M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 185.
M. Pierre Laurent. On le sait, la pandémie de covid-19 a entraîné de nombreux bouleversements dans notre société, pour les malades, les personnes âgées et les personnes handicapées en établissements.
L’incapacité de milliers de Français à accompagner un parent dans ses derniers jours, le délaissement des personnes âgées privées de visites, l’explosion du mal-être, font malheureusement partie du bilan de la crise sanitaire. Cette situation a même été qualifiée par certains praticiens de « recul inquiétant de civilisation ». Nous devons donc être vigilants sur cette question profondément humaine.
Nous pouvions espérer que, dans cette situation, un droit de visite opposable aux patients, aux familles et aux accompagnants soit garanti.
Or l’alinéa 12 prévoit l’inverse, puisque l’accès aux services et établissements de santé sociaux et médico-sociaux sera soumis à l’exigence d’un passe sanitaire pour les soins programmés, ainsi que pour les personnes qui accompagnent les patients. C’est donc une remise en cause du droit de visite des malades à l’hôpital, dans une situation déjà extrêmement dégradée de ce point de vue.
Même en partageant l’objectif qui est visé par le passe sanitaire, et quand bien même nous le discutons, nous pensons que cette contrainte est disproportionnée et déshumanisante et qu’elle n’est pas acceptable dans cette situation.
C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet alinéa.
M. le président. L’amendement n° 186, présenté par Mmes Assassi, Cukierman, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer les mots :
ainsi que pour celles qui y sont accueillies pour des soins programmés
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à supprimer l’obligation de présenter un passe sanitaire pour les patients accueillis pour des soins programmés.
Ainsi, les patients se rendant à l’hôpital pour un autre motif qu’une urgence, notamment un rendez-vous prévu de longue date, devront présenter un passe sanitaire valide. Cela peut paraître une mesure de bon sens, mais il faut examiner quelles conséquences elle peut entraîner dans ce contexte particulier.
Depuis le début de la pandémie, en raison des différents confinements, 47 % des Français ont reporté leurs soins. Notre crainte, c’est que cette mesure ne remette en cause l’accès aux soins des patients.
D’ailleurs, à ce même article, le Gouvernement propose que les tests deviennent payants ; nous savons que cela posera des problèmes aux patients qui sont les plus en difficulté financière. Je rappelle qu’un test PCR coûte environ 50 euros.
M. Alain Milon. Et les mutuelles ?
Mme Laurence Cohen. Le risque, c’est que ces patients ne remettent à plus tard leurs soins programmés, que leur état de santé ne s’aggrave et qu’ils ne reviennent à l’hôpital, aux services des urgences cette fois, ce qui n’est bon ni pour eux ni pour l’établissement.
Enfin, je m’interroge : n’y a-t-il pas là une entorse au serment d’Hippocrate ? « Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. » Il me semble que cette mesure peut y porter atteinte.
M. le président. L’amendement n° 182 rectifié, présenté par Mmes de La Gontrie et Lubin, M. Redon-Sarrazy, Mmes Rossignol, Le Houerou et Poumirol, MM. Leconte, Stanzione et Kanner, Mmes Monier, Harribey, Bonnefoy, Briquet, Artigalas et S. Robert, MM. Jomier et Fichet, Mmes Conway-Mouret et Lepage, MM. Cardon, Kerrouche, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La personne qui justifie remplir les conditions prévues au présent 2° ne peut se voir imposer d’autres restrictions d’accès liées à l’épidémie de covid-19 pour rendre visite à une personne accueillie et ne peut se voir refuser l’accès à ces services et établissements que pour des motifs tirés des règles de fonctionnement et de sécurité de l’établissement ou du service, y compris de sécurité sanitaire ;
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Nous souhaitons rétablir la rédaction complète adoptée par l’Assemblée nationale, qui nous paraît prendre en compte l’ensemble des situations auxquelles ont été confrontées les personnes en grande fragilité.
Le rapport de la Défenseure des droits du 4 mai dernier sur les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad témoigne d’un nombre important d’établissements ayant fait l’objet de réclamations et où les visites n’ont été possibles qu’à une faible fréquence : visites hebdomadaires, parfois moins fréquentes encore, voire bimensuelles, limitées à trente ou quarante-cinq minutes, sur des plages horaires pouvant être imposées et, en tout état de cause, systématiquement limitées à un ou deux visiteurs.
Plus encore, ce rapport mentionne que les aidants familiaux se rendant habituellement quotidiennement dans les Ehpad, notamment pour aider leurs proches à s’alimenter, n’ont guère obtenu de dérogations à ces limitations de visites. Il relate même des situations tragiquement ubuesques, telles que l’interruption brutale du repas en raison de la fin du temps de visite octroyé.
Les résidents et leurs proches ont rapidement constaté que le rapport entre le nombre de créneaux de visites et le nombre de résidents limitait de fait les possibilités de visites, notamment en raison de l’insuffisance de personnels des établissements mobilisés pour organiser et surveiller le bon respect des gestes barrières.
Pour les personnes d’ordinaire fortement entourées, notamment celles dont la famille est nombreuse, cela a conduit à étaler sur plusieurs mois les visites de leurs proches.
Les conditions de visite ont été couramment décrites comme celles d’un « parloir » de personnes en détention, sous la surveillance d’un membre du personnel. Le respect des gestes barrières – port du masque, respect d’une distance d’au moins deux mètres et, parfois, présence d’une paroi en plexiglas – a rendu la communication impossible, notamment avec les personnes souffrant de malvoyance, de déficience auditive ou de pathologies dégénératives.
Ces mesures sont inacceptables et indignes. Elles sont attentatoires aux droits et libertés fondamentaux et revêtent par là même un caractère disproportionné.
C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à instaurer un droit de visite effectif, pour éviter que les proches qui souhaitent rendre visite et accompagner les personnes accueillies dans les services et établissements de santé sociaux et médico-sociaux, particulièrement celles qui sont vulnérables ou en fin de vie, ne puissent se voir opposer un refus de visite sans raison réelle et sérieuse.
À titre personnel, j’ai vécu exactement tout ce qui est mentionné dans le rapport de la Défenseure des droits et que je viens de vous décrire. Et je ne suis certainement pas la seule.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Ces dispositions soulèvent des questions complexes. Je le rappelle, le texte de la commission apporte trois précisions importantes.
Premièrement, on ne peut pas exiger le passe sanitaire en cas d’urgence quand on accompagne quelqu’un ou quand on rend visite à quelqu’un.
C’est la traduction qu’a donnée le Gouvernement à la demande de Bruno Retailleau, qui a proposé une loi à cet égard : si l’on doit rendre visite à un parent dans les derniers instants de sa vie, on entre dans ces cas d’urgence et on n’a pas à produire le passe sanitaire. C’est clair et net, mais je préférerais que M. le secrétaire d’État le confirme.
M. Philippe Bas, rapporteur. Je sais que le Gouvernement l’a dit. Nous sommes absolument attachés à cette exigence humaine parmi les plus fondamentales au moment du grand passage, pour reprendre les termes mêmes utilisés par Bruno Retailleau dans son intervention en discussion générale.
Deuxièmement, il faut produire un passe sanitaire si l’on accompagne une personne accueillie dans un service médical ou qu’on lui rend visite.
Troisièmement, il faut un passe sanitaire si l’on est soi-même souffrant et que l’on doit subir des soins programmés à l’avance. Cela postule d’ailleurs que l’on a le temps de se mettre en état d’obtenir le feu vert, si j’ose dire, puisque ces soins sont programmés.
C’est d’ailleurs l’occasion de rappeler que le passe sanitaire n’est pas une interdiction d’accès. C’est même exactement le contraire : c’est une permission d’accès ! (M. le secrétaire d’État acquiesce.) En effet, il n’est pas difficile de se procurer le passe sanitaire si l’on a le temps d’anticiper une visite qui est prévue. En cas d’urgence, justement, on n’en a pas besoin.
Il faut mettre dans la balance les choix que l’on peut faire. Pendant le confinement, ce qui a été terrible, c’est que l’on a catégoriquement empêché les familles de se rendre au chevet des malades ou d’être auprès de leurs personnes très âgées. Ce fut une souffrance épouvantable dont chacun ici peut témoigner, car aucune famille de France n’a échappé à ce type de situation.
Toutefois, ne raisonnons pas par analogie. Aujourd’hui, il ne s’agit pas d’empêcher un quelconque accès, il s’agit de protéger les personnes hospitalisées ou en maison de retraite.
Il vous sera proposé tout à l’heure de voter l’obligation de vaccination pour les personnels. C’est une très lourde contrainte que, je pense, le Sénat assumera.
Il faut toujours essayer de se rattacher à quelques principes fondamentaux, ce que nous allons faire, puis de tenir notre cap, car les Français ont besoin de lisibilité dans l’action publique.
Pour ma part, mes chers collègues, je vous propose de ne pas adopter ces amendements, non pas que je ne partage pas les préoccupations de leurs auteurs, mais tout simplement parce qu’il me semble que les dispositions qui ont été adoptées en commission sont raisonnables et permettent de régler toutes les situations humaines que vous avez à l’esprit.
Mon avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je le rappelle, dans les cas qu’a évoqués Bruno Retailleau lors de la discussion générale et auxquels Brigitte Bourguignon a partiellement répondu, c’est-à-dire dans ce moment du grand passage vers l’au-delà, quand il s’agit d’accompagner nos proches dans leurs derniers instants de vie, on entre dans le cadre de ce que l’on considère comme une urgence. Par conséquent, la présentation du passe sanitaire ne sera évidemment pas exigée.
Pour le reste, vous l’avez bien compris, l’alinéa 12 vise à protéger les personnes qui sont accueillies dans ces établissements et services et qui sont particulièrement vulnérables.
En fait, nous essayons de créer une bulle de protection autour d’elles. Madame Cohen, si tel n’est pas le cas, on risque d’exposer ces personnes dont on sait qu’elles sont particulièrement vulnérables à l’introduction du virus dans leur établissement, d’autant que, comme l’a rappelé M. le rapporteur, il sera demandé aux soignants en exercice de se vacciner pour protéger ces personnes les plus vulnérables.
La protection des personnes les plus vulnérables a d’ailleurs été l’un des arguments que vous avez avancés il y a quelques heures pour refuser la généralisation du passe sanitaire. Nous cherchons tous à concilier tout à la fois l’accès aux soins et la protection des lieux où les plus vulnérables se font soigner.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Ces amendements ont leur importance. Nous sommes tous conscients que le volet humain est prioritaire.
Comme l’a rappelé M. le rapporteur Philippe Bas, nous avons tous en mémoire ce qui s’est passé lors du premier confinement, au cours de la période allant de mars à mai 2020 : malheureusement, tout autour de nous, voire dans nos familles respectives, se trouvaient des personnes complètement isolées.
N’oublions pas non plus le travail qui a été accompli dans ces établissements par les personnels soignants qui ont donné beaucoup d’eux-mêmes. Je rappelle que certaines familles ne pouvaient pas du tout entrer en contact avec leurs proches, ou parfois seulement par visioconférence, mais cela ne remplace pas du tout la présence humaine.
Je comprends et respecte tout à fait la teneur de ces amendements. D’ailleurs, hier soir, dans la discussion générale, plusieurs d’entre nous sont intervenus sur cette question. Pour autant, j’irai tout à fait dans le sens du rapporteur Philippe Bas.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 59, 119 et 185.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 144 rectifié, présenté par Mmes de La Gontrie et Lubin, M. Redon-Sarrazy, Mmes Rossignol, Le Houerou et Poumirol, MM. Leconte, Stanzione et Kanner, Mmes Monier, Harribey, Bonnefoy, Briquet, Artigalas et S. Robert, MM. Jomier et Fichet, Mmes Conway-Mouret et Lepage et MM. Cardon, Kerrouche et Bourgi, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Dans le droit en vigueur, seuls les déplacements extrahexagonaux étaient concernés par la présentation de documents attestant de l’absence de contamination au virus. Le champ d’application de la mesure était précisément circonscrit.
Tel n’est pas le cas de la notion de déplacement national de longue distance.
Alors que la présente mesure prévue par le projet de loi risque de limiter considérablement la liberté d’aller et venir, même si elle n’est pas conditionnée par une obligation vaccinale et reste limitée dans le temps, on ne peut que regretter l’imprécision de la formulation retenue par le Gouvernement. Dans ce cas précis, l’intelligibilité de la loi fait défaut.
Compte tenu de la couverture de transport différente selon les territoires et les modalités de transport – TGV ou TER –, qui ont une incidence directe sur le temps de déplacement, nous craignons un risque de rupture d’égalité entre citoyens.
Il n’est pas acceptable de renvoyer toutes les conditions d’application de ce dispositif à un décret, en dépit de l’avis du Conseil d’État en ce sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je ne suis pas favorable à cet amendement. Quand on prend l’avion pour Amsterdam, il faut avoir le fameux document européen ; en revanche, quand on prendrait l’avion pour Marseille – quoiqu’il soit alors sans doute préférable de prendre le train – ou pour Ajaccio, il ne le faudrait pas ?
Le voyage pour Amsterdam serait-il plus dangereux que le voyage pour Ajaccio ? Je vous laisse trouver la réponse. En ce qui me concerne, je me hasarderais à dire que non. Si vous pensez le contraire, votez cet amendement ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Nous avons déposé un amendement identique lors de l’examen de ce texte en commission.
Il est vrai que la commission des lois a assoupli la mesure. Le Sénat maintient les TER dans la liste des modalités de transport qui font l’objet d’une obligation de présentation de passe sanitaire, d’autant plus que le Gouvernement ne manquera pas de revenir à sa rédaction.
En effet, l’alinéa 13 étend le passe sanitaire aux longs trajets sur le territoire national par train, autocar ou avion. Nous ne reviendrons pas sur l’opportunité d’instaurer un passe sanitaire, mais nous nous arrêterons sur les modalités pratiques d’application : manifestement, ce n’est pas si simple !
De manière particulière, les discussions à la SNCF sont vives : tous les trains ne seraient pas concernés. Seuls le seraient les TGV et les trains Intercités, à l’exclusion des TER, ce qui est difficilement entendable.
Qu’est-ce qui motive de tels choix ? Pensez-vous réellement qu’il est plus dangereux, du point de vue sanitaire, d’être assis dans un TGV que de s’entasser dans le RER, comme c’est le cas actuellement ? Étant, comme d’autres ici, une usagère quotidienne du RER B, je sais de quoi je parle !
Aller travailler ne pose pas de problème ; en revanche, pour partir en vacances, il faut le passe sanitaire. Les motivations de ce champ d’application restent donc bien obscures.
D’ailleurs, la Défenseure des droits considère que « cette atteinte à la liberté d’aller et venir, envisagée de manière générale et sans information préalable délivrée suffisamment longtemps en amont, n’apparaît pas proportionnée à l’objectif de sauvegarder la santé publique qu’elle poursuit. »
Enfin, la question du respect de cette mesure est encore assez floue. En effet, bien que les quelque 3 000 agents de contrôle soient déjà rompus, depuis le premier confinement, à la mise en place, dans des délais extrêmement courts, d’un dispositif de contrôle physique en gare ou à bord des trains, cela pose la question des moyens humains, comme celle des habilitations des agents.
Il y a donc encore trop de questions en suspens, ce qui nous conduit à demander, nous aussi, la suppression de cette extension du passe sanitaire aux transports longs, tant que nous ne disposons pas de l’ensemble des éléments nécessaires.
C’est la raison pour laquelle nous soutenons cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je soutiens bien sûr l’analyse et les avis de notre commission, mais je souhaite que le ministre réponde à une question qui nous a été souvent posée et qui concerne le transport maritime, notamment entre le continent et un certain nombre d’îles au large de la Bretagne ou de la Vendée.
L’esprit du dispositif est que des passagers qui se côtoient sur une longue distance, donc pendant un long moment, dans un espace clos, doivent être soumis au passe sanitaire. Cela me paraît être une évidence, et l’adoption de ces amendements entrerait en contradiction avec cette règle.
Toutefois, qu’en est-il des bateaux qui assurent une continuité territoriale dans le même département, par exemple entre l’île d’Yeu et la Vendée, ou entre Belle-Île et le Morbihan ? Il s’agit de voyages plus courts, qui s’assimilent davantage au TER qu’au TGV.
Je voudrais obtenir ce soir une réponse du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Monsieur le président Retailleau, vous l’aurez ce soir, mais pas tout de suite, parce que nous sommes encore en phase de concertation.
Je ne puis vous apporter de réponse définitive à ce stade, je vous prie de m’en excuser.
Mme Éliane Assassi. Et sur le RER ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 180, présenté par MM. Iacovelli et Lévrier, Mme Evrard, MM. Rohfritsch et Haye et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) L’Assemblée nationale, le Sénat ainsi que les organes délibérants mentionnés au premier alinéa de l’article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales. Le présent alinéa ne s’applique que lorsque les organes délibérants mentionnés rassemblent un nombre de personnes au moins égal à un seuil défini par décret.
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Cet amendement a été déposé par notre collègue Xavier Iacovelli. Il vise, en soutenant pleinement le principe et la nécessité du passe sanitaire pour faire face à cette quatrième vague que nous connaissons, à étendre en cohérence l’obligation de présentation de ce passe à l’accès au Parlement et aux organes délibérants des collectivités territoriales.
Afin que le dispositif proposé ne soit pas excessif au regard des modalités d’application retenues par ailleurs, il est précisé que cette obligation ne s’appliquerait que lorsque ces lieux rassemblent un nombre de personnes au moins égal à un seuil défini par décret.
Le présent amendement vise bien évidemment à souligner l’enjeu de cohérence et d’exemplarité qui nous oblige sur ces travées. Il vise aussi, et c’est bien logique, à protéger ces établissements, puisque le virus entre aussi au Sénat, à l’Assemblée nationale ou dans les mairies.
M. le président. Merci de nous rassurer ! (Sourires.)
L’amendement n° 53 rectifié, présenté par M. C. Vial, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’accès à l’Assemblée nationale et au Sénat est soumis à la présentation du passe sanitaire.
La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Cet amendement a pour objet que l’accès à l’Assemblée nationale et au Sénat soit soumis à la présentation du passe sanitaire.
Dans un souci de cohérence, et pour être compris, il faut adopter des règles simples : à l’intérieur, un passe sanitaire ; à l’extérieur, pas de passe sanitaire. Ce principe assez simple et compréhensible devrait également s’appliquer aux assemblées parlementaires.
Ce serait aussi faire preuve d’exemplarité. Comment expliquer à nos concitoyens que les règles que nous sommes en train de définir et que l’on va leur imposer, ainsi qu’à tous les professionnels, ne s’appliqueraient pas à nous-mêmes ?
Cette volonté de protéger l’ensemble de la population, dans une situation pandémique qui devient de plus en plus difficile, avec un variant beaucoup plus dangereux, comment décider de ne pas l’appliquer à nous-mêmes, parlementaires, ainsi qu’aux agents et aux collaborateurs de l’Assemblée et du Sénat ?
Pour ces deux raisons d’exemplarité et de cohérence, il serait bienvenu que nous votions cet amendement, me semble-t-il.
On a entendu parler de risque constitutionnel… J’avoue ne pas croire à cet argument : je pense qu’il existe toute une série de possibilités pour que des parlementaires qui ne répondraient à ces critères puissent siéger, par exemple une dérogation du Bureau du Sénat. Ces mesures n’empêcheraient donc pas nos collègues parlementaires de siéger tous dans de bonnes conditions.
M. le président. L’amendement n° 54 rectifié, présenté par M. C. Vial, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’accès pour les parlementaires et les visiteurs à l’Assemblée nationale et au Sénat est soumis à la présentation du passe sanitaire.
La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à ne mettre en œuvre cette obligation que pour les parlementaires et les visiteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat, en considérant que les agents pourraient éventuellement relever d’une autre réglementation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le président, je vais vous donner l’avis de la commission, mais je sais déjà que le Premier questeur du Sénat souhaitera également prendre position sur ce sujet. Il vous dira quelles sont les intentions du Conseil de questure, en lien avec le président du Sénat, sur la transposition des règles adoptées dans la loi au fonctionnement de notre assemblée, qui naturellement se doit d’être tout à fait exemplaire, pour reprendre le mot utilisé à l’instant.
Mon cher collègue, en évoquant le risque de constitutionnalité, vous avez dit ne pas croire à cet argument. Toutefois, la constitutionnalité est affaire non pas de croyance, mais de droit.
En l’occurrence, il existe un principe très important : on ne peut pas, pour quelque motif que ce soit, barrer à un élu de la Nation l’accès à l’assemblée dans laquelle il siège. C’est une particularité qu’il faut tout de même entendre : nous représentons la Nation, avec les députés à l’Assemblée nationale.
Par conséquent, il n’est pas question que le législateur, dont on sait à quel point, dans notre pays, il est lié au Gouvernement, qui maîtrise l’ordre du jour et prend l’initiative de 90 % des lois votées, vienne interférer avec le fonctionnement d’une assemblée constitutionnelle.
Cela ne dispense pas nos assemblées d’adopter les règles nécessaires à cette exemplarité que vous avez revendiquée au profit de votre amendement, et que la commission des lois revendique elle aussi, parce qu’il s’agit évidemment pour nous d’un impératif majeur.
Je vous signale par ailleurs que les Français ne sont en rien entravés pour l’accès à leur lieu de travail. Pourquoi les fonctionnaires du Sénat et les sénateurs le seraient-ils ? Pour aller dans votre bureau, ou dans votre atelier si vous êtes artisan, ou dans votre usine si vous êtes ouvrier, il n’y a pas de passe sanitaire, et il n’est pas question d’en instaurer un. S’il y a dans votre esprit l’idée qu’il y aurait un passe sanitaire pour l’accès aux lieux de travail en France, chassez-la ! Je m’y serais d’ailleurs opposé avec une très grande fermeté.
Nous devons être exemplaires, naturellement, mais nous ne devons pas mettre en œuvre des règles qui seraient, en réalité, spécifiques aux assemblées parlementaires, car aucune entreprise de France, à part celles qui reçoivent du public, ainsi que les hôpitaux et les établissements médico-sociaux, ne fonctionnera sur un tel modèle.
Il n’y a pas, dans les conditions de travail au Sénat, de risques sanitaires particuliers liés à la promiscuité, sauf à une promiscuité qui serait parfaitement volontaire et d’ordre privé. Nous n’allons donc pas établir spécifiquement pour nous des règles qui n’auraient pas de justification sanitaire et qui ne seraient appliquées nulle part ailleurs.
La commission demande donc le retrait de ces amendements, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Je salue l’arrivée dans notre hémicycle de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Comme nous l’avons dit à l’Assemblée nationale, ce sujet concerne avant toute chose le Parlement, ce qui nous oblige à une certaine neutralité.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Mes chers collègues, je m’exprime à présent en tant que Premier questeur du Sénat.
Le Conseil de questure de notre assemblée a déjà eu à l’occasion de délibérer sur la transposition volontaire par le Sénat des règles qui pourront être posées par le législateur dans les heures qui viennent.
Nous souhaitons vivement, comme nous l’avons toujours fait au Sénat depuis le début de la crise sanitaire, que toute règle édictée pour nos concitoyens, afin d’assurer leur sécurité sanitaire, soit effectivement appliquée au Sénat. Nous l’avons toujours fait, comme nous le savons tous, et nous continuerons de le faire.
Cela signifie en particulier qu’il faudra déterminer les conditions d’accès des groupes en visite au Sénat, qui peuvent être assez nombreux ; qu’il faudra examiner l’organisation de certains événements comme des colloques ou des grandes réceptions au Sénat ; que, dans les conditions d’accès à la restauration collective au sein du Sénat, nous devrons transposer exactement les règles qui sont applicables au public.
Nous le ferons, nous y sommes prêts et nous n’attendons plus que le vote du législateur pour le faire.