Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 26, 38 et 32 rectifié, mais un avis favorable sur les amendements identiques nos 16 rectifié, 25 et 37, identiques à l’amendement n° 50 du Gouvernement.
Ces amendements identiques tendent à supprimer la règle d’or pour les raisons que j’ai exposées précédemment, notamment pour éviter tout risque d’effet contracyclique durant la période de reprise économique que nous traversons.
Le Gouvernement demande par ailleurs le retrait de l’amendement n° 28 au profit de l’amendement n° 51. Nous sommes d’accord avec la première partie de cet amendement, qui porte sur les PEPSS, mais non avec la seconde. À défaut de retrait, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement rédactionnel n° 55.
Son avis sera également favorable – vous me prêtez de mauvaises intentions, monsieur le rapporteur ! (Sourires.) – sur l’amendement n° 44 rectifié visant à limiter à trois ans le diagnostic contenu dans les REPSS. Il n’est nul besoin, en effet, de remonter à la création des lois de financement de la sécurité sociale !
Enfin, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 30.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je tiens tout d’abord à signaler que, pour la première fois de notre histoire, la dette de la sécurité sociale dépasse celle des collectivités locales – qui sont, elles, soumises à la fameuse règle d’or.
Il ne serait donc pas absurde de mettre fin aux dépenses de confort. Certes, il s’agit d’un bon confort, non d’un mauvais confort ni d’un « surconfort » ! Il reste que nous ferons payer ces dépenses à nos enfants, pour notre bénéfice.
Il faut retrouver le chemin de l’équilibre. Or ce chemin, monsieur le secrétaire d’État, est défini à l’article 34 de la Constitution, dont découle la loi organique : « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier » – non de son déséquilibre permanent ! – « et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses. » C’est ce qui est dit dans la Constitution, madame Apourceau-Poly !
On peut vouloir changer les termes de la Constitution, mais je ne pense pas que tel soit l’objectif d’une loi organique.
Enfin, tout ceci s’inscrit dans des lois de programmation pluriannuelle, ces orientations pluriannuelles s’inscrivant « dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ».
Le texte prévoit une méthode pour suivre les lois de financement de la sécurité sociale. On nous objecte que ce n’est jamais le bon moment pour le faire, mais la loi organique n’est pas une loi du moment, monsieur le secrétaire d’État ! Il n’est pas question d’y revenir toutes les cinq minutes !
La proposition très raisonnable de M. le rapporteur devrait être écoutée. On peut discuter des dates. Nous comprenons la crise du covid-19, d’autant que nous en vivons encore les conséquences. La méthode suggérée ne m’en paraît pas moins pertinente.
L’objectif de la règle d’or est de dégager des recettes afin de pouvoir faire des investissements, notamment dans l’hôpital public. Ne nous y trompons pas ! Cela ne pose aucun problème, car nous avons pris beaucoup de retard. En vérité, nous nous sommes endettés pour couvrir les dépenses courantes, non pour préparer l’avenir de nos hôpitaux et faire face aux pandémies.
Je voterai contre les amendements de suppression de la règle d’or, qui est bonne mesure, la seule très grande mesure de ce texte d’ailleurs…
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas la seule !
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Nous ne pouvons pas vivre éternellement au-dessus de nos moyens. Nous sommes tous attachés à notre modèle social. Il faut trouver le financement nécessaire pour le maintenir. Nous ne pourrons pas éternellement faire supporter le coût de nos soins et de nos prestations sociales à nos enfants. Il faut être réaliste !
Je sais bien que nous sommes dans une période marquée par le « quoi qu’il en coûte ». Tous les jours, des mesures sociales sont annoncées, qui coûtent toujours plus cher, sans qu’il soit jamais question de leur financement. Il faudra pourtant bien y réfléchir un jour, pour ne pas courir le risque de mettre à bas notre modèle social !
La règle d’or me paraît donc un moindre mal. Elle a au moins l’avantage de nous contraindre à définir une politique et une stratégie. Elle montre que nous sommes soucieux de parvenir un jour à l’équilibre afin de ne pas faire porter le poids de notre dette à nos enfants.
Il est important de se préoccuper d’efficience. L’exemple de l’augmentation des salaires a été évoqué précédemment. Nous trouvons tous que les salaires des aides à domicile ou des personnes qui travaillent dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sont insuffisants. Toutefois, augmenter leurs salaires, lesquels sont pris en charge par le biais de l’allocation personnalisée d’autonomie ou d’autres prestations, sans accroître les budgets, conduit à une diminution du nombre d’heures travaillées.
La mesure de l’efficience permet de vérifier, lorsqu’on déploie une politique assortie d’un certain nombre de moyens, qu’elle produit les effets attendus et non des effets délétères semblables à ceux qui peuvent se produire lorsqu’on modifie une certaine politique. La notion d’efficience est donc cruciale.
Nous voulons un système de retraite par répartition. Dans un tel système, les actifs d’aujourd’hui financent les pensions des retraités actuels. Financer ces prestations par la dette revient à faire supporter leur coût par les générations futures, donc à remettre en cause le principe de la répartition auquel nous sommes majoritairement attachés – même si d’autres modèles, supplémentaires ou complémentaires, pourraient être envisagés.
Pour avoir une vision globale, il est important que le Parlement puisse étudier, par le biais des annexes, ce qu’il se passe au niveau des régimes complémentaires.
Nous sommes attachés à la gestion des régimes complémentaires par les partenaires sociaux. C’est pourquoi nous veillerons, au Parlement, à empêcher toute étatisation de ces dispositifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Depuis mon élection en 2014, depuis même que je m’intéresse aux projets de loi de financement, je n’ai vu que des gestions comptables.
Entre 2013 et 2018, le taux de progression de l’Ondam était de 2 % par an, alors que les dépenses de l’hôpital augmentaient de 4 % par an, simplement pour assurer la gestion quotidienne, sans augmenter les salaires.
La gestion a ensuite été un peu moins comptable, l’Ondam ayant été porté à 2,5 %. Un important déficit subsistait néanmoins en matière de rémunération, bien que des mesures aient été prises dans les services d’urgences.
J’en viens à la règle d’or. Il est possible de fixer des objectifs intégrant des financements pour les hôpitaux, la médecine de ville et les établissements médico-sociaux sur un temps plus long. C’est ce que j’ai retenu des propos de M. le rapporteur. Toutefois, en cas circonstances exceptionnelles, comme une nouvelle pandémie, il serait possible déroger à cette règle.
La règle d’or consiste à mon sens à bien estimer les besoins des hôpitaux, des établissements médico-sociaux et en matière d’aide à domicile. D’après ce que j’ai lu, l’année prochaine, environ 200 millions d’euros seront dégagés pour les Ehpad, autant dire rien. En effet, cela représente à peine une aide-soignante par Ehpad ! Je reconnais néanmoins que des efforts sont réalisés pour le maintien des patients à domicile.
Il n’en demeure pas moins que des projections devront être effectuées dans les cinq ans à venir pour les hôpitaux, la médecine de ville et surtout les établissements médico-sociaux, un grand nombre de personnes âgées étant attendues à partir de 2030. Il faut élaborer une projection à cinq ans, fixer des objectifs chiffrés et s’y tenir.
Je voterai par conséquent pour la règle d’or et pour le maintien et le renforcement de la sécurité sociale afin d’améliorer la gestion de l’hôpital, de la médecine de ville et des établissements médico-sociaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Le débat n’oppose pas d’un côté les personnes responsables, cautions d’une bonne gestion et partisanes de la règle d’or, et de l’autre les dépensiers qui ne voudraient pas inscrire cette règle dans la loi.
Notre groupe est attaché à la bonne maîtrise des finances publiques et des comptes sociaux, ainsi qu’au retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Pour rappel, nous n’étions pas loin d’y parvenir avant la crise sanitaire. Pourtant, la règle d’or n’était pas inscrite dans la loi organique !
L’idée d’une règle d’or peut et doit probablement être débattue. Elle peut être pertinente par temps calme, en période normale. Toutefois, si tout va mieux aujourd’hui et si la crise semble, au moins temporairement, voire, je l’espère, de manière pérenne, s’éloigner, nous n’en sommes pas certains.
Nous l’avons peut-être un peu oublié, mais si la dette a augmenté, c’est parce que des dépenses ont inexorablement dû être effectuées pour faire face à cette crise sanitaire. Il a fallu notamment remettre les hôpitaux à flot, en les dotant de personnels. Des soignants étaient encore dans la rue pas plus tard qu’hier. SOS Médecins revendique en particulier une revalorisation des visites à domicile, dont les cotations sont actuellement sous-évaluées.
Il nous semble donc que cette période n’est pas propice à l’inscription de la règle d’or dans le projet de loi organique. Pour toutes ces raisons, nous voterons les amendements qui ont pour objet de la retirer de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. En plus de défendre l’amendement n° 25, je veux souligner qu’il faut bien mesurer les conséquences de l’inscription de cette règle d’or dans le texte. Il n’y aura plus d’autre choix pour les gouvernements à venir que de réduire les dépenses de la sécurité sociale. Ils ne pourront pas, par exemple, décider de les augmenter pour améliorer les remboursements des frais de santé de nos concitoyens. Par conséquent, vous allez continuer d’affaiblir notre système de sécurité sociale et l’orienter encore davantage vers un financement par l’impôt.
Comme je l’ai déjà dit, notre groupe est favorable à l’arrêt des exonérations de cotisations patronales. En effet, vous le savez bien, l’assèchement des recettes de la sécurité sociale résulte non seulement de l’accroissement exponentiel du chômage, mais aussi de l’absence de stratégie industrielle ambitieuse. Tout cela nuit aux recettes de la sécurité sociale.
Je veux rassurer ceux de mes collègues qui craignent que nos propositions ne mettent en difficulté les entreprises, notamment les PME. Ce n’est pas du tout le cas, car nous voulons aussi développer un financement via une contribution sur les revenus financiers des entreprises qui serait modulée selon leur politique sociale, environnementale et économique. On pourrait ainsi garantir l’accès universel à des soins de qualité dans l’ensemble du territoire hexagonal et dans les outre-mer.
Chacun d’entre nous doit assumer le projet qu’il soutient. Défendre cette règle d’or, c’est privatiser la santé en limitant volontairement le budget des hôpitaux, notamment. Nous nous y refusons et c’est la raison pour laquelle nous présentons l’amendement n° 25.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Daniel Chasseing a raison lorsqu’il dit que la gestion a été comptable. En réalité, cela n’a pas duré de 2013 à 2018, mais de 2010 jusqu’à la survenue de la pandémie, soit une décennie. Par quel mystère un tel constat, qui est loin d’être celui d’un succès, peut-il aboutir à l’instauration d’une règle d’or ? Le tête-à-queue est spectaculaire ! C’est la signature de ceux qui ne voient dans la dépense sociale qu’une charge qui pose des problèmes au pays.
Or nous sommes convaincus, pour notre part, que notre système de protection sociale est un atout qui permet aux Français de mieux vivre ensemble, parce qu’il leur assure une protection commune.
Je considère comme une maladresse d’expression la formule de notre collègue Bascher, car il ne s’agit évidemment pas de dépenses de confort, mais de dépenses vitales et nécessaires dans le parcours de vie de chacun.
Parmi les questions qui se posent, il y a notamment celle de la pérennité des recettes de notre système de protection sociale. Cependant, vous voulez instaurer une règle d’or en l’inscrivant dans un texte qui n’aborde le sujet que sous le prisme des dépenses. Le mot « recettes » est devenu tabou.
Pourtant, les collectivités locales – j’en parle parce que vous les avez évoquées – ont mis le sujet sur la table, ce qui a donné lieu à de nombreux débats avec le Gouvernement, à la suite des réformes de la fiscalité locale. Néanmoins, quand il s’agit de protection sociale, on ne parle plus des recettes.
La règle que vous voulez établir figera l’équilibre et je souscris aux arguments qui ont été présentés sur la grande brutalité que représentera l’inscription de cette règle, dans le contexte actuel. Si vous persistez, il faut au moins commencer par ouvrir un débat sur les recettes, qui abordera la question de manière complète et qui permettra de déterminer ce que doit être l’équilibre de notre système de protection sociale et comment celui-ci doit être garanti. En effet, nous vous donnons acte du fait que cet équilibre est l’une des garanties de la pérennité du système. C’est effectivement le cas, dès lors que l’équilibre n’est pas obtenu sous l’effet d’un esprit de système selon lequel il faudrait sans cesse diminuer les recettes et comprimer la dépense.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Certains en viendront bien sûr à agiter le problème de la dette. Avant d’en parler, qu’il s’agisse de la dette de la sécurité sociale ou de la dette publique, il serait bon de faire un audit pour déterminer comment cette dette s’est construite.
Il y a bien sûr, chacun le sait, l’événement exceptionnel de la crise du covid-19. Cependant, d’autres éléments ont favorisé cette dette sur un temps plus long, à l’échelle d’une décennie, voire plus, comme l’a rappelé le sénateur Jomier.
Le sénateur Chasseing doit pousser son raisonnement jusqu’au bout. L’Ondam est resté, systématiquement, des années durant, inférieur à ce qu’aurait nécessité une logique de besoins, procédant d’un calcul presque mathématique, pour que l’on ne soit pas obligé d’interdire à partir du mois de novembre de l’année en cours certains remboursements ou de refuser de dispenser des soins en urgence. Cette logique, chacun le savait, poussait à aller au-delà des 4 %. Pourtant, on en est resté là et c’est ainsi que la dette s’est constituée. En effet, la dette de l’hôpital n’est pas qu’immobilière. Elle résulte aussi d’un fonctionnement complètement décalé.
Cela revient à dire que nous n’avons pas forcément vécu au-dessus de nos moyens, mais que les recettes ont été en dessous de nos besoins, comme l’a rappelé le sénateur Jomier.
Il faut aussi en finir avec l’argument d’une dette que l’on transmet aux enfants. On dit depuis longtemps qu’ils subiront une dette écologique, alors que nous devons déjà faire face à ses conséquences. En réalité, notre système de protection sociale développe une politique de l’enfance et consacre aux enfants un certain nombre de dépenses. En fait-on suffisamment ? Est-il normal que, quand il a des idées suicidaires, un enfant doive attendre neuf mois pour être examiné par un pédopsychiatre ? Est-il normal que, lorsqu’il est en situation de handicap, un enfant n’ait pas forcément un accompagnateur ?
L’insuffisance des dépenses qui leur sont consacrées pénalise déjà les enfants, sans qu’il y ait besoin d’attendre demain pour que les générations futures subissent les effets de la dette.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Hier, lors de la discussion générale, notre collègue Véronique Guillotin se demandait ce que les médias et les citoyens retiendraient de nos débats. Je souscris à ses propos.
Les amendements qu’ont présentés un certain nombre de mes collègues nous privent des outils que nous souhaitions introduire dans cette loi organique. Pourquoi ajouter ces outils de gestion et de pilotage de notre système social ?
Contrairement à ce que disait Mme Poncet Monge, je considère que nous avons un contrat d’engagement envers les générations futures. On peut transmettre à nos enfants un patrimoine ou un héritage. Lorsque notre pays engage des dépenses importantes pour développer un système social qui protège chacun d’entre nous, on doit aussi pouvoir dire à quel moment on remboursera cette dette. Pour mener un projet d’investissement, il faut établir un plan pluriannuel de dépenses. Il en va de même pour la dette sociale : nous devons prévoir à quel moment elle pourra être remboursée… ou pas.
La règle d’or peut ainsi s’entendre comme un contrat d’assurance pour les générations futures, qui pourront elles aussi dépenser en fonction des besoins qu’elles auront déterminés. Nous ne pouvons pas les laisser dans l’idée que les finances seront exsangues au point qu’elles ne pourront décider de la politique sociale qu’elles voudront mener.
Quant à l’efficience, elle ne se mesure pas seulement par la quantité, mais aussi par la qualité. Je considère que la revalorisation des salaires est un investissement d’avenir. Il me semble en effet que, en France, dans les secteurs sanitaire et médico-social, les salaires sont beaucoup trop bas et ne témoignent pas de la reconnaissance que nous devons avoir envers ceux qui nous soignent et qui sont auprès des personnes les plus fragiles.
La revalorisation des salaires ne doit donc pas être envisagée comme une dépense, mais comme une recette au profit de ces catégories de personnel, en compensation des difficultés morales qu’elles affrontent.
Ces outils sont importants et nous devons les inscrire dès aujourd’hui dans la Constitution.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. J’apprécie le débat que nous avons, mais je considère avant tout qu’il y a des dépenses et des dettes utiles. Nous parlons tous de l’avenir de nos enfants et du fait qu’il faudra expliquer aux générations futures les dettes que nous avons laissées.
Cependant, que fait-on pour les jeunes qui vont actuellement à la fac, qui logent dans des piaules de vingt mètres carrés – je suis généreuse ! – et qui font la queue à la Banque alimentaire ou au Secours populaire pour être aidés ? Les laissera-t-on mourir, avec cette règle d’or ? Qu’ira-t-on leur expliquer dans quelques années ?
Les difficultés sont pourtant visibles. Aujourd’hui les psychologues étaient dans la rue. Toutes les sages-femmes étaient mobilisées dans les hôpitaux, le week-end dernier. Et l’on parle de règle d’or ?
La règle d’or, aujourd’hui, c’est la réduction des dépenses publiques ! La règle d’or, demain, c’est moins de fonctionnaires, et des hôpitaux vidés de leur personnel ! Voilà ce qu’est la règle d’or !
Il ne faut pas s’y tromper. Appliquer la règle d’or, « quoi qu’il en coûte », c’est moins de personnel dans les services publics. Or je considère que, dans la situation où nous sommes, nous avons besoin de développer l’éducation et les services de santé. Les personnes qui vivent dans les villes, autour de nous, ont besoin d’avoir davantage accès à la santé et à l’éducation.
Par conséquent, je ne crois pas que l’on dépense à outrance, bien au contraire. Il est normal de soigner les gens, il est normal que les jeunes aient des professeurs en face d’eux.
Comment donc peut-on parler de règle d’or, alors que la crise liée à la pandémie n’est pas terminée ? On n’arrête pas de nous le dire, et nous le constatons effectivement, même si la situation s’est un peu améliorée. Nous devons donc veiller à ce que, dans les hôpitaux, le personnel soit en nombre suffisant, tout comme à l’école, pour aider les jeunes et les familles qui sont en difficulté. Je ne crois pas que nous pourrons le faire en appliquant cette règle d’or, qui exige que l’on supprime certaines dépenses publiques. Je tiens en effet à rappeler que la dépense publique, c’est l’égalité des citoyens. Je suis donc pour la dépense publique ! (Mme Laurence Cohen applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je veux partager un témoignage sur l’efficience dans l’utilisation des moyens publics, notamment dans le secteur social et médico-social.
Depuis sept ans que je siège au Sénat, je travaille de très près tous les budgets, notamment ceux qui sont liés au domaine du handicap, soit à peu près 31 milliards d’euros, quand on cumule l’ensemble des acteurs. Cela fait sept ans que tous les acteurs nous expliquent que, à cause d’un problème d’organisation ou de « tuyauterie », les sommes consacrées, aussi importantes soient-elles, ne permettent pas de régler tous les problèmes.
Ils nous disent donc tous qu’il faut réorganiser le secteur et pourtant ils ne le font pas. Pourquoi ? Parce que, chaque fois qu’un problème surgit, on déplore le manque de moyens et on rajoute de l’argent. Puis, on se rend compte qu’il n’y a toujours pas assez de moyens et on rajoute de l’argent. On ne règle ainsi jamais le problème d’organisation, alors que c’est l’essence même d’une utilisation efficiente des moyens publics.
Si l’on ne se fixe pas, à un moment donné, des limites et des contraintes, on continuera en permanence de répondre aux difficultés sans y répondre véritablement, alors même que les acteurs du secteur vivent ces difficultés comme une contrainte.
Il est essentiel que nous ayons la volonté de toujours mieux servir nos concitoyens en souffrance, mais pour le faire, nous devons agir dans l’ordre, en commençant par repenser notre organisation et l’utilisation des crédits publics mobilisés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. On n’a qu’à taxer les revenus du capital !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. J’apprécie les propos que Philippe Mouiller vient de tenir, car ils illustrent parfaitement le débat que nous avons eu et que certains de nos collègues semblent mal comprendre. Plutôt que de mettre en cause leur honnêteté intellectuelle, je mettrai cela sur le compte de la politique politicienne…
Mme Laurence Cohen. De quel côté est-elle ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Je crois que vous vous trompez. La règle d’or est une règle d’équilibre. Il ne s’agit pas de réduire les dépenses. Mais, si les dépenses augmentent, il faut augmenter les recettes. Le principe est tout simple, c’est celui de l’équilibre.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Taxons les revenus du capital !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Libre à vous de penser que, pour cela, il faut davantage imposer le capital, mais nous devons en discuter. Cela fait partie de la règle d’or qui, je le répète, est une quête d’équilibre.
Nous savons que la pression démographique, notamment le vieillissement de la population, nécessitera d’augmenter les recettes. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Je dis simplement qu’il est de notre devoir de respecter l’équilibre pour les générations futures. Voilà ce qu’est la règle d’or.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 rectifié, 25, 37 et 50.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 175 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 127 |
Contre | 215 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 28.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 27, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Après la deuxième occurrence du mot :
mesures
insérer les mots :
, ainsi que leur impact sur les créations d’emplois et l’évolution des salaires
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cette série de votes donne l’impression de courir un marathon… (Sourires.)
L’annexe 5 du PLFSS qui retrace les différentes mesures d’exonération de cotisations sociales reste très sommaire quant à l’évaluation de ces dispositifs. Lorsque des évaluations aboutissent à constater l’inefficacité de certaines niches, celles-ci ne sont que fort rarement remises en cause. Or il ne s’agit pas de quelques euros, mais de milliards d’euros.
Il est donc indispensable que la représentation nationale puisse avoir une connaissance plus fine de l’utilisation par les entreprises de ces dispositifs. Pour favoriser la transparence, nous proposons a minima de disposer d’une évaluation précise et détaillée de l’impact des mesures d’exonération sur les créations d’emplois et les dynamiques salariales au sein de cette annexe. Puisque vous êtes favorables aux exonérations, voyons au moins si elles sont efficaces !
Dans son rapport de septembre 2020, France Stratégie évaluait l’effet total de ces mesures pour l’année 2016 à 100 000 emplois créés environ, pour un coût de 18 milliards d’euros, soit un coût moyen de 180 000 euros par emploi. Dans la mesure où le coût moyen pour un emploi en France est de 40 000 euros, mes chers collègues, vous jugerez de l’efficacité du dispositif…
Alors que, depuis des années, le Gouvernement et ceux qui l’ont précédé font de la réduction des dépenses publiques leur ligne politique, ces exonérations sont scandaleuses. Combien de temps encore acceptera-t-on que certaines grandes entreprises aient profité, durant la crise sanitaire, des aides mises en place par l’État, notamment les exonérations, et qu’elles aient augmenté, dans le même temps, les dividendes de leurs actionnaires, tout en supprimant des emplois ? Qui plus est, avec de l’argent public ! C’est inadmissible.
Faut-il rappeler que des personnes aux revenus modestes sont poursuivies, notamment dans le cadre des contrôles menés par les CAF, pour des montants dérisoires en comparaison de ces milliards d’euros ?
Il nous semble donc que ce serait la moindre des choses que de demander une évaluation de l’impact des mesures d’exonération sur les créations d’emplois.