M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 1714, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, je voudrais appeler votre attention sur l’application en France du règlement 2019/1157 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif au renforcement de la sécurité des cartes d’identité des citoyens de l’Union et des documents de séjour délivrés aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille exerçant leur droit à la libre circulation, qui doit être mis en œuvre pour le 2 août 2021 dans les pays de l’Union européenne.
Ce nouveau document doit comprendre la mention « carte d’identité » traduite dans la langue de chacun des pays, en l’espèce le français, le français étant la langue officielle de la République en vertu de l’article 2 de la Constitution. Or seul l’anglais semblerait avoir été retenu pour la traduction de la mention.
Cette mention exclusive, qui contraste avec le choix fait par d’autres pays, paraît surprenante en cette période encore marquée, vous le savez bien, madame la ministre, par le Brexit et ses conséquences.
Elle surprend d’autant plus que, semble-t-il, dès lors que toutes les autres mentions resteraient écrites en français, il y aurait la place pour écrire l’expression « carte d’identité » en anglais, mais aussi dans les langues des trois autres pays ayant des frontières communes avec la France : l’allemand, l’italien et l’espagnol. Une mention en cinq langues différentes serait un signe d’ouverture très apprécié.
C’est pourquoi j’ai l’honneur de vous demander, madame la ministre, si, plutôt que de vous cantonner à une mention en une seule langue étrangère, l’anglais, vous comptez retenir cette suggestion, qui a été approuvée par les instances défendant la langue française dans notre pays. Je pense, en particulier, à M. Paul de Sinety, délégué général à la langue française et aux langues de France.
Cela témoignerait de l’intérêt que porte la France au pluralisme linguistique.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Sueur, le règlement du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif au renforcement de la sécurité des cartes d’identité des citoyens de l’Union et des documents de séjour délivrés aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille exerçant leur droit à la libre circulation impose aux États membres de mettre en circulation des nouvelles cartes d’identité conformes à ses dispositions, au plus tard le 2 août 2021.
Comme vous le savez, nous avons lancé cette nouvelle carte nationale d’identité à format et à disposition plus pratiques et plus sécurisés le mois dernier.
S’agissant des mentions obligatoires de la nouvelle carte d’identité, l’article 3 de ce règlement dispose que « le document porte le titre “Carte d’identité” ou un autre intitulé national reconnu dans la ou les langues officielles de l’État membre de délivrance, ainsi que les mots “Carte d’identité” dans au moins une autre langue officielle des institutions de l’Union ». La mention du titre du document dans au moins une langue officielle a pour vocation de faciliter la vérification des documents dans les autres États membres.
La traduction du titre et des différents champs se justifie par la vocation duale de ce document, qui est à la fois un titre attestant de l’identité et un document de voyage. Le règlement renvoie donc aux normes établies par l’Organisation de l’aviation civile internationale s’agissant des documents de voyage, précisant que les cartes d’identité « sont établies suivant les spécifications et les normes minimales de sécurité ».
Ces règles, qui ont un même objectif de facilitation des contrôles à l’international, prévoient que toutes les désignations identifiant les différents champs dans la zone d’inspection visuelle doivent être traduites soit en anglais, soit en espagnol, lorsque la langue officielle de l’État émetteur est le français.
Le choix de l’anglais par rapport à l’espagnol découle de considérations pratiques : c’est la langue dont la reconnaissance est la plus large auprès des États où la carte d’identité peut être utilisée comme un document de voyage.
Une étude comparative de l’Agence nationale des titres sécurisés, l’ANTS, a permis d’établir que la quasi-totalité des pays de l’Union européenne ont déjà choisi la langue anglaise comme seconde langue sur leurs titres. C’est le cas de l’Allemagne, de l’Autriche, de l’Italie, des Pays-Bas et du Luxembourg.
Il ne nous a pas semblé souhaitable de traduire le titre « carte d’identité » dans deux, voire trois langues, pour ne pas nuire à la visibilité de la carte. Le règlement du 20 juin 2019 prévoit que ces nouvelles cartes doivent respecter le format ID-1, le format dit « carte bancaire » ou « carte vitale ».
Cette réduction du format de la carte nationale d’identité française a conduit le ministère de l’intérieur à revoir la présence des mentions de l’ancien modèle et à supprimer des mentions non obligatoires, comme les mentions relatives à l’autorité de délivrance. Bien qu’elle ne soit pas obligatoire, la mention de l’adresse a tout de même été maintenue, de même que la possibilité de mentionner une seconde adresse, par exemple quand le titulaire est un mineur en garde parentale alternée.
À ce stade, la traduction de l’intitulé du titre dans une unique langue est apparue comme la solution la plus à même de concilier la nécessité de prévoir les espaces suffisants requis sur la carte pour personnaliser le titre – longueur de certaines adresses, prénoms multiples, etc. – et la garantie de la lisibilité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Sueur. Je comprends très bien ce que vous dites, madame la ministre, mais cela se traduit par le choix de l’anglais.
Vous pensez bien que je n’ai rien contre cette langue. Toutefois, l’idée de faire figurer sur une seule ligne, ce qui est matériellement possible, vous le savez, la mention « carte d’identité » en anglais, en allemand, en espagnol et en italien aurait été très symbolique de notre ouverture à l’ensemble des pays limitrophes, de notre ouverture européenne.
C’est pourquoi je regrette que cela n’ait pas été possible et j’espère que, par une réflexion approfondie, on y parviendra à l’avenir.
pénurie d’inspecteurs du permis de conduire en france et dans le calvados
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, auteure de la question n° 1721, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
Mme Sonia de La Provôté. Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur et concerne la pénurie d’inspecteurs du permis de conduire dans certains départements comme le Calvados, particulièrement dans la commune d’Hérouville-Saint-Clair, dans ce même département.
Si le phénomène existait bien avant la crise sanitaire, il s’est depuis lors aggravé, celle-ci ayant empêché la venue d’inspecteurs d’autres départements pour pallier les manques. Selon les responsables des auto-écoles, près de 350 000 élèves patientent pour passer les épreuves pratiques du permis, pour seulement 1 363 inspecteurs.
Dans le Calvados, le nombre d’inspecteurs est inférieur à la moyenne nationale, et les ouvertures de postes insuffisantes pour couvrir les besoins.
À cette pénurie s’ajoutent des facteurs aggravants.
Tout d’abord, les places pour le passage du permis sont accordées aux auto-écoles en fonction du taux de réussite de leurs candidats. Cette mesure est inéquitable et, bien sûr, inégalitaire.
De plus, pour pallier les délais, certains organismes de formation mettent en œuvre des modules de conduite supervisée. C’est un pis-aller pour les personnes concernées, qui ne peuvent pas se déplacer librement.
Enfin, ces délais contraignent les candidats – souvent jeunes – à payer des heures de conduite supplémentaires, dans l’attente de l’examen.
Ces délais et les coûts ont, pour eux, un impact immense en matière d’accès à une formation ou à un emploi. C’est d’autant plus préjudiciable pour les publics les plus en difficulté, car les moyens sont limités et leur insertion une nécessité. Les difficultés auxquelles ils sont confrontés sont accrues, car les délais concernent aussi les auto-écoles à vocation sociale et solidaire, comme celles qui dépendent d’une mission locale, par exemple, ou celles qui prennent en charge les bénéficiaires d’un financement du permis de conduire par les collectivités.
Madame la ministre, l’une des raisons évoquées par les professionnels est l’expérimentation actuellement menée en Occitanie. En « désintermédiant » l’attribution des places de l’examen pratique, l’objectif serait de maîtriser les délais et d’augmenter les taux de réussite.
Soit, mais si une expérimentation locale est une bonne chose – le Sénat en convient tout à fait –, l’attente de ses résultats ne saurait pénaliser les autres départements, qui se retrouvent, dans l’attente, en situation d’urgence.
Par conséquent, madame la ministre, comment comptez-vous résoudre l’embouteillage, aggravé par la crise sanitaire, remédier à cette pénurie d’inspecteurs du permis de conduire et faciliter, ainsi, l’accès à ce passeport pour l’emploi et l’insertion ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice, je voudrais rappeler que, avec 1 929 000 épreuves pratiques, dont 1 422 200 pour la catégorie B du permis de conduire, ce dernier représente le premier examen de France.
Le confinement a eu pour effet d’allonger d’une vingtaine de jours le délai médian entre les deux passages de l’examen pratique, ce délai passant de 42 à 64 jours en mars 2021.
La pleine mobilisation du ministère de l’intérieur pour augmenter l’offre de places d’examen a permis d’inverser la tendance sur les délais, ceux-ci étant repassés à 58 jours en mai 2021. Ainsi, depuis le 1er juillet 2020, un rythme de 13 examens par jour et par inspecteur est défini : plus d’un million d’examens a pu être organisé en 2020.
En décembre dernier, l’indemnité pour les examens supplémentaires a été portée de 11,5 euros à 15 euros et, au premier trimestre de 2021, une incitation financière spéciale a été mise en place pour les inspecteurs.
Enfin, il a été procédé au recrutement et à la formation de 30 examinateurs supplémentaires issus du groupe La Poste.
La mobilisation des inspecteurs et des délégués du permis de conduire, dont je voudrais ici saluer l’engagement, a permis de multiplier par quatre la production d’examens supplémentaires sur les trois premiers mois de 2021 par rapport à la même période en 2020. Ce sont 50 000 places d’examen supplémentaires qui ont été proposées sur les six premiers mois de 2021, par rapport à la même période en 2019.
Fort du succès de l’expérimentation d’une méthode d’attribution des places d’examen de l’épreuve pratique en Occitanie, le Gouvernement a décidé de généraliser progressivement ce dispositif à l’ensemble du territoire depuis mai 2021.
S’agissant de la situation du département du Calvados, il ressort que le nombre d’examens de la catégorie B proposés mensuellement a connu une baisse de près de 20 % dans les années 2019 et 2021.
Ce département fait l’objet d’un examen attentif par la Délégation à la sécurité routière. Une rencontre est prévue prochainement entre les équipes de la sous-direction de l’éducation routière et du permis de conduire et les services préfectoraux, pour étudier les solutions à mettre en place.
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour la réplique.
Mme Sonia de La Provôté. Pour de nombreuses raisons, cette question touche essentiellement les jeunes, et plutôt des jeunes en situation de précarité et ayant un besoin d’insertion.
Il faut, au moins, un traitement prioritaire de cette population, afin de lui permettre, dans la situation actuelle si difficile, de trouver un emploi et une situation d’avenir.
financement des locaux de la gendarmerie nationale
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 1748, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Henri Cabanel. À la suite de la question au Gouvernement de notre collègue Annick Jacquemet, le 23 juin dernier, j’ai été interpellé par des maires de communes rurales, intéressés par le sujet du financement des gendarmeries.
Il peut arriver – c’est le cas dans mon territoire – qu’une commune ait à prendre en charge, seule, le coût de la construction de la gendarmerie et des logements des gendarmes, alors que le secteur opérationnel concerne plusieurs communes – dans le cas auquel je pense, 18. Même si, in fine, le bâtiment sera la propriété de la commune, la situation interpelle.
Face à ces déséquilibres de prise en charge financière, M. le ministre de l’intérieur a évoqué, dans sa réponse à la question au Gouvernement, une nécessaire évolution notamment pour la rénovation du patrimoine. Quelles pistes préconisez-vous ?
Une obligation de prise en charge au niveau des autres communes qui bénéficieraient également de la présence de la gendarmerie, en plus d’une aide de l’État, vous paraît-elle plus équitable, donc nécessaire ?
Quelle méthode préconisez-vous, puisqu’il a été indiqué qu’un travail était mené à ce sujet dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure ? Y aura-t-il une concertation avec les élus locaux ? Quel sera le phasage retenu ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Comme vous, monsieur le sénateur Henri Cabanel, le Gouvernement partage la nécessité impérieuse d’assurer la sécurité de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire national.
Cela exige une présence réaffirmée de nos forces de sécurité intérieure au plus près de la population et des implantations au cœur des territoires. Cette exigence pèse singulièrement sur la gendarmerie nationale, qui assure la sécurité publique sur près de 95 % du territoire national.
Le nouvel article L. 1311-19 du code général des collectivités territoriales, issu du vote de la loi de finances pour 2021, est venu pérenniser l’engagement des collectivités territoriales auprès de l’État, notamment dans le financement de l’immobilier de la gendarmerie nationale.
En contrepartie de cette implication des collectivités auprès de l’État, le décret n° 93-130 du 28 janvier 1993 relatif aux modalités d’attribution de subventions aux collectivités territoriales pour la construction de casernements de gendarmerie et sa circulaire d’application du 28 janvier 1993 déterminent les modalités d’attribution des aides consenties par l’État à l’investissement des collectivités territoriales.
Ce dispositif n’exclut nullement la possibilité pour deux collectivités éligibles de s’associer, de manière à édifier conjointement leur caserne de gendarmerie.
En outre, ce dispositif autorise les groupements de collectivités territoriales à s’engager dans la construction d’une caserne de gendarmerie, permettant ainsi de répartir, non seulement le coût de la construction entre les collectivités adhérentes, mais également les frais d’entretien des immeubles qui relèvent du propriétaire.
Ce dispositif prévoit également les conditions d’établissement des revenus locatifs perçus par la commune. Pendant les neuf premières années, le loyer versé par l’État à la collectivité territoriale est calculé forfaitairement et tient compte des investissements financés par celle-ci. Au-delà, l’État, en qualité de locataire, paie un loyer qui correspond à la contrepartie financière de la mise à disposition de l’immeuble.
Le revenu locatif issu de cette mécanique globale doit normalement permettre au propriétaire de la caserne d’assumer les frais et les charges qui lui incombent.
D’autres dispositifs existent pour accompagner la construction de casernes de gendarmerie. Ainsi, un décret du 26 décembre 2016 fixe les conditions de réalisation et de financement d’opérations immobilières par les offices publics de l’habitat et les sociétés d’habitations à loyer modéré financées par des prêts garantis par les collectivités territoriales et leurs groupements.
Enfin, l’État conduit des opérations immobilières domaniales, généralement réservées aux projets les plus importants : pour l’année 2021, quelque 125 millions d’euros d’investissements immobiliers ont ainsi été prévus.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Effectivement, il existe des dispositions permettant à des communes de financer ensemble le casernement d’une gendarmerie, voire, comme dans le cas que j’ai cité, de sapeurs-pompiers.
Toutefois, vous savez très bien que, sur le terrain, il est très difficile pour un maire accueillant une gendarmerie ou une caserne de pompiers de négocier avec ses collègues un financement possible de ce casernement.
Sur un territoire large, on peut parvenir à convaincre un ou deux de ses homologues. Mais la majeure partie des autres, notamment dans les zones rurales où les communes ont peu de moyens, n’engageront pas de participation.
Or il s’agit d’investissements lourds – ma commune de Servian, dans l’Hérault, a contracté un emprunt sur quarante années –, sachant que, au bout d’une dizaine, voire une quinzaine d’années, se posera la question de la rénovation et de l’entretien des bâtiments. Or, malheureusement, dans l’allocation que vous mentionnez, on n’en tient pas suffisamment compte.
charges financières pour les communes dans le cadre de l’accueil des services de gendarmerie nationale
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, auteur de la question n° 1747, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Jacques Grosperrin. Ma question s’adresse au ministère de l’intérieur et s’inscrit dans le prolongement de celle de mon collègue Henri Cabanel.
Je souhaite attirer l’attention sur un sujet déjà relevé devant le Gouvernement en décembre 2019, et plus récemment encore. Une collègue sénatrice l’avait effectivement interpellé quant aux difficultés d’exécution d’un bail de sous-location d’une gendarmerie qu’une commune a fait construire sur son territoire.
À ce jour, la même situation prévaut dans plusieurs communes de mon département du Doubs, engageant très sérieusement leur viabilité budgétaire et leur capacité à maintenir des services publics de qualité.
La sonnette d’alarme, je tiens à le souligner, a été tirée par un président d’agglomération – celui du pays de Montbéliard –, qui n’a donc pas compétence sur le sujet ! Il craint en effet que cette situation ne crée un « effet domino » aux conséquences préjudiciables pour son établissement public de coopération intercommunale.
Les quatre communes concernées ici représentent 12 % des habitants de l’agglomération de Montbéliard : le fardeau du loyer des gendarmeries réduit considérablement leurs possibilités de participer financièrement à la mise en œuvre de projets intercommunaux.
Étant bien conscient des éléments de réponse précédemment apportés par le ministère, et nonobstant le fait que l’État n’a pas vocation à être propriétaire de ces gendarmeries, je relève que les contrats sont passés pour le compte de l’État et au bénéfice de ses services, donc au détriment des municipalités, lesquelles se trouvent soumises, de fait, à un endettement sur plusieurs années.
À l’origine, les programmes étaient couverts par la puissance publique au moyen d’un loyer versé en contrepartie de la jouissance des locaux, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, et l’écart s’accroît chaque année.
Suivant la hausse de l’indice du bâtiment BT01 et les dépréciations des loyers qui accentuent les pertes financières des collectivités, une dissymétrie est apparue entre le loyer demandé par les organismes constructeurs et le loyer versé par l’État.
En conséquence, dans le Doubs, la commune d’Étupes cumule depuis 2008 une perte de plus d’un million d’euros, tandis que celle de Bethoncourt a perdu 1,5 million d’euros en seulement onze ans. Quant aux communes de Bavans et d’Hérimoncourt, elles devront s’acquitter respectivement de 25 000 euros et de 50 000 euros cette année.
Il est indispensable de rétablir l’équilibre entre les loyers demandés par les organismes et ceux qui sont perçus par les collectivités. Quelles pistes le ministère envisage-t-il pour régler ce problème si sensible pour nos collectivités ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Institué par la loi du 29 août 2002 d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, dite Loppsi, le dispositif des baux emphytéotiques prévoit deux contrats, répondant à deux logiques bien distinctes : d’une part, le contrat conclu entre la collectivité territoriale et son emphytéote, servant à financer l’acquisition d’un ensemble immobilier qui, à l’issue du bail, intégrera le patrimoine de la collectivité – ce contrat est donc bien conclu pour le compte de la commune ; d’autre part, la prise à bail des locaux de gendarmerie par l’État, simple location devant se conformer à la réglementation domaniale.
Dans certaines situations, il a été constaté une différence importante entre les loyers que les collectivités locales versent à leur emphytéote et les loyers qui lui sont payés par l’État, comme vous l’avez justement souligné.
Je n’ignore pas que ce différentiel peut peser de manière significative sur les budgets locaux. Cette problématique a été bien identifiée ; Gérald Darmanin, lorsqu’il était ministre de l’action et des comptes publics, avait mis en place, avec le ministre Christophe Castaner un groupe de travail interministériel chargé d’élaborer une stratégie de rééquilibrage. L’objectif était de rendre soutenable l’écart budgétaire existant entre les loyers financiers versés par les communes à leur emphytéote et les loyers de sous-location versés par l’État aux collectivités territoriales.
Enfin, j’ajoute que la direction de l’immobilier de l’État, la DIE, propose aujourd’hui un accompagnement personnalisé de l’État aux collectivités territoriales, afin d’assister ces dernières dans les négociations avec l’emphytéote, soit pour procéder à un transfert de la prise en charge du bail aux établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, territorialement compétents, soit pour renégocier de manière plus offensive un bail emphytéotique.
À défaut, il peut s’agir de résilier le contrat en discutant plus particulièrement du montant de l’indemnité de rupture.
C’est un accompagnement que nous espérons efficace. Quoi qu’il en soit, nous restons à votre disposition pour d’autres remontées sur ce dispositif.
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.
M. Jacques Grosperrin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Vous l’avez fort bien dit, il existe en effet des difficultés. Un groupe de travail a été institué ; nous attendons ses conclusions.
Concernant les stratégies de rééquilibrage, il est vital pour nos gendarmeries, et surtout pour nos communes, de trouver une solution.
réforme du conseil économique, social et environnemental et droits des femmes
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 1715, transmise à Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
Mme Laurence Rossignol. Le 15 janvier 2021, la loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental (CESE), visant à renforcer la place de cette institution et la portée de ses avis, a été adoptée.
Pour reprendre le vocabulaire employé dans l’exposé des motifs, le CESE doit être le « carrefour des consultations publiques » et « renouer avec sa vocation de représentation de la société civile ».
Le 8 mars 2021, j’ai envoyé un courrier au Premier ministre, appelant son attention sur la nécessité d’améliorer la représentation des associations expertes en droits des femmes, en leur réservant deux places parmi les quarante-cinq représentants au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative.
Huit représentants de la vie associative ont finalement été désignés par le mouvement associatif. Or aucune association experte en droits des femmes n’a été désignée dans ce cadre. Au titre des représentants de la cohésion sociale et territoriale, seule une représentante d’une association a été nommée, à savoir une représentante de la Fédération nationale Solidarité Femmes, la FNSF.
La présence de la FNSF est une très bonne nouvelle ; je m’en réjouis. Cette fédération est spécialisée dans la lutte contre les violences, un sujet crucial sur lequel notre pays doit continuer à progresser. Pour autant, les droits des femmes ne se résument pas à la question des violences, d’autant plus dans une instance consacrée à la vie économique, sociale et environnementale.
Depuis sa création en 1925, le CESE a évolué, afin de s’adapter aux besoins de la société. Puisque la grande cause du quinquennat est l’égalité entre les femmes et les hommes et que le CESE est supposé être un acteur clé de notre démocratie, il est légitime que ses représentants incarnent les dynamiques de notre pays.
Il y a un besoin indéniable d’experts et d’expertes en droits des femmes, tout à la fois pour les questions spécifiques aux droits des femmes et pour interroger les différentes transformations et réformes de manière intégrée.
Le CESE aurait pu servir de levier à cette grande cause. Les annonces actuelles relatives tant à son organisation qu’à sa composition suscitent une forte inquiétude parmi les experts de l’égalité entre les femmes et les hommes – nous ne sommes pas assurés que les droits des femmes soient traités par une commission ou par une délégation dédiée.
Cette question, je l’adresse également au Premier ministre. Comment compte-t-il agir pour que les droits des femmes fassent pleinement partie de l’expertise économique, sociale et environnementale du nouveau CESE ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice, vous évoquez le rôle du CESE dans la promotion des droits des femmes.
Je veux tout d’abord vous répondre sur sa composition.
Il y a quelques semaines, j’ai eu l’occasion d’échanger avec le nouveau président du CESE, M. Thierry Beaudet, et la nouvelle présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité, Mme Agathe Hamel.
Cette délégation est composée de nombreuses personnalités au parcours féministe remarquable ; je suis certaine que vous les connaissez. Tel est le cas de Béatrice Clicq, secrétaire confédérale de Force ouvrière, chargée de l’égalité professionnelle et de la lutte contre les discriminations. Je pense aussi à Aminata Niakaté, avocate, ancienne présidente de la commission Égalité du Conseil national des barreaux et présidente de la commission Parité et égalité de l’Union nationale des professions libérales.
La FNSF siège bien au sein de cette délégation du CESE ; elle mène un travail essentiel sur la prévention et la promotion de l’égalité, même en dehors du champ des violences.
Sur le fond, cette délégation a pour ambition de promouvoir les droits des femmes. Elle ne se contentera pas de traiter le sujet des violences faites aux femmes, bien que ce sujet soit éminemment important, vous l’avez rappelé.
Les travaux du CESE en matière de droits des femmes ont déjà permis d’alerter les pouvoirs publics et d’améliorer l’action de l’État. Voyez plutôt le rapport Droits sexuels et reproductifs en Europe : entre menaces et progrès ou le rapport Crise sanitaire et inégalités de genre.
Enfin, comme me l’a affirmé Agathe Hamel, dans les prochaines priorités du mandat figurent non seulement l’éradication des violences faites aux femmes, mais aussi l’égalité professionnelle, la construction d’une culture de l’égalité ou encore la promotion des femmes aux postes décisionnels.
Je suis convaincue que cette délégation, ainsi que l’ensemble des membres du CESE, se saisiront de ces enjeux avec une grande détermination. Et je vous remercie, madame la sénatrice, de me permettre d’éclaircir ce point extrêmement important.