Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, chaque jour, les prestataires de services et les distributeurs de matériel se déplacent partout en France pour être au plus près des patients. Ce service de proximité est essentiel pour notre système de santé. Les patients les connaissent et les reconnaissent. Nous aurons tous peut-être besoin d’eux à un moment de notre vie.
Leur mobilisation quotidienne pour apporter aux patients les services dont ils ont besoin ne s’est pas démentie depuis le début de la crise.
Le ministre des solidarités et de la santé s’est engagé à mener une réflexion sur le rôle de cette profession et sur la méthode permettant d’évaluer, de reconnaître et de tarifer leurs prestations. Cette étape est indispensable, car nous ne disposons aujourd’hui d’aucun référentiel permettant de décrire et de calibrer les prestations réalisées.
Le rôle majeur des prestataires est de servir d’interface entre les différentes professions de santé, de favoriser le retour à domicile ainsi que l’autonomie des patients et des personnes en situation de handicap. Il s’agit aussi de respecter les responsabilités et les compétences de chacun.
Je tiens à rappeler que le Gouvernement accompagne de longue date les acteurs de ce système. La dépense moyenne remboursée à ce secteur augmente de plus de 5 % par an depuis 2017, en tenant compte des baisses tarifaires. Cette croissance témoigne du soutien du Gouvernement et de la valorisation importante de ce secteur.
Pour poursuivre les travaux, nous privilégions le dialogue conventionnel avec les acteurs, en lien avec le Comité économique des produits de santé. Le ministre Olivier Véran a d’ailleurs demandé à ce dernier de rapidement présenter aux acteurs ses orientations pour l’année 2022. La renégociation de l’accord-cadre doit aussi être un objectif partagé, car il est l’acte fondateur d’une nouvelle dynamique pour les prestataires.
Vous le voyez, nous restons attentifs à la situation de ces professionnels.
Mme le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour la réplique.
Mme Brigitte Micouleau. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Les prestataires de santé à domicile l’apprécieront, mais ils demandent surtout que ces discussions permettent une revalorisation de leurs prestations.
oubliés du ségur
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, auteur de la question n° 2059, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la secrétaire d’État, seize métiers du secteur médico-social vont bénéficier d’une revalorisation de 183 euros nets mensuels, quel que soit leur statut, privé ou public. Cette initiative est encourageante, mais elle est insuffisante, surtout lorsque l’on sait que certains ont été oubliés !
La semaine dernière, je visitais la maison d’accueil spécialisée pour adultes handicapés de Saint-Amadour, à La Selle-Craonnaise, dans mon département de la Mayenne. Les personnels dévoués et engagés m’y ont interpellé sur l’attribution des revalorisations salariales du Ségur.
Leur inquiétude est notamment due au périmètre de la réforme, car seuls certains salariés du secteur du handicap, financé par l’assurance maladie, sont concernés par les différentes annonces.
D’une part, cette situation crée une inquiétude chez les salariés ; d’autre part, elle entraîne un risque de contentieux pour les employeurs des établissements privés solidaires qui, pour le même travail, rémunèrent différemment leurs professionnels.
Le refus de revaloriser de manière identique tous les métiers du secteur médico-social privé non lucratif induit mécaniquement une rupture d’égalité de traitement entre des professionnels qui exercent un même métier dans des secteurs d’activité différents.
Vous le savez, madame la secrétaire d’État, le secteur médico-social connaît aujourd’hui en France une crise profonde et sans pareille, qui représente un grave danger pour l’accompagnement des personnes en situation de handicap.
Je peux témoigner de l’investissement de ces soignants, des professionnels éducatifs et des psychologues, qui font un travail remarquable. Confrontés à des situations douloureuses, ils sont en première ligne. Leur travail est essentiel auprès de ceux qui souffrent. Nous avons besoin d’eux. Il faut absolument reconnaître leur travail et revaloriser leur salaire.
Quelles mesures entendez-vous mettre en place pour rétablir une équité de traitement entre les différents personnels du secteur médico-social ?
À travail égal, salaire égal, pour le même travail, pour le même public : c’est une question d’égalité. Il est plus que jamais urgent d’agir. Les professionnels comptent sur vous.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, conscient des difficultés rencontrées par les professionnels du secteur social et médico-social, le Gouvernement a pris des engagements forts afin que ces professionnels soient mieux reconnus.
Dans la continuité de la mission confiée à Michel Laforcade, le Gouvernement a signé le 11 février dernier un premier accord avec l’ensemble des fédérations d’employeurs et des organisations syndicales. Cet accord prévoit la revalorisation du traitement de l’ensemble des personnels non médicaux des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) rattachés à un établissement public de santé ou aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) relevant de la fonction publique hospitalière.
À la demande du Gouvernement, Michel Laforcade a ensuite poursuivi les discussions avec les organisations syndicales et les fédérations d’employeurs. Nous avons décidé de revaloriser de 183 euros net le salaire des seize professions que vous avez citées, en avance de phase au 1er novembre, afin de mettre fin à cette inégalité de traitement entre mêmes professions.
Nous sommes même allés plus loin, puisque 70 000 soignants, au sens large du terme, ont été revalorisés en avance de phase au 1er novembre au lieu du 1er janvier 2022. Nous avons aussi voulu étendre cette avance aux établissements relevant des départements. À travail égal, salaire égal, comme vous l’avez très justement dit.
Pendant ce temps, la mission Piveteau poursuit ses travaux sur la reconnaissance des métiers de l’accompagnement social et médico-social. De même, les fédérations d’employeurs, comme elles s’y étaient engagées, continuent leurs travaux de rapprochement des conventions.
Vous le voyez, nous ne lâchons rien et nous continuons de travailler. Nous espérons par ailleurs que la grande conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social, dont le Premier ministre a annoncé la tenue au premier trimestre de cette année, offrira des perspectives d’amélioration.
Nous sommes aux côtés de ces professionnels et nous nous engageons fortement pour qu’ils soient très bientôt reconnus.
situation du centre hospitalier intercommunal caux vallée de seine de lillebonne
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 2013, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, le service d’urgence du centre hospitalier intercommunal Caux Vallée de Seine, à Lillebonne, en Seine-Maritime, a dû fermer à plusieurs reprises ces dernières semaines, faute de médecins. Son service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) connaît une situation similaire depuis 2019.
L’établissement, qui ne comptait plus que quatre médecins urgentistes, a pu en recruter deux récemment, mais il lui faudrait douze équivalents temps plein.
Face à ce problème, l’hôpital doit recourir à des intérimaires, dont certains pourraient être qualifiés de mercenaires, car ils font payer à prix d’or leurs vacations, grevant d’autant le budget de l’établissement.
Que le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour répondre à ce problème ? J’ai bien conscience que cette situation n’est pas isolée ; mais elle se conjugue à une pénurie de médecins de ville dans notre territoire, ce qui tend à accroître encore la pression sur les urgences.
Pourquoi refuser d’encadrer le marché de l’intérim libéral ? Un tel encadrement ne peut pas d’ailleurs se limiter au seul secteur public, sauf à renforcer la concurrence avec le secteur privé et à aggraver la situation actuelle.
Les 90 000 habitants du bassin de vie du centre hospitalier intercommunal Caux Vallée de Seine et leurs élus craignent légitimement une perte de chance pour les patients. Je rappelle par ailleurs la présence de nombreux sites Seveso sur notre territoire.
De même, cette pénurie affecte d’autres acteurs, comme les pompiers, qui sont de plus en plus appelés pour effectuer des interventions ne relevant pas de leurs compétences premières, au risque de se retrouver eux-mêmes en difficulté pour leurs autres interventions prioritaires.
C’est pourquoi, avec les élus locaux du secteur, nous demandons l’affectation prioritaire de médecins au centre hospitalier intercommunal Caux Vallée de Seine, afin que ce dernier retrouve toute sa capacité d’accueil et de service.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Madame la sénatrice Céline Brulin, vous appelez l’attention de mon collègue Olivier Véran sur les difficultés démographiques et médicales rencontrées par le centre hospitalier intercommunal Caux Vallée de Seine. Ne pouvant être présent, il m’a demandé de vous lire sa réponse.
Le centre hospitalier intercommunal Caux Vallée de Seine occupe une place essentielle dans son territoire. Compte tenu de la crise sanitaire, la Normandie, comme l’ensemble du territoire national, rencontre des difficultés de fonctionnement dans certains services d’urgence.
Afin de pallier ces difficultés, l’agence régionale de santé, en lien avec l’ensemble des établissements publics et privés disposant d’un service d’urgence et le SAMU, anticipe les tensions pour limiter au maximum les suspensions et faire face de manière solidaire lorsque, dans de très rares cas, ces dernières se révèlent inévitables.
Une équipe territoriale d’urgentistes a été mise en place dès 2020 au sein du groupement hospitalier de territoire (GHT) dont fait partie le centre hospitalier intercommunal, avec un accompagnement financier important. Cette organisation étaie la coopération entre les établissements, en permettant aux praticiens et aux urgentistes rattachés à l’un des sites du GHT d’exercer sur la base du volontariat dans les autres établissements.
Madame la sénatrice, ce dispositif sera renforcé par l’application de la prime de solidarité territoriale, qui permettra à un praticien à temps plein d’exercer, en plus de ses obligations de service et sur la base du volontariat, dans un autre établissement de santé que celui auquel il est rattaché.
Enfin, l’article 33 de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, prévoit, comme vous le savez, un contrôle renforcé de l’intérim médical. Après un échange avec les acteurs du système de santé concernés, les représentants professionnels et les syndicats, le ministre des solidarités et de la santé a décidé que la mise en œuvre de la réforme se ferait en deux temps. Si la cartographie précise de la situation actuelle de l’intérim médical sur le territoire a été réalisée, l’application stricte de la réforme interviendra plus tard dans l’année.
Par ailleurs, la réforme de l’accès aux études médicales et la suppression du numerus clausus permettent d’augmenter le nombre de professionnels en formation. Ainsi, à Caen et à Rouen, les étudiants suivant une formation médicale sont environ 20 % plus nombreux en septembre 2021 qu’en septembre 2020.
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, ce sont les étudiants en médecine qui se sont battus pour obtenir les places que vous évoquez. Ils ont saisi le Conseil d’État pour qu’elles soient ouvertes, ce que votre collègue Mme Vidal refusait.
Il est urgent de former des médecins, en particulier dans notre région : en Normandie, nous manquons de spécialistes, notamment d’urgentistes.
nécessité de mettre fin à la double incrimination pour la compétence du juge français relative aux infractions visées par le statut de la cour pénale internationale
Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 1998, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, j’attire votre attention et celle du garde des sceaux sur l’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 24 novembre 2021.
Par cet arrêt, relatif à la première mise en examen réalisée en France dans le cadre de la compétence universelle en matière de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, la Cour de cassation a considéré que l’accusé ne pouvait être poursuivi dans notre pays pour crime contre l’humanité, car cette notion n’existe pas dans le droit pénal de son pays, la Syrie.
Le Sénat avait adopté, je le rappelle, le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale, qui a eu pour effet d’élargir la compétence territoriale des magistrats français, afin que ceux-ci puissent poursuivre et juger les auteurs de génocides, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis à l’étranger.
En 2019, lors du débat sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le Gouvernement a finalement émis un avis favorable sur un amendement ayant pour objet de supprimer le verrou de la double incrimination, mais en limitant cette faculté aux génocides. Cet amendement a été adopté et cette disposition inscrite dans la loi.
Malheureusement, le dispositif de l’amendement ne prenait pas en compte les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Ma question est donc très simple : la double incrimination supposerait que fût identique à notre droit celui de pays qui ne relèvent pas des valeurs démocratiques qui sont les nôtres.
Mme le président. Votre temps de parole est épuisé, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Allez-vous donc…
Mme le président. Vous n’avez plus la parole, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Sueur. … lever ce verrou, madame la ministre ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Sueur, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Éric Dupond-Moretti, qui m’a demandé de vous lire sa réponse.
La France dispose, depuis la loi du 9 août 2010, d’une compétence juridictionnelle en matière de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, instaurée à l’article 689-11 du code de procédure pénale.
Les juridictions françaises peuvent ainsi déclencher des poursuites à l’encontre d’une personne soupçonnée de ces crimes, dès lors que celle-ci réside habituellement en France et sous la réserve qu’aucune juridiction internationale ou nationale n’en demande la remise ou l’extradition, à condition que ces faits – à l’exception du génocide, depuis la loi du 23 mars 2019 – soient également punis dans l’État où ils ont été commis, sauf si ledit État est partie à la convention sur la Cour pénale internationale.
Dans un arrêt du 24 novembre 2021, la chambre criminelle de la Cour de cassation a interprété l’exigence de cette double incrimination au sens de cet article. La procédure ayant donné lieu à cet arrêt concerne un ressortissant syrien entré sur le territoire français en 2015 et mis en examen du chef de complicité de crimes contre l’humanité.
La Cour de cassation a jugé, en ce qui concerne les crimes contre l’humanité, que « l’exigence posée par l’article 689-11 du code de procédure pénale, selon laquelle les faits doivent être punis par la législation de l’État où ils ont été commis, inclut nécessairement l’existence dans cette législation d’une infraction comportant un élément constitutif relatif à une attaque lancée contre une population civile en exécution d’un plan concerté. »
Elle a ainsi cassé l’arrêt de la cour d’appel de Paris, qui avait considéré que le droit syrien, même s’il n’incrimine pas, de manière autonome, les crimes contre l’humanité, réprime les faits – meurtres, actes de barbarie ou tortures – qui les constituent et qui sont à l’origine de la poursuite dans l’affaire dont elle était saisie.
Mme le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre. Il n’appartient pas au Gouvernement de commenter une décision judiciaire. Les conséquences de cette décision sur les procédures ouvertes des chefs de crimes contre l’humanité et crimes de guerre sont en cours d’évaluation.
M. Jean-Pierre Sueur. Je demande la parole pour la réplique !
Mme le président. Votre temps de parole est épuisé, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Sur une question aussi importante…
Mme le président. Chacun sait le temps de parole dont il dispose pour cette séance de questions orales : sénateurs comme membres du Gouvernement.
Du reste, vous êtes arrivé juste à l’heure pour votre question, monsieur Sueur, et d’autres collègues arrivent même en retard ; nous devons faire face à tout cela, au plateau. Je n’ai jamais vu une telle séance…
Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Sueur. Il y avait deux ou trois absents ce matin – vous venez de l’admettre –, si bien que j’ai dû venir en courant pour poser en avance ma question, que je devais poser dans un quart d’heure.
Je ne me suis pas préoccupé de mon temps de parole, je ne me suis soucié que de ma question : si notre droit doit être le même que le droit syrien pour que nous puissions punir les crimes contre l’humanité, c’est inacceptable ! Je vous remercie de m’avoir permis de le répéter, madame la présidente.
Mme le président. Je ne nie pas l’intérêt de votre question, mon cher collègue ; simplement, je dois faire respecter les temps de parole.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement.
application des dispositions de la loi relative à la bioéthique par les consulats
Mme le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, auteure de la question n° 1973, transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Mélanie Vogel. L’adoption de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique fut, vous le savez, une victoire historique dans la lutte pour l’égalité entre toutes les femmes. L’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules signifia, pour d’innombrables Françaises, que la perspective de fonder une famille ne devait plus être synonyme de procédures interminables.
J’ai donc suivi attentivement la mise en œuvre de cette loi, notamment pour nos concitoyennes établies à l’étranger, que j’ai l’honneur de représenter. Or, je dois le dire, je suis assez frappée par la lenteur de cette mise en œuvre.
Au moment où j’ai déposé cette question – c’était en décembre dernier –, les instructions de la circulaire de présentation des dispositions relatives à la loi du 2 août précitée n’avaient toujours pas été transmises aux consulats. Il aura fallu attendre plus de trois mois entre la publication de la circulaire et la transmission des instructions aux consulats.
Il y a maintenant six mois que la loi a été adoptée. Pendant ces six mois, les couples qui souhaitaient établir l’acte de naissance de leur enfant s’entendaient répondre par les consulats qu’il n’était possible d’y inscrire qu’une seule filiation, celle de la mère ayant accouché, avec un seul nom de famille.
Peut-être me direz-vous qu’un délai de six mois pour l’application d’une nouvelle loi est raisonnable, mais, aujourd’hui, les familles concernées sont obligées de passer par la transcription de l’acte de naissance du pays où elles habitent, transcription qui dure en moyenne trois mois pour les couples hétérosexuels, mais jusqu’à dix-huit mois pour les couples homosexuels. Pour toutes les familles qui n’ont pas pu établir d’acte de naissance français avec la double filiation depuis le début du mois d’août dernier, cela peut donc représenter deux ans d’attente au total.
Il n’est pas clair non plus si le nom de famille figurant sur l’acte de naissance étranger est opposable par l’état civil français ou si les familles peuvent choisir le nom de leur enfant, comme le prévoit le code civil. Il serait incompréhensible que ces familles soient pénalisées.
Ma question est donc la suivante : quelles mesures sont prévues pour que ces familles puissent obtenir, le plus rapidement possible, l’inscription de leur enfant à l’état civil français, avec le nom de leur choix ? Un prolongement du délai légal de trente jours est-il envisageable ?
Mme le président. Votre temps de parole est épuisé, ma chère collègue.
Mme Mélanie Vogel. Enfin, ce processus sera-t-il simplifié ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Madame la sénatrice Mélanie Vogel, je vous lis la réponse de mon collègue Éric Dupond-Moretti, qui dit se réjouir, comme vous, des dispositions de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique. Cette loi a notamment ouvert l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes non mariées.
Selon l’article 342-11 du code civil, issu de cette loi, pour les couples de femmes ayant recours à une assistance médicale à la procréation postérieurement à la loi, une reconnaissance conjointe anticipée doit être faite devant le notaire en même temps qu’est donné le consentement à l’assistance médicale à la procréation, avant que le processus procréatif ne commence.
Il faut distinguer entre la situation des actes de naissance étrangers transcrits et celle des actes de naissance dressés par les postes consulaires.
Lorsqu’il a été dressé à l’étranger par une autorité étrangère, l’acte de naissance de l’enfant issu d’une assistance médicale à la procréation réalisée par un couple de femmes peut être transcrit totalement sur les registres de l’état civil français si l’acte étranger est régulier, exempt de fraude et établi conformément au droit de l’État étranger. Le couple de femmes n’a pas à produire de reconnaissance conjointe anticipée ou de reconnaissance conjointe pour obtenir la transcription totale de l’acte de naissance étranger sur les registres de l’état civil français.
Il en va différemment lorsqu’un poste consulaire français établit l’acte de naissance de l’enfant né à l’étranger. Dans ce cas, les nouvelles dispositions introduites par la loi précitée sont applicables et le couple de femmes devra produire une reconnaissance conjointe anticipée. Les postes consulaires ont été informés de ces nouvelles dispositions. Ils ne devraient pas avoir de difficulté à enregistrer les naissances dans le délai de trente jours prévu pour la déclaration des enfants nés à l’étranger, en particulier hors d’Europe.
Enfin, la loi relative à la bioéthique a introduit des dispositions particulières sur le choix du nom de famille de l’enfant. Le couple de femmes qui a eu recours à une assistance médicale à la procréation et qui a établi une reconnaissance conjointe anticipée peut choisir le nom de famille dévolu à l’enfant : soit le nom de l’une d’elles, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par elles, dans la limite d’un nom de famille pour chacune d’elles. Cette faculté est également ouverte en cas de naissance à l’étranger…
Mme le président. Votre temps de parole est épuisé, madame la ministre.
décision de la commission européenne de la baisse brutale d’un tiers des quotas de sole
Mme le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, auteure de la question n° 2038, adressée à Mme la ministre de la mer.
Mme Frédérique Espagnac. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la baisse de plus d’un tiers, décidée par la Commission européenne, des quotas de pêche de sole.
Cette décision était dans les tiroirs depuis plusieurs mois. Pourtant, rien n’a été anticipé et ce n’est qu’à la mi-décembre 2021 que le compromis européen a été trouvé autour des quotas de pêche. C’est pour les poissons plats que la baisse est la plus importante, avec une diminution de 36 %, applicable dès 2022. C’est une catastrophe pour de nombreux professionnels, basques, landais et girondins notamment.
Pour la plupart des pêcheurs du golfe de Gascogne, la sole représente en effet 50 % du chiffre d’affaires. Si l’on enlève 36 % de ces 50 %, cela fait tout de même un sacré « trou » ! D’autant que, pour les patrons de pêche, les pertes iront au-delà du poisson plat : quand ils pêchent un kilo de sole, ils pêchent aussi un kilo de poissons divers, dont certains ne sont pas soumis à des quotas. Donc, ils vont perdre également 36 % sur ces poissons divers. C’est le coup de grâce pour beaucoup d’entre eux.
Les directeurs de port de pêche du littoral se disent eux aussi très inquiets, car la sole représente pour certains la moitié du chiffre d’affaires de la criée. Ils estiment les pertes entre 1,5 million et 2 millions d’euros. Ils savaient qu’il y aurait une baisse, mais ils pensaient que celle-ci serait lissée sur plusieurs années. Ils n’ont donc pas d’issue de secours.
Même si des aides compensatoires devraient être versées par le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp), les directeurs de criée n’ont aucune assurance et ne savent pas, à ce jour, s’ils seront concernés.
Quant aux pêcheurs, si le montant n’est pas à la hauteur, de nombreuses exploitations seront en danger. En effet, selon un pêcheur luzien, le montant des aides promises par l’Union européenne ne suffit pas pour compenser les pertes. Certes, ils sont rassurés aujourd’hui ; on leur propose 70 % de leur chiffre d’affaires journalier. Néanmoins, le calcul des aides procède d’une mauvaise estimation des frais fixes : il manque 15 % pour que ces aides soient acceptables.
Madame la ministre, quels seront les montants des indemnisations versées au titre du Feamp pour les pêcheurs et les criées ? Les coûts fixes seront-ils pris en compte à leur juste valeur ? Le décret portant sur ces compensations inclut-il un délai de paiement de ces aides ? Enfin, le Gouvernement va-t-il diligenter une étude afin de comprendre les causes de l’évolution du nombre de soles dans la zone du golfe de Gascogne pour œuvrer en faveur d’une plus grande durabilité de cette espèce ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Madame la sénatrice Frédérique Espagnac, vous avez raison, le 13 décembre dernier, la pêche de trois poissons importants pour le golfe de Gascogne – le bar, le lieu jaune et la sole – a été abordée à Bruxelles.
Il faut d’abord préciser que j’ai obtenu, pour le bar, espèce à forte valeur ajoutée, une augmentation des quotas. Ensuite, pour le lieu jaune, une baisse de 20 % était prévue et nous avons obtenu la reconduction du quota. Il y a donc aussi eu des points positifs à cette rencontre.
Pour la sole, malheureusement, le résultat peut être décevant, mais il était prévisible. En effet, le plan de gestion signé en 2019, avec l’accord de la filière et connu de tous, prévoyait une baisse automatique de 37 % des quotas, compte tenu de l’état du stock.
J’ai donc dû négocier l’accompagnement de la pêche. Je sais combien les efforts demandés aux pêcheurs sont importants, mais je ne peux pas vous laisser dire que rien n’a été fait. J’étais en réunion avec la profession, en juillet dernier, à Royan. Nous avions alors créé un groupe de travail sur la sole et défini les arguments que nous allions utiliser à Bruxelles : si possible, éviter l’entrée en vigueur automatique prévue – cela n’a pas été possible, car c’est la règle qui avait été définie, ce n’est pas moi qui l’avais signée et les professionnels étaient au courant – et, sinon, définir un plan d’accompagnement, financé par le Feamp. C’est là le plus important.
Ce plan se traduit par la mise en place d’un dispositif d’arrêt temporaire coconstruit avec les professionnels. Nous avons souhaité que les conditions d’attribution soient très larges, les plus généreuses possible ; vous pourrez le constater avec les pêcheurs. Seront concernés les pêcheurs très touchés par la baisse des quotas, si la sole représente au moins 10 % de la valeur de leur pêche. Nous avons également souhaité que ce plan soit réactif et puisse couvrir la totalité de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2022.
Vous avez parlé de la filière aval, qui est toujours une préoccupation pour moi. Cette filière pourra être épaulée par des mesures de plus long terme, des investissements du plan de relance et du Feamp.