M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de m’étonner de l’énergie contemporaine à mettre en place une écologie animale tandis que nous galvaudons l’écologie humaine au fur et à mesure des textes de bioéthique !
Je rappellerai néanmoins l’impératif pour notre civilisation de lutter contre la maltraitance animale, et pas seulement envers les animaux de compagnie.
Nous sommes très sollicités par nos compatriotes sur ce sujet. Nous sommes ici pour répondre à leurs légitimes interrogations, voire inquiétudes.
En 2021, la loi doit malheureusement pallier les carences éducatives, la montée de l’individualisme, le tout-consumérisme, l’hyperviolence, y compris envers la vie animale, et au défaut d’assimilation de certaines cultures importées sur notre sol vis-à-vis du respect animal. La loi doit notamment empêcher l’application d’autres lois sur notre territoire.
Avant d’en arriver à ce stade, il apparaît déjà une dérive déontologique grave et un déficit démocratique dans notre assemblée quand la commission sénatoriale saisie au fond refuse que nous débattions de certains amendements et, donc, de certains sujets en invoquant l’article 45 de la Constitution. Celui-ci dispose pourtant : « Tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. »
Les amendements concernés visaient à supprimer l’abattage rituel et à imposer l’étiquetage automatique pour la bonne information du consommateur, afin d’inciter par la sélection dans les commerces à la pratique de modes d’abattage vertueux.
La commission des affaires économiques et sa présidente Les Républicains ont accepté des amendements sur la détention d’équidés, sur les animaux de compagnie, sur les fourrières, sur les chats errants, sur l’interdiction de diffusion d’images d’animaux sauvages, et c’est heureux ! Mais elles refusent que nous discutions et adoptions un dispositif législatif sur l’abattage rituel.
Ces amendements cosignés avec mon collègue Jean Louis Masson sont les seuls à avoir été censurés en commission, puis en séance. Cette irrecevabilité est éminemment politique et arbitraire, au point de rendre inconstitutionnelle la proposition de loi pour atteinte au bon respect de la procédure législative.
Ma question est claire : mes chers collègues, avez-vous peur de ce débat ? Avez-vous peur que ces amendements soient adoptés pour ainsi censurer l’opposition ? Y aurait-il une maltraitance positive ?
Pour lutter contre la maltraitance animale, nous devons aborder trois domaines : les animaux de compagnie, la chasse et des animaux sauvages et, enfin, l’élevage.
On distingue les conditions de l’élevage, le transport des animaux, l’abattage en général et l’abattage rituel. Ce sont les points les plus évoqués par les associations de défense des animaux et ceux qui touchent le plus de nos compatriotes, en tant que consommateurs.
Les amendements sur l’abattage rituel sont une nécessité, car il s’agit d’une crainte constante pour nos compatriotes, d’autant qu’un tel procédé est devenu ultramajoritaire dans certains abattoirs.
La présidente de l’Association en faveur de l’abattage des animaux dans la dignité (Afaad) affirmait déjà en 2018 : « Les animaux de boucherie ont été les grands oubliés de la protection animale. » Malgré cela, vous refusez que nous évoquions ce sujet dans le cadre d’un débat contradictoire ici. Vous vous opposez à ce que la loi puisse autoriser à entrer dans ces abattoirs, faire la lumière sur les pratiques en cours, interdire les abominations et garantir la sécurité sanitaire.
D’après le magazine spécialisé LSA, le marché du halal représente 329 millions d’euros annuels en grandes et moyennes surfaces. L’institut Nielsen, spécialiste des études de consommation, a établi que les chiffres de vente ont augmenté de 65 % en seulement cinq ans. « Alors que la demande en viande halal devrait correspondre à environ 10 % des abattages totaux, on estime que le volume d’abattage rituel atteint 40 % des abattages totaux pour les bovins et près de 60 % pour les ovins », a indiqué de son côté le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).
Selon la Direction générale de l’alimentation (DGAL), le nombre d’animaux abattus selon un rituel religieux dépasse très largement les besoins intérieurs des minorités religieuses concernées. Il y a un décalage évident entre la demande communautaire et le nombre de bêtes abattues.
Un rapport du CGAAER publié en 2012 confirme ce décalage. C’est un phénomène facile à expliquer : il permet aux abattoirs d’accéder aux marchés communautaires, puis d’écouler les excédents sur le marché classique.
La règle, fixée par l’article R. 214-70 du code rural et de la pêche maritime, est pourtant claire : « L’étourdissement des animaux est obligatoire avant l’abattage ou la mise à mort ». L’abattage rituel est l’exception ; il est soumis à autorisation préfectorale.
Ce qui ne devait être qu’une dérogation s’est généralisé en raison non seulement de l’augmentation de la demande communautariste, mais aussi de l’impératif pour certains de faire toujours plus de profits. Cette réalité caractérise une infraction manifeste et une violation du principe constitutionnel de liberté de conscience des consommateurs.
Auteur du livre Bon Appétit !, paru aux éditions Presses de la Cité, Anne de Loisy juge que les chiffres que je vous ai cités seraient même sous-estimés. Elle indique : « C’est même la conviction d’un grand nombre des professionnels de la filière qui, sous couvert d’anonymat, s’accordent à dire que l’abattage rituel concernerait en fait 8 à 9 ovins sur 10 et au moins 5 bovins sur 10. » Les abattoirs sont donc complices de l’augmentation constante de l’abattage rituel, pourtant si décrié.
Les consommateurs achètent de la viande abattue selon des normes religieuses qui leur sont étrangères sans en être informés. Je pense notamment à des produits transformés qui utilisent du minerai de viande.
Venons-en à la pratique elle-même. L’abattage rituel est un acte de cruauté, qui interdit l’étourdissement préalable avant l’égorgement. Ainsi, l’animal agonise conscient sur le sol ; en témoigne le mouvement de pédalage de ses membres pendant de longs instants.
En fonction des couteaux plus ou moins aiguisés et des exécutants plus ou moins barbares, l’abattage peut entraîner d’affreuses douleurs. L’animal agonise en attendant de longues minutes que le sang remplisse ses poumons et l’étouffe. (M. Jean-Claude Tissot s’exclame.) L’acte est indigne d’une société civilisée. Il est contraire à nos traditions du respect animal et peut entraîner des conséquences sanitaires graves. En effet, l’égorgement rituel consiste à trancher l’œsophage de l’animal et fait courir le risque, en raison des gesticulations de ce dernier, que le contenu des intestins ne se déverse sur la viande, pouvant entraîner le développement de la bactérie Escherichia coli, qui cause de graves infections rénales. De plus, la douleur subie par l’animal provoque la sécrétion de toxines rendant la viande indigeste.
La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, votée en 2018, promettait d’expérimenter l’installation de caméras dans les abattoirs. Seuls 3 abattoirs sur 934 en sont actuellement équipés. Cela rend à juste titre les citoyens suspicieux. Quelles méthodes trompeuses voudrait-on cacher en refusant la main tendue du législateur ? Je note d’ailleurs que les militants extrémistes végans ne s’aventurent jamais dans ces abattoirs, préférant toujours s’attaquer violemment aux boucheries traditionnelles.
Au-delà de la situation scandaleuse et officielle des abattoirs, les filières d’abattage clandestines se développent, dans les caves, dans les rues, au moment de la fête de l’Aïd-el-Kébir, dans de plus en plus de territoires de non-France où s’applique un droit de substitution : la charia islamique. Ces méthodes barbares, répétées impunément chaque année, sont un corollaire du désastre causé sur notre civilisation par l’immigration et l’islamisation de notre pays.
Lors du colloque Vétérinaire, le professionnel garant du bien-être animal, qui s’est tenu au Sénat le 24 novembre 2015, les représentants de l’ordre des vétérinaires ont clairement rappelé le principe selon lequel « tout animal abattu doit être privé de conscience d’une manière efficace, préalablement à la saignée et jusqu’à la fin de celle-ci ». De son côté, la Fédération vétérinaire européenne (FVE) demande « l’étourdissement de tous les animaux, sans exception ».
En tout état de cause, dans un État laïque, il n’y a pas de raison que, sous prétexte de préceptes religieux, l’on autorise une maltraitance inadmissible à l’égard des animaux et que l’on installe un séparatisme alimentaire dans les rayons des supermarchés, dans les cantines scolaires et dans les établissements publics.
J’ai du mal à comprendre comment on peut vouloir interdire à un éléphant de réaliser des figures dans quelques cirques, mais passer sous silence l’abattage massif d’animaux agonisant pendant près de dix minutes avant de mourir. C’est faire preuve au mieux d’une hypocrisie, au pire d’une grande lâcheté.
Nous aurions eu tant à proposer à ce sujet : dresser un bilan des abus liés à l’abattage rituel des animaux de boucherie ; exiger la suppression de toute dérogation à l’obligation d’étourdissement préalable ; prendre a minima des mesures pour un étiquetage spécifique, automatique et clair de la viande provenant d’un abattage rituel, de sorte que les consommateurs ne soient pas pris en otage à leur insu ; rendre publics les rapports réalisés lors des contrôles par les services de l’État et les dérogations pour l’abattage rituel accordées par le préfet.
Il est temps de lever le voile sur ce qui se joue en catimini sur notre sol ! Mais tout cela est tellement scandaleux que vous préférez refuser d’en parler.
Je veux rappeler à ceux qui auraient encore des a priori étriqués que la Finlande, la Grèce, la Suisse, le Danemark, le Luxembourg et les Pays-Bas interdisent totalement ces pratiques.
M. Stéphane Ravier. Depuis 2015, l’article 515-14 de notre code civil proclame que les animaux sont « des êtres vivants doués de sensibilité ». Or force est de constater que cette affirmation de droit n’est pas suivie d’effet.
La lutte contre la maltraitance animale, si elle n’est pas globale, est une mascarade ! C’est pourquoi, mes chers collègues, je demande le renvoi en commission de ce texte avant que nous n’entamions nos débats, de sorte que la commission reconsidère sa position discriminante et injustifiée. En rejetant cette motion, vous vous rendriez complices, une fois de plus, de ces agissements insupportables et du délitement de nos institutions.
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure. Je regrette que M. Ravier et son collègue M. Masson puissent ainsi porter un jugement sur le travail de notre commission alors qu’ils n’en sont même pas membres.
Nous avons mené un travail approfondi, et ce depuis la fin du mois de février, avec cinquante auditions et plusieurs déplacements sur le terrain ont été organisés. Notre travail – je tiens à le dire – fut véritablement transpartisan.
Je vous suggère, monsieur Ravier, de venir discuter avec les rapporteurs la prochaine fois. Cela vous permettrait de présenter vos arguments. Le périmètre de cette proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale est déjà circonscrit ; il serait inconstitutionnel de l’étendre.
Dans la mesure où le travail a été correctement mené, de manière transpartisane, et où nous avons été force de propositions, la commission émet évidemment un avis défavorable sur la présente motion tendant à opposer le renvoi en commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 222, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme la présidente de la commission applaudit également.)
M. Franck Menonville. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le 28 janvier 2015, le Parlement français reconnaissait aux animaux la qualité d’« êtres vivants doués de sensibilité ». Si nous étions loin d’une révolution – les sanctions contre la maltraitance des animaux sont bien antérieures –, il s’agissait tout de même d’une nouvelle étape dans une dynamique qui continue aujourd’hui via la présente proposition de loi.
Nos concitoyens ont à cœur le bien-être des animaux. L’opinion publique est de plus en plus sensible aux cas de maltraitance. L’affaire des chevaux mutilés a choqué et révolté les Français, à juste titre. Plusieurs propositions de loi émanant de diverses tendances politiques sont à l’origine du texte que nous examinons aujourd’hui.
Je ne doute pas qu’un très large consensus existe bien évidemment à l’encontre de la maltraitance animale. Toutefois, j’admets avec plus de réserves l’existence d’un consensus sur la définition même de la maltraitance. À écouter certains mouvements, tout animal domestique serait un animal maltraité en puissance…
Si nous voulons être sérieux, nous devons éviter tout raccourci. En effet, la réalité est bien plus complexe. L’histoire de l’humanité est intimement liée à celle de l’animal, et ce depuis des millénaires. L’animal est partie intégrante de notre condition d’homme. Ces relations doivent néanmoins être empreintes de respect et de dignité. La cruauté envers les animaux n’a pas sa place dans notre société ; elle constitue d’ailleurs un indicateur de son niveau de développement.
Je me félicite que la commission ait renforcé les sanctions de plusieurs actes de maltraitance. Les sévices et les atteintes sexuelles sont ainsi plus lourdement punis. De nouvelles circonstances aggravantes ont été créées, afin de mieux protéger les animaux, ainsi que les enfants, lorsque ces actes sont malheureusement perpétrés sous leurs yeux.
De même, la commission a intégré de nouvelles dispositions destinées à lutter contre les trafics d’animaux. L’amende encourue est ainsi portée de 7 500 euros à 30 000 euros. Il était temps de rendre la sanction enfin dissuasive !
En dehors des actes de cruauté, la commission a sauvegardé le plus possible le principe de liberté ; nous le saluons. Ce texte comportait initialement nombre d’interdictions qui satisfaisaient probablement certaines orthodoxies, mais qui demeuraient très éloignées de la réalité de terrain.
Deux sujets me semblent bien illustrer ce point. L’interdiction générale de la détention d’animaux non domestiques dans les cirques et les delphinariums aurait eu un effet négatif sur la conservation des espèces et sur l’information du public. La solution retenue par la commission permet d’assurer la surveillance des cas de maltraitance, ainsi que leur sanction, y compris, le cas échéant, par la fermeture de l’établissement concerné.
Dans la même logique, l’interdiction générale de la vente d’animaux par les animaleries ne résolvait pas les problèmes soulevés. Les animaleries dans notre pays sont professionnelles. Elles jouent un rôle important de responsabilisation, de sensibilisation et d’information du public. Plutôt que d’interdire purement et simplement une activité, nous préférons qu’elle soit encadrée et contrôlée, de sorte qu’elle puisse se dérouler dans des conditions satisfaisantes.
C’est en renforçant la relation entre l’humain et l’animal que nous ferons reculer la maltraitance. La France détient aujourd’hui le triste record européen de l’abandon d’animaux. Ce fléau touche chaque année plus de 100 000 d’entre eux. Les animaux ne sont pas les égaux des humains, mais ils sont des êtres vivants, et non des jouets. Adopter un animal de compagnie n’est pas un acte anodin ; c’est un engagement dans la durée.
Le certificat d’engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce est une mesure essentielle qui présente le mérite de matérialiser la prise de responsabilité de l’acheteur et de lui transmettre les informations importantes.
Je veux saluer le travail remarquable de Mme la rapporteure, qui a su apporter à ce texte complexe et sensible l’équilibre et le pragmatisme nécessaires. C’est pour cette raison que notre groupe n’a déposé que très peu d’amendements.
En renforçant la protection des animaux contre les actes de maltraitance et en améliorant l’information de nos concitoyens, la commission a su trouver les points d’équilibre dont le texte avait besoin. Notre groupe soutiendra l’adoption de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi qu’au banc de la commission.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, alors que l’humanité est responsable de la sixième extinction de masse du vivant, il nous faut rompre avec cette conception dépassée selon laquelle la nature et les animaux seraient des objets et avec le mythe d’une humanité triomphante au-dessus de la nature.
Même s’il ne s’agit évidemment pas de mettre l’homme et l’animal sur un pied d’égalité, la frontière construite entre eux est artificielle et conceptuelle. Les études en éthologie le démontrent chaque jour.
Oui, il est grand temps d’admettre que, dans notre société, la souffrance infligée aux animaux doit être pleinement prise en considération. Ce sujet transpartisan n’est pas une mode ; c’est une préoccupation sérieuse, profondément politique, voire philosophique. Nous nous félicitons que le Parlement s’en empare.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’est globalement satisfait du texte issu de l’Assemblée nationale, qui constituait une étape bienvenue dans la lutte contre la maltraitance et apportait une première série de mesures attendues par nos concitoyens, notamment sur l’amélioration des conditions de cession et de détention des animaux de compagnie, ainsi que sur le renforcement des sanctions contre la maltraitance.
Mais ce texte ayant un périmètre volontairement restreint, il est loin de s’attaquer à tous les aspects de la souffrance animale. Cela se comprend en ce qui concerne l’élevage, dont les implications humaines, agricoles, économiques et alimentaires sont nombreuses et doivent être envisagées comme un tout. C’était d’ailleurs la démarche que mon groupe avait poursuivie en déposant la proposition de loi pour un élevage éthique, juste socialement et soucieux du bien-être animal, examinée au printemps dernier.
Nous n’oublions pas ce sujet. Lutter contre la souffrance animale passe par un changement de modèle agricole, en particulier des conditions d’élevage. Il ne serait pas raisonnable de l’examiner dans ce cadre ; nous en prenons acte. En revanche, il est tout à fait regrettable que, une fois de plus, le débat sur les pratiques cruelles de chasse nous soit refusé et soit absent d’un texte traitant notamment de tous les sévices que les humains font subir aux animaux dans le cadre de leurs divertissements.
Mettre fin à la corrida, aux combats de coqs, à la chasse à courre ou encore au déterrage des blaireaux et des renards sont autant de combats qui demeurent d’actualité.
M. Laurent Burgoa. Laissez-nous vivre !
M. Daniel Salmon. Ce sont des pratiques d’un autre âge, que les Françaises et les Français rejettent dans leur écrasante majorité.
J’en viens à l’examen du texte par la commission. Sous couvert d’une potentielle perte de lien entre les animaux et les humains, la commission a opéré d’importants reculs. Nous regrettons notamment qu’elle ait largement amoindri la portée de l’article 12, lequel ne prévoit plus l’interdiction progressive de l’acquisition, de la détention et de la reproduction d’animaux sauvages dans les delphinariums et les cirques itinérants. C’était pourtant l’une des mesures phares du texte.
Il ne s’agit pas là de convictions personnelles. Les scientifiques sont unanimes. Comme le rappelle notre collègue Arnaud Bazin, il n’existe pas de mammifères non domestiques dont la physiologie et le comportement soient compatibles avec la vie dans un cirque itinérant ou un delphinarium.
Nous regrettons également la marche arrière sur l’interdiction de la vente de chats et chiens en animalerie, qui était une demande forte des associations de protection animale et de nos concitoyens.
En revanche, nous nous sommes retrouvés sur plusieurs sujets, en particulier celui de la reconnaissance juridique des familles d’accueil d’animaux abandonnés. Ces dernières sont l’un des maillons essentiels qui, sur le terrain, permettent aux animaux de retrouver un foyer. Il est légitime de doter les associations sans refuge d’un véritable statut législatif.
Nous saluons d’autres apports adoptés en commission, comme la création d’une circonstance aggravante pour les actes de cruauté sur un animal lorsqu’ils sont commis devant un mineur ou encore le renforcement des sanctions pour pénaliser drastiquement la zoophilie en France.
L’obligation pour les maires de stériliser les chats errants a été abordée. L’État doit clairement engager des moyens supplémentaires pour soutenir les collectivités dans cet objectif de politique publique. Nous pourrons en débattre lors de l’examen du projet de loi de finances.
Notre groupe défendra plusieurs amendements pour réintégrer ce qui a été détricoté en commission et pour renforcer l’ambition du texte, notamment s’agissant de l’amélioration des conditions de détention des animaux de compagnie et des animaux sauvages lorsque c’est autorisé.
Il nous paraît important d’avancer ensemble sur ces sujets de société, en vue d’une meilleure prise en compte du bien-être animal. Nous espérons que l’ambition du texte ne sera pas davantage amoindrie au cours de nos débats en séance. Cette proposition de loi doit marquer le début d’une série de mesures fortes en faveur de la cause animale et d’une meilleure prise en compte des enjeux éthiques, écologiques et sanitaires.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires continuera à lutter contre la maltraitance animale, toute la maltraitance. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (M. Alain Richard applaudit.)
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, les Français aiment les animaux. Ils les aiment tellement qu’ils en possèdent beaucoup : 15 millions de chats, 8 millions de chiens. Voilà des chiffres qui placent la France dans le peloton de tête européen aux côtés de l’Allemagne et de l’Italie.
Pourquoi un tel engouement ? Montée de l’individualisme ? Explosion des banlieues pavillonnaires ? Nouvelles formes de solitude ? Repli familial au détriment d’autres formes de sociabilité ? Quoi qu’il en soit, on observe une réciprocité accrue entre l’homme et l’animal. Nous ne pouvons que nous en réjouir, d’autant que cette évolution est récente.
Il a fallu attendre 2015 pour que le Parlement reconnaisse aux animaux la qualité symbolique d’« êtres vivants doués de sensibilité ». Le texte qui nous est soumis aujourd’hui s’inscrit dans cette logique, au titre de laquelle le respect et la dignité de l’animal ne doivent pas se cantonner à de vaines paroles. Car beaucoup reste à faire.
Nous aimons les animaux, mais nous les abandonnons aussi beaucoup. La France reste le pays d’Europe où l’on abandonne le plus d’animaux domestiques. Ils sont ainsi environ 200 000 par an à connaître ce sort. Et l’été 2021 ne les a pas épargnés, loin de là !
La Société protectrice des animaux (SPA) relève que près de 17 000 animaux ont été recueillis dans ses refuges entre le 1er mai et le 31 août 2021. Le chiffre est à son plus haut niveau historique en période estivale. Il s’agit là d’une augmentation de 7 % par rapport à 2019, la précédente année record.
Le texte proposé par les députés Loïc Dombreval, Laetitia Romeiro Dias et Dimitri Houbron entend remédier à cette crise de l’abandon, notamment par le biais du certificat de sensibilisation pour les futurs détenteurs d’animaux de compagnie. La rapporteure de la commission des lois du Sénat a d’ailleurs considéré qu’une période de réflexion de sept jours était nécessaire entre l’obtention du certificat et l’acquisition de l’animal. Je me réjouis de son initiative !
Plus généralement, je salue le travail et l’expertise de Mme la rapporteure, qui, au cours de nos débats en commission, a privilégié l’apaisement et l’esprit de consensus plutôt que les rapports de force politiques.
Je souhaite à présent aborder trois sujets, en commençant par l’épineux problème de la stérilisation des chats. Les associations de protection animale sont débordées par les abandons de chats. Or le contrôle des populations de chats errants sans propriétaire recouvre des enjeux de santé publique et de protection animale.
La proposition de loi issue de l’Assemblée nationale rendait obligatoire en son article 4 la faculté pour le maire de faire procéder à la capture, à la stérilisation et à l’identification des chats errants. Mais la rapporteure de la commission du Sénat a qualifié cette disposition de « vœu pieux, mesure d’affichage au détriment des élus locaux […] en l’état inacceptable ». Ces mots me paraissent quelque peu excessifs.
Je partage pleinement les objectifs du rapporteur de l’Assemblée nationale. Il y a 10 millions de chats errants sur notre territoire. C’est surtout cela qui est inacceptable. Faute de moyens suffisants, l’obligation imposée ne pourra être pleinement assumée par tous les maires. Je rappelle que la stérilisation d’un seul chat coûte 120 euros. Dans mon département, la Drôme, certaines petites communes ne pourront pas assumer seules une telle charge. Enfin, il conviendrait d’opérer de manière simultanée sur les communes d’un même territoire pour que la stérilisation soit efficace.
Je le sais, c’est un sujet prioritaire qu’il nous faudra résoudre rapidement. Mettons-nous autour d’une table – associations, parlementaires, maires, Gouvernement –, afin de réfléchir collectivement à une issue pérenne.
J’en viens aux animaleries. Doit-on interdire toute vente d’animaux de compagnie dans ces établissements ? C’est ce que proposait le texte à l’issue des débats au Palais-Bourbon. Cette mesure me paraît aller trop loin et pourrait avoir des effets sur les 30 000 emplois concernés par les jardineries et animaleries. Notre rapporteure a réécrit la disposition concernée en réintroduisant la vente d’animaux de compagnie, tout en incitant à la mise en place de partenariats entre refuges et animaleries. Cette réécriture va dans le bon sens, mais nous souhaitons aller plus loin. Nous proposerons que seuls les chiens et chats issus d’une association de protection des animaux ou d’un élevage puissent être autorisés à la vente.
Enfin, je souhaite revenir sur l’article 12. Comme je l’ai indiqué, tout animal est un être sensible : le proclamer, c’est bien ; en tirer toutes les conséquences, c’est encore mieux. À ce titre, les animaux exhibés dans les cirques itinérants n’ont pas leur place dans des cages exiguës. Nous pouvons tous convenir que de telles conditions d’existence sont d’un autre âge.
L’opinion publique en est consciente. Ainsi, il nous paraît cohérent d’en rester à la version de l’Assemblée nationale : interdire à terme la détention de la faune sauvage dans les cirques et les delphinariums. Sur ce sujet, nous ne partageons pas une vision trop timide et source de complexité. C’est pour notre groupe un vrai point de divergence.
La maltraitance animale est véritablement un enjeu de société, d’autant que nous avons pris un certain retard par rapport à d’autres pays européens. Le Royaume-Uni a adopté une série de mesures plus offensives. À l’aube de la présidence française de l’Union européenne, notre main ne doit pas trembler. Il est nécessaire d’aller aussi loin que possible, mais avec méthode et concertation. C’est pourquoi il nous semble important de conserver l’essence de ces mesures. Notre groupe se positionnera donc en fonction de l’évolution des discussions. (M. Alain Richard applaudit.)