M. Laurent Burgoa. En voilà une surprise ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est d’usage d’examiner le projet de loi de finances rectificative de fin de gestion en plein marathon budgétaire. Cette année, ce texte nous arrive après un semi-marathon, ou plutôt après un abandon à mi-parcours.
À la suite de l’explosion en plein vol du projet de loi de finances pour 2022, je ne donne pas cher du présent projet de loi de finances rectificative. Et pour cause, en cette période de précampagne électorale, tout texte disposant d’un contenu politique, aussi minime soit-il, fait l’objet d’un examen brouillé par les enjeux des prochaines échéances.
En l’espèce, la situation est assez claire : la commission mixte paritaire a achoppé sur l’article 12 de ce budget rectificatif, qui prévoit l’instauration de l’indemnité inflation.
Discuter de nouveau de cette mesure ne serait pas très utile. En effet, nous savons tous la tournure que les débats prendraient : chacun camperait sur ses positions, et les désaccords survenus en première lecture auraient peu de chances de se résorber en nouvelle lecture.
Tel est, d’ailleurs, le message qu’a clairement adressé la commission des finances en déposant une motion tendant à opposer la question préalable.
Mes chers collègues, permettez-moi simplement de partager avec vous quelques convictions sur le rôle du bicamérisme, dans la droite ligne de l’excellente intervention du président Requier, hier.
Au fond, la question qui nous est posée au cours de cette séquence budgétaire est la suivante : à quoi sert le Sénat ? À quoi sert le Sénat en période budgétaire ?
À faire des rodomontades médiatiques ? Je ne le crois pas. À voter la loi ? Je le pense. Voter le budget est en effet l’une des prérogatives essentielles du Parlement.
Sur ce sujet comme sur bien d’autres, le Sénat ne peut avoir le dernier mot contre l’Assemblée nationale. C’est dommage, mais c’est ainsi…
Partant de ce constat, comment la Haute Assemblée peut-elle être utile ? Doit-elle s’opposer à toutes les propositions émanant du Gouvernement et de sa majorité à l’Assemblée nationale ou, au contraire, s’efforcer de travailler de façon constructive, avec la possibilité, même minime, d’obtenir gain de cause sur certains sujets clés ?
La Constitution de la Ve République nous assigne le second rôle et, finalement, qui n’est pas satisfait de cette situation peut parfaitement se présenter à l’Assemblée nationale !
S’agissant du texte qui nous intéresse aujourd’hui, le Sénat a posé de bonnes questions, mais n’apporte pas les bonnes réponses.
Le dispositif de l’indemnité inflation était-il bien calibré ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Non !
M. Emmanuel Capus. Tout comme vous, monsieur le rapporteur général, je n’en suis pas tout à fait sûr.
Cette mesure était-elle coûteuse ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Oui !
M. Emmanuel Capus. Sans doute.
Plutôt que s’en remettre aux minima sociaux et à la prime d’activité créée par François Hollande, en sachant pertinemment que cette proposition n’avait aucune chance d’aboutir, la commission aurait pu tenter d’ajuster le dispositif…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est ce qu’elle a fait !
M. Emmanuel Capus. Le groupe Les Indépendants avait suggéré en première lecture de prendre le foyer fiscal pour base de calcul – tel était le sens de mon amendement – et de border le dispositif, afin d’éviter les versements multiples.
Nous regrettons que le Sénat se soit autocensuré et n’ait pas fait aboutir cette proposition. C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas la motion tendant à opposer la question préalable. (M. Bernard Delcros applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Meurant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Sébastien Meurant. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir rejeté hier le projet de loi de finances pour 2022, notre assemblée examine cet après-midi, en nouvelle lecture, le projet de loi de finances rectificative pour 2021.
Comme chacun s’y attendait, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie lundi dernier, n’est pas parvenue à un accord et nous n’y parviendrons pas davantage aujourd’hui.
Pour rappel, le collectif budgétaire que le Gouvernement présentait comme un simple texte de fin de gestion prévoit d’importants mouvements de crédits, avec de sérieuses conséquences pour notre solde public, en particulier les nombreuses mesures de redéploiement ou de report intervenues au sein des différentes missions.
Pour la seule mission « Plan de relance », vous prévoyez une ouverture de crédits à hauteur de 2,3 milliards d’euros, notamment au bénéfice du fonds pour le recyclage des friches, le fameux fonds Friches, et du bien-être animal.
Ces mouvements nous laissent songeurs.
S’agissant, d’abord, de la portée effective des mesures de relance, les dépenses en faveur du bien-être animal – question d’importance, certes ! – contribuent-elles vraiment au soutien de la croissance de notre pays ? Je ne le crois pas.
Je m’interroge, par ailleurs, sur la portée de l’autorisation parlementaire en loi de finances initiale. Nous ne contestons pas la possibilité d’opérer des mouvements de crédits en fin de gestion, lorsque des impératifs nouveaux l’ont exigé en cours d’année, mais nous ne sommes à l’évidence pas dans ce cas de figure.
Dans le cadre de ce budget rectificatif, vous financez de nouvelles politiques en recyclant des crédits ouverts en loi de finances initiale. Il s’agit là d’une forme de contournement de l’autorisation parlementaire que nous vous avions accordée.
Ce projet de loi de finances rectificative prévoit également de nouvelles dépenses, qui reflètent le tour de France des promesses auxquelles le Gouvernement, muni du carnet de chèques des contribuables français, nous a habitués cet automne.
Parmi ces dépenses figurent, par exemple, les 2,5 milliards d’euros destinés à certains opérateurs qui continuent de subir les conséquences de la crise sanitaire, notamment France compétences.
Je citerai également l’indemnité inflation, mesure qui mérite que l’on s’y attarde, car elle constitue le cœur de notre différend avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement.
Nous avons rejeté cette disposition en première lecture, en supprimant l’article 12. Nous considérons en effet que ce dispositif, inventé avec lenteur par le Gouvernement, n’est ni juste, ni efficace, ni économe.
Avec cette mesure, monsieur le ministre, vous créez une différence incompréhensible entre les automobilistes et les autres, ces derniers percevant l’indemnité de 100 euros sans pour autant subir la hausse du cours des carburants.
Vous introduisez une discrimination entre des foyers fiscaux qui présentent pourtant des situations financières très différentes : ainsi, un couple dont l’un des membres gagne le SMIC et l’autre plus de 3 000 euros net par mois ne bénéficierait pas de l’indemnité. À nos yeux, cela ne relève pas du simple bon sens.
Il s’agit d’une disposition injuste, qui pénalisera les personnes précaires dont le salaire excède à peine le seuil des 2 000 euros net par mois fixé arbitrairement.
Par cette mesure, vous ferez également peser sur les entreprises une charge dont elles se seraient bien passées. Ce sont elles, en effet, qui devront avancer les 100 euros aux nombreux allocataires de l’indemnité puis attendre le remboursement de l’État qui sera, on peut le craindre, tardif.
Le Gouvernement et sa majorité ont eu beau jeu d’attaquer le Sénat, en répandant la fausse rumeur selon laquelle nous aurions purement et simplement refusé d’accorder à 38 millions de nos concitoyens une indemnité de 100 euros.
La communication a ses limites et, si le Gouvernement, via cette opération d’opportunisme électoral, espère y gagner, le débat y perd assurément en sérieux. Personne, en tout cas, n’en sort grandi.
Si nous avons fait le choix de supprimer l’article 12, c’est pour lui préférer un dispositif mieux ciblé, plus efficace et moins coûteux.
La commission des finances, par la voix de son rapporteur général, propose une mesure simple, qui s’appuie sur des outils existants : ainsi, il est prévu de majorer exceptionnellement de 150 euros la prime d’activité pour les travailleurs pauvres et modestes, d’allouer 150 euros à titre exceptionnel aux bénéficiaires des minima sociaux et de favoriser la mobilité des jeunes en parcours d’insertion et des chômeurs grâce à une dotation ponctuelle aux opérateurs du service public de l’emploi.
Monsieur le ministre, vous proposez un dispositif, dont le montant est estimé à 3,8 milliards d’euros, et qui est à la fois injuste et inefficace. Nous vous proposons de lui substituer un dispositif ne coûtant que 1,5 milliard d’euros, mieux ciblé et plus opérationnel.
Nous regrettons vivement le blocage de la majorité gouvernementale et son refus d’écouter les propositions du Sénat.
Je ne peux cependant que me réjouir de l’ouverture, timide, du Gouvernement sur deux mesures votées par le Sénat en première lecture.
La première, introduite dans le texte à la suite de l’adoption d’un amendement de notre collègue Viviane Malet, prévoyait de rehausser le taux de réfaction de la TGAP à 50 % à La Réunion. Le Gouvernement ne s’est pas complètement opposé à cette mesure : il a prévu un régime transitoire en instaurant un taux de réfaction de 35 %, qui reviendra au taux actuel de 25 % en 2024. C’est un petit pas que je tiens tout de même à saluer.
Je salue également la décision de l’Assemblée nationale de maintenir l’article 14 de ce projet de loi de finances rectificative, qui avait été introduit à la suite de l’adoption d’un amendement de notre collègue Michel Savin, lequel vise à exclure du calcul des allocations versées aux personnes en situation de handicap les primes des sportifs de haut niveau. Il s’agit d’une mesure de bon sens que nous avons été très nombreux ici à voter. Je me réjouis qu’elle figure dans le texte adopté hier soir par nos collègues députés.
Ces quelques avancées sont cependant bien maigres. J’ai évoqué l’indemnité inflation ; je pourrais aussi mentionner la dette, qui atteindra 115 % de notre PIB en 2021, ou encore notre déficit qui plonge à 8,2 %.
Soulignons que les dépenses ordinaires ont augmenté de 41 milliards d’euros entre 2020 et 2021, soit deux fois le montant des mesures d’urgence et de relance.
Je signale également que le déficit budgétaire de l’État s’établira à 205 milliards d’euros en 2021, avec près de 24 milliards d’euros de crédits non consommés en 2020 et reportés en 2021.
Je n’aurai pas l’indélicatesse de rappeler les observations sévères du Haut Conseil des finances publiques, qui regrette que le maximum n’ait pas été fait au cours de cette année pour contribuer au désendettement de notre pays.
Au fond, monsieur le ministre, le texte que nous nous apprêtons à rejeter ce soir répond à la même logique que le texte que nous avons rejeté hier dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2022.
À quelques mois de l’élection présidentielle, le groupe Les Républicains ne peut cautionner une telle politique dépensière.
M. Vincent Segouin. Très bien !
M. Sébastien Meurant. Notre groupe ne peut cautionner un endettement qui s’aggrave, année après année, menaçant d’avance la prospérité des générations futures.
Enfin, nous ne pouvons accepter de voter un texte qui comporte une mesure coûteuse et démagogique, alors que nous avions proposé, ici même au Sénat, une solution de bon sens qui garantissait aux ménages modestes un soutien financier plus important et mieux ciblé.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera la motion présentée par la commission des finances et rejettera ainsi le second projet de loi de finances rectificative pour 2021. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons en nouvelle lecture, après l’échec de la commission mixte paritaire, s’inscrit dans la droite ligne de la politique budgétaire et fiscale menée par le Gouvernement ces dernières années.
Il est évident que nous ne pourrons le voter, qu’il recueille ou non l’adhésion de la majorité sénatoriale, la baisse des impôts et la réduction des dépenses publiques étant l’unique boussole qui guide cette politique.
Évidemment, face à l’extrême urgence sociale actuelle, on en vient à se demander, dans cet hémicycle – de peur d’un embrasement et, peut-être aussi, en raison des élections qui approchent –, s’il ne serait pas opportun de lâcher un peu de lest, notamment en direction des ménages modestes et d’une large part de la population.
Cependant, quand de telles mesures sont prises, elles sont toujours ponctuelles – j’insiste sur ce point – et jamais structurelles.
Je me suis pourtant évertuée, à plusieurs reprises, en commission, à faire remarquer que, le 26 mai dernier, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires avait proposé un dispositif prévoyant une augmentation de 100 euros des aides personnelles au logement (APL) pour 6 millions de ménages.
À l’époque, cette mesure avait été rejetée avec un peu de mépris par la quasi-totalité de l’hémicycle, à l’exception notable de nos collègues des groupes de gauche. On nous avait reproché un prétendu mauvais ciblage ou encore son inutilité face à l’absence de besoins réels.
Et voilà maintenant que les uns et les autres rivalisent à coups de chèques de 100 euros, sans pour autant que les dispositifs soient forcément mieux ciblés… Quant aux besoins, toujours criants, ils étaient déjà manifestes le 26 mai dernier.
Il se peut que l’approche des élections fasse légèrement évoluer les idées !
Au vu de la situation actuelle, des mesures ponctuelles et d’urgence sont évidemment nécessaires, quand bien même les deux dispositions dont nous débattons aujourd’hui sont insuffisantes, mais j’insiste : c’est d’une politique structurelle dont nous avons besoin pour réduire les inégalités.
En 2015, par exemple, un consensus s’était dégagé pour faire baisser la précarité énergétique de 15 % par an. Or cette précarité persiste : un ménage sur cinq déclare souffrir du froid, l’hiver, dans notre pays !
Nous avions prévu, les uns et les autres, de rénover plusieurs centaines de milliers de logements en cinq ans. Cela n’a pas été fait, car il n’y a pas eu de politiques structurelles à la hauteur des enjeux.
À cet égard, MaPrimeRénov’ est un échec. Les dispositifs ciblant les ménages modestes ne sont pas suffisants. Nous devons les modifier en profondeur pour faire en sorte que celles et ceux qui ont peu de revenus n’aient aucun reste à charge et que, enfin, on parvienne à réduire durablement la facture énergétique.
On le sait, la rénovation en profondeur d’un logement permet de réduire d’un tiers la facture énergétique du ménage concerné. En recourant à ce type de solution, nous n’aurions pas ensuite à nous interroger, en pleine crise énergétique, sur la meilleure façon d’aider ponctuellement nos concitoyens.
Pour répondre à la crise, nous avons proposé une mesure d’urgence : rehausser le chèque énergie à hauteur de 400 euros. Toutefois, nous restons extrêmement circonspects face à la politique de fond conduite par le Gouvernement, qui est, à nos yeux, très insuffisante pour satisfaire les besoins des Françaises et des Français.
Évidemment, si nous avions eu à débattre une nouvelle fois de ce projet de loi de finances rectificative, nous aurions présenté des amendements. Vous le savez, inlassablement, nous formulons des propositions et imaginons des recettes nouvelles en faveur d’une meilleure redistribution et d’une plus grande égalité entre les Françaises et les Français. Et, compte tenu de l’accueil réservé à nos propositions, il est probable que nous aurions, en définitive, voté contre ce texte.
Pour en revenir à la motion présentée par M. le rapporteur général, nous ne pourrons que nous abstenir. Les réponses ne sont pas à la hauteur des enjeux, et les terrains d’accord entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale sont bien plus nombreux qu’on ne pourrait le croire. (M. Patrice Joly applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis pour l’examen en nouvelle lecture de ce projet de loi de finances rectificative, au lendemain d’un simulacre de débat sur le projet de loi de finances initiale.
Convenons-en, ces textes budgétaires, dont nous achevons l’examen aujourd’hui, ont fait l’objet de calculs électoraux et de manœuvres politiques qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Nous sommes pourtant très attendus : il est en effet urgent d’améliorer les conditions de vie de millions de Françaises et de Français.
D’après le dernier rapport du Secours catholique, 7 millions de personnes, soit 10 % de la population française, ont eu recours à l’aide alimentaire en 2020. Leur nombre avait déjà doublé au cours de la décennie !
Parmi elles se trouvent une grande majorité de mères célibataires, mais également des étudiants et des autoentrepreneurs, contraints de choisir entre se chauffer, se nourrir ou se soigner.
Les mobilisations en Guadeloupe et à la Martinique – je parle bien des mobilisations et non des comportements qui, à mes yeux, ne sont pas des actions revendicatives – sont symptomatiques de la détresse sociale, à laquelle ce Gouvernement n’a su apporter que des réponses peu ambitieuses, des miettes éparpillées ici et là, au lieu d’envisager une meilleure répartition des richesses.
L’indemnité inflation en est l’illustration. Qu’elle soit d’un montant plus élevé, mais destinée à un nombre moins important de bénéficiaires, comme le proposent Les Républicains, ou qu’elle soit d’un montant plus faible, mais ciblée sur un public un peu plus large, comme le prévoit le Gouvernement dans son texte initial, rétabli en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, le problème reste le même. Dans les deux cas, ces chèques distribués à des fins électoralistes sont des aides ponctuelles, qui ne permettront pas de protéger une population en proie à une pauvreté endémique et à des inégalités structurelles.
Il ne s’agit là que de rustines, le temps d’acheter à bas coût, pardonnez-moi de le dire, mes chers collègues, une forme de « paix sociale » – pas sûr d’ailleurs que cela réussisse ! –, voire de silence en vue des prochaines élections.
Qu’elle prenne la forme d’un chèque ou d’une indemnité, cette aide ponctuelle représente, pour les uns, 150 euros, soit 12,50 euros par mois et, pour les autres, 100 euros, soit 8,33 euros par mois…
Par ailleurs, vous laissez sur le bas-côté un certain nombre de personnes qui ont pourtant cruellement besoin d’aide. C’est la constante de ce quinquennat, fait de chèques, d’indemnités, de primes et de pourboires pour les pauvres, quand les plus aisés bénéficient de baisses d’impôt pérennes.
L’Institut des politiques publiques (IPP) a récemment noté que la politique du Gouvernement avait été menée au détriment des 5 % des Français les plus précaires.
En cette vague épidémique, l’activité économique pourrait reculer, ce qui entraînerait de graves conséquences sociales sur l’emploi.
Un tel contexte implique la promotion de politiques sociales ambitieuses et – il n’en a nullement été question lors de nos débats – une hausse des revenus : hausse du SMIC, dégel du point d’indice des fonctionnaires, revalorisation des minima sociaux, en particulier pour les jeunes, aujourd’hui exclus du bénéfice du revenu de solidarité active (RSA) et particulièrement précaires.
Malgré l’apparente opposition mise en scène par les majorités sénatoriale et gouvernementale, on peut parler d’un accord idéologique profond, sur le fond, entre les uns et les autres.
En effet, il y a encore et toujours deux poids, deux mesures : vous octroyez, sans aucune conditionnalité, des aides aux grandes entreprises, aveuglés que vous êtes par le mythe du ruissellement – qui ne cesse pourtant de s’évaporer par le haut –, tout en mettant à sec les ménages les plus modestes, lesquels sont constamment suspectés de tricher et subissent des contrôles de plus en plus fréquents et déshumanisants.
Cette politique pour les riches, grands gagnants de ce quinquennat, est à l’opposé de celle que nous défendons. En d’autres termes, la dignité des uns s’arrête là où commencent les dividendes des autres…
Tant sur le fond que sur la forme, ce texte et les débats budgétaires qui l’ont entouré sont loin d’être à la hauteur. Nous sommes une fois encore pris dans un étau, celui d’une accélération du calendrier liée au régime présidentialiste, coincés entre majorité sénatoriale et majorité gouvernementale.
Comprenez-le, pour nous, choisir entre droite sénatoriale et droite gouvernementale reviendrait, en tout état de cause, à faire un choix de droite ; nous nous priverions d’emblée de toute alternative de gauche, dont nos amendements étaient le reflet.
C’est dans un esprit de responsabilité, et par sincérité politique, que nous refusons de jouer au jeu de dupes que vous nous imposez, et que nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. Emmanuel Capus. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans surprise, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du second projet de loi de finances rectificative pour 2021 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte de compromis.
Notre rapporteur général a rappelé tout à l’heure les quelques modestes évolutions que l’Assemblée nationale a accepté d’intégrer en nouvelle lecture, sa version du texte ne reprenant, en définitive, que très peu d’apports du Sénat.
Force est de constater que, après une période de dialogue constructif entre les deux assemblées sur les précédents projets de loi de finances rectificative, nous sommes aujourd’hui au point mort.
Surtout, les points de vue de chacune de nos assemblées sont très vite apparus irréconciliables, notamment en ce qui concerne la mesure phare de ce texte : l’instauration d’une indemnité inflation de 100 euros.
Nous n’en sommes pas surpris, car nous avions signalé que ce dispositif, s’il pouvait donner lieu à un travail de réécriture du législateur, ne pourrait se limiter à l’amendement adopté en séance ici même.
Le groupe Union Centriste rappelle que la hausse spectaculaire des prix à la consommation constitue une préoccupation légitime de nos compatriotes, qui ont été confrontés, en un an, à une augmentation de plus de 20 % de leur facture énergétique.
Les effets délétères de cette hausse sur le pouvoir d’achat des ménages ne peuvent être niés. On peut y voir le contrecoup d’une reprise économique forte, dont nous devons nous réjouir, étant donné la récession antérieure.
L’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, a récemment relevé sa prévision de croissance à 6,8 % pour l’année 2021, soit un niveau inespéré voilà encore seulement quelques semaines.
Au-delà de ce rebond de croissance, il y a sans doute d’autres causes à l’inflation. Pour endiguer l’effet de surchauffe, les Français réclament des mesures tout à la fois rapides, fortes et efficaces, solutions qu’il conviendrait d’apporter sans être trop dispendieux : il va falloir résoudre la quadrature du cercle.
Sans doute la mouture du Gouvernement n’est-elle pas optimale. Elle a, du strict point de vue des finances publiques, le défaut de ses qualités : cette mesure, dont le périmètre est extrêmement large, puisqu’on estime qu’elle bénéficiera à 38 millions de personnes, aura mécaniquement un coût substantiel pour le budget de l’État, évalué à près de 4 milliards d’euros.
Ce coût est d’autant moins négligeable qu’il s’agit d’une mesure ponctuelle, alors que le rebond de l’inflation pourrait, lui, être durable si l’on en croit certains économistes. Cet écueil a du reste été évoqué tout au long de nos débats.
Dans le même temps – j’ai eu l’occasion de le dire en première lecture –, le dispositif alternatif proposé par M. le rapporteur général reproduit, malgré un travail approfondi qu’il convient de saluer, certains défauts du mécanisme gouvernemental et, précisément, ceux que le Sénat a entendu gommer.
Pour percevoir l’indemnité inflation, il faut disposer de revenus inférieurs à un certain seuil. Or celui-ci pose problème, car il y a un important risque d’iniquité, selon que l’on se trouve au-dessus ou au-dessous de la barre fatidique des 2 000 euros par mois.
Ce problème subsiste dans le texte adopté par le Sénat, qui exclut toute une catégorie de revenus, compris approximativement entre 1 500 et 2 000 euros. Il exclut également des catégories entières de bénéficiaires : les indépendants, les retraités, les travailleurs salariés dont les ressources se situent au-dessus du plafond fixé pour toucher la prime d’activité, soit des dizaines de millions de personnes qui, sans que l’on puisse considérer qu’elles sont aisées, subissent aussi de plein fouet la poussée inflationniste.
C’est cette raison qui avait poussé, en première lecture, le groupe Union Centriste à s’abstenir sur ce collectif budgétaire. Nous l’avons fait à regret, car nous avions jusque-là voté les différents budgets rectificatifs qui visaient à faire face aux conséquences de la crise sanitaire.
Faisant le constat d’un désaccord manifestement insurmontable entre les deux assemblées, et compte tenu de la difficulté qu’il y aurait à améliorer le texte issu des débats qui ont eu lieu précédemment, les membres du groupe Union Centriste s’abstiendront donc de nouveau, par cohérence avec la position qu’ils ont adoptée en première lecture.
Nous nous abstiendrons également sur la motion tendant à opposer la question préalable, qui a été examinée ce matin en commission et qui sera défendue dans quelques instants. Nous constatons à regret que cette question préalable reprend, sans évolution aucune, le débat que nous avions eu sur l’indemnité inflation. Nous en tirons les conséquences en nous abstenant de nouveau. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Catherine Procaccia et M. Emmanuel Capus applaudissent également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Husson, au nom de la commission, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat ;
Considérant que le projet de loi de finances rectificative pour 2021 s’inscrit certes dans un contexte d’embellie économique, mais traduit aussi le fait que les finances publiques de la France restent marquées par les stigmates de la crise qu’elle vient de traverser, avec un déficit public s’élevant à 8,2 % du PIB et une dette à 115,3 % du PIB ;
Considérant que, si les mesures d’urgence et de relance votées par le Sénat ont permis de soutenir les secteurs de l’économie les plus touchés et de préserver globalement les revenus des ménages, elles n’expliquent toutefois pas toute l’aggravation du déficit et de l’endettement ;
Considérant, en effet, qu’il est regrettable que la reprise économique et les rentrées fiscales qu’elle engendre, avec près de 19 milliards d’euros de recettes supplémentaires attendues comparé à cet été, ne profitent toujours pas au désendettement de l’État, compte tenu des mesures nouvelles décidées par le Gouvernement ;
Considérant que, surtout, ce projet de loi de finances rectificative ne se réduit pas à de simples ajustements comme cela est attendu en fin de gestion, mais comporte à l’article 12 l’une des nombreuses dépenses nouvelles décidées par le Gouvernement, à savoir l’instauration d’une indemnité inflation ;
Considérant que, sans occulter l’impact de la hausse des prix de l’énergie sur la vie quotidienne de nombreux Français, l’indemnité inflation constitue avant tout une mesure à visée électoraliste qui cumule les inconvénients, à savoir un ciblage insuffisant, des effets de seuils massifs et des risques d’effets d’aubaine préjudiciables à son efficacité au regard de son coût de 3,8 milliards d’euros ;
Considérant que, le pouvoir d’achat des Français devant être préservé, le Sénat a fait le choix de remplacer cette mesure par le renforcement ponctuel de dispositifs existants et mieux ciblés sur les foyers les plus précaires, en particulier la prime d’activité ;
Considérant qu’en nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a conservé l’article 13 introduit par le Sénat, sous le bénéfice d’un amendement du Gouvernement, qui prévoit désormais de porter de 25 % à 35 % (contre 50 % initialement prévu par l’amendement adopté par le Sénat) la réfaction des tarifs de taxe générale sur les activités polluantes applicable aux déchets à La Réunion, en la limitant aux années 2022 et 2023 et en l’étendant à la Martinique et à la Guadeloupe ;
Considérant qu’elle a également maintenu l’article 14 qui tend à introduire, au sein du code de l’action sociale et des familles, le dispositif prévu à l’article 90 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, mais resté a priori inappliqué, visant à exclure les primes liées à la performance et versées par l’État aux sportifs de l’équipe de France médaillés aux jeux paralympiques du calcul de plusieurs prestations sociales dont bénéficient les personnes en situation de handicap ;
Considérant que, pour autant, l’Assemblée nationale a, pour l’essentiel, rétabli le projet de loi de finances rectificative pour 2021 tel qu’elle l’avait adopté en première lecture le 10 novembre dernier, en rétablissant en particulier l’article 12 instaurant l’indemnité inflation ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 190, 2021-2022).
La parole est à M. le rapporteur général, pour la motion.