Mme le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.
Mme Sophie Taillé-Polian. Dans le Val-de-Marne, quatre des crédits déployés sont destinés à la réhabilitation de friches. Or, qu’elles aient été là ou ailleurs, la situation aurait été la même ! Des friches, il y en a plein le Val-de-Marne !
Ce n’est pas une politique dédiée aux quartiers prioritaires de la politique de la ville : c’est une politique qui vise d’autres objectifs.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Madame la sénatrice, vous parlez du Val-de-Marne, qui est un département que je connais bien. Lorsqu’il en est question, nous devons parler de Villeneuve-Saint-Georges et de Champigny-sur-Marne.
S’agissant des engagements de l’État dans ce département, soyez sûre que nous sommes, nous, au rendez-vous dans ces quartiers prioritaires. (Mme Sophie Taillé-Polian fait non de la tête.)
Je me demande si la présidente de la région Île-de-France est autant au rendez-vous dans ces quartiers et ces territoires que, nous, nous le sommes ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ne nous demandez pas de nous substituer à la compétence de la présidente de la région Île-de-France. L’État intervient aux côtés des élus. C’est ce que nous faisons dans le Val-de-Marne et sur le territoire national.
Mme le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je ne dirai certainement pas que Mme la présidente de la région Île-de-France tient ses promesses et fait ce qu’elle devrait faire pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Cependant, vous ne pouvez pas utiliser cet argument pour justifier votre absence de politique !
Mme Sophie Taillé-Polian. Aujourd’hui, et depuis bientôt cinq ans, des associations sont en grande souffrance du fait de la fin des contrats aidés.
Votre politique dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, comme dans toute la France, d’ailleurs, conduit à une intensification de la pauvreté. Or où sont logés la plupart des gens en situation difficile dans notre pays, sinon dans les QPV ?
Vous avez diminué le montant de leurs aides personnalisées au logement, vous venez de baisser le montant de l’assurance chômage et de rendre son accès plus difficile pour les précaires. Or où sont-ils, les précaires ?
Face à tout cela, vous venez aujourd’hui nous expliquer que tout va bien dans les quartiers et faire la promotion de votre action, comme si tout allait bien. Eh bien, je vous le dis, madame la ministre : cela ne va pas, cela ne va pas du tout, et votre gouvernement n’est pas à la hauteur ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le pouvoir d’achat de nos concitoyens a été plombé par la hausse des dépenses de logement. Celles-ci représentaient 24,3 % du budget des ménages en 2018 ; elles en représentent plus de 29 % cette année.
Lorsque le Gouvernement affirme que le pouvoir d’achat s’est amélioré, il ne compte pas la hausse des dépenses contraintes, en particulier la hausse démesurée des dépenses de logement.
Les loyers ont augmenté plus que l’inflation et plus que le niveau de l’évolution des revenus. En vingt ans, les prix de l’immobilier ont augmenté de 153 %, soit cinq fois plus que l’inflation. Le prix du foncier a augmenté pour sa part de 200 % – c’est-à-dire une rente !
M. Macron voulait s’attaquer à la rente. Pourquoi ne s’est-il pas attaqué à la rente foncière, qui prend de la valeur sans que les gens fournissent des efforts ?
Le Gouvernement n’a rien fait pour réduire ces divergences dangereuses entre l’évolution des prix du logement et les revenus. Au contraire, il les a laissées s’accroître. Pis encore, il a baissé la part des APL dans le budget de l’État.
Face à cette réalité, que propose le Gouvernement pour résoudre ce drame qui concerne le pouvoir d’achat et la difficulté d’accéder à un logement ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la sénatrice Lienemann, le logement constitue en effet l’une des dépenses essentielles des ménages ; je crois que nous le savons tous. Le Gouvernement est pleinement engagé afin de permettre à chacun l’accès à un logement digne et abordable.
Pour le parc existant, nous avons proposé l’expérimentation de l’encadrement des loyers en zone tendue, grâce à la loi ÉLAN. Plusieurs collectivités ont d’ores et déjà souhaité s’en saisir : Paris, Lyon, Lille, Villeurbanne, les établissements publics territoriaux Plaine Commune ou Est Ensemble, en Seine-Saint-Denis, Montpellier, Bordeaux.
Le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 3DS, prévoit d’allonger la durée de l’expérimentation afin de permettre à de nouveaux territoires éligibles d’y candidater.
Afin de permettre aux ménages d’accéder à un logement à loyer maîtrisé et de contrebalancer les effets du marché, nous avons également rendu plus attractif le dispositif « Louer abordable » dans le cadre de la loi de finances pour 2022.
Vous n’avez eu ni le temps ni l’occasion d’en discuter, puisque vous avez rejeté en bloc ce texte au moment de son examen.
Mme Sophie Primas. Et on ne le regrette pas !
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Vous avez également soulevé la question de la maîtrise du prix du foncier. Nous avons pris plusieurs mesures pour libérer le foncier et faciliter sa maîtrise : l’abattement de plus-value pour les terrains cédés pour du logement social ou encore le déploiement des établissements publics fonciers, qui couvrent actuellement 80 % du territoire et apportent un appui précieux aux collectivités souhaitant s’engager dans une politique de maîtrise foncière et de régulation des coûts.
À cela s’ajoute enfin le développement du bail réel solidaire (BRS) porté par les offices fonciers solidaires (OFS), que nous renforçons encore dans le projet de loi 3DS. En distinguant la propriété foncière et la propriété bâtie, en encadrant les prix de cession des logements, le BRS propose aussi une réponse innovante et adaptée.
En près de cinq ans, 71 OFS ont été agréés et une trentaine devraient l’être à court terme. Plus de 500 logements ont été déjà commercialisés en BRS, et ce parc dépassera probablement les 10 000 unités en 2024.
Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement agit concrètement pour assurer à chacun un logement abordable.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour la réplique.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’encadrement expérimental des loyers n’a pas été introduit par la loi ÉLAN, il a été généralisé par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite ALUR.
Il faut revenir à cette généralisation et ne plus en rester à l’expérimentation. Même l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, considère qu’il est essentiel d’encadrer les loyers.
S’agissant du foncier, vous citez certaines mesures. Ceux qui me connaissent savent combien je défends les OFS et les BRS – dispositifs inscrits également dans la loi ALUR.
Toutes ces mesures ne sont que des pansements ridicules au regard de l’ampleur de l’évolution des prix du marché. Il faut désormais des politiques d’encadrement et des politiques fiscales contre les plus-values abusives. (Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit.)
Mme le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, alors que rien ne le laissait prévoir dans son programme, le Président de la République a appliqué des coupes budgétaires dans le secteur du logement, se concentrant particulièrement sur le logement social et sur l’accession sociale à la propriété.
Ce décalage entre la stratégie affichée et les mesures engagées a déstabilisé durablement le secteur. Ainsi, dès 2018, ces réductions ont eu pour conséquence de dégrader l’accès des plus modestes au logement.
Les chiffres en attestent. Force est ainsi de constater, madame la ministre, qu’entre 2018 et 2020 le nombre de permis de construire a baissé continuellement. On compte 170 000 logements en moins en quatre ans, alors qu’en 2020 le nombre de mises en chantier a accusé un repli de 7 % par rapport à 2019.
Ce ralentissement s’explique par les différentes restrictions successives qu’ont connues les acteurs de ce secteur : prélèvements sur les budgets d’investissement des organismes HLM, suppression de l’aide aux maires bâtisseurs ainsi que de l’aide à l’accession, restriction du prêt à taux zéro (PTZ), tensions économiques générées par la crise sanitaire et les élections municipales.
Ce phénomène est aussi dû à la méthode mise en œuvre : les bailleurs sociaux n’ayant pas été consultés préalablement, ils n’ont pas pu s’adapter et anticiper. Ils ont donc subi ces restrictions budgétaires qui ont largement affecté leurs capacités d’investissement et de production.
L’insuffisance des logements est particulièrement préoccupante dans les outre-mer, notamment à La Réunion où, comme le souligne Nassimah Dindar, 33 000 familles ayant droit à un logement social ne peuvent aujourd’hui y accéder en raison de la pénurie.
Les excès de prix des loyers des logements sociaux y sont encore plus évidents, ceux-ci étant 5 % plus élevés qu’en métropole.
Madame la ministre, au regard de ces constats, envisagez-vous une relance par la réduction des coûts du logement ? À l’heure de la mise en œuvre de la nouvelle réglementation environnementale pour les bâtiments, la RE2020, que répondez-vous à ceux qui réclament une meilleure maîtrise de l’inflation réglementaire, laquelle accroît les coûts et les difficultés à construire ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la sénatrice, au cours de ces douze derniers mois, la construction de 470 000 logements a été autorisée, contre 456 100 en moyenne entre 2010 et 2019. Où se situe donc la baisse de logements autorisés, selon vous ?
Vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur la situation du logement dans les outre-mer, particulièrement sur la question de l’accès au logement social à La Réunion.
Permettez-moi de rappeler que le plan Logement outre-mer 2019-2022 y a été décliné après concertation avec plus de 250 participants. Ce plan a un objectif moyen annuel de production de 2 000 à 2 500 logements locatifs sociaux, de réhabilitation de 700 logements du même type, ainsi que d’amélioration de 400 logements privés indignes ou insalubres, afin de répondre aux objectifs de croissance démographique d’ici à 2035.
Vous abordez également la question de l’inflation réglementaire. La RE2020 n’est pas applicable à La Réunion : elle ne concerne que la France métropolitaine. Les règles de construction sont adaptées dans les territoires d’outre-mer pour faire face à leurs problématiques propres.
À La Réunion, une réflexion a été engagée avec les acteurs de la filière de la construction sur la maîtrise des coûts sans renoncer à la qualité des logements. Il s’agit de trouver des solutions et des réponses locales, avec les acteurs de terrain.
Au-delà de la question de la relance du logement social et de la maîtrise des coûts, laquelle passe non pas par une qualité moindre, mais par une incitation plus importante des élus à délivrer des permis de construire, les contrats de relance du logement ont été mis en place sur les crédits du plan France Relance. C’est la raison pour laquelle, s’agissant des agréments délivrés à compter de 2021 et jusqu’à la fin du mandat municipal en cours, les collectivités locales toucheront une compensation intégrale de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Mme Sophie Primas. C’est la moindre des choses, non ? Ce n’est pas une victoire !
Mme le président. La parole est à M. Denis Bouad. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Denis Bouad. Peu avant les fêtes, Mme la ministre chargée du logement est venue dans le Gard pour signer le nouveau programme de renouvellement urbain des communes de Nîmes et d’Alès. Ces dossiers me semblent démontrer notre capacité à développer des projets ambitieux dans le cadre de démarches partenariales associant l’État, les collectivités locales et les bailleurs sociaux.
Pour autant, bien que décisifs, ces projets ne suffisent pas à masquer la défaillance des politiques de logement social et la réalité des chiffres. Dans le Gard, avant même la crise sanitaire, la production de logements sociaux a ainsi été divisée par deux entre 2018 et 2019.
Madame la ministre, je ne reviendrai pas sur la baisse surprise des aides personnalisées au logement (APL) dès 2017, mais il est clair qu’en matière de logement votre gouvernement a fait de véritables choix politiques.
Aujourd’hui, nous approchons de la fin du quinquennat, nous disposons donc du recul et des éléments chiffrés nécessaires pour juger des choix qui ont été opérés et analyser les résultats qu’ils ont produits.
Alors que le Président de la République affirmait sa volonté de créer un choc de l’offre, on a vu se multiplier les dispositifs donnant des signaux totalement inverses : fragilisation des organismes HLM au travers de la réduction de loyer de solidarité (RLS), relèvement du taux de TVA pour les logements sociaux, restriction du champ d’application des prêts à taux zéro, suppression de l’APL accession, etc.
Selon la Fondation Abbé Pierre, au cours des cinq dernières années, plus de 10 milliards d’euros d’économies ont été réalisés au détriment du logement des Français les plus modestes.
Aussi ma question est-elle simple, madame la ministre : comment expliquer un tel décalage entre l’objectif affiché et les dispositions prises ? Comment revendiquer un choc de l’offre visant à tasser les prix et, « en même temps », ponctionner de la sorte la capacité d’investissement des bailleurs sociaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Denis Bouad, votre question porte sur le financement du logement social. Durant ce quinquennat, nous avons procédé à une réforme structurelle du secteur via le regroupement des bailleurs, ce qui permet de renforcer leurs capacités financières, notamment grâce à une mutualisation accrue des ressources.
En parallèle, des mesures de soutien massif ont été prises dans le cadre du pacte conclu en 2019 avec le secteur, comprenant notamment le gel, puis la révision de la formule de calcul du livret A et un soutien accru de la banque des territoires et d’Action Logement.
Vous avez dressé la liste de tout ce que le Gouvernement n’a pas fait, mais vous oubliez tout ce qu’il a fait ! Je peux vous assurer qu’il est très attentif à la situation du logement social face à cette crise sanitaire.
Nous avons choisi de faire de 2021 et 2022 des années de mobilisation sans précédent pour le logement social, avec par exemple une mobilisation historique de plus de 1,5 milliard d’euros d’aides à la pierre. Chacun reconnaît qu’il n’y a jamais eu autant de subventions disponibles. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Le Gouvernement a aussi pris ses responsabilités en se chargeant de financer l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et en compensant celle-ci aux collectivités locales pendant dix ans pour tous les logements sociaux agréés entre 2021 et 2026.
Au total, les études perspectives de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) démontrent que la situation financière du secteur est très solide : elle est comparable à celle de 2014. Ce quinquennat n’aura donc pas du tout sonné le glas des bailleurs sociaux.
Enfin, une clause de revoyure du financement du secteur HLM est prévue cette année, afin d’aborder notamment la question du devenir de la RLS et des financements d’Action Logement. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Mme le président. La parole est à M. Denis Bouad, pour la réplique.
M. Denis Bouad. Madame la ministre, n’ayant qu’une poignée de secondes pour vous répondre, je dirai que vous ne m’avez pas du tout convaincu. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Sébastien Meurant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Sébastien Meurant. Madame la ministre, « décevante et coûteuse », voilà comment la Cour des comptes, qualifie la politique du logement en France. Pourtant, 37 milliards d’euros, c’est beaucoup d’argent ! Depuis plusieurs années, nous entendons la même musique : le gentil Gouvernement d’un côté, prêt à construire des logements abordables, et, de l’autre, les vilains élus locaux qui ne font rien pour aider.
Regardons la réalité en face : quelle est votre stratégie de production de logements et d’aménagement du territoire ? Ces deux éléments sont en effet intimement liés : comment répondre au vieillissement de la population, aux séparations, aux divorces et aux coûts toujours plus élevés des logements ?
Comment imaginer produire les 125 000 logements, que Mme Wargon disait vouloir construire à la fin du mois de décembre dernier, avec une pression normative toujours plus contraignante, donc coûteuse, des prix du foncier toujours plus élevés et des injonctions contradictoires des différents ministères ?
Vous aviez tout pour réussir : les Français aiment la pierre et les taux sont incroyablement bas. Pourtant, fiscalité confiscatoire, plafonnement des loyers, protection insuffisante des propriétaires font que les petits investisseurs renoncent à louer ou à contribuer à la production de logements. À cela s’ajoutent une rentabilité quasi nulle, sinon négative, et les lenteurs de la justice. En conséquence, 3,1 millions de logements sont vacants, selon l’Insee, ce qui représente une hausse sans précédent sous ce mandat.
Emmanuel Macron faisait part, dès 2017, de son intention de lutter contre la « rente immobilière », considérant même que l’immobilier ne créait pas d’emplois. Vous avez cassé la confiance d’une part des Français et des élus locaux par les menaces permanentes que vous faites planer au-dessus de leur tête.
S’agissant du logement social, quelques solutions de bon sens pourraient être appliquées rapidement. Il faudrait ainsi considérer le secteur en fonction non pas de son financement public, mais bien du revenu des locataires, raisonner en flux de production plutôt qu’en stock pour l’application de l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) et penser la production de logements à l’échelle intercommunale. Il s’agirait également de rendre aux élus locaux le pouvoir de peuplement des logements.
Qu’avez-vous fait pour rétablir la relation de confiance avec les Français et les élus locaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement n’a pas eu de stratégie globale en matière de logement. Nous en débattons depuis maintenant presque une heure. Notre politique du logement repose sur un double impératif : l’accès de tous les Français au logement abordable et la transition écologique du parc.
Nous avons d’abord renforcé le soutien au logement social et à l’accès à un logement abordable. Nous avons amélioré le bail réel solidaire, lequel permet l’accès à la propriété sans avoir à acheter le foncier, notamment en lui appliquant la TVA à 5,5 %. Nous prolongeons également le prêt à taux zéro jusqu’à la fin 2023. Nous avons enfin revu et rendu plus attractif le dispositif « Louer abordable ».
Ce gouvernement est celui qui agit le plus en faveur de la construction et de l’aménagement durables, ainsi que de la rénovation énergétique de nos bâtiments. Cela passe notamment par des mesures en faveur de la construction dense, avec la relance de la construction durable, avec le fonds pour le recyclage des friches, auquel le plan de relance consacre 650 millions d’euros et qui sera pérennisé, comme s’y est engagé le Gouvernement. Nous favorisons également la construction bas-carbone avec la RE2020.
Nous avons créé l’aide MaPrimeRénov’. Plus de 700 000 dossiers ont été déposés ; l’objectif de 500 000 est donc dépassé, ce qu’il faut saluer. Cela permettra à mon sens d’atteindre l’objectif ambitieux que nous nous fixons en matière de rénovation des passoires thermiques.
La stratégie du Gouvernement est donc claire. Elle porte sur la construction comme sur la rénovation.
Mme le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour la réplique.
M. Sébastien Meurant. Madame la ministre, vous évoquez de nombreuses mesures, mais je vous parlais de stratégie globale et d’aménagement du territoire. Le compte n’y est pas, les résultats ne sont pas là. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud.
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, notre pays connaît une crise du logement qui tend à se généraliser à tous les territoires, y compris les plus touristiques, à l’instar de mon département des Hautes-Alpes.
Le marché de l’immobilier y demeure dynamique, mais des difficultés apparaissent pour loger la population locale ou héberger certains publics, à commencer par les saisonniers. Dans les territoires de montagne, le marché de l’immobilier est principalement alimenté par les ventes et achats de résidences secondaires, qui, dans certaines communes, représentent plus de 50 % du parc immobilier.
Cette situation a pour conséquence une pression à la hausse sur les prix, qui rend plus difficilement accessible la location ou l’achat de biens par et pour les populations locales.
La construction de logements sociaux est également particulièrement complexe à réaliser : les communes n’ont pas la capacité de se constituer un parc de logements à vocation sociale, alors que les bailleurs sociaux ne souhaitent pas toujours investir dans des territoires à vocation essentiellement touristique. De surcroît, le zonage ne favorise parfois pas la transformation de logements vacants en logement social.
Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement en zone touristique pour lutter contre les « lits froids » ? Quelles incitations, quelle fiscalité proposez-vous aux propriétaires ?
En outre, le Gouvernement a intégré dans la loi de finances pour 2022 une mesure faisant évoluer le dispositif « Louer abordable » avec l’objectif de massifier le conventionnement de loyer social en zone tendue. Si ce mécanisme a du sens, le taux de décote est trop important, particulièrement pour les logements conventionnés situés en zone C.
À titre d’illustration, vingt et une des vingt-deux communes touristiques des Hautes-Alpes se trouvent dans le zonage C, ce qui rend difficile, pour les propriétaires, la rénovation de leur logement. Aussi, madame la ministre, quelles sont les dispositions que vous comptez prendre pour faire face à cette situation et permettre de transformer des logements vacants en logements sociaux et en logements d’habitation pérenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Arnaud, le plan Avenir montagnes a été lancé par le Premier ministre pour redynamiser le tourisme de montagne très affecté par la crise sanitaire et par le changement climatique. Tout le Gouvernement est mobilisé sur cette question très sensible : Jean-Baptiste Lemoyne, Joël Giraud, mais aussi Emmanuelle Wargon, destinatrice de votre question.
L’idée est de favoriser le tourisme à la montagne durant les quatre saisons, plutôt que de le centrer uniquement sur les sports d’hiver. En effet, la question des « lits froids », ces hébergements touristiques qui ne sont utilisés que quelques semaines par an, est très problématique.
C’est la raison pour laquelle l’un des objectifs du plan Avenir montagnes vise précisément à favoriser leur utilisation tout au long de l’année et d’en faire ainsi des « lits chauds » afin de lutter contre la vacance.
Concernant la réforme du dispositif « Louer abordable » intégrée dans la loi de finances pour 2022, son objectif est clair : il s’agit d’inciter les propriétaires à louer leurs biens à loyer maîtrisé. Cela permet de créer du logement abordable dans le parc privé existant. C’est donc un outil précieux dans la lutte contre les vacances de logement.
Grâce à ce dispositif, les loyers seront fixés sur la base des loyers de marché obtenus grâce à la cartographie réalisée par le ministère du logement. L’avantage fiscal permet de rendre le dispositif « Louer abordable » toujours plus incitatif autant pour un conventionnement social que pour un conventionnement intermédiaire.
La réduction sur les revenus fonciers sera remplacée par une réduction d’impôt proportionnelle aux loyers perçus par les bailleurs, ce qui permettra de toucher davantage de propriétaires.
Enfin, les nouvelles conventions du dispositif « Louer abordable » pourront être signées à partir du 1er avril prochain pour des baux conclus à compter du 1er janvier. La phase transitoire permettra à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) de traiter les stocks de demandes au titre du dispositif en vigueur jusqu’à la fin de 2021.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions.
À ce jour, dans les stations de sports d’hiver, on construit du logement neuf, parce que l’on est dans l’incapacité de restructurer et de rénover le parc existant, par défaut de mécanisme d’incitation fiscale à destination des propriétaires vieillissants. C’est cela, la réalité.
Mme le président. La parole est à M. Serge Mérillou.
M. Serge Mérillou. Madame la ministre, la crise du logement concerne aussi le monde rural. La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, entend intensifier la lutte contre l’artificialisation des sols. Elle fixe des objectifs ambitieux : zéro artificialisation nette en 2050 et division par deux du rythme de consommation des espaces naturels par rapport à la dernière décennie.
Madame la ministre, sur ces travées, personne ne nie l’urgence de préserver la biodiversité ni celle de changer nos politiques de logement pour limiter l’imperméabilisation des sols. Cependant, ne confondons pas vitesse et précipitation. De tels choix doivent être réfléchis et les élus doivent être écoutés.
Partout, dans les territoires ruraux, les élus sont inquiets et demandent l’application différenciée de ces objectifs. Une même politique ne peut être appliquée partout de la même façon, au risque de pénaliser les zones rurales. En effet, comment réduire de 50 % les surfaces constructibles, quand on n’a pas, ou peu, construit ces dix dernières années ? Comment maintenir des écoles ouvertes avec l’interdiction de construire pour accueillir de nouvelles familles ?
La ruralité connaît un regain d’attractivité avec la crise sanitaire. Ainsi, la baisse de la construction, les exigences réglementaires déjà très dures dans le cadre des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) et la limite de fait du nombre de terrains constructibles, le tout couplé à l’explosion de la demande, accentueront la crise du logement.
Maintenant que le constat est dressé, madame la ministre, comptez-vous écouter les élus et mettre en place une application différenciée permettant de prendre en contre les particularités rurales ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)