l’examen de la loi d’orientation des mobilités : on a considéré comme raisonnable et acceptable une loi de programmation de nouvelles infrastructures, ainsi qu’un plan de régénération du réseau ferroviaire qui devait être confirmé dans un contrat de performance avec SNCF Réseau, contrat que nous attendons encore deux ans plus tard.
Mais vous avez ensuite commis deux tête-à-queue majeurs, à moins que ce ne soient des déclinaisons du « en même temps »…
Tout d’abord, en juillet dernier, le président Macron annonçait de nouvelles lignes à grande vitesse, certes nécessaires, mais qui, non financées et non programmées, viennent déséquilibrer le programme.
Ensuite, un deuxième problème a été révélé par la fuite dans la revue Contexte – je tiens à saluer son travail ! – du projet de contrat de performance avec SNCF Réseau : on y apprenait que les prix des péages augmenteraient très fortement. Cela n’apparaît pas sérieux : après la crise des gilets jaunes, puis le covid-19, qui a été une expérience de démobilité, il faut plus que jamais relever le défi climatique et donner un vrai modèle économique au rail, que ce soit pour les voyageurs ou le fret, en reconnaissant les externalités négatives.
En ce temps de crise de l’énergie, je réaffirme que le fer, c’est mieux que l’aérien ou la route : il faut préserver cette précieuse énergie ! Or vous n’avez pas profité du « quoi qu’il en coûte » et des plans de relance.
Monsieur le secrétaire d’État, tout cela conduit à ma première question : il manque environ 1 milliard d’euros par an aux gestionnaires d’infrastructures pour envisager ce maillage équilibré du territoire ; allez-vous leur fournir cette somme ?
Le deuxième temps de ma démonstration est issu d’une petite victoire sénatoriale, remportée lors de l’examen de la LOM : nous avions alors obtenu, de manière consensuelle, que le Gouvernement nous remette un rapport sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire (TET) et des trains de nuit.
Grâce à la presse – merci en particulier à Mobilettre ! –, nous avons obtenu une version de ce rapport, qui a ensuite été rapidement validée par le ministère des transports. Cette étude passionnante démontre que des besoins demeurent non satisfaits par l’étoile ferroviaire du TGV. Cinq grandes liaisons transversales d’échelle nationale pourraient trouver des usagers, répondre à des besoins manifestes, mais elles n’ont plus de train à l’heure actuelle. Il en est de même pour une dizaine de lignes de trains de nuit.
Ma deuxième question, monsieur le secrétaire d’État, porte donc sur la mise en œuvre de ce rapport : envisagez-vous de créer de nouvelles lignes d’équilibre du territoire et de solliciter la SNCF ou d’autres opérateurs afin de les mettre en œuvre ? Quelle stratégie retenez-vous pour l’acquisition du matériel nécessaire, et sous quel calendrier ? (Applaudissements au banc de la commission. – M. Michel Savin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, les Français sont attachés à un grand service public ferroviaire, qui fait partie intégrante de leur patrimoine national.
Le train a structuré le territoire jusqu’à ce que ce rôle soit concurrencé par celui des routes nationales et des autoroutes. Pour autant, bénéficier d’une gare à proximité de chez soi et d’une liaison directe vers Paris reste, dans l’imaginaire collectif, un outil indispensable à un maillage équilibré du territoire.
Pour beaucoup de Français, le train fait partie du quotidien, qu’ils l’empruntent tous les jours pour se rendre au travail ou, plus occasionnellement, pour rejoindre leur famille ou pour partir en vacances. Plus que jamais plébiscité par nos concitoyens, le train est un outil puissant au service de la transition écologique et du désenclavement de nos territoires.
Cependant, le réseau ferroviaire souffre de décennies de sous-investissements structurels. En 2017, la moyenne d’âge du réseau était de 30 ans, et les trois quarts des petites lignes ferroviaires étaient menacées de fermeture ou de forts ralentissements entre 2018 et 2030.
Dès le début de ce quinquennat, le Gouvernement a souhaité redonner au transport ferroviaire ses lettres de noblesse.
La stratégie que nous avons engagée répond à trois objectifs : régénérer le réseau ; améliorer concrètement les déplacements du quotidien et développer le fret ferroviaire ; enfin, accélérer la transition vers une mobilité propre pour tous.
Cette ambition s’est matérialisée par l’adoption du nouveau pacte ferroviaire, qui avait pour objectif de donner un nouveau souffle à notre système ferroviaire en faisant de l’ouverture à la concurrence une occasion de dynamiser le système, en définissant une nouvelle gouvernance qui permette de clarifier les rôles de chacun et de positionner le gestionnaire d’infrastructure comme garant de la qualité du système ferroviaire, et en conduisant à l’équilibre financier l’ensemble du système ferroviaire national, avec une remise à niveau du réseau ferré.
Afin de répondre à l’enjeu de maillage ferroviaire du territoire, notre politique ferroviaire comprend deux volets : un investissement sans précédent visant à régénérer l’ensemble du réseau ferroviaire et une nouvelle dynamique de développement des dessertes de voyageurs comme des liaisons de fret.
Je parle bien d’un investissement sans précédent, puisque nous avons augmenté le budget consacré par l’État au secteur ferroviaire de près de 60 % : ces dépenses sont passées de 16,7 milliards d’euros sur la période 2013-2017 à 26,6 milliards sur la période 2018-2022.
L’État s’est également engagé à reprendre les 35 milliards d’euros de dette de SNCF Réseau, dette largement héritée de la construction des lignes à grande vitesse, pour assainir la situation financière de cette société et lui permettre de se concentrer sur sa mission de régénération du réseau.
Cet investissement pour la régénération du réseau est tout à fait inédit : nous y consacrons en moyenne 3 milliards d’euros par an sur dix ans, soit 50 % de plus que pendant la décennie précédente.
En 2022, le soutien de l’État au transport ferroviaire se poursuit, grâce à la mobilisation de 4,7 milliards d’euros qui lui sont alloués dans le cadre du plan de relance.
Enfin, ce gouvernement a triplé les investissements destinés à la mise en accessibilité du réseau pour les personnes à mobilité réduite.
Cet investissement dans le réseau s’accompagne d’une mobilisation inédite afin de trouver une solution au problème de l’obsolescence des petites lignes qui irriguent l’ensemble du territoire national et sont, à ce titre, essentielles pour faciliter les mobilités du quotidien de nos concitoyens et favoriser l’attractivité des territoires. Nous avons donc fait de la régénération des lignes de desserte fine du territoire l’une des priorités de ce quinquennat.
Dès la remise du rapport de Jean-Cyril Spinetta sur l’avenir du transport ferroviaire, en février 2018, nous avons fait un choix très clair : l’avenir de ces lignes de desserte fine du territoire ne serait pas décidé depuis Paris. C’est un véritable projet d’avenir que nous voulons bâtir pour les petites lignes ferroviaires, à la croisée des chemins entre l’industrie, l’écologie et l’aménagement du territoire.
Nous avons donc mis en place un processus de décision concerté avec les territoires, et notamment les régions. Après des décennies de sous-investissement, nous avons engagé avec SNCF Réseau et les régions volontaires un plan de revitalisation des lignes de desserte fine du territoire.
Neuf régions se sont déjà engagées dans cette démarche, preuve de l’intérêt pour les collectivités de ce plan de revitalisation : les régions Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Pays de la Loire et Hauts-de-France. Ce sont 6 000 kilomètres de lignes dont la pérennisation est désormais sécurisée, grâce à un investissement total de 5,2 milliards d’euros sur dix ans, tous financeurs compris.
Afin d’accélérer la mise en œuvre de cette priorité du Gouvernement, l’État a investi 300 millions d’euros pour accélérer les travaux les plus urgents dans le cadre du plan France Relance.
Le soutien public en faveur des petites lignes, que vous pouvez juger insuffisant, n’a donc jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui.
Enfin, l’assainissement financier du système ferroviaire permet de regarder à nouveau vers l’avenir. Le Gouvernement a ainsi pu débloquer les projets de lignes nouvelles structurantes qui permettront non seulement d’accélérer les liaisons entre Bordeaux et Toulouse, Marseille et Nice, ou Montpellier et Perpignan, mais aussi d’améliorer les étoiles ferroviaires de ces villes au service des transports du quotidien et des voyageurs qui ont besoin du train pour venir y travailler.
Le maillage équilibré du territoire que nous devons assurer passe aussi par une dynamisation des services ferroviaires offerts à nos concitoyens. Certains ne manqueront pas de déplorer le fait que les investissements que je viens d’évoquer ne portent pas leurs fruits, ne sont pas visibles de nos concitoyens. Mais le ferroviaire est une politique du temps long, où l’on récolte rarement sur un seul mandat le fruit des investissements consentis.
Ainsi, le transfert aux régions des petites lignes vise à leur permettre de développer de nouveaux services, au plus près des besoins des territoires, une fois ces lignes rénovées. Ce n’est certes pas encore tout à fait visible, mais il fallait le faire dès maintenant pour que ces lignes puissent un jour redevenir des axes de développement.
Il en va de même pour les effets de l’ouverture à la concurrence des transports ferroviaires régionaux. La région Sud – Provence-Alpes-Côte d’Azur a d’ores et déjà attribué deux lots à la suite d’un appel d’offres ; l’un d’entre eux est allé à un concurrent de SNCF, Transdev. Les régions Hauts-de-France, Grand Est, Pays de la Loire et, vendredi dernier, Bourgogne-Franche-Comté ont aussi annoncé qu’elles lanceraient prochainement de tels appels d’offres, qui vont permettre, grâce à l’émulation entre opérateurs, de faire bénéficier les voyageurs d’une meilleure qualité de service et d’un plus grand nombre de dessertes.
Une autre de nos actions en faveur d’une amélioration des services a déjà des résultats concrets : la relance des trains Intercités de jour et de nuit. Comme certains d’entre vous le savent, j’y suis très attaché. J’étais d’ailleurs la nuit dernière dans le train de nuit Briançon-Paris, même s’il me faut reconnaître que les trois heures de retard que nous déplorions à l’arrivée ont quelque peu désorganisé mon emploi du temps… (Sourires.)
Ces trains sont créateurs de liens entre les territoires et les citoyens, ils sont écologiques et économiques. Le train de nuit constitue une offre de transport adaptée aux enjeux d’aménagement des territoires et de transition écologique qui sont les nôtres.
C’est bien ce gouvernement qui a triplé le budget consacré au renouvellement des trains d’équilibre du territoire. C’est bien lui qui a œuvré, comme nul autre avant lui, à la renaissance des trains de nuit : le Paris-Nice a repris en mai dernier, le Paris-Tarbes-Lourdes et le Paris-Briançon en décembre. Le train de nuit Paris-Aurillac sera, lui, de retour dans deux ans au plus tard.
Pour réussir la redynamisation des trains de nuit, le Gouvernement a investi 100 millions d’euros dans le cadre du plan de relance, dont la moitié servira à la remise à niveau du matériel de nuit.
Nous devons à présent penser le maillage de demain. Près de dix lignes de trains de nuit pourraient voir le jour d’ici à 2030. Le rapport remis au Parlement par le Gouvernement au printemps dernier, conformément aux engagements inscrits dans la LOM, a permis de mettre en lumière plusieurs axes stratégiques et de dégager des pistes pour trouver un modelé économique viable sur le long terme. Je souhaite que le Parlement se saisisse de ce rapport et qu’un véritable débat ait lieu.
Nous souhaitons également créer un véritable élan européen de relance des trains de nuit : la liaison Paris-Vienne ouverte en décembre 2021 devrait être suivie par un Paris-Berlin en 2023.
Enfin, la cohésion du territoire national passe également par l’investissement dans la stratégie nationale pour le fret ferroviaire.
Le temps me manque pour vous l’exposer, mais je veux avant de conclure rappeler que la présidence française du Conseil de l’Union européenne, ce semestre, sera un temps fort pendant lequel notre pays pourra défendre à l’échelle européenne la décarbonation des transports, et notamment l’accélération du report modal vers le fer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le secrétaire d’État, en 2018, la SNCF suspendait pour cinq ans les circulations de TGV par la ligne classique de Nancy vers Lyon, en raison, nous affirmait-elle alors, de travaux en gare de Lyon-Part-Dieu. En compensation, deux liaisons alternatives étaient mises en place : l’une par Strasbourg et l’autre par Marne-la-Vallée ; or cette dernière, une liaison TGV directe assurée à un tarif acceptable, a été supprimée l’an dernier sans autre forme de procès.
Depuis lors, le rapport sur les perspectives de développement des trains d’équilibre du territoire a fait la brillante démonstration qu’un besoin et des usagers existent pour une liaison depuis le sillon lorrain et les métropoles de Metz et Nancy vers Dijon, Lyon et Grenoble.
Alors, monsieur le secrétaire d’État, qu’en est-il du rétablissement de cette liaison directe ? Les promesses de la SNCF seront-elles tenues ? Entendez-vous signer une convention avec la SNCF ou un autre opérateur pour faire de cet axe important une ligne d’équilibre du territoire et rétablir enfin ce service public ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Jacquin, vous connaissez bien le contexte général : la loi d’orientation des mobilités et le fameux rapport Philizot, remis au Parlement en mai 2021, relatif au développement des nouvelles lignes de trains Intercités de jour et de nuit. Ce rapport avait pour objet d’identifier au plus près les lignes de TET qui permettraient de répondre aux besoins de désenclavement des territoires les plus éloignés des grands axes de circulation.
Je tiens à souligner l’intérêt de ces nouvelles lignes de train longue distance afin d’améliorer l’accessibilité des métropoles et des villes moyennes ; je souhaite vraiment – je l’ai déjà dit, mais j’y insiste – que la transmission de cette étude au Parlement soit l’occasion d’un large débat sur la manière de redynamiser et même de réenchanter ces trains.
Concernant les trains Intercités de jour, trois nouvelles lignes potentielles ont été identifiées dans ce rapport : Metz-Lyon-Grenoble, Toulouse-Lyon et Nantes-Rouen-Lille. Des études complémentaires sont nécessaires pour définir précisément la faisabilité technique et économique de ces liaisons. Il faudra également veiller à la bonne articulation du développement de ces lignes avec le programme de régénération et de modernisation du réseau ferroviaire.
Quant aux liaisons que vous avez évoquées, il y a en effet eu une sorte de pis-aller pendant un certain temps pour que les lignes à partir du sillon lorrain soient maintenues. Un facteur conjoncturel avait été initialement mis en avant par la SNCF, à savoir les travaux de la gare de Lyon-Part-Dieu ; c’est l’argument qu’elle avait donné à l’État et aux collectivités pour justifier la suppression de la desserte TGV entre Lyon et le sillon lorrain. La SNCF indique désormais que c’est la nature du trafic entre Nancy et Dijon, d’ordre régional ou interrégional, qui la conduit à ne pas envisager le retour des services par TGV.
Pour autant, en 2019, la fréquentation des services TER de substitution était bonne, avec une centaine de personnes par train. La demande potentielle pour des trajets ferroviaires directs de Nancy vers Lyon et au-delà existe ; cet axe a vraiment été identifié dans le rapport que je viens de citer. Il me semble important que nous puissions l’étudier de façon très précise et suivant la méthodologie que je viens d’exprimer, qui embrasse de manière plus générale les TET et les lignes TGV.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le secrétaire d’État, il y a de bonnes et de mauvaises nouvelles.
La mauvaise nouvelle, c’est que, selon votre réponse très claire sur ce point, la SNCF aurait dit qu’elle n’envisageait pas le retour du TGV sur cette liaison. Selon son argument initial, dès que le nœud lyonnais serait désenclavé, ce service pourrait être rétabli. Or vous venez de m’affirmer que l’axe Nancy-Dijon avait plutôt une vocation régionale, donc assurée par des TER ; je ne l’entends pas du tout ainsi !
Par ailleurs, vous avez mentionné le rapport Philizot. Ce doit être une confusion, car le Parlement n’a jamais eu connaissance de ce rapport et la presse n’a jamais réussi à le faire fuiter ; nous n’avons eu qu’un drôle de condensé de quelques pages, ce qui n’était pas glorieux pour la communication du Gouvernement et le respect du Parlement.
Alors, monsieur le secrétaire d’État, vous m’avez confirmé que trois lignes de TET pourraient bien voir le jour, mais je vous ai aussi demandé quels seraient la méthode et le calendrier. Vous me dites qu’il faut faire des études : cela ne me suffit pas !
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand. (M. François Patriat applaudit.)
M. Olivier Jacquin. Donc je n’ai pas de réponse !
Mme la présidente. Monsieur Jacquin, M. le secrétaire d’État a la liberté de répondre ou non aux répliques.
La parole est donc bien à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Monsieur le secrétaire d’État, voici ce que déclarait, le 27 janvier dernier, le président de la région Hauts-de-France lors de la séance plénière du conseil régional : « On a un État qui ne croit pas au réaménagement du territoire. Nous, nous allons sacrément investir : 585 millions engagés pour la rénovation des trains, 600 pour la sauvegarde des petites lignes, 250 pour la modernisation des gares. »
Vous l’aurez compris, évoquer les sujets de la politique ferroviaire et du maillage territorial dans ma belle région des Hauts-de-France est devenu depuis plusieurs mois chose impossible pour nombre de raisons tant structurelles que conjoncturelles, mais aussi du fait d’une volonté politique manifeste d’hystériser un débat qui mériterait décidément mieux que le procès en sorcellerie fait de manière permanente à l’opérateur historique et à l’État, accusé de tous les maux.
L’angélisme n’a sans doute pas sa place dans le débat et la SNCF n’est pas exempte de reproches – c’est un usager régulier, comme vous, monsieur le secrétaire d’État, qui le dit –, mais la politique du coup de menton permanent ne l’a pas non plus !
La situation que nous vivons aujourd’hui dans cette région est révélatrice de ce qu’il ne faut pas faire, mais démontre également la nécessité de travailler ensemble à la construction d’un vrai service public des mobilités ferroviaires au service des usagers et du territoire.
Le maillage ferroviaire du territoire ne saurait se faire dans la méfiance et la défiance, avec un opérateur montré constamment du doigt et une région qui a souvent tendance à vite oublier que c’est elle qui a validé, en lien avec les acteurs du territoire, les orientations politiques de mobilités et le schéma de transport, qui est remis en question à la moindre anicroche.
La signature, la semaine dernière, du contrat de performance entre la région et SNCF Réseau s’est faite dans la douleur, vous le savez. Elle permet enfin, théoriquement, de graver dans le marbre les engagements des uns et des autres. Pour autant, nombre de difficultés persistent et il faudra certainement encore du temps pour rétablir une situation qui permette de travailler dans la sérénité et l’efficacité.
Monsieur le secrétaire d’État, dans une région comme les Hauts-de-France, la question des mobilités et du maillage ferroviaire des territoires est prioritaire.
Ainsi, alors que le Président de la République se rend demain dans le bassin minier, se pose à nouveau la question d’une liaison ferroviaire directe entre la métropole lilloise et le bassin minier, qui offrirait de nouveaux horizons à un territoire qui a tant donné à la France.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question sera donc simple : pouvez-vous me confirmer ici que l’État porte une vision et une envie ferroviaire pour notre territoire devenu aujourd’hui, sur cette question, otage d’enjeux politiques mortifères ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)