M. Marc-Philippe Daubresse. Il a dit cela sérieusement ?
M. Rémi Féraud. Et, en effet, ce budget est de nouveau marqué par l’entêtement du Gouvernement à ménager les plus riches de nos concitoyens comme les grandes entreprises.
Nous voyons le refus de toute remise en cause de la politique de l’offre, même minime, en voyant que tous nos amendements en ce sens ont été rejetés tant par le Gouvernement que par la majorité sénatoriale.
Pourtant, la théorie du ruissellement ne fonctionne pas. C’est d’ailleurs le constat que dressent de plus en plus d’économistes et d’instances officielles. L’Institut des politiques publiques (IPP) a montré que la politique du Gouvernement a favorisé les 1 % des Français les plus riches tout en aggravant les difficultés des 5 % les plus pauvres !
France Stratégie a expliqué que la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) n’avait pas accru l’investissement productif dans notre pays.
Au printemps dernier, Jean Pisany-Ferry et Olivier Blanchard plaidaient pour une rallonge de 60 milliards d’euros au plan de relance, dont une partie pour venir en aide aux ménages les plus modestes. Vous le voyez, monsieur le ministre, les alertes se succèdent, mais vous les ignorez encore et toujours.
M. Bernard Delcros. C’est sûr !
M. Rémi Féraud. Vous persistez à mettre en œuvre votre politique de l’offre « quoi qu’il en coûte ». Quoi qu’il en coûte sur le plan budgétaire, avec l’accroissement du déficit public ! Quoi qu’il en coûte sur le plan social, avec l’augmentation des inégalités, la baisse du pouvoir d’achat des Français les plus modestes, mais aussi la menace du retour de l’inflation et l’explosion des prix de l’énergie !
M. Rémi Féraud. Quoi qu’il en coûte sur le plan écologique, avec un manque évident sur la transition énergétique et le refus d’engager un vrai changement de modèle.
Mme Sophie Primas. François Hollande a-t-il fait mieux ?
M. Rémi Féraud. Enfin, quoi qu’il en coûte sur le plan démocratique : il existe des tensions en France, et les fractures sociales et territoriales nous inquiètent !
Le projet de loi de finances pour 2022 n’apporte pas de réponses à cet égard. Nous avons formulé de nombreuses propositions, notamment la diminution de la TVA à 5,5 % sur les carburants, pour aider les Français. Sans succès.
Vos seules mesures en faveur du pouvoir d’achat sont le bouclier tarifaire, qui consiste à faire payer la facture énergétique à nos concitoyens après l’élection présidentielle, la défiscalisation des pourboires, et, pour les jeunes, des contrats d’engagement réduits aux acquêts. Sans compter que les grandes dépenses sacrifiées depuis 2017 correspondent pour l’essentiel aux ministères chargés de la solidarité et de la cohésion territoriale.
Oui, il faut veiller à la compétitivité de notre pays ! Mais celle-ci ne peut pas se résumer à la fiscalité du capital, et votre politique reste déséquilibrée. Aujourd’hui, vous vous obstinez à la reprendre, comme si de rien n’était, alors que le moment est marqué par tant d’incertitude, et en faisant reposer tout le coût de la crise sur les Français.
Nous pensons vraiment que c’est une erreur. Notre nation doit dégager les moyens pour financer ses investissements d’avenir, ses services publics et sa transition écologique. Le pays a surtout un grand besoin de justice sociale. C’est pourquoi nous voterons contre cette première partie du budget pour 2022. (Applaudissements sur les travées du groupe SER – Mme Sophie Primas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la majorité sénatoriale, qui vient de rejeter l’article d’équilibre, nous prive du débat sur la deuxième partie du projet de loi de finances.
Au manque de courage de ceux qui s’abstiennent ou votent contre, afin de faire échouer ce budget, sans assumer la responsabilité de leur renoncement, s’ajoute l’indignité de la manœuvre du groupe majoritaire Les Républicains (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), qui préfère faire campagne plutôt que d’endosser son rôle (Railleries sur les mêmes travées.) et de respecter la fonction première du Parlement : le débat.
Ce genre de manœuvre n’a pourtant rien de nouveau. Je rappelle que vous avez voté avec nous les budgets de crise en 2020…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous pouvez nous remercier !
M. Didier Rambaud. … avant de nous expliquer avec aplomb, au moment d’en tirer les conséquences lors de l’examen du projet de loi de règlement, que le compte n’y était pas.
À chaque fois, vous ne pouvez pas vous résoudre à supprimer des dépenses spécifiques, mais, à chaque fois, vous refusez d’en assumer les conséquences.
Vous nous l’avez encore démontré mercredi dernier au sujet de l’indemnité inflation. Bruno Retailleau avait déposé un amendement visant à supprimer purement et simplement le dispositif du Gouvernement. Soit ! Mais, en séance, la majorité sénatoriale n’a pas assumé cette position. Et vous avez été contraints…
M. Roger Karoutchi. « Contraints » par qui ?
M. Didier Rambaud. … de retirer l’amendement au profit de celui du rapporteur général et de son dispositif improvisé.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pas du tout !
M. Didier Rambaud. Oui, improvisé ! Le nombre de bénéficiaires est inconnu, mais nous savons quels sont ceux qui en seront exclus : les travailleurs indépendants, les retraités, les chômeurs et les étudiants boursiers.
M. Marc-Philippe Daubresse. Démagogue !
M. Rachid Temal. Gauchiste ! (Rires.)
M. Didier Rambaud. Ce n’est pas sérieux ! En l’espèce, la manœuvre est encore plus grossière. Pascal Savoldelli l’a bien dit en défendant la question préalable.
M. Éric Bocquet. Absolument !
M. Didier Rambaud. Ce n’est un secret pour personne que la majorité sénatoriale souhaitait rejeter le projet de loi de finances avant même l’examen en séance. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Chers collègues du groupe Les Républicains, vous auriez pu vous aussi déposer une question préalable ; cela aurait été plus logique. Vous avez toutefois choisi une autre solution. Certes, nous avons examiné la première partie, mais vous avez fait preuve d’un silence ahurissant et vous avez déposé un nombre insignifiant d’amendements ! On peine à saisir la cohérence de vos choix !
Mme Sophie Primas. Et nous des vôtres !
M. Marc-Philippe Daubresse. Nous sommes cohérents !
M. Didier Rambaud. Et vous nous proposez de revenir la semaine prochaine pour des débats improvisés sur vos priorités de campagne, sans assumer les conséquences de votre position, plutôt que de discuter du budget de l’État.
Un tel simulacre n’est pas à la hauteur de l’image que nous nous faisons du Parlement et du travail d’un parti de gouvernement.
Nous voterons bien évidemment la première partie, de même que nous avons voté l’article d’équilibre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Pas brillant !
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de la première partie de ce projet de loi de finances. Nous nous sommes collectivement prêtés à un exercice bien singulier ; c’est le moins que l’on puisse dire ! Le fait que ce soit le dernier budget du quinquennat n’y est certainement pas totalement étranger.
Le suspense est insoutenable : nous allons enfin savoir si la majorité sénatoriale veut, ou non, adopter ce budget… En l’occurrence, nous avons assisté à un double discours assez troublant. D’une part, on a entendu tout le mal que certains pensent du texte, qu’ils jugent insincère et incomplet. D’autre part, aucune mesure majeure du projet de loi de finances n’a été supprimée, et rien ne justifie finalement que l’on s’y oppose.
Je vois donc trois bonnes raisons de voter la première partie. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Premièrement, le Sénat en a adopté tous les articles. Certes, dans la plupart des cas, notre assemblée a amendé le texte et a tenu à y imprimer sa marque en donnant – et c’est normal – une place plus importante aux collectivités et à nos territoires. Comment peut-on, sans sombrer dans une forme de schizophrénie, s’opposer à un texte dont on a voté tous les articles ?
Deuxièmement, nous avons introduit dans ce texte de nombreuses mesures très intéressantes. J’en rappellerai quelques-unes.
Nous avons créé des contrats d’assurance « inclusifs », afin de faire progresser le débat sur l’accès à l’assurance emprunteur des personnes atteintes de maladies chroniques.
Nous avons baissé le taux de TVA sur le bois, afin de structurer la filière et d’envoyer un message clair à tous les acteurs économiques de nos territoires : « faire filière ».
Nous avons voté plusieurs mesures fiscales importantes pour renforcer la résilience de nos installations agricoles, notamment celles qui exercent sous la forme de coopératives. Pour nos agriculteurs, particulièrement pour nos viticulteurs, ces mesures sont autant de signaux positifs que nous leur envoyons après cette année marquée par le gel.
Dès lors, comment voter contre ce texte que nous avons profondément amélioré et sur lequel nous devons nous prononcer aujourd’hui ? Pour le Sénat, cela reviendrait à s’opposer non pas au Gouvernement, mais à lui-même.
Troisièmement, voter contre la première partie emporte des conséquences sur la deuxième. Il serait bien évidemment irresponsable de nous prononcer sur un texte sans mesurer la conséquence d’une telle décision. À très court terme, voter contre nous prive de l’examen de la suite du projet de loi de finances.
Pourtant, comme chacun sait, de beaux débats nous attendent en deuxième partie. Je pense au contrat d’engagement jeune, qui pourrait nourrir de riches débats, eu égard aux positions déjà exprimées par les membres de notre Haute Assemblée.
Je pense aussi à des sujets nettement moins polémiques, mais tout aussi importants. Et pour cause : la plupart des crédits relatifs aux missions régaliennes de l’État ont été adoptés par notre commission des finances. C’est le cas pour les missions « Justice », « Enseignement scolaire » et « Défense ». Il en va de même pour la mission « Recherche et enseignement supérieur », que j’ai eu l’honneur de rapporter avec notre collègue Jean-François Rapin. À cet égard, notre position était claire : puisque les crédits suivent l’évolution prévue par la loi de programmation, qu’ils sont en augmentation et en phase avec les immenses enjeux qui se présentent à notre pays, nous avons proposé de les adopter.
Enfin, sur des sujets plus locaux, comme la situation des communes forestières, je regrette très sincèrement que le Sénat ne puisse pas participer au débat. Les communes forestières et l’Office national des forêts (ONF) se trouvent en effet dans une situation difficile. L’État a déjà annoncé son aide via un amendement adopté à l’Assemblée nationale, qui apportera un soutien décisif à ces communes. Sur ce sujet d’importance pour nos collectivités et pour notre ruralité, comme sur tant d’autres, nous gagnerions à poursuivre les débats jusqu’à leur terme : les jeux politiciens n’aident en rien.
C’est pourquoi, pour les membres du groupe Les Indépendants, le Sénat aurait dû voter l’article d’équilibre, qui tire les conséquences de nos arbitrages. En tout état de cause, nous voterons la première partie de ce budget pour 2022. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer par saluer le président de la commission des finances et notre rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’essaierai d’être le plus précis possible au cours de mon explication de vote, à la suite des différentes interventions que nous avons déjà entendues.
Bien sûr, l’acte que nous allons poser dans quelques instants est un acte solennel, grave et rare.
Nos commissions ont méticuleusement examiné l’ensemble du budget, les dépenses comme les recettes. Nous avons déjà examiné dans cet hémicycle la première partie, consacrée aux recettes. Mais nous n’irons pas plus loin,…
Mme Patricia Schillinger. C’est la troisième fois !
M. Bruno Retailleau. … à cause de votre gouvernement, monsieur le ministre.
Mes chers collègues, un budget, ce ne sont pas que des chiffres alignés dans des colonnes ! Un budget, c’est un choix, une politique ! Or ceux que vous défendez sont de mauvais choix. Je m’en explique : un budget doit préparer l’avenir. Or vous sacrifiez le long terme au court terme, et l’avenir au présent.
C’est la raison pour laquelle nous avons voulu poser un acte politique. Ce n’est pas à la technique budgétaire de tenir la politique. C’est à la politique, au sens que l’on donne à notre action, qu’il revient de tenir la technique.
Oui, nous avons voulu sortir pour une fois du train-train budgétaire et affirmer un certain nombre de vérités ! Le vote auquel nous allons procéder aujourd’hui est un signal d’alarme, à l’intention non pas du Gouvernement, mais de nos compatriotes. Tous les Français doivent le savoir : la situation réelle n’est pas celle que vous décrivez.
Monsieur le ministre, voilà quelques instants, vous avez parlé de malice. Mais, franchement, la fin du « quoi qu’il en coûte », ce n’est pas de la malice : c’est une grosse blague !
Certes, nous avons voté les différentes lois de finances rectificatives pour répondre à la crise. Nous visons non pas les dépenses nécessaires pour en traiter les conséquences, mais la folie dépensière qui prend appui sur cette crise et qui pourtant n’a rien à voir avec elle, comme le rappelait notre rapporteur général voilà quelques instants. Nous visons une dérive de 100 milliards d’euros de dépenses ordinaires, comme le souligne la Cour des comptes, et pas de dépenses liées au covid-19. Mes chers collègues, c’est le record depuis quinze ans !
Nous visons également l’accumulation des déficits, sociaux, mais aussi budgétaires, sans précédent – c’est du jamais vu ! – qui gonfle notre endettement au point de faire demain de la France un risque systémique de l’Europe ! Un jour, avec l’inflation, en Allemagne notamment, les taux vont remonter, et ce sera alors la catastrophe ! Aujourd’hui, nous voulons avertir solennellement nos compatriotes !
Nous visons aussi les quarante-deux annonces depuis l’été, pour 25 milliards d’euros, soit 400 millions d’euros par jour depuis le mois de septembre. Certes, Noël est à quelques encablures. Mais les Français ne sont pas les ravis de la crèche, et nous ne voulons pas non plus qu’ils soient les dindons de la farce ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le ministre, le budget que vous défendez est indéfendable, car c’est un budget de campagne électorale, et de la campagne électorale la plus chère de la Ve République !
M. Bruno Sido. Eh oui !
Mme Patricia Schillinger. Quelles sont vos propositions ?
M. Bruno Retailleau. Si je devais résumer notre position par une seule formule, je citerais Balzac : « Aucune génération n’a le droit d’en amoindrir une autre. » Or c’est précisément ce que vous faites. Mes chers collègues, voilà où est le sabotage de l’avenir et des futures générations ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Voilà un Président de la République qui avait promis qu’il allait tout réformer et tout changer. Il a pourtant tout continué et si peu réformé. Il aura été le seul en trente ans à ne pas avoir assumé une véritable réforme des retraites.
Voilà un Président de la République qui avait promis au pays une cure de jouvence et un monde nouveau. Or il utilise les plus vieilles ficelles de la classe politique depuis quarante ans : toujours plus de dépenses publiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Un problème ? De la dépense publique ! Mais si la dépense publique servait à mesurer la qualité et l’efficacité des politiques publiques, la France serait à l’avant-garde du bonheur universel !
Voilà un Président de la République qui aura concentré entre ses mains tant de pouvoirs. Jamais le Parlement n’aura été aussi affaibli que durant ce quinquennat, comme en témoigne le dépôt par le Gouvernement de 125 amendements budgétaires en première lecture à l’Assemblée nationale. Mais tant de pouvoirs pour quel résultat ? Notre pays est le dernier pour ce qui concerne les dépenses publiques, les prélèvements obligatoires et la balance commerciale. Certes, la croissance se porte mieux, mais ce n’est qu’un rattrapage.
Malheureusement, durant ce quinquennat, Emmanuel Macron n’aura en rien remédié au « malheur français », pour reprendre le titre de l’un des célèbres livres du philosophe français Marcel Gauchet. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, je voudrais exprimer notre profond regret du simulacre de discussion auquel nous avons assisté ces deux derniers jours. C’était le TGV : à peine seize amendements du groupe Les Républicains, aucun avis sur rien, un désert de dialogue et de discussion.
Oui, monsieur Retailleau, votre acte est grave, car il affaiblit la démocratie ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Lorsque nous avons examiné l’unique amendement tout à l’heure, chacun a essayé de se rejeter la faute. Je crois que ce n’est pas à l’honneur des débats du Parlement.
Mme Sophie Primas. Heureusement que vous êtes là !
Mme Sophie Taillé-Polian. Pourtant, sur les recettes, vous faites montre d’une grande cohérence avec les positions du Gouvernement.
M. Marc-Philippe Daubresse. Et quid des vôtres ?
Mme Sophie Taillé-Polian. Vous présentez une addiction commune aux baisses d’impôts. Vous partagez le même rejet des dépenses de solidarité. Vous refusez ensemble le respect des accords de Paris.
Je souhaite adresser un message de sympathie au rapporteur général, qui a toujours été présent durant nos débats et qui a motivé ses avis défavorables aux amendements de la gauche, car hormis le groupe Union Centriste, que je salue, la gauche a été la seule à en déposer. Lui a fait le travail quand le ministre se contentait de dire : « Même avis ». Voilà la tonalité de ces quelques heures de travail en commun !
Le refus de se donner les moyens de répondre aux enjeux de la crise via des recettes nouvelles vous est commun.
Ensemble, vous préparez l’austérité à venir, car vous rejetez les dépenses publiques. Dans ces conditions, je vous pose la question. Pourquoi n’approuvez-vous pas les recettes, puisque vous êtes en accord, pour ensuite rejeter les dépenses ? Nous pourrions alors voir où vous comptez couper dans les dépenses publiques, à quelles demandes de la population vous avez l’intention de ne pas répondre. Les choses auraient été plus claires si nous avions pu poursuivre le débat !
Oui, si vous êtes élus, les uns ou les autres, l’austérité à venir et la vie seront bien dures pour les Françaises et les Français. Je pense notamment à la réforme des retraites que Bruno Le Maire nous a annoncée, lors de son passage éclair au Sénat, qu’elle était certaine en cas de réélection.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en cohérence avec ses convictions, contre les recettes. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. La démonstration est laborieuse !
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous pensons qu’il est essentiel de réhabiliter l’impôt. Nous plaidons pour un impôt juste, pour un budget qui lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscales, un budget où les ménages modestes contribuent moins en proportion que les plus aisés.
Nous voulons réhabiliter la dépense publique, mais la dépense publique utile, pas ces aides aux entreprises qui arrosent le sable en se refusant toujours à demander des conditionnalités, ces mêmes conditionnalités, précises et pointues, que vous en exigez dès lors qu’il s’agit de verser une aide aux personnes les plus en difficulté. Encore une de vos ressemblances !
Voilà pourquoi nous voterons contre ce budget. Notre vote est cohérent.
Bruno Le Maire, qui est resté une heure avec nous, n’a eu de cesse de vanter le travail ; je remercie d’ailleurs Olivier Dussopt, dont la présence a été constante durant nos débats. Mais j’observe que, dans ce budget, le travail est bien plus taxé que le capital. On se refuse à voir la réalité en face. Notre pays a besoin d’une vaste réforme fiscale, pour la justice dans notre pays, pour financer la solidarité et la transition écologique ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avions proposé d’éviter un faux débat avec le dépôt de notre motion tendant à opposer la question préalable. C’était un appel à un vote sanction. Or c’est précisément un vote sanction que vous vous apprêtez à émettre ! Vous voilà contraints, chers collègues du groupe Les Républicains, de faire la démonstration d’un simulacre d’alternative, alors que vous avez toujours voté les projets de lois de finances de ce gouvernement.
La majorité sénatoriale parle d’« insincérité politique ». C’est difficilement crédible quand, dans le même temps, elle imagine à la hâte un dispositif de soutien au pouvoir d’achat qui ne concerne plus que 6,1 millions de nos concitoyens, alors qu’un autre en concernait 36 millions !
M. Éric Bocquet. Très bien !
M. Pascal Savoldelli. Le même groupe politique ignore le non-recours pour près d’un tiers des ayants droit à la prime d’activité. Idem pour les minima sociaux. Le même groupe politique vole au secours du Gouvernement, en trouvant 1,7 milliard d’euros et 2,1 milliards d’euros à économiser sur le « ruissellement » du pouvoir d’achat en faveur des ménages les plus modestes !
Ce budget est effectivement incomplet et insincère politiquement. Il est ponctué par une affluence d’amendements gouvernementaux, pas moins de 149, sans compter les passerelles de consensus établies avec la majorité sénatoriale. En témoigne l’effet d’annonce d’un plan d’investissement de 34 milliards d’euros sans aucune garantie démocratique.
Le dogme libéral irrigue la moindre ligne budgétaire de ce projet de loi de finances. Pour cette seule première partie, vous nous présentez des avantages fiscaux pour la transmission d’entreprises, des avantages fiscaux pour la cession de titre ou d’entreprise, des avantages fiscaux pour les grands propriétaires agricoles – mais il n’y a rien pour les petits propriétaires agricoles –, bref, des avantages fiscaux à tout-va visant à éroder la moindre des impositions pour, à terme, la supprimer.
L’examen de la partie du projet de loi de finances consacrée aux recettes a, une fois de plus, été l’occasion de discuter des dépenses. Nous avons observé le silence de la majorité de la majorité de la droite, même si Bruno Retailleau vient d’utiliser à grand bruit la fonction tribunitienne.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Le régime présidentialiste est en accélération électoraliste. Il instrumentalise et disqualifie tout débat budgétaire de qualité au Sénat ! Il aura fallu moins d’une journée de débats pour aboutir à un texte finalement dérisoire par rapport à des désaccords supposés et revendiqués entre la droite et la droite et entre la droite et le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Autant dire que notre institution a été prise dans un étau qui ne fait pas grandir la démocratie représentative ! Cette triste prestation ne manquera pas d’alimenter les constats de l’écrivain Bruno Le Maire, qui souhaite – et c’est grave ! – « limiter les compétences du Sénat en matière budgétaire à des observations et à une approbation finale, et non plus à une lecture complète ». (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.) Cela reviendrait à réduire le Sénat à un rôle de consultant, sans pouvoir de proposition, et d’observateur de la politique du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
La seule position claire aurait été d’utiliser les outils institutionnels à notre disposition pour rejeter en bloc ce projet de loi de finances. C’est ce qu’a fait le groupe communiste républicain citoyen et écologiste avec le dépôt de la motion tendant à opposer la question préalable.
Monsieur le ministre, notre groupe n’a pas été démenti sur la croissance en trompe-l’œil. Notre groupe n’a pas été contredit lorsque j’affirmais que le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté depuis le début du quinquennat. Notre groupe pourrait reprendre à son compte cet extrait de l’un des rapports de la Cour des comptes relatifs aux finances locales, qui résume bien la situation que nous connaissons depuis 2017 : « Tous les niveaux de collectivités voient leur panier fiscal profondément modifié », sans que les objectifs ayant présidé aux réformes soient toujours atteints.
Nous souhaitions supprimer le prélèvement forfaitaire unique abaissant substantiellement la fiscalité des dividendes, ou encore – c’était attendu ! – rétablir l’ISF, symbole de justice fiscale et sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Patrick Kanner applaudit également.)
Quelques jours après la fin de la COP26, ce budget reconduit des niches fiscales coûteuses et nocives, ignorant ainsi l’urgence de réduction de nos émissions de CO2.
Lorsque vous vous adressez aux membres de notre groupe, vous n’avez de cesse d’invoquer l’« esprit de responsabilité », comme si celui-ci appartenait à un camp. Je vous le dis clairement : être en responsabilité, c’est savoir dire non ! Être sincère, c’est avoir déposé la question préalable ! Notre rejet est de gauche, et il est aussi responsable que sincère ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)