compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
Mme Martine Filleul.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord présenter, au nom du Sénat, des vœux de prompt rétablissement à M. le Premier ministre. Je lui ai adressé un message ce matin même.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du Bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect – respect des uns et des autres, mais aussi celui du temps de parole.
crise en guadeloupe (i)
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Victorin Lurel. Ma question, à laquelle j’associe mes collègues Victoire Jasmin, Catherine Conconne et Maurice Antiste, s’adresse à M. le ministre des outre-mer.
Depuis plusieurs jours, la Guadeloupe est littéralement sous les feux de l’actualité. Monsieur le ministre, une autre menace plane : celle de la contagion et de l’extension du domaine de la lutte – des luttes sanitaires aux combats idéologiques et politiques plus globaux.
La Martinique et la Guyane sont assises au bord d’un volcan. La Polynésie française a lancé son premier préavis de grève générale. Il suffit d’une étincelle pour déclencher un brasier en Nouvelle-Calédonie, à quelques jours du référendum.
L’année 2009 est toujours là pour nous instruire. Pourtant, j’estime que vous auriez pu mieux protéger Pointe-à-Pitre, livrée à elle-même.
À notre demande, le Premier ministre nous a longuement reçus.
Au-delà du nécessaire volet sécuritaire, pourriez-vous, monsieur le ministre, informer la représentation nationale des suites concrètes du plan d’action global, systémique et structurel annoncé, ainsi que de son calendrier à court et à moyen terme ? Face aux résistances, comment prévenir une cinquième vague et sauver des vies ?
Nos collègues Bernard Jomier, Roger Karoutchi et Jean-Michel Arnaud vous ont ici fait des propositions qui pourraient vous inspirer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Laurent applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Lurel, je tiens à commencer par rendre hommage à vos prises de position en faveur de la vaccination en Guadeloupe, car tout le monde n’a pas eu votre courage. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST, RDSE, RDPI et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.) Vous l’avez fait avec un sens de l’État et un sens de la République qu’il convient de souligner dans cet hémicycle.
Je vous apporterai des réponses simples, mais claires.
La première réponse, c’est bien évidemment le retour à l’ordre public.
Le ministre de l’intérieur a annoncé voilà quelques jours des renforts importants du RAID et du GIGN. Il faut en effet dire que ceux qui cassent et s’en prennent aux forces de l’ordre, la nuit, en tirant à balles réelles n’ont rien à voir avec des manifestants ou des personnes exprimant des revendications sanitaires. La réponse pénale est en cours et pratiquement une centaine d’interpellations ont eu lieu au moment où je vous parle.
La seconde réponse, c’est bien sûr la poursuite du dialogue.
La loi de la République sur l’obligation vaccinale des soignants, votée par l’Assemblée nationale et le Sénat et validée par le Conseil constitutionnel, doit s’appliquer dans l’Hexagone, mais aussi dans les territoires d’outre-mer. Néanmoins, cette autorité de la loi ne saurait empêcher le dialogue social entre un employeur et ses employés.
C’est pourquoi Olivier Véran a décidé de mettre en place une structure afin de trouver une solution à chacune des 1 400 personnes actuellement suspendues, parce qu’elles ne sont pas en conformité avec l’obligation vaccinale.
M. Pascal Savoldelli. Il fallait réfléchir avant !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Un chiffre : sur les 355 médecins de ville suspendus il y a quelques jours parce qu’ils n’étaient pas vaccinés, 150 viennent de se mettre en conformité en se vaccinant. Le Gouvernement vous rendra compte très prochainement de ces avancées.
Il en est de même au sein du service départemental d’incendie de secours (SDIS). Une mission a été mise en place pour aider le dialogue social entre les élus du département et les syndicats de sapeurs-pompiers.
Demain après-midi, nous réunirons l’ensemble des élus de la Guadeloupe. Il s’agira non seulement d’évoquer les mesures sanitaires, mais aussi la jeunesse, car c’est elle qui se retrouve sur les barrages. Deux ans de covid-19 sont passés par là et ont touché une jeunesse désœuvrée.
Enfin, et je vous remercie d’avoir abordé ce point dans votre question, monsieur le sénateur, l’arrivée de la cinquième vague aussi dans les territoires d’outre-mer doit nous préoccuper. Je vous annonce donc que nous allons, sans tarder, rétablir les tests avant embarquement pour les personnes vaccinées comme non vaccinées qui se rendent de l’Hexagone vers les territoires d’outre-mer.
Sur tous ces sujets, je reste à votre disposition, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour la réplique.
M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais, pour certains qui ont d’autres desseins, les réponses, quelle que soit leur qualité, ne seront jamais suffisantes.
On ne répond pas à une crise anthropologique, j’ose dire ontologique, psychologique et existentielle, par des réponses uniquement matérielles et financières. Il faut une réponse politique.
Sans sombrer dans le largage cartiériste, la question de confiance, celle du vouloir vivre ensemble, devra tôt ou tard être posée aux élites et au peuple guadeloupéen : voulez-vous, oui ou non, rester dans l’espace français ?
Il faudra bien faire tomber les masques. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Alain Richard applaudit également.)
mal-être des agriculteurs
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, quand cela ne va pas, nous le disons, mais, quand cela va, il faut le dire aussi !
Hier, avec le ministre des solidarités et de la santé et le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail, vous avez présenté votre feuille de route consacrée à la prévention du mal-être et à l’accompagnement des agriculteurs en difficulté, avec un budget en hausse de 12 millions d’euros.
Je salue la méthode collaborative que vous avez choisie. Vous vous êtes largement inspiré du travail du Parlement en puisant des mesures dans le rapport intitulé Identification et accompagnement des agriculteurs en difficulté et prévention du suicide du député Olivier Damaisin et dans le rapport d’information que j’ai signé avec Françoise Férat.
Vous avez bien compris la nécessité de mettre de l’humain dans les relations entre les agriculteurs et les administrations comme entre les agriculteurs et les autres partenaires.
Vous avez changé de paradigme pour « aller vers », en laissant aux comités de pilotage départementaux le soin de choisir leurs sentinelles, qui seront formées pour détecter.
Vous avez apporté des budgets supplémentaires à l’aide au répit, à l’aide à la relance de l’exploitation agricole, avec quelques mesures déjà votées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, comme le capital décès pour les exploitants agricoles.
Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à notre demande d’étude sur le nombre réel de suicides chaque année. C’est essentiel pour comprendre les typologies du mal-être. Ce plan progressera-t-il en reprenant d’autres propositions de notre rapport d’information ?
Une évaluation des résultats est-elle prévue dans le temps ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Oui, monsieur le sénateur Cabanel, les mesures que nous avons annoncées hier pour lutter contre les situations de détresse agricole continueront évidemment à évoluer dans le temps. C’est bien normal et c’est ce dont nous sommes convenus.
Permettez-moi tout d’abord de vous remercier à mon tour, non seulement vous, monsieur le sénateur, mais également Mme Françoise Férat, de la qualité des travaux que vous avez menés pendant presque un an. (Marques de satisfaction sur l’ensemble des travées.) Nous nous sommes appuyés sur ces travaux, comme sur ceux qui ont été réalisés par vos collègues de l’Assemblée nationale, notamment M. Olivier Damaisin.
Le constat est absolument tragique. Oui, il y a une surmortalité par suicide dans le monde agricole. Ces drames familiaux, ces drames territoriaux nous obligent à agir collectivement avec force pour lutter contre cette détresse agricole.
C’est tout le sens des mesures ambitieuses que nous avons annoncées hier. Elles sont ambitieuses sur les moyens, puisque les budgets sont en augmentation de plus de 40 % permettant la mise en œuvre de différents dispositifs que vous avez mentionnés. Elles sont ambitieuses sur le fond, puisqu’elles s’articulent autour de trois axes.
D’abord, il faut développer le « aller vers ». Toutes les politiques sociales, celles que je mène avec Olivier Véran et Laurent Pietraszewski, doivent reposer sur cet axe.
Ensuite, il faut remettre de l’humain dans toutes les procédures. Il n’est plus possible aujourd’hui d’envoyer à des agriculteurs qui sont en difficulté des lettres de recouvrement pour quelques euros. Ce n’est pas normal ! Ces courriers sont adressés de manière automatique ; il nous faut donc réhumaniser. À ce titre, je salue les engagements pris par exemple par la Mutualité sociale agricole (MSA) sur ce sujet.
Enfin, il faut un accompagnement à la fois économique, financier, administratif, médico-social. C’est fondamental.
Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, n’oublions pas qu’il faut surtout traiter le sujet à la racine, c’est-à-dire redonner rémunération et considération au monde agricole. Redonnons de la valeur à notre alimentation. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre, je tiens à remercier la commission des affaires économiques et sa présidente Sophie Primas de nous avoir permis de réaliser ce travail. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je remercie également Édouard Bergeon, dont le film Au Nom de la terre nous a donné le déclic pour entreprendre ce travail sans faire de cette question un sujet tabou, afin de proposer des mesures adéquates.
Je remercie enfin mon groupe, le RDSE, qui m’a permis de déposer la proposition de loi visant à prévenir le suicide des agriculteurs.
Vous avez raison, monsieur le ministre : si nous avons tourné la page de la prévention, il faut continuer à travailler sur le chapitre de la rémunération de nos agriculteurs. Ce n’est qu’ainsi que nous parviendrons à faire baisser le nombre de suicides dans ce pays. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
lutte contre les violences sexistes et sexuelles, en particulier dans le monde politique
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mélanie Vogel. Madame la ministre, demain, nous serons le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes.
Lundi dernier, nous avons été près de 300 femmes actives en politique – certaines sont d’ailleurs assises aujourd’hui dans cet hémicycle – à signer une tribune pour appeler le monde politique à tirer les leçons du mouvement #MeToo en formulant des demandes très claires : ne pas parrainer des agresseurs à l’élection présidentielle, ne pas investir des agresseurs aux élections législatives, ne pas embaucher des agresseurs.
Pourquoi demander d’écarter du monde politique les agresseurs ? Parce que les violences sexistes et sexuelles sont un système.
Au-delà de la souffrance, des traumas, des nausées, des insomnies, les violences sexistes et sexuelles visent un objectif politique précis : ramener les femmes à un statut d’objet, nier leur capacité à occuper leur place dans la société et, progressivement, en faisant de leur vie professionnelle et politique un enfer, les détourner des sphères de pouvoir. (Brouhaha sur certaines travées.)
M. Guy Benarroche. Un peu d’écoute, s’il vous plaît !
Mme Mélanie Vogel. Madame la ministre, la clé de voûte de ce système, celle qui pourrit notre société et l’empêche d’avancer, c’est l’impunité. Celle-ci envoie aux agresseurs un message très clair, « il ne se passera rien, continuez », et aux victimes un message tout aussi clair, « on ne vous croit pas et, si l’on vous croit, on s’en fout ».
Aucune ministre n’a signé cette tribune, aucune parlementaire de la majorité présidentielle non plus. Le Gouvernement n’a pas réagi. Bien sûr, tout le monde comprend bien votre gêne.
Pour ma part, je l’ai dit très clairement, je ne jette pas la pierre aux femmes qui n’ont ni les moyens ni le courage de signer un tel texte. Pour autant, le silence du Gouvernement blesse.
Ma question est donc très simple. Je ne vous demande évidemment pas de me parler des années qui viennent de s’écouler et de votre bilan. Je vous demande de me parler de l’avenir : vous engagez-vous oui ou non à répondre aux demandes des signataires de cette tribune et, si oui, comment ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Laurence Rossignol ainsi que MM. David Assouline et Patrick Kanner applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice Vogel, j’ai évidemment lu cette tribune, comme je suis toutes les actions qui tournent autour de la libération de la parole des femmes dans notre pays, que ce soit dans la sphère publique ou dans la sphère privée.
J’ai lu vos doléances et j’ai surtout constaté votre négation de toutes les actions que ce gouvernement a mises en place pour lutter contre les violences faites aux femmes depuis 2017. On peut nous reprocher beaucoup, mais ce qui est certain, et je le dis de manière factuelle et concrète, c’est qu’aucun gouvernement avant celui-ci n’a autant lutté contre toutes les formes de violences faites aux femmes. (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et Les Républicains.)
C’est peut-être désagréable à entendre,…
M. Guy Benarroche. Vous ne répondez pas à la question !
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. … mais je le répète. C’est ce gouvernement qui a organisé le Grenelle des violences conjugales. C’est ce gouvernement qui a augmenté de 60 % le nombre de places d’hébergement pour accueillir les victimes. C’est encore ce gouvernement qui a formé plus de 90 000 policiers et gendarmes pour accueillir la parole des victimes. C’est toujours ce gouvernement qui s’est occupé des enfants et des auteurs de violences.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Je veux bien que l’on nous reproche beaucoup de choses, mais pas de ne pas agir !
Sauf erreur de ma part, cette tribune niait cette grande cause du quinquennat. C’est pourquoi, les yeux dans les yeux (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.), je vous le dis : je soutiens évidemment la demande que vous formulez (Ah ! sur les travées du groupe GEST.), mais je ne soutiens absolument pas le bilan que vous dressez de la grande cause du quinquennat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
relations entre l’union européenne et le royaume-uni
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Dany Wattebled. Monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, les Britanniques voulaient faire le Brexit. Ils nous l’ont imposé. Nous l’avons négocié. Ils l’ont accepté. Ils veulent maintenant le renégocier. Le Brexit ne peut pas être éternel et les Européens ne peuvent pas le subir indéfiniment !
Après avoir tourné le dos à l’Europe, il est temps que les Britanniques assument leur choix, qu’ils assument que les trois quarts de leurs exportations de pêche dépendent du marché européen, qu’ils assument de mettre en péril une relation d’amitié, politique et économique pour 0,1 % de leur produit intérieur brut !
Monsieur le secrétaire d’État, il nous faut clore ce bras de fer en faisant respecter l’accord post-Brexit sur la pêche, afin que nos pêcheurs ne soient pas sacrifiés sur l’autel du Brexit. Nous demandons un engagement fort de la part de la Commission européenne.
Les Britanniques jouent avec mauvaise foi sur les justificatifs prévus par l’accord de retrait. Dans mon territoire du Nord, c’est une angoisse permanente : nos pêcheurs souffrent. Il manquerait à ce jour encore 150 licences, toutes zones confondues.
Après avoir annoncé à la fin du mois d’octobre dernier des sanctions qui devaient prendre effet au début du mois de novembre, le président Macron a décidé de les suspendre dans un souci de désescalade, pour laisser un dernier délai aux Britanniques. Le Premier ministre Boris Johnson n’a pas saisi cette occasion.
Le Gouvernement a promis une décision avant Noël, mais le temps presse. L’annonce d’un plan de sortie de flotte sonne comme un renoncement aux oreilles des pêcheurs. Qu’en est-il de l’état d’avancement des négociations pour la délivrance des licences de pêche manquantes ?
Concrètement, quelles sanctions dites croisées envisagez-vous de prendre en cas de non-réponse ?
Près de deux cents de nos bateaux dépendent de l’accès aux eaux britanniques. Dans les Hauts-de-France, cet accès est encore plus important, puisque 60 % des captures de pêche proviennent de ces eaux. Il convient donc de s’assurer que les Britanniques respectent l’accord qu’ils ont signé en l’appliquant entièrement.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de nous dire où nous en sommes. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Wattebled, vous avez raison de revenir sur ce qu’est le Brexit : c’est un choix souverain des Britanniques, que nous regrettons, mais que nous respectons, et qui nous a déjà beaucoup – sans doute trop – occupés à l’échelon européen.
Aujourd’hui, nous n’avons pas à en subir les conséquences. Un accord a été trouvé ; ce que nous demandons, je le rappelle, c’est simplement son plein respect.
Comme vous l’avez souligné avec raison, nous avons besoin de maintenir une relation entre la France et le Royaume-Uni, entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, qui, par l’histoire et par la géographie, est essentielle dans les domaines stratégique, géopolitique, culturel, économique, humain, etc.
Pour construire une relation forte, même après le Brexit, nous avons besoin de confiance, nous avons besoin de lever tout malentendu, nous avons besoin de respecter les accords signés et les paroles données. C’est ce que nous faisons. Nous attendons qu’il en soit de même de la part du Royaume-Uni.
Pour construire cette relation de confiance, il faut être deux. Nous y sommes prêts, mais nous ne recevons pas aujourd’hui du Royaume-Uni de signaux de confiance et de respect suffisamment clairs.
La question de la pêche s’inscrit dans ce contexte. Annick Girardin et moi-même y travaillons fortement, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, parce que nous ne pouvons pas faire subir cette difficulté à nos pêcheurs. Cela fait onze mois que nous négocions. Nous avons heureusement obtenu un nombre important de licences, mais il reste un nombre encore trop important de licences disponibles à donner à nos pêcheurs, principalement dans les eaux des îles anglo-normandes et autour des Hauts-de-France.
Nous avons haussé le ton, il y a quelques semaines. Cela a permis de reprendre le dialogue pour l’obtention de ces licences.
Nous sommes dans cette phase de discussion, qui, reconnaissons-le, est parfois difficile. Le Président de la République a été extrêmement clair, nous l’avons été la semaine dernière : nous continuons ce dialogue encore quelques jours, en lui donnant sa chance, car ce serait une meilleure issue pour tout le monde, y compris pour les Britanniques, que de parvenir à une solution apaisée et concertée. Si tel n’était pas le cas, nous défendrions nos intérêts. Nous n’avons jamais hésité à le faire et à le dire et nous mettrons en application ce principe si le dialogue ne porte pas ses fruits.
Notre objectif reste le même : faire appliquer strictement les accords signés et défendre les intérêts de nos pêcheurs. Nous les accompagnerons toujours.
gestion des ressources humaines de la police nationale
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, permettez-moi d’associer mes collègues et moi-même aux vœux de rétablissement que vous avez adressés au Premier ministre au début de la séance.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, la semaine dernière, la Cour des comptes a publié un rapport de vingt-deux pages qui souligne que les difficultés de notre police nationale proviennent pour l’essentiel de la mauvaise gestion des ressources humaines du ministère.
La Cour des comptes constate ainsi qu’en dix ans l’augmentation de 21 % de la masse salariale s’est malheureusement traduite par une absence des policiers sur le terrain de l’ordre de 37 %.
La Cour des comptes constate également que les budgets de fonctionnement et d’investissement ont été fortement touchés par cette forte augmentation de la masse salariale.
La Cour des comptes juge inadaptés les systèmes de formation des gardiens de la paix comme des officiers de police. Elle condamne les expérimentations sur les cycles horaires menées depuis huit ans, qui ont conduit à l’explosion du nombre d’heures supplémentaires.
Surtout, la Cour des comptes rappelle que, en 2017 déjà, elle a souligné que l’abondance de biens et de moyens matériels ne suffirait pas sans réforme de structure.
Ma question est simple : de quels moyens ou de quelle latitude disposez-vous dans les mois qui restent avant la fin de ce quinquennat pour entamer enfin les réformes structurelles que notre police nationale attend depuis longtemps ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Dominati, vous avez raison et le rapport de la Cour des comptes sonne juste. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Comme le soulignent les magistrats, depuis grosso modo les années 2010 ou 2011, l’augmentation très importante de la masse salariale de nos forces de police s’est traduite non seulement par une pesanteur beaucoup trop forte par rapport à l’investissement, notamment en matériels, mais également par des diminutions d’effectifs. Ces baisses ont été compensées par des cycles horaires avantageux ou des heures supplémentaires extrêmement nombreuses. Je rappelle d’ailleurs, mais tout le monde s’en souvient, que mon prédécesseur a en partie payé ces heures supplémentaires ou facilité des départs anticipés à la retraite pour les solder.
Le Président de la République a annoncé un certain nombre de changements lors de la clôture du Beauvau de la sécurité à Roubaix, qui trouvent leur traduction dans le projet de loi qu’il m’a demandé de mettre au point et de présenter très prochainement au Premier ministre et à lui-même en conseil des ministres.
Avant cela, nous avons déjà engagé deux grandes discussions salariales.
Ainsi, monsieur sénateur, à partir du 1er janvier prochain entrera en vigueur le rétrécissement du nombre de cycles horaires possibles pour les policiers, avec l’abandon des cycles horaires trop consommateurs de forces, notamment le système de la vacation forte. Nous serons donc le premier gouvernement à y mettre fin, ce qui est à la fois attendu, nécessaire et conforme aux préconisations de la Cour des comptes et des parlementaires.
Par ailleurs sera instauré le système qui permet de placer les policiers là où on en a besoin, de sorte que le ministre de l’intérieur n’en soit pas réduit à ne pouvoir affecter des policiers qu’à leur sortie de l’école et non pendant leurs trente années de carrière.
Monsieur le sénateur, malgré le rejet du budget présenté par le Gouvernement, la commission des lois a accepté les crédits de la mission « Sécurités » ; j’en remercie les commissaires. Sans doute n’étaient-ils pas si mauvais que cela… (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour la réplique.
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, malheureusement, vous n’avez pas répondu à ma question, qui portait sur les réformes structurelles.
M. Philippe Dominati. La vacation forte a été établie par un gouvernement dans lequel le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique s’appelait Emmanuel Macron… Nous n’en sommes donc pas à l’origine. Il a fallu six ans pour corriger cette erreur, consommatrice de crédits, moyennant quoi, il n’y avait plus de moyens de fonctionnement.
Les réformes de structure, on les attend ! Vous répondez malheureusement comme vos prédécesseurs.
Le Président de la République ne s’intéresse qu’à la fin du quinquennat à des réformes structurelles qu’il aurait dû entamer dès le début. Une loi de programmation ne se fait pas entre deux quinquennats, c’est tout à fait anormal. Il aurait, fallu engager dès le début de son mandat des réformes structurelles concernant la police et le renseignement intérieur, tout ce que l’on attendait à la fin du quinquennat précédent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
perte de souveraineté industrielle : exemple d’ascoval