M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.
M. Marc Laménie. Je vous remercie de ces informations, madame la ministre déléguée. Elles nous permettront de rassurer le monde industriel et les chefs d’entreprise, qui nous ont fait part de leurs préoccupations sur cette question importante.
commandes des trains à grande vitesse du futur
M. le président. La parole est à Corinne Imbert, en remplacement de M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1731, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je pose cette question au nom de mon collègue Daniel Laurent, qui ne peut être présent aujourd’hui et qui vous prie de bien vouloir l’excuser.
Cette question porte sur les commandes de TGV du futur et les légitimes préoccupations des acteurs économiques de nos territoires.
Avec une perte de 3 milliards d’euros en 2020, la SNCF envisage de reconsidérer ses prochains investissements, annonçant une révision du planning de livraison, de douze à neuf trains par an, avec un étalement sur quatre ans, qui pourrait susciter une baisse d’activité pour le groupe Alstom de l’ordre de 25 %.
Si les conséquences sur l’emploi de cette évolution n’ont pas encore été évaluées, nul doute qu’elles seront considérables, avec des dommages collatéraux sur les équipementiers et sur les sous-traitants. Les bassins de vie et d’emploi seront touchés, dans un contexte où le maintien des activités industrielles est indispensable dans nos territoires.
Cette annonce, si elle devait être confirmée, serait un très mauvais signal pour notre industrie fortement fragilisée, alors que la relance économique est essentielle pour l’avenir industriel de notre pays.
En 2018, la mission d’information du Sénat sur Alstom et la stratégie industrielle préconisait d’utiliser la commande publique pour maintenir l’attractivité des sites français, le maintien du débouché français étant l’une des clés du maintien d’une activité industrielle ferroviaire en France.
L’entreprise Alstom est un fleuron industriel de renommée mondiale, du point de vue tant des technologies de pointe que des enjeux d’avenir. Aussi, il convient de tout mettre en œuvre pour conserver ses compétences, ses savoir-faire et sa capacité d’innovation.
En conséquence, madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement sur ce dossier et quelles sont les mesures que vous comptez prendre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Imbert, vous me faites part, dans cette question du sénateur Laurent, de vos craintes sur les commandes de rames longue distance par la SNCF à Alstom.
La crise sanitaire et les restrictions de déplacement mises en place depuis le début de l’épidémie ont considérablement affecté la fréquentation de tous les secteurs des transports, y compris les trains longue distance.
Les activités de grande vitesse ferroviaire du groupe SNCF ont été très fortement touchées en 2020, avec une baisse de fréquentation de 48 % par rapport à 2019 et une perte de chiffre d’affaires estimée à plus de 4 milliards d’euros.
Depuis le début de l’année, la crise continue de pénaliser la fréquentation et les recettes, donc les grands équilibres économiques de la SNCF.
Le retour du volume de passagers dans les TGV à un niveau équivalent à celui que nous connaissions avant cette crise dépendra fortement du contexte sanitaire et des évolutions, plus ou moins durables, des comportements des voyageurs, notamment de la clientèle professionnelle.
Dans ce cadre, il était nécessaire que la SNCF adapte son plan pluriannuel d’activité, pour prendre en compte les effets de cette crise sur son niveau de trafic et sur sa trajectoire économique.
Pour autant, le contrat des TGV M avec Alstom, concernant la livraison de cent rames TGV de nouvelle génération pour un montant de près de 3 milliards d’euros, a été maintenu malgré l’impact majeur de la crise. Ce contrat est important pour la qualité de service et pour l’activité industrielle d’Alstom.
La SNCF a cependant appliqué les dispositions contractuelles existantes permettant d’adapter le rythme de livraison des rames à ses besoins commerciaux, jusqu’à dix-huit mois avant la date de livraison, en passant à une livraison de neuf rames entre 2024 et 2026, au lieu de douze rames prévues sur cette période avant la crise. Le rythme serait ensuite de douze rames par an dès 2027.
Ce lissage des livraisons permet d’adapter le niveau de charges pesant sur la SNCF pendant cette période de rétablissement économique sans remettre en cause l’engagement de SNCF d’acquérir les cent rames commandées à Alstom.
L’État s’est par ailleurs mobilisé pour accompagner Alstom dans sa prise de commandes. Ainsi, le contrat annoncé le 15 avril 2021 pour douze trains à hydrogène pour le compte de quatre régions inclut un cofinancement de l’État ; de même, nous avons signé, le 13 mai dernier, un accord intergouvernemental avec l’Ukraine pour le financement d’une commande de locomotives de fret dont la fabrication impliquera directement le site de Belfort et la sous-traitance française.
Plus largement, le Gouvernement est engagé pour la compétitivité de la filière ferroviaire, comme l’a montré, tout récemment, le 9 juillet dernier, la signature d’un avenant à son contrat stratégique de filière, avec notamment la mise en place du comité d’orientation de la recherche et développement et de l’innovation du ferroviaire, le Corifer, pour soutenir les projets d’innovation les plus structurants au service du maintien de ses savoir-faire et de sa compétitivité.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Tout le monde a évidemment à l’esprit la crise sanitaire, dont nous savons quel impact elle a eu sur le trafic de voyageurs.
Je vous remercie de confirmer que la commande de cent rames est maintenue : c’est une bonne chose pour Alstom.
Les moyens dégagés dans le cadre du plan de relance pour soutenir le secteur ferroviaire doivent être activés pour financer les investissements et accompagner nos entreprises industrielles.
La part de l’industrie dans le PIB est passée de 24 % en 1980 à 12,5 % en 2017. Comme l’indiquait le rapport de la mission d’information du Sénat précitée, « la désindustrialisation est forte, mais n’a rien d’irrémédiable, à condition que l’État se comporte en stratège et se donne les moyens d’accompagner efficacement son industrie ».
Je sais que vous agissez en ce sens, madame la ministre. Je sais aussi que ce rapport a été écrit avant la crise sanitaire.
compensation des autorisations spéciales d’absence
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 1533, transmise à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
M. Philippe Bonnecarrère. Madame la ministre, les collectivités pourraient-elles être indemnisées pour le personnel vulnérable à la covid-19 placé en autorisation spéciale d’absence ? Telle sera ma question.
Le contexte sanitaire difficile que connaît notre pays donne malheureusement une fois de plus une actualité à ce sujet. Je passe sur le régime des autorisations spéciales d’absence, qui a fait l’objet de différents décrets.
L’essentiel est le point suivant : l’idée de protéger les agents qui pourraient présenter un risque élevé de développer une forme grave du covid-19 ou qui sont placés en situation de cas contacts se comprend très bien, et, pour beaucoup d’entre eux, le télétravail n’est pas envisageable.
Cela pose toutefois des problèmes aux collectivités. L’exemple le plus caractéristique sera celui d’un village qui a une école. Si l’agent d’entretien ou les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, les Atsem, devaient être concernés par une autorisation spéciale d’absence, cela nécessiterait automatiquement, pour la collectivité concernée, l’obligation de recruter à titre temporaire et de se trouver dans une situation de double emploi, rémunérant deux personnes pour la même activité.
Comment ce sujet pourrait-il être traité financièrement ? Comment les relations avec les collectivités territoriales pourraient-elles, dans ce contexte sanitaire spécifique, prendre en compte ces situations de double emploi pour des motifs parfaitement honorables de protection des agents des collectivités ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, Amélie de Montchalin étant retenue, elle m’a chargée de vous répondre.
Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les agents ne relevant pas d’un plan de continuité d’activité et ne pouvant télétravailler ont été placés en autorisation spéciale d’absence, ou ASA, par leur employeur territorial lors du premier confinement. En effet, cette position administrative garantit le maintien de la rémunération de l’ensemble de ces agents, quel que soit leur statut.
Par ailleurs, afin de sécuriser la situation des agents concernés et d’alléger la charge financière pour les collectivités, le Gouvernement a mis en place un dispositif exceptionnel à destination des agents considérés comme « vulnérables », au sens du Haut Conseil de la santé publique.
Les personnes vulnérables, qu’elles relèvent du régime général de la sécurité sociale ou du régime spécial de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, dont les missions ne pouvaient être exercées en télétravail, pouvaient bénéficier d’un arrêt de travail, soit en se rendant sur le portail de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la Cnamts, afin de déposer une déclaration si elles sont en affection de longue durée, soit en s’adressant à leur médecin traitant ou à leur médecin de ville, selon les règles de droit commun.
Leurs employeurs pouvaient demander à l’assurance maladie le remboursement des indemnités journalières correspondant à ces arrêts de travail dérogatoires, soit directement, en cas de subrogation, soit indirectement, par compensation sur la rémunération suivante des agents qui les ont perçues.
À l’issue de la première période de confinement, les employeurs territoriaux ont été invités à maintenir en ASA les seuls agents vulnérables qui sont dans l’impossibilité d’exercer leurs missions en télétravail et pour lesquels leur employeur estime être dans l’impossibilité de mettre en œuvre les aménagements de poste nécessaires à l’exercice de leurs missions en présentiel, dans le respect des mesures de protection renforcées précisées par le décret du 10 novembre 2020 pris pour l’application de l’article 20 de la loi du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.
Si les employeurs territoriaux ne peuvent désormais plus recourir au dispositif dérogatoire de prise en charge au titre des indemnités journalières de sécurité sociale pour les agents vulnérables relevant du régime spécial de la CNRACL mis en place lors du premier confinement, ce dispositif exceptionnel de prise en charge a toutefois été maintenu selon les mêmes modalités que lors du premier confinement pour les agents dans la même situation relevant du régime général de la sécurité sociale.
Aussi, il est du ressort de chaque employeur territorial de prendre en charge le maintien de la rémunération des agents vulnérables placés en ASA relevant du régime spécial de la CNRACL.
Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement n’envisage pas d’instituer un nouveau dispositif spécifique de financement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.
M. Philippe Bonnecarrère. Cette réponse n’est évidemment pas satisfaisante, madame la ministre, pour ce qui concerne les agents des collectivités territoriales qui relèvent de la CNRACL.
Cependant, le projet de loi qui nous sera soumis cette semaine va d’une certaine manière remettre en cause ce sujet : un débat s’ouvre sur la suspension des contrats de travail des personnes qui ne seraient pas vaccinées, voire sur leur licenciement après deux mois.
On voit bien que la prise en compte des périodes de suspension du contrat du travail, que celle-ci résulte d’une non-vaccination ou – sujet tout à fait différent – de l’octroi d’une autorisation spéciale d’absence, entraîne des conséquences.
J’espère donc que le Gouvernement pourra à cette occasion revoir sa position sur ce sujet.
contrôle des ventes d’armes de la france
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 1357, adressée à Mme la ministre des armées.
Mme Michelle Gréaume. Madame la ministre, alors que 78 % des Français estiment que le commerce des armes manque de transparence et devrait être mieux contrôlé, et que 72 % d’entre eux jugent qu’il devrait faire l’objet d’un débat public, la France reste l’un des pays occidentaux les plus en retard en la matière.
Cette situation est d’autant plus douloureuse que notre pays est le troisième exportateur mondial d’armes, ce qui lui confère une responsabilité particulière.
Les interrogations et les doutes sur les ventes d’armes à des pays suspectés de crimes de guerre, en violation totale avec le traité sur le commerce des armes, dont nous sommes signataires, renforcent encore plus cette exigence démocratique.
Comment justifier que des contrats d’armement qui alimentent des conflits internationaux auxquels prennent parfois part nos compatriotes ne fassent jamais l’objet d’un examen par les représentants de la Nation, ou d’une discussion avec eux ? C’est une anomalie démocratique difficilement justifiable.
Le récent décret prévoyant la présentation du rapport annuel sur les exportations d’armements devant le Parlement est un pas en avant, mais il faut aller beaucoup plus loin pour rompre avec une opacité qui jette le discrédit sur un domaine secret et réservé, dont la devise pourrait être : « Qu’importe l’éthique, pourvu qu’il y ait la vente ! »
C’est ce que quatorze organisations non gouvernementales dénonçaient en novembre dernier; regrettant que la France fasse « passer les intérêts financiers avant la protection des vies humaines » et se prononçant pour que « le Parlement puisse enfin remplir son devoir de contrôle sur l’action du Gouvernement en termes de ventes d’armes à l’étranger ».
Madame la ministre, depuis plusieurs mois, différentes propositions ont été formulées en ce sens dans nos deux assemblées comme dans l’espace public. Toutes ces pistes de réflexion méritent d’être étudiées et de faire l’objet de débats. Comptez-vous y donner suite ?
Plus largement, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour renforcer les prérogatives du Parlement, en matière non seulement de contrôle, mais aussi de définition des politiques d’exportation d’armement ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Madame la sénatrice, comme vous le savez, les décisions sur les autorisations d’exportation de matériels de guerre sont prises à la suite d’un examen interministériel rigoureux.
Le récent rapport parlementaire des députés Jacques Maire et Michèle Tabarot confirme ainsi l’efficacité et la rigueur de ce processus d’attribution des licences d’exportation par la commission interministérielle pour l’étude des exportations des matériels de guerre.
Les rapporteurs ont rappelé à ce titre que ce processus garantit le strict respect de nos engagements internationaux sur le commerce des armes.
Depuis 1998, le ministère des armées remet à la représentation nationale chaque année, au 1er juin, un rapport détaillant les exportations d’armement de la France. Depuis trois ans, le format et le contenu de ce rapport ont largement évolué pour offrir davantage de clarté et de lisibilité, et ainsi répondre à l’exigence de transparence.
Ce rapport illustre par ailleurs le rôle majeur que jouent les exportations pour l’équilibre et la pérennité de notre base industrielle et technologique de défense, ainsi que pour le maintien de notre autonomie stratégique, en lien avec la politique étrangère de la France.
Il aborde également la place occupée par les exportations de matériels de guerre dans la réponse apportée au besoin légitime de certains États partenaires de renforcer leur sécurité dans un contexte lourd de menaces.
Par ailleurs, dans ce souci constant de rigueur, le Premier ministre a récemment annoncé les suites que le Gouvernement entendait donner au rapport parlementaire que j’ai évoqué ; il s’agit notamment de rendre plus complète l’information donnée au Parlement.
Est ainsi prévue la publication, à partir de 2022, d’un rapport sur les exportations des biens à double usage, qui viendra compléter l’actuel rapport remis à la représentation nationale.
Est également prévue la présentation périodique devant le Parlement, par les ministres disposant de voix délibératives à la commission interministérielle pour l’étude des exportations des matériels de guerre, des résultats en matière d’exportation d’armements et de biens à double usage.
Je ne pense donc pas, madame la sénatrice, que l’on puisse parler d’opacité en la matière : des rapports éclairants peuvent être lus tous les ans sur ce sujet par les parlementaires.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour la réplique.
Mme Michelle Gréaume. Je vous remercie, madame la ministre, des éléments de réponse que vous venez de nous offrir, mais un rapport n’est pas suffisant : il faut un débat !
Tenir le Parlement à l’écart des processus de vente d’armes est une anomalie démocratique qui doit être corrigée.
usage du français dans les instances et les juridictions européennes
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, auteure de la question n° 1522, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Elsa Schalck. J’aimerais attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’être particulièrement vigilant face au recul de l’utilisation du français au sein des institutions européennes.
Je me fais notamment l’écho d’une motion adoptée par le Conseil national des barreaux en janvier 2021, qui mentionne deux exemples aussi parlants qu’inquiétants concernant les juridictions européennes.
Premièrement, dans une décision du 30 septembre 2020, le collège du Parquet européen a adopté l’anglais comme seule langue de travail pour les activités opérationnelles et administratives de ce parquet.
Deuxièmement, la Cour européenne des droits de l’homme a provisoirement abandonné l’usage consistant à publier ses communiqués de presse en français, au profit de la seule langue anglaise.
Ces mesures sont difficilement compréhensibles, d’autant que la Cour européenne des droits de l’homme, dont je tiens à rappeler qu’elle a son siège à Strasbourg, prévoit dans son règlement que les langues officielles de cette institution sont le français et l’anglais.
Dans le même temps, le français est la seule langue de délibéré de la Cour de justice de l’Union européenne, institution qui accueille dans ses locaux le Parquet européen.
De plus, ces mesures ne peuvent se faire qu’au détriment de la compréhension par les citoyens de notre système judiciaire européen, qui est pourtant déterminant, notamment pour le développement de l’État de droit.
Profondément attachée à la francophonie, je ne puis me résoudre à ce que la langue française soit peu à peu abandonnée au sein des institutions et des juridictions européennes. Chaque recul de l’utilisation du français doit susciter une vigilance particulière et une mobilisation active de notre part.
Le plurilinguisme de l’Union européenne constitue une richesse culturelle. Le français est également une langue majeure pour la rédaction de traités internationaux et constitue une langue porteuse de valeurs universelles.
À l’heure du Brexit, ces mesures sont un contresens ; il y aurait lieu, au contraire, de réaffirmer la défense de la francophonie, symbole du rôle moteur joué par la France dans la construction de l’Europe.
Votre collègue Jean-Baptiste Lemoyne indiquait le 4 juillet dernier vouloir faire de la langue française une priorité de la présidence française de l’Union européenne qui commencera le 1er janvier 2022.
Comment comptez-vous relever ce défi ? Comment comptez-vous revenir sur les reculs qu’a déjà subis la langue française au sein des institutions et des juridictions européennes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Madame la sénatrice, la France est très attachée à la place de la diversité linguistique et, bien sûr, de la langue française au sein des institutions européennes. Non seulement le français fait partie des vingt-quatre langues officielles de l’Union, mais il en est l’une des trois langues de travail.
Pourtant, même après le Brexit, il est à craindre que l’anglais reste la langue de travail dominante des institutions européennes, tant à l’oral qu’à l’écrit.
Le cas du Parquet européen, que vous soulevez, est emblématique. Nous avons suivi de près l’élaboration du régime linguistique de la nouvelle institution. Nous déplorons évidemment la décision du collège des procureurs de n’utiliser que l’anglais comme langue de travail. Nous avons exprimé notre regret lorsque la cheffe du Parquet a plaidé contre l’ajout du français comme langue de travail.
Néanmoins, comme vous l’avez rappelé, le français sera bien utilisé avec l’anglais dans les relations du Parquet européen avec la Cour de justice de l’Union européenne. La possibilité d’avoir recours au français sera donc préservée pour les questions majeures d’interprétation du droit de l’Union.
Je saisis cette occasion pour vous confirmer qu’il n’est aucunement question de remettre en cause l’usage du français au sein de la Cour de justice de l’Union européenne.
La France sera aussi pleinement mobilisée dans le double cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, au premier semestre de 2022, et de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, pour défendre la diversité linguistique et l’usage de la langue française dans les institutions européennes.
Dans cette perspective, nous redoublons nos efforts pour que nos autorités alertent systématiquement les institutions européennes sur la nécessité d’accepter des documents dans toutes les langues officielles de l’Union, notamment en français, lorsque la traduction n’est pas prévue.
Nous conduirons par ailleurs une présidence en français : les réunions qui auront lieu en France se tiendront en français, avec au minimum une interprétation en anglais. Pour ce faire, nous renforçons notamment notre offre de cours de français à destination des fonctionnaires européens et des représentants d’États membres présents à Bruxelles, au travers du centre Millefeuille Provence, qui est d’ailleurs particulièrement sollicité.
Enfin, un groupe de travail a été mis en place en avril 2021 sur ce sujet, sous la présidence du professeur Christian Lequesne ; ses réflexions doivent aboutir à la présentation le 1er septembre 2021 d’un rapport contenant des propositions opérationnelles pour promouvoir la diversité linguistique et la langue française au sein des institutions européennes.
Les conclusions de ce rapport seront officiellement présentées à la fin du mois de septembre prochain à Bruxelles, à l’occasion de la Journée européenne des langues. Ces recommandations serviront de base aux ambitions que la France présentera en mars 2022, lors d’un événement de haut niveau tenu à l’occasion de la Journée internationale de la francophonie.
M. le président. Il est temps de conclure, madame la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. En somme, madame la sénatrice, nous sommes comme vous très attentifs à la présence de la langue française au sein de l’Union européenne.
statistiques des viandes issues de l’abattage sans étourdissement
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, auteur de la question n° 1762, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Arnaud Bazin. Ma question, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, porte sur des contradictions relatives aux statistiques des viandes issues de l’abattage sans étourdissement.
En réponse à ma question écrite n° 21992, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation m’a informé le 17 juin 2021 qu’il ne disposait pas « de donnée statistique en lien avec la production ou la demande de viande spécifiquement issue de l’abattage rituel ».
En 2016, lors d’une audition menée dans le cadre de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français, le directeur général de l’alimentation avait annoncé que « selon les chiffres pour 2014, quelque 15 % des bovins et 27 % des ovins sont concernés par l’abattage rituel ».
Je m’étonne donc que de tels chiffres ne soient plus disponibles en 2021.
Par ailleurs, dans sa réponse du 29 septembre 2020 à la question écrite n° 30504 de M. le député Ludovic Pajot, le même ministère rappelait, à juste titre, que la réglementation nationale, au travers de l’arrêté du 28 décembre 2011 relatif aux conditions d’autorisation des établissements d’abattage à déroger à l’obligation d’étourdissement des animaux, soumet l’autorisation de la dérogation d’obligation d’étourdissement préalable à des conditions strictes, dont « un système d’enregistrement permettant de vérifier que l’usage de la dérogation correspond bien à des commandes commerciales qui le nécessitent ».
Je souhaiterais donc savoir si votre ministère dispose de statistiques en lien avec la production ou la demande de viande spécifiquement issue de l’abattage rituel, c’est-à-dire sans étourdissement.
Dans la négative, j’aimerais savoir de quelle façon s’effectue le contrôle de la justification de l’utilisation de la dérogation par des commandes qui le nécessitent, conformément à la réglementation.
Dans la négative toujours, je souhaiterais savoir pour quelles raisons des statistiques qui existaient en 2014 n’existent plus en 2021.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, qui m’a demandé de vous répondre à sa place.
Les abattoirs pratiquant des abattages sans étourdissement préalable à la saignée disposent effectivement d’une autorisation à déroger à l’obligation d’étourdissement ; cette autorisation est accordée par les préfets de département.
L’octroi et le maintien de cette dérogation sont soumis à l’adéquation entre les volumes d’animaux abattus sans étourdissement et les volumes des commandes de viandes issues de l’abattage rituel.
Cette adéquation fait l’objet d’audits réguliers par les services vétérinaires dans chaque abattoir qui bénéficie d’une telle dérogation. Ce contrôle est réalisé sur la base d’un échantillonnage de journées d’abattage sans étourdissement.
Le contrôle de l’adéquation n’implique pas nécessairement l’enregistrement des volumes, car il est fait ponctuellement par sondage et non de façon exhaustive sur l’ensemble de l’année.
Comme il est indiqué dans la réponse à votre question écrite n° 21992, publiée au Journal officiel le 17 juin 2021, le ministère de l’agriculture ne dispose pas aujourd’hui de statistiques consolidées concernant la production de viande issue d’animaux abattus sans étourdissement préalable à la saignée. En effet, à la suite d’un changement du système d’information du ministère, effectué en 2015 – la bascule du système Sigal vers le système Resytal –, cette donnée n’est plus collectée par l’administration.
Un projet de développement informatique lancé au cours de l’année 2020 doit permettre de restaurer en 2022 la collecte d’information en lien avec les volumes de production sans étourdissement.
Des développements informatiques pourraient être envisagés pour consolider des chiffres au niveau national, dans le cadre des refontes informatiques gérées par les services.