Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, sur l’article.
M. Stéphane Le Rudulier. Madame la ministre, mes propos feront écho aux vôtres, ce qui ne vous étonnera guère, je l’espère.
Il s’agit d’un article essentiel pour le devenir de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Le législateur, avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam, a été trop vite, trop fort, trop loin, dans l’élaboration de cette métropole à statut particulier. Et, vous l’avez souligné, des dysfonctionnements des plus criants sont aujourd’hui à déplorer. Il n’y a qu’à voir, pour s’en convaincre, le nombre – 208 – de conventions de gestion permettant d’organiser la restitution de compétences de proximité aux communes.
Vous l’avez souligné également, ce constat est largement partagé par l’ensemble des élus locaux et la nécessité de réformer fait dorénavant l’objet d’un consensus assez large, tant il devient difficile pour de nombreux maires de maîtriser le destin de leur commune. C’est d’autant plus vrai que la métropole n’a pas vocation à exercer les compétences de proximité – elle n’en a pas les moyens.
Je salue d’ailleurs la volonté du Gouvernement d’avancer sur ce sujet et d’engager cette réforme. Mais il est vrai que nous divergeons quelque peu sur la méthode et sur le calendrier. Je rappelle en effet que, pour engager une telle réforme, nous devons revenir à l’esprit originel de l’intercommunalité et laisser les élus définir le plus librement possible les compétences stratégiques ou opérationnelles qu’ils souhaitent partager.
Les communes membres de cette métropole doivent avoir la liberté de s’organiser en fonction des spécificités locales, de l’histoire et de la géographie de ce vaste territoire. Il nous faudra aussi faciliter une coopération à la carte entre les communes et la métropole.
En tout état de cause, madame la ministre, faisons confiance à l’intelligence collective locale pour décider d’une nouvelle répartition plus efficace des compétences, en confortant la métropole dans l’exercice de ses compétences stratégiques et en renforçant le rôle des communes dans l’exercice de leurs compétences de proximité.
C’est à l’issue de ce travail de réflexion que le législateur pourra intervenir, au cours de la navette, c’est-à-dire à l’Assemblée nationale, ou en commission mixte paritaire, pour compléter cet article 56. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.
M. Guy Benarroche. Je pourrais vous parler pendant des heures de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, mais Mme la présidente ne m’en laisserait pas le loisir. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Rémy Pointereau. Épargnez-nous !
M. Guy Benarroche. Nul besoin de réagir ainsi, mes chers collègues ; j’ai écouté sagement Mme Gourault et M. Le Rudulier, que j’apprécie particulièrement, d’ailleurs, et, je le répète, je pourrais vous parler des heures de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, où j’habite depuis soixante ans, entre le Garlaban, la Sainte-Victoire et la Sainte-Baume !
M. Olivier Paccaud. Vous avez déjà perdu trente secondes !
M. Guy Benarroche. Néanmoins, ce projet de loi me laisse mal à l’aise. Pourquoi ? Parce que, avec cet article 56, nous abordons, sans réellement trouver de solutions, le problème connu, repéré, identifié, étudié, notamment par le préfet Dartout, de la métropole d’Aix-Marseille-Provence : inefficace, inopérante, peu attractive – je partage le constat et de Mme Gourault et de M. Le Rudulier.
Cette métropole est née dans la douleur ; son acceptabilité par les communes a toujours fait défaut, il faut le savoir ! Elle portait en elle dès sa création plusieurs problèmes qui n’ont, à la surprise de personne, pas plus trouvé de solution pendant l’ère de M. Gaudin qu’après le changement politique survenu à la tête de sa ville-centre, Marseille, voilà quelques mois.
La gouvernance pose problème. Par exemple, comment justifier que la personne qui dirige la métropole cumule la responsabilité de l’exécutif départemental avec celle de son équivalent métropolitain, alors même qu’elle n’a pas su convaincre les électeurs de la ville-centre de Marseille de l’élire à la tête de leur ville ? Cela pose réellement un problème, qui a trait à la gouvernance de la métropole et non à l’identité de la personne qui la préside.
Les vraies demandes des maires résident bien dans la répartition des compétences, comme dans de nombreux EPCI d’ailleurs, ainsi que le souligne souvent Françoise Gatel, qu’il s’agisse des nids de poule, de l’impasse ou du chemin communal.
Les maires, vous le savez tous ici, souhaitent retrouver les moyens de leur action du quotidien dans leur action de proximité !
Madame la ministre, je sais que vous êtes attachée à l’intégration métropolitaine, mais écoutez-nous tous, quel que soit notre bord politique : cette intégration, pour mettre en commun le destin d’un territoire en confiant à l’échelon métropolitain des compétences structurantes et stratégiques, que nous approuvons, n’est en rien en opposition avec l’exercice de compétences de proximité par l’échelon qu’est la commune !
Au sein de la métropole, cette volonté de conserver ces compétences de proximité a été autorisée via des délégations ou par un délai accordé pour transférer ces compétences à la métropole pour certaines communes. (On s’impatiente à droite, où l’on fait observer que l’orateur a largement dépassé son temps de parole.)
M. Olivier Paccaud. Il faut conclure !
M. Guy Benarroche. Vos interruptions ne sont pas les bienvenues, nous essayons de trouver un consensus, permettez que je m’exprime deux minutes sur Marseille, deuxième ville de France ! Si cela ne vous intéresse pas, faites-le-moi savoir…
Mme la présidente. Vous avez largement dépassé votre temps de parole, mon cher collègue.
M. Guy Benarroche. Dans ce cas je demanderai de nouveau la parole ultérieurement, madame la présidente : la ville de Marseille accorde plus de deux minutes trente pour s’exprimer !
Mme la présidente. Je ne répondrai pas à votre provocation, le règlement est le même pour tous, y compris pour les Marseillais !
La parole est à Mme Brigitte Devésa, sur l’article. Je précise que c’est sa première intervention dans l’hémicycle. Soyez la bienvenue, chère collègue. (Applaudissements)
Mme Brigitte Devésa. Je vous remercie de cet accueil. C’est un honneur pour moi d’être parmi vous pour représenter mon territoire.
Dans la même logique que mon collègue Stéphane Le Rudulier, j’évoquerai l’article 56 qui, dans sa rédaction initiale, présentait plusieurs difficultés.
La commission des lois a adopté un amendement déposé par M. Le Rudulier visant à donner à la métropole d’Aix-Marseille-Provence et à ses communes membres les moyens de clarifier la répartition de leurs compétences.
En fin de semaine dernière, le Gouvernement a déposé très tardivement un amendement visant à réécrire intégralement cet article 56. Très dense, l’amendement du Gouvernement peut s’analyser en trois parties.
La première partie correspond à une demande que nous faisions depuis longtemps, à savoir la restitution aux communes de certaines compétences de proximité.
La deuxième partie allonge la liste des compétences métropolitaines non délégables aux conseils de territoire.
Enfin, la troisième partie aménage une procédure dérogatoire visant à contraindre les communes de la métropole à une baisse de leur attribution de compensation, à la majorité simple et en faisant éventuellement appel à la chambre régionale des comptes, qui sortirait, de fait, totalement du rôle régalien qui est le sien pour l’ensemble des collectivités françaises.
Concernant la métropole d’Aix-Marseille-Provence, il n’est pas anodin de savoir qu’un territoire possède à lui seul 54 % des voix et que les cinq autres conseils de territoire pourraient se voir contraints, sans qu’une réelle consultation ait lieu, à des baisses mettant leur budget en réelle difficulté. Certaines communes ne seraient plus à l’équilibre.
Cette simple constatation montre que la précipitation, madame la ministre, dans le désir d’une réforme n’est jamais la bonne solution. Le Gouvernement a montré par cet amendement que la métropole d’Aix-Marseille-Provence méritait une attention particulière en raison de son étendue, de ses spécificités et de la diversité des territoires qui la composaient.
Certes, c’est une avancée importante et une ouverture vers les négociations à venir, qui doivent se faire avec les élus locaux, lesquels ont entamé une réflexion en profondeur sur la réforme nécessaire de l’institution métropolitaine.
Enfin, il est important que le Gouvernement se rapproche des maires. Proposer une réforme de cet EPCI controversé qu’est à ce jour la métropole d’Aix-Marseille-Provence ne peut se faire ainsi, au détour d’un amendement déposé à la fin de l’examen d’un texte en séance, surtout dans le cadre d’un projet de loi portant la bannière de la décentralisation, de la déconcentration et de la différenciation. Sans la participation des élus locaux, cela n’aurait aucun sens ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis, sur l’article.
M. Bernard Buis. L’article 56 proposé initialement par le Gouvernement prévoyait une clause de réexamen des conventions de délégation conclues entre la métropole d’Aix-Marseille-Provence et ses conseils de territoire pour l’exercice de certaines de ses compétences afin de répondre à l’insatisfaction des élus locaux sur l’organisation actuelle.
Les modifications apportées par la commission des lois n’étaient pas de nature à satisfaire les tractations en cours entre le Gouvernement et la métropole, notamment sur le montant des attributions de compensation versées par la métropole à ses communes membres.
L’amendement n° 1734 rectifié du Gouvernement vise à pallier cette difficulté en limitant les possibilités de délégation des compétences aux conseils de territoire, en complétant la liste de celles qui ne sont pas délégables et en ouvrant la possibilité de restituer plusieurs compétences de proximité aux communes membres lorsque leur exercice à cet échelon contribue à une plus grande efficacité de l’action publique.
Bien que cette proposition ne semble pas fédérer l’ensemble des travées du Sénat, le groupe RDPI votera en faveur de cet amendement pour trois raisons : la réponse aux attentes des élus locaux de la métropole ; la recherche de compromis engagée par le Premier ministre et par Mme la ministre ; et surtout la souplesse accordée par le Gouvernement en matière de compétences, ce qui n’a jamais été proposé auparavant.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi, sur l’article.
M. Jérémy Bacchi. Il est important de rappeler la nécessité de consolider l’équilibre dans l’action territoriale, obtenu grâce à l’action concertée de la métropole, des conseils de territoire et des communes.
À ce titre, les premières années de fonctionnement de la métropole nous amènent à souhaiter quelques ajustements : c’est le cas, notamment, des compétences « de proximité », dont l’exercice s’avérerait plus efficace pour certaines d’entre elles si elles étaient redéléguées aux communes.
De premiers échanges entre les parlementaires du département, les élus communaux et intercommunaux, mais aussi avec l’association des maires du département, ont permis d’affiner des propositions pour une meilleure articulation commune-métropole.
Il est en effet indispensable de sortir du fonctionnement actuel particulièrement illisible, juridiquement instable et lourd administrativement, car sous-tendu par 208 conventions de gestion.
Pendant des décennies, notre territoire s’est construit sur une opposition parfois savamment entretenue entre Marseille, d’un côté, et le reste du département, de l’autre. Il est grand temps de dépasser ces querelles stériles et d’œuvrer ensemble au développement de notre territoire tout entier.
Même si les communes doivent être l’échelon de proximité, nous le disons avec force, il est important de souligner le rôle essentiel joué par les conseils de territoire. Cet échelon intermédiaire entre la métropole et les communes constitue un rouage de l’action territoriale particulièrement adapté pour traiter les problématiques spécifiques à chacun des bassins de vie et d’emploi très divers qui constituent ce vaste ensemble qu’est la métropole d’Aix-Marseille-Provence.
Au sein de ces conseils de territoires, il est néanmoins fondamental que chacune des communes-centres soit pleinement représentée et dispose de prérogatives pour orienter au mieux l’action publique et répondre aux besoins de ses administrés. Cela doit être notamment le cas pour la commune de Marseille, deuxième ville de France, dont la représentation au sein des instances du conseil de territoire Marseille-Provence doit être reconsidérée et repondérée.
Oui, nous avons besoin d’une métropole, mais d’une métropole de projet, d’une métropole qui se recentre sur ses compétences essentielles telles que les transports, le développement économique, les questions environnementales.
Pour le reste, les communes doivent retrouver leurs compétences, cela a été dit avant moi sur les travées de cette assemblée, de proximité ou, a minima, les déléguer aux conseils de territoire, échelons intermédiaires et plus efficients. Je pense notamment aux compétences de voirie qui ne pourraient être réintégrées en l’état par un certain nombre de petites communes de notre territoire, lesquelles ont déjà transféré ces compétences aux conseils de territoire il y a plus d’une vingtaine d’années et qui ne seraient plus en mesure aujourd’hui de les gérer en direct.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la ministre, vous avez dit vouloir nous proposer dans cet article un chemin. Or, selon un proverbe provençal, « beau chemin n’est jamais long » !
S’agissant de la métropole de Marseille, il fut question de longueur dès son accouchement, car c’est une des métropoles qui a mis le plus de temps à voir le jour. C’est aussi une des métropoles qui a, peut-être avec le temps, éloigné le plus le processus de décision, j’y reviendrai à la fin de cette intervention. Il y a donc lieu de s’interroger sur nos métropoles.
Nous soutiendrons l’amendement de notre collègue Stéphane Le Rudulier, qui offre, selon nous, un triple avantage. D’abord, il permet de répondre à l’urgence de la situation. On ne peut plus fonctionner avec 208 conventions de gestion : c’est impossible ! Ensuite, c’est aussi un amendement qui remet l’élu, singulièrement les élus municipaux, au cœur du processus de décision…
M. Guy Benarroche. Pas ceux de Marseille !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. C’est enfin celui qui donne juste le temps qu’il faut, pour en revenir à ma remarque sur le temps long.
Nous avons donc tout intérêt à adopter cet amendement.
Vous me permettrez seulement un petit reproche, madame la ministre, qui répond aussi aux remarques de notre collègue Bernard Buis : on a parfois le sentiment que l’on découvre le sujet de la métropole de Marseille depuis seulement une semaine !
En déposant de la sorte son amendement, le Gouvernement reconnaît-il qu’il a fallu attendre ce débat pour qu’il s’aperçoive des complexités et des problématiques que je viens d’évoquer ?
Nous l’avons suffisamment dit et reproché, il existe un véritable problème avec les études d’impact accompagnant les projets de loi présentés par le Gouvernement. Comment voulez-vous que la commission des lois puisse expertiser ces textes pour y apporter une juste réponse, même si elle a essayé de faire œuvre utile, il y a encore quelques jours encore, au sujet de votre amendement ?
Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons l’amendement de notre collègue Stéphane Le Rudulier. Je crois que nous ne serons pas les seuls sur ces travées à le faire.
Enfin, et c’est mon dernier mot, il y a urgence à revoir le fonctionnement des métropoles. Il n’existe pas un texte sur les problématiques territoriales, notamment sur les métropoles, qui ne nous oblige pas à remettre l’ouvrage sur le métier. Nous l’avons fait avec la métropole de Lyon – Étienne Blanc a proposé plusieurs amendements. Nous l’avons évoqué à plusieurs reprises en commission des lois, beaucoup de métropoles, parce qu’il est finalement devenu « cosmétique » de demander sa métropole, n’exercent pas leurs pleines compétences. Il faudra assez vite revenir devant le Parlement pour traiter de cette problématique métropolitaine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Brigitte Devésa applaudit également.)
M. Michel Savin. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 1443, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Pourquoi s’opposer à cet article tel qu’il a été réécrit par le Sénat ? Cette réécriture sécurise légalement les délégations de compétences qui ont été condamnées récemment à la suite d’un recours gracieux du préfet.
Elle maintient également et étend la possibilité pour les communes ayant conservé leurs compétences de ne pas les faire remonter à l’intercommunalité, c’est-à-dire à la métropole ou à ses conseils de territoires.
Pourquoi alors s’y opposer ?
Tout simplement parce qu’il oublie, excusez du peu, les dix-sept communes de l’ancienne communauté urbaine de Marseille (CUM), appelée aujourd’hui conseil de territoire n° 1 (CT1). Ces communes-là qui avaient transféré leurs compétences de proximité, comme la voirie de proximité, en particulier à Marseille, ne pourront pas les récupérer alors qu’elles le demandent depuis des mois et des années.
Loin de vouloir faire de Marseille une ville spéciale par sa taille ou son rôle de ville-centre – je vous rappelle qu’elle représente 48 % de la population de la métropole d’Aix-Marseille-Provence – je souhaite uniquement relayer la volonté de la mairie de Marseille, de son groupe majoritaire et de son groupe métropolitain d’être une ville comme une autre au sein de cette métropole. Ni plus ni moins, madame, monsieur les rapporteurs !
Et surtout pas moins en matière de compétences de proximité par rapport à l’immense majorité des autres villes autour d’elle ! Tel est le problème, vous le savez bien !
Pourquoi refuser à la ville-centre de Marseille ce que demandent l’Union des maires des Bouches-du-Rhône et M. Cristiani ?
Je défendrai donc, par mes amendements, plusieurs possibilités pour aller dans ce sens, mais rien ne sera résolu par cet article.
Les problèmes de compétences, les problèmes de gouvernance, les problèmes de mode de scrutin, les problèmes de périmètre de la métropole et des conseils de territoire, les problèmes de ressources financières ne sont pas traités !
Tout le monde le sait ici, qu’il s’agisse de M. Le Rudulier, de M. Bacchi, de Mme Carlotti, de tous les sénateurs des Bouches-du-Rhône et de vous-même, madame la ministre : aucun de ces problèmes n’est résolu aujourd’hui par cette loi, car elle n’est pas destinée à cela.
Cet article, tel qu’il est rédigé, ainsi que certains amendements proposés ne nous permettront pas d’aller plus loin et rendront plus compliqués la transition et le consensus nécessaire entre nous tous ici. Voilà pourquoi nous voterons pour la suppression de cet article en l’état.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Avec votre permission, madame la présidente, je ferai un commentaire global pour tous les amendements.
Avant toute chose, je salue tous les acteurs locaux de ce territoire, que nous avons déjà auditionnés avec Mathieu Darnaud en 2019, dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique. La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation devait constituer une mission, mais la covid-19 est arrivée et nous avons dû y renoncer.
Quoi qu’il en soit, je ressens de manière très forte – ce n’est peut-être pas visible ce soir, mais je peux l’affirmer et personne, ici, ne me contredira – que la situation est aujourd’hui totalement bloquée. Chacun reconnaît, un peu comme pour le Grand Paris, que cette situation ne peut pas rester en l’état, d’autant qu’il existe un problème juridique très concret.
Il y a, en effet, 208 délégations de gestion entre la métropole et ses communes. Or le préfet demande que l’on y mette fin, car elles n’avaient été tolérées que pendant une période provisoire. Juridiquement, nous sommes donc confrontés à un blocage extrêmement sérieux qui paralyse totalement la métropole de Marseille.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mes collègues et moi-même avons beaucoup travaillé sur cette question. Je sais, madame la ministre, que le Gouvernement travaille et écoute également. Je vous suis donc reconnaissante d’avoir déposé cet amendement. Mes collègues vont être surpris, mais je le trouve tout simplement génial !
Que les Marseillais ne s’affolent pas, je vais expliquer pourquoi…
Stéphane Le Rudulier a déposé un amendement, tout comme notre collègue Guy Benarroche, avec lequel nous avons très bien travaillé.
La situation est lourde et grave. Je rappelle que cette métropole compte 1,8 million d’habitants et 92 communes, et qu’elle couvre une superficie énorme. Il s’agit donc véritablement d’un exercice particulier, d’autant qu’il existe entre la métropole et les communes des conseils de territoire, qui sont les anciens EPCI.
La situation est donc tellement compliquée que vouloir réinventer au moyen d’un amendement, ce soir, une infrastructure miraculeuse, dont tout le monde serait content, qui fonctionnerait bien et qui serait pérenne, relève non pas d’une ambition, mais d’une folie hors de portée !
Quand le précédent gouvernement s’est exercé à créer la métropole de Marseille, on a vu le genre d’inventions qu’on a eu ! Bref, nous sommes donc bloqués.
Nous avons donc pensé, chers collègues Benarroche et Le Rudulier, qu’il serait sage d’encourager ce territoire à réfléchir, car c’est nécessaire. C’est ce que vous faites, madame la ministre, même si nous n’approuvons pas votre proposition, en demandant que, au 1er janvier 2023, ce territoire et ses élus aient fait des propositions pour organiser les choses de manière simple et efficace sur le plan économique, et pour préciser ce qui relève ou non de l’intérêt métropolitain.
C’est préférable, selon moi, que de décider ce soir, par voie d’amendements, de gérer quelques compétences, de-ci de-là, même si je comprends l’impatience de certains.
Madame la ministre, j’en arrive à votre amendement que j’ai qualifié de génial. Pourquoi ?
Le volet qui concerne Marseille pose plusieurs questions. Premièrement, vous dites que l’on va permettre une territorialisation de compétences à la carte (Mme la ministre fait un signe de dénégation.), j’y reviendrai, car c’est absolument génial, c’est ce que le Sénat demande depuis cinq ans et que vous lui refusez…
Deuxièmement, sur l’attribution de compensation, vous affirmez qu’il y aura deux possibilités pour la métropole de Marseille de revoir l’attribution de compensation. La métropole pourra notamment saisir la chambre régionale des comptes, qui étaye son appréciation sur les attributions de compensation versées aux communes et fixera un nouveau montant qui s’imposera, après avis consultatif de la commission locale d’évaluation des charges transférées (Clect) au conseil métropolitain.
Qui, madame la ministre, va saisir la chambre régionale ? On nous dit que la métropole peut la saisir, mais qui exactement le fera ?
Si cette procédure n’aboutit pas, vous proposez une autre solution permettant de retravailler l’attribution de compensation, avec une baisse maximale de 5 % des recettes réelles de fonctionnement des communes, décidée à la majorité simple. Que se passera-t-il en l’absence de majorité simple ?
Votre amendement, qui constitue une sorte d’obligation à emprunter un chemin et à le suivre jusqu’au bout, ne peut pas être accepté en l’état. Néanmoins, il est génial : si nous avions commencé par là, au tout début de nos conversations il y a quinze jours, nous serions les meilleurs amis du monde aujourd’hui !
Depuis 2019, nous demandons deux choses.
Premièrement, nous demandons que les métropoles puissent, quand c’est nécessaire, mettre l’accent sur l’intérêt communautaire en ce qui concerne certaines compétences. Or voilà qu’à présent vous faites de l’intérêt communautaire comme M. Jourdain faisait de la prose ! Vous nous proposez d’examiner ce qui doit revenir à la commune ou au conseil de territoire, et vous territorialisez les compétences. Si une commune veut une, deux ou trois compétences, elle peut les avoir, mais pas les autres communes.
Avec Aix-Marseille-Provence, qui est une métropole générique, à laquelle s’appliquent quelques dispositions particulières, vous ouvrez le droit, car il y a nécessité et besoin, à la définition de l’intérêt communautaire et à la territorialisation. Vous nous proposez cela pour Aix-Marseille Provence, alors que nous le demandons pour les zones métropolitaines. Je sais que c’est une obsession de ma part, mais c’est une obsession parce que c’est une conviction !
Si nous le demandons, ce n’est pas pour détricoter le dispositif ou pour déshabiller Pierre pour habiller Paul, c’est parce que nous en avons besoin. La preuve en est que le Gouvernement arrive avec un amendement qui procède de la même intention que notre texte !
En définitive, je suis défavorable à l’amendement du Gouvernement malgré une reconnaissance du fait que vous encouragez d’une manière parfois un peu audacieuse à réfléchir à l’intérêt communautaire pour Aix-Marseille-Provence. C’est certes un encouragement aux propositions des élus, mais maintenant que vous avez dit oui à l’intérêt communautaire et à la territorialisation, il va falloir reprendre nos discussions depuis le début, car vous nous l’avez refusé pour les autres métropoles !
Mme la présidente. Madame le rapporteur, quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1443 de M. Benarroche ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Pardon, madame la présidente : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour qu’il n’y ait pas de méprise, chère Françoise Gatel, il faut faire preuve de rigueur dans le raisonnement. Vous avez dit vous-même que vous aviez une obsession : je crois que c’est vrai…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Parce que c’est une conviction !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Dans le texte, il n’a jamais été question d’avoir une intercommunalité à la carte. Rien de tel ne figure dans mon amendement, relisez-le attentivement. Il n’y est pas non plus question d’intérêt communautaire.
Que les choses soient claires et nettes : si l’on redonne aux collectivités que sont les communes des compétences, il faut les redonner à toutes les communes.
En tout état de cause, M. Benarroche a trois préoccupations qui sont les mêmes que les nôtres.
Première préoccupation : il s’agit de redonner des compétences aux communes, ce que demande le président des maires du département, que je vois régulièrement, comme vous le savez. Je ne découvre pas aujourd’hui seulement le problème de Marseille. Si je pouvais trouver des solutions plus rapidement, j’en serais heureuse, comme beaucoup ici !
Deuxième préoccupation : il importe de donner à la métropole les compétences qui lui reviennent en termes d’aménagement.
Troisième préoccupation : il est nécessaire de débloquer les affaires financières.
J’ai déposé un amendement, je ne serai donc pas favorable au vôtre, monsieur Benarroche, mais je constate que nos propositions ne sont pas si éloignées. Il en va de même de l’amendement de M. Le Rudulier. Je suis satisfaite d’avoir déposé cet amendement, c’est une décision politique qui a été prise par le Gouvernement et par le Premier ministre pour débloquer la situation.
Je n’avais pas l’espoir que cet amendement puisse être voté, mais je nourrissais celui que l’on puisse tout simplement entamer une discussion qui permette aux élus locaux de travailler ensemble, comme l’a souligné Mme Devésa que je salue pour sa première intervention. Le préfet Mirmand a succédé au préfet Dartout, il connaît bien le sujet et il travaille beaucoup avec les élus, notamment avec les parlementaires. Nous sommes donc là dans le concret.
Cela cible, au fond, les trois objectifs que j’ai mentionnés. J’espère que ce débat permettra d’enrichir nos réflexions.