Mme le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la crise du logement que connaît notre pays et le manque d’ambition de la politique de la ville.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quatorze, est reprise à seize heures seize.)
Mme le président. La séance est reprise.
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Trois ans après la loi « asile et immigration », quel est le niveau réel de maîtrise de l’immigration par les pouvoirs publics ?
Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
Mme le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le thème : « Trois ans après la loi “Asile et immigration”, quel est le niveau réel de maîtrise de l’immigration par les pouvoirs publics ? »
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la ministre, trois ans après, quel intérêt a la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, dite Collomb ou Asile et immigration ? Quasiment aucun.
Nous avions indiqué au cours des débats sur ce texte que, s’il était sympathique et fixait des objectifs positifs, il ne mettait pas en place les éléments concrets pour changer de politique. À l’usage, madame la ministre, et même en tenant compte de la pandémie que nous connaissons depuis deux ans, je constate que nous avions raison.
Alors que le Sénat avait considérablement modifié le texte, le Gouvernement a préféré suivre l’Assemblée nationale qui a voté un texte quasiment vide. J’en donnerai deux exemples.
Le premier exemple a trait au droit d’asile.
Il y a quelques années, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances de la mission « Immigration, asile et intégration » – depuis, Sébastien Meurant m’a succédé –, je soulignais que, tant que nous ne nous déciderions pas à admettre que certains des pays dont les ressortissants demandent l’asile ne sont pas des pays en guerre, que des persécutions n’y sont pas perpétrées ou que des difficultés réelles n’y sont pas constatées, nous permettions en fait que le droit d’asile soit détourné à des fins d’immigration économique. Malheureusement, cela n’a pas changé.
Aujourd’hui encore, le plus grand contingent de demandeurs d’asile est constitué de ressortissants d’Afghanistan. C’est un pays en guerre, où les talibans viennent de reprendre le pouvoir. Il n’y a donc rien à dire, aucun état d’âme à avoir, et loin de moi l’idée de critiquer le fait que le Gouvernement ait évacué 4 000 Afghans. Dans les pays en guerre et en difficulté, il est normal et légitime que la France accorde l’asile et garantisse ce droit comme elle le fait depuis des siècles, bien avant la Révolution française, puisque c’était déjà un droit sous la monarchie.
En revanche, la Côte d’Ivoire ou même le Bangladesh et la Guinée, dont les ressortissants constituent, à égalité, le deuxième plus grand contingent de demandeurs d’asiles, sont certes des pays qui connaissent de graves difficultés économiques, mais leur régime politique n’est pas une dictature et les droits de l’homme en tant que tels n’y sont pas foulés aux pieds – nous disposons de suffisamment d’informations à ce sujet.
Je dénonce cette situation depuis sept ou huit ans, madame la ministre. Je ne dis pas que vous en êtes responsable, ni même ce gouvernement : la responsabilité incombe aux différents gouvernements qui se sont succédé ces dernières années. Selon le droit français, les demandeurs d’asile qui sont déboutés par l’Office national de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), puis éventuellement par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), doivent être raccompagnés à la frontière ou réexpédiés vers leur pays d’origine. Or, dans la pratique, ce gouvernement pas plus que les précédents ne s’est mis en situation de le faire.
M. Sébastien Meurant. Eh non !
M. Roger Karoutchi. Ces dernières années, entre 100 000 et 120 000 demandes d’asile par an sont déposées. Après l’instruction de ces dossiers par l’Ofpra et un éventuel recours devant la CNDA, environ 40 000 personnes se voient accorder le statut de réfugié – et il est légitime de les protéger. Toutefois, alors que, chaque année, 70 000 à 80 000 personnes sont déboutées du droit d’asile et devraient en conséquence quitter le territoire français, madame la ministre, nous ne raccompagnons pas plus de 15 000 à 20 000 personnes – et encore, les bonnes années –, sachant que ce nombre inclut les immigrés clandestins qui ne sont pas forcément des demandeurs d’asile.
Concrètement, cela signifie que nous fabriquons nous-mêmes tous les ans entre 50 000 et 70 000 sans-papiers. Nous sommes la première entreprise du monde à fabriquer des gens en situation illégale !
Il y a ensuite une pression pour les régulariser. Comment faire ? Faut-il régulariser des personnes qui sont sur notre territoire depuis trois ou cinq ans ? Faut-il accroître le nombre de personnes qui sont en situation illégale ?
Je le répète, madame la ministre : vous n’êtes pas personnellement responsable de cette situation, pas plus que ce gouvernement. Toutefois, en 2018, nous espérions que la loi Collomb permettrait de prendre des mesures. Tel n’a pas été le cas. De ce fait, le droit d’asile continue de connaître un détournement économique et la création de sans-papiers se poursuit. Cela pose un véritable problème d’équilibre.
Le second exemple porte sur l’immigration.
En 2020, nous avons accordé environ 220 000 titres de séjour ; cela correspond à l’immigration régulière, officielle. En revanche, nous n’avons pas réglé le problème du regroupement familial, au sujet duquel vous nous opposez systématiquement l’existence de règles européennes.
Ce gouvernement et le gouvernement précédent ont assoupli les règles d’acquisition de la nationalité. Or, si elle peut être légitime dans bien des cas, l’intégration dans la nationalité revient à créer un droit au regroupement familial pour les personnes qui en bénéficient. À combien de regroupements familiaux donnent lieu 100 000 créations de nationalité ?
La loi Collomb n’a rien fait à ce sujet, de même qu’elle n’a pas bougé les lignes sur tout ce qui concerne les centres de rétention administrative. Au fond, elle n’a permis aucune évolution en matière d’asile et d’immigration. Ce n’est pas votre faute, madame la ministre : ce sont les règles qui ont été mises en place. Qui plus est, vous ne disposez pas à l’Assemblée nationale de la majorité qui vous permettrait de traduire dans la loi ce que vous espérez ou ce que vous souhaitez. Peut-être aussi les membres du Gouvernement ne sont-ils pas unanimes dans leur manière d’appréhender les sujets relatifs à l’immigration et au droit d’asile.
Par ailleurs, madame la ministre, très souvent, le Gouvernement se retranche derrière les règles européennes. Or tout ne dépend pas de l’Union européenne. Il est par exemple problématique que l’Agence française de développement (AFD) finance, subventionne et aide des États qui refusent de réintégrer les personnes que nous souhaitons expulser. Comment accepter que de l’argent public soit donné à des États qui, en parallèle, n’acceptent pas une convention avec la France sur la réintégration ?
Alors que l’Allemagne pose comme condition des centaines d’heures d’apprentissage de la langue et un examen final, la France continue de ne conditionner le contrat d’intégration républicaine (CIR) à aucun examen ou contrôle de la connaissance de la langue française, pas même de niveau A1, permettant d’évaluer les candidats : il suffit d’être présent à 80 % des heures d’apprentissage. Résultat : nous accordons des contrats d’intégration républicaine à des gens qui ne parlent pas français, ce qui est un autre vrai sujet.
La conclusion est simple, madame la ministre : il y a les règles européennes, et j’espère que l’on va se décider à les changer, et il y a tout ce qui dépend de la France. En la matière, beaucoup de discours, beaucoup d’intentions, mais peu de réalisations. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis honorée de représenter devant vous le Gouvernement pour ce débat consacré au bilan de la loi de 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter à toutes et à tous une très bonne année.
Il me semble important, dans le cadre de ce propos liminaire, de revenir sur le contexte migratoire dans lequel ce texte important a été déposé par le Gouvernement et adopté par le Parlement. Ce contexte est bien sûr celui de l’après-crise migratoire de 2015-2016, dont chacun se souvient.
La France restait alors exposée à une forte pression migratoire à ses frontières nationales, comme en témoigne le nombre des non-admissions d’étrangers en situation irrégulière à nos frontières – 63 732 en 2016 et 85 408 en 2017. Par ailleurs, elle connaissait une forte exposition aux mouvements dits secondaires, puisqu’en 2017 la France a reçu environ 121 200 demandes d’asile, dont 36 % de demandeurs d’asile dits Dublin, c’est-à-dire ayant déposé une première demande dans un autre pays de l’Union européenne.
Dans ce contexte, le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie se fixait trois objectifs : premièrement, la réduction des délais d’instruction des demandes d’asile, deuxièmement, le renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière, troisièmement, l’amélioration de l’accueil des étrangers admis au séjour pour leurs compétences.
Le débat au Parlement a permis d’enrichir le projet du Gouvernement dans le parfait respect de notre Constitution, puisque, fait inédit pour une loi relative à la question de l’immigration, le texte a été validé dans toutes ses dispositions par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 septembre 2018. (M. Stéphane Ravier s’esclaffe.) Il a donc pu entrer en vigueur de manière progressive entre le 11 septembre 2018 et le 1er mars 2019, le temps de prendre les quarante mesures réglementaires requises pour son application effective.
J’en viens à présent à l’atteinte des objectifs fixés par la loi, puisque c’est le sujet qui nous réunit aujourd’hui.
En matière d’asile, l’objectif principal était de pouvoir traiter la demande dans un délai de 6 mois, recours contentieux compris. Nous progressons dans cette voie. Le délai moyen d’enregistrement en préfecture est maîtrisé depuis fin 2020, puisqu’il est de 2,7 jours, et ce grâce au travail de renforcement des guichets uniques pour demandeurs d’asile, qui regroupent les effectifs des préfectures et les effectifs de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
Malheureusement, le quasi-arrêt de l’activité de l’Ofpra et de la CNDA pendant le premier confinement nous a peu à peu éloignés de cet objectif de six mois. À la fin du mois d’août 2021, le délai moyen de traitement se stabilise autour de quatorze mois, avec, pour l’Ofpra, un délai moyen de 7,9 mois et, pour la CNDA, un délai moyen de 5,4 mois.
Je souligne toutefois que la productivité mensuelle de l’Ofpra a progressé d’environ 25 % grâce à l’effet combiné des mesures d’organisation et des renforts en effectifs. En effet, nous avons souhaité financer plus de 200 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires à l’Ofpra pour atteindre le nombre d’environ 12 000 décisions mensuelles au mois de septembre 2021.
L’Ofpra a donc adopté plus de 127 000 décisions cette année. Cela correspond à un pic d’activité jamais atteint, qui en fait le premier office de protection au sein de l’Union européenne en termes de niveau d’activité devant l’Allemagne. Je salue d’ailleurs le travail délicat et parfois éprouvant mené par les agents de l’Ofpra.
La baisse du « stock de dossiers » en cours d’instruction témoigne elle aussi de cette activité soutenue, puisque ce stock est passé de près de 88 000 dossiers au mois d’octobre 2020 à 50 000 au mois de novembre 2021. Une telle activité nous permettra d’atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé, à savoir l’instruction des dossiers de demande d’asile en deux mois par l’Ofpra.
La loi de 2018 prévoyait également le principe de l’orientation directive des demandeurs d’asile, laquelle a été mise en œuvre via le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés (Snadar) 2021-2023. Entré en vigueur le 1er janvier 2021, il prévoit de rééquilibrer la prise en charge des demandeurs d’asile sur le territoire en desserrant la capacité d’accueil francilienne au profit de régions qui sont moins tendues à cet égard.
Piloté par la direction générale des étrangers en France (DGEF) et mis en œuvre par l’OFII, le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés permet d’orienter chaque mois 1 600 demandeurs d’asile depuis l’Île-de-France vers les autres régions. Au 1er novembre 2021, 16 000 demandeurs d’asile ont ainsi été dirigés vers d’autres régions.
Ce dispositif s’appuie sur le renforcement de la capacité du parc d’hébergement dédié aux demandeurs d’asile. Grâce à la création de près de 4 700 places en 2021, le dispositif comporte environ 103 000 places au 31 décembre 2021.
Enfin, la loi nous donne les moyens d’agir plus efficacement sur la question du maintien des déboutés issus des pays d’origine dits sûrs, d’une part, en prenant l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) dès que la décision négative de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a été prononcée, puisque le recours contre celle-ci n’est plus automatiquement suspensif, d’autre part, en procédant au retrait des conditions matérielles d’accueil.
J’en viens à l’objectif de régulation et de lutte contre l’immigration irrégulière. La loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, dite Asile et immigration, dote l’administration de nouveaux instruments pour une meilleure exécution des mesures d’éloignement prononcées par les préfets : en matière de suivi des étrangers, ces derniers peuvent fixer le domicile d’un étranger faisant l’objet d’une OQTF. De plus, la durée maximale de la retenue administrative est portée à vingt-quatre heures et celle de la rétention est portée à quatre-vingt-dix jours.
Toutes ces mesures ont renforcé l’efficacité des éloignements forcés, dont le nombre s’est élevé à presque 19 000 en 2019. Toutefois, la crise sanitaire et la fermeture des frontières qui en a découlé ont interrompu cette dynamique. Les éloignements ont ainsi diminué de 51,8 % en 2020. En 2021, ils restent affectés par les mesures sanitaires, mais aussi – il faut bien le reconnaître – par la posture diplomatique de certains pays d’origine.
C’est pourquoi, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a pris la décision de faire pression sur ces pays, en abaissant drastiquement la délivrance des laissez-passer consulaires de 50 % à l’encontre de l’Algérie et du Maroc, et de 30 % à l’encontre de la Tunisie.
Nous avons par ailleurs décidé de cibler, de manière prioritaire, les profils d’étrangers à l’origine de graves troubles à l’ordre public. Une opération d’éloignement, s’appuyant sur la coordination des préfets de zone, a ainsi été lancée au mois de juin 2021 pour parvenir à l’éloignement de 1 100 étrangers en situation irrégulière présentant une menace pour l’ordre public. Cet objectif a d’ores et déjà été dépassé puisque 1 238 personnes ont ainsi été éloignées à la fin de l’année dernière. Cette opération sera reconduite en 2022 pour protéger la sécurité des Français.
Sur la question des mineurs non accompagnés (MNA), la loi du 10 septembre 2018 prévoit la création du fichier de renseignement du traitement automatisé de l’appui à l’évaluation de la minorité, ou fichier AEM. Depuis le 1er mars 2019, les préfectures, notamment lors de la phase d’évaluation du MNA, peuvent ainsi apporter leur concours aux conseils départementaux chargés, comme chacun sait, de la protection de l’enfance.
Le recours au traitement via le fichier AEM n’étant pas obligatoire à ce jour, celui-ci a été utilisé au 1er juillet 2021 par 78 collectivités. Pour favoriser le déploiement de l’outil sur l’ensemble du territoire national, un mécanisme d’incitation financière est opérant depuis le 1er janvier 2021
À la fin du mois d’août 2021, sur 19 441 dossiers enregistrés, 95 % des personnes déclarées comme MNA sont des hommes. Les majeurs représentent plus de 50 % des décisions prises par les présidents de conseils départementaux. La répartition par nationalité et stable : Guinéens, Ivoiriens et Maliens comptent pour 57,8 % des personnes enregistrées.
Enfin, l’ambition de la loi de 2018 est d’attirer davantage d’étrangers très qualifiés et de mieux les accueillir. À cette fin, la loi a ouvert de nouveaux cas de délivrance du passeport talent. Je pense aux entreprises innovantes souhaitant recruter des étrangers non diplômés en France : la loi a ainsi assuré la transposition de la directive concernant les étudiants et les chercheurs,…
Mme le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. … qui facilite la circulation ces derniers dans l’Union européenne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je détaillerai d’autres points dans mes réponses à vos questions. Tels sont en tout cas les premiers éléments du bilan de cette loi, trois ans après son entrée en vigueur. (M. François Patriat applaudit.)
Débat interactif
Mme le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Madame la ministre, mes chers collègues, je vous demande de respecter scrupuleusement ces indications, car l’ordre du jour est chargé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. « Nous allons renforcer les contrôles, traquer les fraudeurs et punir les coupables », déclarait voilà quelques jours un membre du Gouvernement. Je me suis dit : enfin, nous allons rétablir nos frontières ! Enfin, nous allons punir ces millions de fraudeurs à la carte Vitale et aux prestations sociales ! (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Enfin, nous allons expulser les clandestins et les criminels étrangers de manière définitive !
Hélas, vous parliez non pas des étrangers, mais des Français, ces Gaulois réfractaires non vaccinés. Contre eux, vous êtes prêts à violer tous les principes de notre État de droit. Nous n’oublierons pas !
Nous n’oublierons pas que l’État de droit devient accessoire, quand il s’agit de protéger des vies humaines, puisque c’est ainsi que vous justifiez vos mesures liberticides.
Nous saurons nous en rappeler quand nous abrogerons le regroupement familial : si l’on peut suspendre la liberté de circuler pour les Français, il n’y aura donc aucun problème à le faire pour les étrangers !
Nous saurons nous en rappeler quand nous équiperons les immigrés d’une application de tracking afin de pouvoir vérifier qu’ils quittent bien le territoire à l’expiration de leur titre de séjour.
Madame la ministre, votre loi de 2018 n’a rien changé : le nombre de titres de séjour a explosé en 2019, avec 277 000 délivrances, dont 14 % seulement concernait une immigration de travail. Cette immigration économique est non pas une chance, mais un fardeau. Du point de vue sécuritaire et identitaire, elle est un fléau.
N’oublions pas les clandestins. Dans cet hémicycle, M. Darmanin a déclaré qu’en 2020 vous aviez relogé 14 400 clandestins partout sur notre territoire, pour un montant de 20 millions d’euros, avouant ainsi que, plutôt que de les faire repartir chez eux, vous préfériez les répartir chez nous.
Il a même estimé qu’il y allait de « l’honneur de la France ». Alors que 115 000 demandes d’asile ont été rejetées en 2019, seules 19 000 expulsions forcées ont eu lieu. Cela fait donc 95 000 clandestins supplémentaires sur notre sol, soit l’équivalent d’une ville comme Tourcoing.
Madame la ministre, ma question est la suivante : puisque accueillir et entretenir des clandestins est un « honneur » pour M. Darmanin,…
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Stéphane Ravier. … pourquoi ne serait-ce pas à la ville de Tourcoing d’être pleinement honorée en accueillant tous ceux que vous aurez refusé d’expulser ?
Mme le président. Monsieur Ravier, vous avez dépassé votre temps de parole. Si chacun agit ainsi, nos débats seront décalés. Je le répète : merci à chacun de respecter son temps de parole de deux minutes.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, il ne me semblait pas que le débat portait sur le passe vaccinal, à moins que je ne me sois trompée d’assemblée. Je ne répondrai donc pas sur ce point.
Contrairement à vos propos et comme je l’ai déjà évoqué, la loi a permis d’obtenir des résultats, notamment sur la question des éloignements forcés. Je viens de vous communiquer les chiffres, qui sont en augmentation : ainsi, en 2019, 19 000 éloignements forcés ont été décidés.
Je tiens à préciser que le Gouvernement ne considère pas les étrangers pour ce qu’ils sont, mais pour ce qu’ils font. Certaines personnes n’ont pas vocation à être accueillies en France : celles qui sont coupables de troubles à l’ordre public doivent évidemment être raccompagnées. Toutefois, d’autres ont droit à l’asile, à l’image de celles qui viennent d’Afghanistan, et nous devons les accueillir.
Enfin, je rappelle que des étrangers ont fortement contribué au maintien de notre pays, notamment lors du premier confinement. Nous avons naturalisé ces travailleurs étrangers qui ont permis au pays de se tenir debout.
Il ne faut pas tout confondre ! Toutes les situations ne se valent pas et ne se ressemblent pas. (M. Bernard Buis applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. L’asile est un droit, l’immigration une politique. Madame la ministre, je vous parlerai de cette politique.
En France, la proportion d’immigrés dans notre population se situe dans la moyenne de l’Union européenne : hormis l’Italie, tous nos voisins proches connaissent des proportions d’immigrés bien supérieures.
Alors que la population de la France représente 13 % de celle de l’Union européenne, la France délivre chaque année 8 % de premiers titres de séjour, contre 17 % pour l’Allemagne et 20 % pour la Pologne.
Toutes les économies innovantes, à part la Chine et le Japon, ont une proportion d’immigrés bien supérieure à celle de la France.
Non, mes chers collègues, nous n’avons pas un problème majeur de contrôle. En revanche, nous avons un problème d’intégration, qui représente un défi moins important pour nous que pour nos voisins. Pourtant, nous faisons moins bien !
Madame la ministre, de ce point de vue, la loi Collomb n’a rien changé. Pourquoi ne voulez-vous pas aller plus loin ?
Par ailleurs, pourquoi ne dénoncez-vous pas les propositions folles et démagogiques émanant de la droite de cet hémicycle sur les quotas ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. C’est bon…
M. Jean-Yves Leconte. En matière de quotas, 30 % sont des titres de séjour « étudiant », tandis que plus de 36 % relèvent de l’immigration familiale, en particulier des conjoints de Français. En France, le taux d’immigration pour l’emploi s’élève à seulement 12 %, l’un des taux les plus bas de l’Union européenne, alors que de nombreux postes sont à pourvoir.
Madame la ministre, pourquoi ne dénoncez-vous pas les propositions relatives aux quotas, totalement irresponsables, dans la mesure où nous n’avons pas de marge de manœuvre, puisque nous délivrons peu de titres de séjour tous les ans ? (M. Stéphane Ravier proteste.)
M. Roger Karoutchi. Pourtant, 220 000 titres de séjour par an, ce n’est pas mal !
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, c’est la première fois que l’on me dit que l’on ne m’entend pas assez ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Ah oui !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je vous remercie d’acquiescer, monsieur le sénateur ! (Nouveaux sourires.)
Au contraire, j’ai l’impression de donner de la voix et de faire de la politique. J’entends d’ailleurs poursuivre ainsi.
Je me suis notamment insurgée à de nombreuses reprises contre les propositions dites d’immigration zéro, qui me semblent assez déconnectées des réalités.
Sur la question des quotas, notre action parle pour nous. À l’automne 2019, lors de son discours au Parlement, le Premier ministre a évoqué la possibilité de définir des objectifs chiffrés en matière d’immigration professionnelle, ce qui s’est traduit par les décisions prises par le Gouvernement lors du comité interministériel sur l’immigration et l’intégration le 6 novembre 2019.
Nous voulons répondre aux besoins, notamment en matière de ressources humaines. Comme j’ai commencé à l’évoquer dans mon propos liminaire, nous avons continué à développer une politique d’attractivité visant à attirer des profils de pointe pour les secteurs innovants, tels que les chercheurs et les profils qualifiés, grâce aux passeports talents. Depuis leur création en 2016, la dynamique se confirme : en 2020, 31 000 titres de séjour passeports talents ont été délivrés.
Nous avons ainsi des objectifs chiffrés. Telle est l’action menée par le Gouvernement. (M. François Patriat applaudit.)