Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi serait-elle inapplicable ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. … et qui pourrait même, selon nous, créer un certain nombre d’injustices, que nous parviendrons à l’achèvement de la couverture vaccinale. Seuls les professionnels se sont vu imposer une telle obligation, vous le savez, afin d’être protégés et de protéger les patients dont ils prennent soin.
Nous croyons à l’information, à la pédagogie, à l’incitation, à l’accompagnement, au rappel des gestes barrières, à la nécessité de contrôler les passes sanitaires et de ne pas baisser la garde, mais nous ne croyons pas à l’obligation vaccinale pour progresser sur le chemin de la vaccination collective.
Il faut convaincre et non forcer. C’est ainsi que nous avons avancé depuis le début, avec des résultats remarquables, grâce à l’implication de tous ; c’est ainsi que nous entendons poursuivre. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement ne soutiendra pas la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Véronique Guillotin et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi de nos collègues socialistes a, semble-t-il, ravivé la flamme du combat des antivax, non contents de crier au scandale, voire au « génocide planétaire », et d’appeler à la révolte contre cette nouvelle « arme biologique ».
Pour avoir reçu un grand nombre de sollicitations de cette teneur, je soutiens les auteurs et le rapporteur de la proposition de loi, qui ont dû faire face à une campagne massive d’intimidations. Au-delà du débat de fond auquel je vais me prêter, il n’est pas acceptable de voir ainsi menacés des élus de la République. Le pouvoir législatif doit pouvoir continuer à s’exercer et à être force de proposition, quels que soient le sujet et les crispations au sein de notre société.
J’aimerais avant tout rappeler, une nouvelle fois, combien je suis favorable à la vaccination. Elle est la seule manière de prévenir et de contenir les maladies infectieuses graves. Elle est notre seule porte de sortie dans cette crise. Elle est une chance formidable, alors que la pandémie nous entraînait inexorablement vers un abîme sanitaire, économique, social et – nous l’avons vu hier – éthique.
La baisse du nombre d’hospitalisations et de décès parle d’elle-même, ainsi que le différentiel entre les départements et les pays où le taux de vaccination est élevé et ceux où il reste faible. Le vaccin protège, même en présence de variants, des formes graves et sévères de la covid. Il réduit aussi la charge virale en cas d’infection, puisque les personnes vaccinées sont douze fois moins infectées que les autres. Une grande étude française, réalisée sur 22 millions de personnes et publiée cette semaine, confirme d’ailleurs cette efficacité : les personnes vaccinées de plus de 50 ans ont neuf fois moins de risques d’être hospitalisées et de mourir de la covid.
L’obligation vaccinale ne me choque pas dans l’absolu. La première, qui visait à lutter contre la variole, date de 1902. Nous en sommes aujourd’hui à onze vaccins obligatoires pour les enfants. J’ai soutenu cette réforme en 2018, convaincue qu’il fallait frapper fort, dans un contexte de défiance croissante à l’égard des vaccins, de recul de la couverture vaccinale et de résurgence inquiétante de certaines maladies que l’on croyait d’un autre temps.
Face à la covid, et comme l’a souligné très justement l’Académie nationale de médecine, la vaccination est non seulement un geste civique, mais encore un impératif éthique, car les conséquences sur la santé et la vie quotidienne de nos concitoyens sont quasiment sans précédent.
Néanmoins, j’ai le sentiment que cette obligation arrive au mauvais moment. Elle arrive trop tôt, non pas que le vaccin ne soit pas fiable ou qu’il ait été trouvé trop précocement, mais parce que, face à un virus encore mal connu et évolutif, nous ne maîtrisons ni le schéma vaccinal, ni le nombre de doses nécessaires, ni la fréquence d’injection.
Les variants nous imposeront probablement d’adapter le vaccin et nous n’avons encore que peu de visibilité sur l’évolution de cette maladie à moyen terme. En cela, la covid est bien différente des maladies ciblées par les onze vaccins déjà obligatoires.
D’une certaine manière, l’obligation vaccinale arriverait également trop tard. À ce jour, 85 % du public cible – les plus de douze ans – sont déjà vaccinés. Les jeunes âgés de 12 à 17 ans présentent des taux de vaccination encourageants, alors que les doses ne leur sont ouvertes que depuis le 15 juin dernier. Surtout, le passe sanitaire leur est imposé depuis le 30 septembre seulement.
La dynamique est là, elle est positive. Elle sera probablement renforcée par la fin de la gratuité des tests dans quelques jours. Malgré le bruit qu’ils font, les antivax et antipasse sont largement minoritaires. Enfin, prenons conscience du fait que tous les indicateurs sont au vert : l’incidence, la circulation virale, les hospitalisations… Nous devons cependant continuer à faire attention.
Aussi, proposer la vaccination obligatoire maintenant relancerait un débat qui semble aujourd’hui daté, puisque l’immense majorité de la population est désormais vaccinée.
D’une part, pour les plus récalcitrants, l’instauration d’une obligation, qui plus est assortie d’une sanction, raviverait les crispations, au moment où la résilience envers le vaccin et une forme de confiance semblent s’instaurer, au moment où la société se tourne vers son avenir et que se dessinent les contours d’une relance qui se doit d’être historique.
D’autre part, elle ne permettrait pas la vaccination de ceux qui souhaiteraient être vaccinés, mais qui en sont trop éloignés, en particulier les habitants des zones très rurales, les personnes rencontrant des difficultés pour se déplacer ou simplement pour prendre un rendez-vous. Je pense, par exemple, aux plus de 80 ans qui ne sont pas en établissements et chez qui le taux de vaccination reste insuffisant.
Enfin, même si la proposition de loi demeure vague à ce sujet, cette obligation vaccinale reviendrait à remplacer le passe sanitaire par un passe vaccinal… Sinon, comment effectuer des contrôles dans la population générale ? Dans le cas d’une obligation pour tous, devra-t-on interdire l’école aux enfants non vaccinés ? Ces questions restent en suspens, alors qu’elles me semblent encore primordiales.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDSE votera contre cette proposition de loi. Ne changeons pas notre fusil d’épaule aujourd’hui. Je le répète, nous sommes favorables à la vaccination la plus large possible et invitons tous les Français à s’engager sur cette voie, pour leur santé et celle des autres.
Le passe sanitaire, qui s’est montré éminemment efficace – la France affiche le meilleur taux de vaccination européen – nous semble pour l’heure suffisant, en ce qu’il permet de préserver les activités tout en assurant un certain degré de protection et de liberté. Pour être pleinement efficient, il doit néanmoins, nous le répétons, s’assortir de mesures plus fortes en matière de sensibilisation et de pédagogie.
Enfin, pour les personnes les plus éloignées de la vaccination, une campagne massive doit s’engager avec les collectivités locales, au plus près des territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, décidément, l’Élysée et Matignon savent pouvoir compter sur les idiots utiles en toutes circonstances ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Preuve en est, aujourd’hui même, aujourd’hui encore, tandis que le Gouvernement présente la prorogation du passe sanitaire en conseil des ministres : les sénateurs socialistes, jamais en retard d’une loi liberticide, veulent imposer l’obligation vaccinale aux Français, y compris aux mineurs, le tout assorti, bien évidemment, d’une amende en cas de non-respect de cette infamie.
Le passe sanitaire a pourtant déjà fracturé notre pays entre ceux dont la profession les oblige à être vaccinés, ceux qui se sont résignés à être vaccinés pour vivre sans être pourchassés, ceux qui ont été vaccinés volontairement, et ceux, dont je suis, qui ne sont pas vaccinés, qui ne veulent pas l’être (Protestations et quelques huées sur les travées du groupe SER.) et qui, pour en avoir marre d’être harcelés, seraient tentés désormais, plutôt que de faire un discours de trois minutes, de vous adresser pour seule réponse les cinq lettres si chères à Cambronne. Mais la bienséance sénatoriale me retiendra de le faire cette fois encore ! (Protestations sur toutes les travées.)
Après dix-huit mois de mensonges, d’impréparation, de manipulation et de culpabilisation, le pouvoir est arrivé à ses fins : chaque citoyen est devenu aux yeux de l’autre flic, juge ou criminel en puissance. Ce désastre ne vous suffit-il pas, que vous vouliez encore jeter de l’huile sur le feu de la division ?
La loi scélérate dresse les Français les uns contre les autres, alors que sa raison d’être est la réalisation du bien commun et de l’unité nationale.
À l’instar des pays autoritaires du Tadjikistan et du Turkménistan, qui sont les deux seuls pays à avoir imposé le vaccin à tous les adultes, la France devient le Macronistan, où la liberté de conscience de ses habitants est écrasée par l’argument de sécurité sanitaire. (M. Stéphane Ravier retire son masque. – « Le masque ! » sur les travées du groupe SER.)
Au contraire, et je le dis depuis de longs mois, il n’y a qu’une ligne qui soit tenable, mes chers collègues, et il nous faut l’ériger en principe de liberté indépassable : le vaccin doit toujours rester volontaire et ne jamais devenir obligatoire. Vous disposez d’assez de supports de propagande et de suppôts estampillés « journalistes » pour tenter de convaincre plutôt que de contraindre.
Cet été, pour justifier le passe sanitaire, vous annonciez « une charge virale mille fois supérieure du variant delta ». Mille fois ! Rien de tout cela n’a été observé dans la réalité, alors que plus de la moitié des Français n’étaient pas encore vaccinés. Vous vous êtes trompés, ou plutôt vous avez délibérément voulu tromper, voulu faire peur, une fois de plus.
En définitive, le dispositif législatif que vous nous présentez est gravement attentatoire aux libertés fondamentales et à l’universalité des droits. Sur les plans philosophique et conjoncturel, tout s’oppose à continuer cette fuite en avant autoritaire, engagée par le pouvoir en place.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je fais appel à votre esprit critique pour voter en faveur des libertés et contre l’obligation vaccinale, qui accélérerait, à n’en pas douter, le basculement de notre société dans un quotidien de surveillance et de contrôle généralisés. (Mme Laurence Muller-Bronn applaudit.)
M. Olivier Jacquin. C’est un vaccin contre la rage qu’il vous faudrait !
Mme la présidente. Permettez-moi, mes chers collègues, de vous rappeler les règles concernant le port du masque dans l’hémicycle. Le masque n’est plus obligatoire à la tribune. Chaque sénateur ou sénatrice est libre de faire comme il ou elle le souhaite lors de son intervention à la tribune. (« Même les non-vaccinés ? » sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. On vient d’être infectés !
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Désinfectez le micro !
Mme Corinne Féret. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je n’avais pas prévu de dire ces quelques mots, mais je considère ce que je viens d’entendre comme totalement inacceptable.
Je ne peux, monsieur Ravier, accepter et entendre vos insultes ! Vous n’avez pas le droit, parce que vous êtes parlementaire, de nous parler sur ce ton, de nous traiter d’idiots, de parler de loi scélérate… (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
C’est inacceptable ! (M. Stéphane Ravier s’exclame.) Vous n’avez plus la parole, monsieur Ravier, c’est moi qui suis au micro, ça suffit ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Nous sommes réunis pour débattre de la proposition de loi du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, tendant à instaurer une vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2. Il apparaît en effet légitime, à ce stade, de nous interroger, de questionner les politiques publiques visant à faire face à la crise sanitaire ; et, ce faisant, d’échanger sur ce sujet de l’obligation vaccinale avec l’ensemble de la représentation nationale.
En associant vaccination et conditionnement de la vie sociale à la présentation d’un passe sanitaire, le Gouvernement a mis en place une obligation de vaccination indirecte qui ne dit pas son nom. Nous ne voulons pas non plus que l’obligation vaccinale et la lutte contre la pandémie reposent uniquement sur quelques professions.
Sûre et efficace, la vaccination contre la covid-19 est aujourd’hui le seul moyen d’atteindre une protection collective suffisante pour espérer maîtriser durablement l’épidémie et permettre un retour à une vie normale. En limitant les formes graves et les hospitalisations, mais aussi en réduisant la transmissibilité du virus, la vaccination est la clé, à la fois d’une sortie de crise et de notre liberté collective.
Si l’annonce, à la mi-juillet, par le Président de la République, de l’extension du passe sanitaire a permis de relancer le rythme des vaccinations, on voit bien que cet outil a épuisé ses effets. Les primo-vaccinations ne progressent pas suffisamment. On observe même une tendance à la baisse depuis la fin juillet. Les personnes les plus vulnérables ne sont pas suffisamment vaccinées : 83 % seulement des plus de 80 ans sont vaccinés, contre 100 % en Espagne. Seuls 85 % de nos concitoyens présentant des comorbidités le sont. C’est trop peu.
De même, la vaccination est très inégale selon les territoires : les Français vivant dans les départements ultramarins sont insuffisamment vaccinés à ce jour. On y déplore un nombre d’admissions en réanimation et de décès sans précédent. La fracture territoriale est réelle : à la fin septembre, la Seine-Saint-Denis affichait, elle aussi, un taux de vaccination très en dessous de la moyenne nationale. C’est tristement dans les départements les plus pauvres que la population est la moins vaccinée.
En somme, il reste environ 9 millions de Français à vacciner. À ce rythme, ils ne le seront pas d’ici à l’été 2022. Or le risque d’une cinquième vague, cet hiver, n’est pas écarté par les épidémiologistes. Non, nous ne sommes pas sortis de la pandémie. Le variant delta représente toujours un risque élevé, capable de mettre une fois de plus notre système de soins en difficulté. Il faut donc agir au plus vite, pour gagner les quelques points de vaccination qui nous manquent.
Nous considérons qu’il est nécessaire d’aller vers les Français non encore vaccinés, en particulier vers les plus fragiles. La vaccination obligatoire en population générale créera une obligation, pour l’État, de déployer des moyens en matière de pédagogie et d’incitation à la vaccination. Ces derniers seront très utiles pour protéger ceux qui ont des difficultés d’accès aux soins et à l’information, ou qui sont dans la défiance.
Certaines politiques publiques, en particulier le passe sanitaire, souffrent aujourd’hui d’un manque de lisibilité. Ce dernier divise les Français et limite leurs libertés individuelles au travers de règles souvent peu cohérentes et peu compréhensibles par tous.
Grâce à la vaccination obligatoire, à l’inverse de ce passe, nous faisons le choix de la clarté et surtout de la responsabilité. Nous espérons, notamment, mettre fin aux trop nombreuses déprogrammations auxquelles nos hôpitaux sont aujourd’hui contraints. Elles ont des conséquences sanitaires considérables, entraînant notamment des retards en matière de prévention. L’obligation vaccinale doit permettre à l’hôpital public de reprendre l’ensemble de ses activités, au bénéfice de tous les patients.
Notre proposition de loi, qui s’inscrit dans le cadre légal existant de santé publique, se veut souple. Nous proposons que les personnes âgées de plus de 60 ans, plus vulnérables et susceptibles d’être hospitalisées, soient concernées en priorité. L’obligation doit s’appliquer de façon pragmatique et intelligente. Il s’agira d’étendre progressivement le dispositif, par tranche d’âge ou – cela a été dit – de l’interrompre rapidement selon l’évolution de nos connaissances médicales, en cas de nouvelles thérapies efficaces, par exemple.
Certains nous interpellent sur la légalité de notre proposition. Le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de juger que, lorsque la santé publique l’exige, l’obligation vaccinale est une restriction de liberté proportionnée au droit à l’intégrité physique. Quant à la Cour européenne des droits de l’homme, elle a, en avril dernier, admis que si l’obligation vaccinale représentait une ingérence dans le principe du droit au respect de la vie privée, celle-ci était proportionnée au regard du principe de solidarité sociale et aux buts que sont la protection de la santé et la protection des droits d’autrui.
Du fait de l’ampleur des conséquences de la covid-19 sur la société en matière de santé, de restrictions des libertés fondamentales telles que la liberté d’aller et venir, ou sur la vie économique et sociale, nous sommes légitimement fondés à penser qu’il n’existe pas d’obstacles juridiques à reconnaître l’obligation vaccinale contre la covid-19 comme une solution proportionnée.
Quand la liberté individuelle porte une atteinte à la santé collective de la population, l’équilibre doit être rétabli par la loi afin de protéger l’ensemble de la société. Je rappelle que la Nouvelle-Calédonie met en œuvre cette obligation vaccinale depuis le début du mois de septembre. Elle voit son taux de vaccination augmenter rapidement depuis cette date et les choses vont dans le bon sens. De même, le passage de trois à onze vaccins obligatoires chez les enfants, voté en 2018, nous a permis d’atteindre les objectifs fixés, après de longues années de stagnation. Nous ne proposons rien d’original ou d’inédit.
Certains nous qualifient parfois d’irresponsables. Nous imposerions aux Français de se faire injecter un vaccin qui, selon eux, serait « expérimental ». Je rappelle, là aussi, que pour être commercialisé, un vaccin doit obtenir une autorisation de mise sur le marché. Les vaccins contre la covid-19 ont été développés en un temps record, certes, mais ils ont bien évidemment satisfait aux différentes phases d’essais cliniques habituellement exigées. Ils ont obtenu cette autorisation. Ce ne sont donc pas des vaccins expérimentaux. Nous suivons les recommandations des pouvoirs publics.
Mes chers collègues, agir pour assurer la sécurité des Français et protéger notre système de santé et le personnel soignant : voilà ce que nous vous proposons aujourd’hui. Savoir modifier la stratégie vaccinale de notre pays et, pour ce faire, ses outils, c’est tout simplement s’adapter à la réalité de l’évolution de la pandémie.
Pour les sénateurs et sénatrices du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, vous l’avez compris, l’heure de l’obligation vaccinale est venue. Elle seule constitue une démarche de protection collective, de lutte contre les inégalités territoriales, sociales, en créant un devoir pour l’État d’aller vers ceux qui sont aujourd’hui éloignés de la protection que constitue la vaccination. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout est ici question d’arbitrage et de choix politique. Quelles libertés sommes-nous prêts à sacrifier pour être mieux protégés ? (M. Loïc Hervé opine.) Quels dangers sommes-nous prêts à côtoyer pour garder le maximum de libertés ?
Chacun possède ses valeurs propres, sa représentation du monde, qui l’amènent à choisir un point d’équilibre entre liberté et sécurité. Et c’est le rôle même du législateur de construire ce point d’équilibre qui fait Nation.
Considérant la vaccination obligatoire comme étant le seul chemin pour sortir d’une politique de sécurité sanitaire et entrer dans une politique de santé publique, Patrick Kanner, Bernard Jomier, Marie-Pierre de La Gontrie, Monique Lubin et plusieurs de leurs collègues ont déposé au Sénat un texte, qui dans un article unique, propose de modifier l’article L. 3111-2 du code de la santé publique, afin d’ajouter la vaccination contre le SARS-CoV-2 dans la liste des vaccinations obligatoires.
Si nous comprenons l’objectif, car la vaccination est notre meilleur atout, nous ne pensons pas qu’une telle démarche soit nécessaire. L’intérêt public de la vaccination est indéniable. À ce jour et depuis le début de la campagne de vaccination en France, 51 millions de personnes ont reçu au moins une injection et plus de 49 millions de personnes ont désormais un schéma vaccinal complet.
Aussi, compte tenu de l’ampleur de notre couverture vaccinale, la pédagogie et la prospection des territoires en carence restent les approches les plus utiles à destination de nos concitoyens non vaccinés.
M. Loïc Hervé. C’est bien vrai !
M. Martin Lévrier. Souvenez-vous, il y a moins d’un an, le 3 décembre 2020, une enquête IFOP-Fiducial, menée auprès de 1 003 personnes, indiquait que seuls 39 % des Français avaient l’intention de se faire vacciner. Les doutes quant à l’efficacité du vaccin et la crainte d’éventuels effets secondaires après sa mise au point rapide, la perte de confiance dans les scientifiques, la montée de l’individualisme et l’hostilité aux institutions expliquaient en grande partie ces réticences. À titre de comparaison, les Allemands à la même époque y étaient prêts à 79 %, les Britanniques à 69 %, les Italiens à 65 %. Ce taux se situait à 64 % aux États-Unis. Les plus favorables à la vaccination étaient les Indiens et les Chinois, respectivement à hauteur de 87 % et 85 %.
En France, les incitations à la vaccination liées à la mise en place du passe sanitaire, laquelle préserve une liberté de choix pour ceux qui désireraient encore réfléchir, ont largement fait leurs preuves. D’ailleurs, il est à noter que du respect du confinement aux gestes barrières en passant par la vaccination, les Français ont joué le jeu, et ce depuis les prémices de la pandémie, et nous devons ici les remercier. (M. Loïc Hervé acquiesce.)
Nous avons eu raison de faire confiance à l’esprit de responsabilité de chacun. C’est la raison pour laquelle la vaccination tend aujourd’hui vers une couverture totale de la population, dans un climat qui s’apaise, voire qui est totalement apaisé.
La fin de la gratuité généralisée des tests de dépistage à la mi-octobre devrait, elle aussi, renforcer les incitations à la vaccination. Il en est de même des dispositifs d’« aller vers ». J’en avais exprimé la demande lors de la déclaration du Gouvernement sur la place de la stratégie vaccinale dans le dispositif de lutte contre l’épidémie du 17 décembre dernier.
Les dispositifs d’« aller vers », développés très tôt pendant la campagne de vaccination, se poursuivent pour permettre la vaccination des personnes éloignées du système de soins, celle des personnes ne pouvant prendre rendez-vous en ligne, ou encore des personnes en situation de handicap, des travailleurs migrants, des détenus, etc.
Un premier bilan fait état de 1,2 million de patients vaccinés grâce à ces dispositifs d’« aller vers ». D’autres opérations sont en cours de montée en charge.
À la demande pertinente du Conseil de l’Ordre des médecins généralistes et avec l’appui du Gouvernement, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a validé, le 7 juillet, l’envoi aux médecins traitants de la liste de leurs patients non vaccinés.
M. Loïc Hervé. Qui le demande ?
M. Martin Lévrier. Nous comptions fortement sur ce point pour accentuer les efforts visant à informer et à convaincre les personnes n’ayant reçu encore aucune dose. Je profite d’ailleurs de ce temps de parole pour les encourager à continuer de contribuer au succès de cette mesure, peut-être la plus importante de toutes.
Aussi, alors que la situation sanitaire s’améliore et que certaines personnes vaccinées semblent réticentes à une troisième dose – elles sont sûrement suffisamment rassurées par les chiffres de la pandémie –, la proposition de loi du groupe socialiste aura un effet totalement contre-productif et braquera davantage les plus réfractaires. Si la pédagogie génère la confiance, la coercition, elle, rajoute de la peur à la peur.
En outre, le texte que nous examinons aujourd’hui reste muet sur les modalités de cette obligation vaccinale et sur les conséquences ou sanctions en cas de manquement, et laisse entière la question des moyens de contrôle de son respect. Dénuée de toute sanction, cette mesure « obligatoire » est dépourvue de tout effet crédible.
Une « bonne » loi, dois-je le rappeler, est d’abord une loi applicable, c’est-à-dire normative.
Enfin, et pour conclure, le Gouvernement et la majorité présidentielle, soucieux de déterminer le point d’équilibre entre liberté et sécurité, se voyaient – souvenez-vous – reprocher un abus de pouvoir et leur autoritarisme par des détracteurs. Ceux-là mêmes qui, hier, prônaient le « 100 % pédagogie » revendiquent, aujourd’hui, le « 100 % coercition ».
En résumé, vous vouliez la liberté ; désormais, vous prônez la sécurité absolue. Vous n’avez pas compris que le passe sanitaire était la concrétisation du « en même temps » : il construit le juste équilibre qui permet à chaque Français d’être acteur de la gestion de cette pandémie.
M. Loïc Hervé. C’est pour cela qu’il faut le supprimer !
M. Martin Lévrier. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la découverte en un temps record de vaccins contre la covid-19 a été une première et grande victoire, en particulier quand on pense aux vaccins à ARN messager qui ouvrent de nouveaux horizons thérapeutiques.
La vaccination massive de la population française a permis de stabiliser la situation sanitaire. Où en serions-nous, si nous n’avions pas de vaccin ? Vingt et un nouveaux départements sont passés sous le seuil d’alerte ce lundi, si bien que de nombreux enfants suivent désormais une scolarité sans masque. Je souhaite remercier les élus, les soignants et les sapeurs-pompiers, qui ont fait un travail considérable, aux côtés de l’État, pour mener à bien la campagne de vaccination.
À partir de cette semaine, les tests de confort ne seront plus remboursés par la sécurité sociale et nous entamons les campagnes de rappel pour les personnes immunodéprimées, les soignants et les personnes âgées de plus de 65 ans.
Actuellement, plus de 87 % de la population éligible a reçu une première dose de vaccin en métropole. Les médecins généralistes sont en première ligne pour poursuivre l’effort vaccinal – ils ont désormais la possibilité de disposer de vaccins Pfizer et Moderna.
Le passe sanitaire a permis de franchir un cap difficile, sans imposer une vaccination obligatoire pour tous. Ce dispositif incitatif a fait ses preuves, assurant la sécurité collective. Le Gouvernement se pose la question de son assouplissement et de sa suppression à terme.
De nombreuses incertitudes demeurent malgré tout, au premier rang desquelles figure la possible émergence de nouveaux variants résistants aux vaccins. Depuis des mois, les autorités scientifiques et médicales s’accordent à dire que le vaccin représente le meilleur moyen d’endiguer les vagues de contamination.
La vaccination sauve de nombreuses vies, comme le confirme la dernière étude de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) et de la CNAM (Caisse nationale de l’assurance maladie), publiée ce lundi : « Les personnes vaccinées de 50 ans et plus ont neuf fois moins de risque d’être hospitalisées ou de mourir du covid-19 que les non vaccinées. » C’est un fait : les patients hospitalisés sont majoritairement des personnes non vaccinées – nous le constatons tous.
Nous avons été nombreux à éprouver la tentation de l’obligation vaccinale. Le groupe Les Indépendants avait approuvé l’obligation vaccinale pour les personnels soignants et un certain nombre de professionnels particulièrement exposés. La question d’une vaccination obligatoire plus large aurait donc pu se poser, comme l’avancent les auteurs de la proposition de loi.
Pour autant, il nous semble qu’imposer une obligation universelle n’est pas nécessaire à ce stade. Les 9 millions de Français éligibles qui ne sont pas vaccinés forment un ensemble très hétérogène. Alors que la vaccination progresse chez les jeunes, 15 % des plus de 80 ans ne sont toujours pas vaccinés. La participation des médecins généralistes et l’envoi de courriers invitant à la vaccination devraient permettre de combler ce retard chez les personnes les plus vulnérables.
Nous considérons donc que les données actuelles, qui sont favorables, ne justifient plus l’instauration d’une obligation vaccinale. Le passe sanitaire représente une solution de compromis qui a bien fonctionné.
Nous aspirons tous à sortir de la crise sanitaire le plus rapidement possible. Il nous semble cependant que cela doit se faire dans un esprit de concorde. L’exemple de l’Espagne montre qu’il est possible de lever les dernières résistances à la vaccination par la responsabilisation, le dialogue et l’incitation.
L’évolution positive de la situation sanitaire en France ne nous semble pas justifier, pour l’instant, la mise en place d’une vaccination obligatoire universelle contre la covid-19.
Par conséquent, notre groupe ne votera pas en faveur de cette proposition de loi : certains de ses membres s’abstiendront, d’autres voteront contre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)