M. Jacques Fernique. L’atteinte de l’objectif de 25 % de logements sociaux dans certains territoires ne doit pas être synonyme d’arrêt de la construction de logements sociaux. Cet amendement de ma collègue Sophie Taillé-Polian vise donc à porter de 25 % à 30 % de logements sociaux l’objectif fixé par la loi SRU.
La crise sanitaire que nous traversons aura également des répercussions en matière de logement, tout particulièrement pour les plus modestes, qui subissent déjà une forte précarisation.
Ce qui se profile à l’horizon, c’est l’augmentation du déficit de logements sociaux, en raison notamment de l’arrêt temporaire des chantiers pendant cette période : on a constaté une baisse de 30 % de la construction de logements sociaux en 2020. Seulement 90 000 logements ont été agréés au cours de l’année passée.
Aussi, nous souhaitons assurer une production constante de logements sociaux en rehaussant cet objectif, afin de compenser les pertes subies et de mettre en œuvre une politique volontariste. Je rappelle que plus de la moitié des 2 millions de ménages demandant un logement social vivent sous le seuil de pauvreté.
Pour réduire les inégalités et s’attaquer aux conséquences de la crise, permettons la création d’un plus grand nombre de logements sociaux dans les communes et renforçons les objectifs de la loi SRU : c’est précisément ce que demande l’association Droit au logement, qui manifestait cette semaine devant notre assemblée.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Mon cher collègue, vous proposez de porter à 30 % la part de logements sociaux à atteindre. Or la cible actuelle, fixée par la loi SRU à 20 % ou à 25 % selon les territoires, est déjà irréaliste dans un certain nombre de communes. Je vous laisse imaginer ce que pourrait produire une telle augmentation du taux !
Si nous sommes réunis dans cet hémicycle, c’est pour trouver les moyens de mieux accompagner les maires qui rencontrent des difficultés à cet égard ; pour les encourager, sans les exonérer en quoi que ce soit, mais en adaptant les cibles de logements sociaux aux réalités locales et aux territoires.
J’émets bien entendu un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je précise qu’à l’heure actuelle 68 % des 1 100 communes ayant une obligation de rattrapage sont au taux de 25 %. Dans la plupart d’entre elles, la part de logements sociaux est donc déjà significative.
Pour les raisons que Mme la rapporteure pour avis vient d’indiquer, j’émets à mon tour un avis défavorable.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1495 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 176 rectifié ter, présenté par MM. Mouiller, Favreau et E. Blanc, Mmes Deroche et Deromedi, MM. Sautarel, J.B. Blanc, Belin, Saury, Lefèvre, Savin et de Nicolaÿ, Mmes Garriaud-Maylam et Joseph, MM. Gremillet, de Legge et Chatillon, Mmes M. Mercier et Gosselin, M. Bacci, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Bouchet, Frassa, Piednoir, Cambon et Bascher, Mme Puissat, M. Brisson, Mmes Chauvin et L. Darcos, MM. Karoutchi et Daubresse, Mmes Micouleau et Belrhiti, MM. Pellevat, Burgoa, J.M. Boyer et Sido, Mme Richer, MM. Bouloux, Charon et Genet, Mmes Pluchet, Imbert et Garnier, MM. H. Leroy, C. Vial et Rapin et Mme Di Folco, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le I est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation à l’article L. 2113-1 du code général des collectivités territoriales, les dispositions de la présente section ne s’appliquent pas aux communes nouvelles lorsque les anciennes communes dont ces dernières sont issues n’étaient pas elles-mêmes soumises aux dispositions de la présente section. » ;
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Cet amendement de notre collègue Philippe Mouiller a pour objet d’écarter du champ d’application de l’article 55 de la loi SRU, qui oblige les communes les plus importantes à disposer d’un taux minimum de logements sociaux par rapport à l’ensemble des résidences principales, les communes nouvelles dont les communes d’origine ne sont pas soumises à cette obligation.
À titre d’exemple, dans le département des Deux-Sèvres, des communes nouvelles ont été constituées par de petites communes dénombrant moins de 3 500 habitants, où les besoins en logements sociaux n’existent pas. Le même cas de figure existe dans l’Essonne, avec la commune du Mérévillois.
Ces communes rurales qui se regroupent sont composées de bourgs, de zones pavillonnaires, et sont souvent éloignées des bassins d’emplois.
Cette disposition serait de nature à clarifier le droit actuel et à rassurer les maires des communes d’origine : s’ils devaient se soumettre à un taux de logements sociaux, ils auraient des réticences à se regrouper en communes nouvelles.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Ma chère collègue, la situation des communes nouvelles nous préoccupe évidemment, car les problèmes dont il s’agit sont réels.
Nous avons bien conscience que, depuis la mise en œuvre de l’article 55 de la loi SRU, un certain nombre de communes nouvelles se sont formées. Les communes d’origine n’étaient pas contraintes par ces objectifs ; mais, du fait de leur regroupement, elles sont assujetties à cet article.
Spontanément, j’aurais tendance à vous dire que la proposition de M. Mouiller traduit une vision de bon sens et constitue une solution pragmatique. Toutefois, je tiens à vous rappeler un certain nombre de mesures d’ores et déjà applicables aux communes nouvelles.
Tout d’abord, en vertu de la loi SRU, les communes déficitaires sont exemptées de prélèvement pendant les trois premières années. Quoi qu’il advienne, elles ne seront pas prélevées au départ.
Ensuite, notre commission a retenu le principe de l’exonération du prélèvement pour les communes bénéficiant de la dotation de solidarité rurale (DSR), par parallélisme avec les communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine (DSU). Or les communes nouvelles sont souvent des communes rurales : de fait, l’adoption de cette mesure les exonérerait du prélèvement.
En outre, le présent article modifie le régime des exemptions. En particulier, il supprime la nécessité de faire partie d’une agglomération de plus de 30 000 habitants pour être exempté du critère de faible tension sur la demande de logement social. Un certain nombre de communes placées dans les cas que vous évoquez seront certainement concernées par cette disposition. La suppression de ce seuil est indéniablement favorable aux communes nouvelles.
Enfin, à l’article 17, M. Capus a déposé un amendement, auquel la commission est favorable, qui tend à adoucir le rythme de rattrapage en la matière. Ces communes bénéficieraient d’un régime spécifique à cet égard.
M. Richard nous demandait ce que l’on entendait inscrire dans le contrat de mixité sociale : grâce à ce document, le préfet pourra notamment prendre en compte le fait que la commune est une commune nouvelle pour adapter, le cas échéant, les objectifs fixés.
Néanmoins, pour le cas précis auquel vous faites référence, il faut se montrer vigilant : que se passerait-il en cas de hausse de la population de la commune concernée ? Dans cette hypothèse, il me paraîtrait difficilement concevable de maintenir l’exemption.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour l’ensemble des raisons invoquées par Mme Estrosi Sassone, je sollicite à mon tour le retrait de cet amendement.
En outre, les débats des deux derniers jours m’incitent une nouvelle fois à attirer l’attention sur ce point : qu’il s’agisse de créer une commune nouvelle ou de changer d’intercommunalité, il est très important de bien réfléchir au préalable à toutes les conséquences qu’un tel projet emporte, qu’elles soient financières, environnementales ou d’une autre nature encore.
Mme la présidente du groupe communiste républicain citoyen et écologiste l’a souligné : lors de la fusion des intercommunalités, certaines communes de moins de 3 500 habitants, tout en restant éloignées des grands centres urbains, se sont retrouvées comprises dans le champ de la loi SRU. Ensuite, un certain nombre d’exemptions ont été accordées. Mais, j’y insiste, il faut bien réfléchir avant de prendre de telles décisions.
M. Alain Richard. C’est pour cela qu’il ne faudrait pas de prime pour les communes nouvelles !
Mme le président. Madame Darcos, l’amendement n° 176 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 176 rectifié ter est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 363 rectifié ter, présenté par MM. Capus, Malhuret, Menonville, Guerriau, A. Marc, Wattebled, Médevielle et Chasseing, Mmes Paoli-Gagin et Mélot, MM. Lagourgue, Verzelen, Decool, Hingray, de Belenet et L. Hervé, Mme N. Delattre et MM. Moga et Haye, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa du I, le nombre : « 3 500 » est remplacé par le nombre : « 5 000 » ;
II. - Après l’alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Au premier alinéa de l’article L. 302-6 du code de la construction et de l’habitation, le nombre : « 3 500 » est remplacé par le nombre : « 5 000 ».
La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Notre collègue Emmanuel Capus part du constat que de nombreuses communes se trouvent soumises à des obligations qui ne correspondent pas du tout à la réalité de leur habitat et de leur parc de logements.
Par cet amendement, il propose donc de relever de 3 500 à 5 000 habitants le seuil à partir duquel les communes sont soumises à des obligations en matière de logement social.
Mme le président. L’amendement n° 767, présenté par M. Delahaye, Mme Guidez, MM. Laugier, Canévet, L. Hervé et Delcros, Mmes Vérien et Loisier, M. Bonneau, Mme Vermeillet et M. Le Nay, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les communes nouvelles définies à l’article L. 2113-1 du code général des collectivités territoriales, les seuils de population mentionnées au premier alinéa du présent article sont fixés à 5 000 habitants. » ;
La parole est à Mme Dominique Vérien.
Mme Dominique Vérien. Nous considérons nous aussi que le seuil de 3 500 habitants est trop bas ; à nos yeux, le seuil de 5 000 habitants est préférable.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Ces deux amendements ne sont pas tout à fait identiques. L’amendement n° 363 rectifié ter vise à relever le seuil de 3 500 à 5 000 habitants pour toutes les communes ; quant à l’amendement n° 767, il tend à relever ce seuil à 5 000 habitants pour les seules communes nouvelles.
Certes, on pourrait rouvrir le débat ; peut-être le seuil de 3 500 habitants a-t-il été fixé de manière arbitraire. Nous en avons déjà parlé, en particulier au titre du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, ou projet de loi ÉLAN.
Après nous être interrogées, Valérie Létard et moi-même avons pris le parti de respecter l’esprit de la loi SRU. (Mme Valérie Létard le confirme.) Aussi, nous n’avons pas voulu toucher à un certain nombre de points qui constituent le socle de ce texte – nous reviendrons sur ces différents sujets –, notamment le rattrapage en stock et le seuil de 3 500 habitants. Nous avons donc exclu la possibilité de porter ce seuil à 5 000 habitants.
Je vous rappelle qu’au titre du projet de loi ÉLAN j’avais défendu un amendement tendant à ce que toutes les communes d’Île-de-France se voient appliquer le seuil de 3 500 habitants, y compris celles de l’unité urbaine de Paris. (M. Roger Karoutchi acquiesce.) Cette disposition aurait permis une harmonisation, mais, malheureusement, elle n’a pas prospéré.
Pour ces raisons, je demande le retrait de l’amendement n° 363 rectifié ter. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
De même, je sollicite le retrait de l’amendement n° 767. Sinon, j’y serai défavorable. Je viens de citer un certain nombre de critères grâce auxquels les particularités des communes nouvelles sont déjà prises en compte.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le seuil de 3 500 habitants, applicable depuis l’an 2000, est aujourd’hui une référence bien connue de tous les acteurs concernés. Il ne me semble pas opportun de le remettre en cause, d’autant que plusieurs mécanismes prévus par la loi permettent de s’adapter aux situations locales – exemptions, dispositifs spécifiques pour les nouveaux entrants, déduction de prélèvements, etc.
Ces mécanismes sont d’ailleurs complétés par le présent texte, qui procède à une adaptation substantielle des objectifs de rattrapage triennaux.
En conséquence, j’émets à mon tour un avis défavorable.
Mme le président. Madame Vérien, l’amendement n° 767 est-il maintenu ?
Mme Dominique Vérien. J’ai bien entendu les différents arguments invoqués. Je retiens notamment le fait que les communes nouvelles disposent de délais spécifiques et qu’elles peuvent mener des négociations – je pensais effectivement aux communes rurales, en particulier aux exemples cités par Laure Darcos. Je retire mon amendement !
Mme le président. L’amendement n° 767 est retiré.
Monsieur Verzelen, l’amendement n° 363 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Pierre-Jean Verzelen. Je le retire également.
Mme le président. L’amendement n° 363 rectifié ter est retiré.
Les amendements nos 770 rectifié bis et 79 rectifié ter ne sont pas soutenus.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 751 rectifié, présenté par MM. Dallier, Babary, Bascher et Bazin, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Bonne, Bouchet, Bouloux, Brisson, Burgoa, Cadec, Cambon, Chaize et Charon, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche et Dumas, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam et Goy-Chavent, MM. Gremillet et Houpert, Mmes Imbert et Jacques, MM. Karoutchi, Klinger, Laménie, D. Laurent, Lefèvre, H. Leroy, Longuet, Mandelli, Milon, Mouiller, Nougein, Panunzi et Piednoir, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Saury et Savin, Mme Schalck, MM. Segouin et Tabarot et Mme Thomas, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce taux est également fixé à 20 % pour les communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, prévue à l’article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales, dans lesquelles le taux de pauvreté des ménages dépasse les 25 % dans le parc locatif. » ;
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Je soutiendrai par la même occasion l’amendement n° 752 rectifié, qui, en réalité, a le même objet. Il s’agit de deux amendements de Philippe Dallier, dont chacun ici connaît l’expertise en matière de logement.
Beaucoup de communes sont soumises à un taux de 25 % de logement social au titre de la loi SRU. Or que ce soit en Seine-Saint-Denis, dans le Nord et dans d’autres départements, nombre d’entre elles proposent beaucoup de logements locatifs privés extrêmement modestes, destinés à des populations qui le sont tout autant, mais qui ne sont pas décomptés dans les chiffrages officiels de la loi SRU.
Aussi, Philippe Dallier propose un système mixte : dans les communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et où le taux de pauvreté des ménages dépasse 25 %, pour le premier amendement, ou 30 %, pour le second amendement, le taux de logement social imposé par la loi SRU serait abaissé de 25 % à 20 %.
Dans un certain nombre de communes, le parc privé est extrêmement précaire, si bien que les pouvoirs publics doivent intervenir pour que ces logements gardent une certaine qualité. Or – j’y insiste – ces derniers ne sont pas décomptés au titre de la loi SRU.
Compte tenu du taux de ménages pauvres, selon la définition de l’Insee, les communes bénéficiant de la DSU mériteraient de se voir appliquer un taux de 20 % de logements sociaux. Parfois, elles n’ont ni terrains ni capacités financières : ce ne sont pas des communes riches.
Il s’agit tout simplement de garantir un équilibre.
Mme le président. L’amendement n° 752 rectifié, présenté par MM. Dallier, Babary, Bascher et Bazin, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Bonne, Bouchet, Bouloux, Brisson, Burgoa, Cadec, Cambon, Chaize et Charon, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche et Dumas, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam et Goy-Chavent, MM. Gremillet, Grosperrin et Houpert, Mmes Imbert et Jacques, MM. Karoutchi, Klinger, Laménie, D. Laurent, Lefèvre, H. Leroy, Longuet, Mandelli, Milon, Mouiller, Nougein, Panunzi et Piednoir, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Saury, Savin, Segouin et Tabarot et Mme Thomas, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le II est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« Ce taux est également fixé à 20 % pour les communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, prévue à l’article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales, dans lesquelles le taux de pauvreté des ménages dépasse les 30 % dans le parc locatif. » ;
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Mon cher collègue, il s’agit effectivement d’un sujet cher au cœur de Philippe Dallier : à de nombreuses reprises, il a mis en exergue cette problématique bien réelle, avec le talent qu’on lui connaît.
Ma première réponse est de nature technique. Les communes déficitaires bénéficiant de la DSU sont d’ores et déjà exemptées du prélèvement SRU si elles comptent un minimum de 15 % ou 20 % de logements sociaux.
Ma seconde réponse porte sur le fond. J’entends bien vos arguments ; mais comment faire la différence entre le parc social de fait, qui est une réalité dans bien des communes – je ne le conteste pas –, et le logement social ?
L’intérêt du logement social, c’est précisément d’offrir aux ménages les plus modestes, les plus fragiles et les plus vulnérables des conditions de vie et d’accompagnement plus favorables. C’est la raison pour laquelle je pense sincèrement que, dans ces communes, le logement social est une réelle solution. (M. Alain Richard opine.) Il permet également de prendre en charge l’habitat dégradé en le conventionnant, y compris lorsqu’il s’agit de logements privés.
Aujourd’hui, il est plus pertinent de maintenir les objectifs fixés dans ces communes : si des aménagements se révèlent nécessaires, le contrat de mixité sociale permettra d’apporter un certain nombre d’assouplissements et d’adaptations dans les communes auxquelles vous faites référence.
En conséquence, je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous le savons : dans les communes abritant des populations défavorisées, on a besoin de construire des logements abordables et de qualité. Un logement social vaut mieux qu’un habitat indigne ou dégradé. En outre, je confirme que les communes recevant la DSU bénéficient d’exemptions.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets moi aussi un avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Madame le rapporteur pour avis, madame la ministre, j’entends bien vos explications.
Reconnaissez que Philippe Dallier se bat sur ces sujets depuis des années…
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Oui !
M. Roger Karoutchi. On lui demande systématiquement de retirer ses amendements en lui disant que de nouvelles mesures vont tout arranger ; mais le temps passe sans que l’on obtienne les avancées promises.
Je ne suis pas autorisé à retirer ces amendements. Qui plus est – à présent, chacun le sait –, ce sont probablement les derniers amendements relatifs au logement que Philippe Dallier présente au Sénat : je les maintiens donc doublement !
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Mon cher collègue, je vous remercie de maintenir ces amendements, car j’ai l’intention de les voter.
Les logements privés destinés aux personnes à faibles revenus ne relèvent pas forcément de l’habitat dégradé. En revanche, le maintien de quotas élevés peut poser problème, car les logements sociaux se transforment rapidement en ghettos. En effet, ce que l’on va construire, ce sont des immeubles entiers, alors que les logements modestes proposés par le parc privé sont disséminés dans toute une agglomération.
Nos centres-villes comptent énormément de logements privés qui, en réalité, sont des logements sociaux : les loyers proposés sont suffisamment bas pour que tout le monde puisse y prétendre.
À mon sens, le logement social va au-delà des seules constructions à vocation sociale : il héberge des personnes qui, compte tenu de leurs revenus, n’auraient pas nécessairement les moyens de vivre dans le quartier où elles se trouvent.
En résumé, une telle solution permettrait d’améliorer la mixité sociale, que ce soit dans le XVIe arrondissement de Paris ou dans des endroits où le foncier disponible est insuffisant, car ces logements privés, conventionnés au titre des aides personnalisées au logement (APL), restent accessibles à tous.
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur Karoutchi, vous savez l’affection que nous avons pour notre collègue Philippe Dallier. Nous apprécions également ses grandes compétences, en particulier en matière de logement, domaine dans lequel son département connaît de grandes difficultés.
M. Dallier, nous dites-vous, s’entend toujours répondre que les choses vont s’arranger. Mais, avec l’arrivée du contrat de mixité sociale, ce texte marquera une véritable rupture (M. Roger Karoutchi manifeste sa circonspection.), à condition que les préfets gardent la main : il ne faudrait pas qu’une commission Tartempion vienne les contredire à l’échelle nationale.
Si, d’une part, les préfets, et, d’autre part, les présidents d’EPCI et les maires parviennent à élaborer un véritable contrat – pas un contrat de Cahors –, par lequel les deux parties s’entendent, en respectant à la fois les exigences de l’État, la réalité territoriale, sociétale et sociale des communes, cet outil permettra de territorialiser les objectifs et de répondre aux desiderata de notre collègue.
Aussi, je ne voterai pas ces amendements, malgré toute l’affection que nous portons à Philippe Dallier.
Mme le président. L’amendement n° 991 rectifié, présenté par MM. H. Leroy, Laménie, Segouin, C. Vial et Bouloux, Mmes Garriaud-Maylam et Borchio Fontimp, MM. Charon, Sido, Tabarot, Bascher et Reichardt, Mmes Bonfanti-Dossat et Demas, MM. A. Marc et Paccaud, Mme Belrhiti, M. Meurant, Mmes Gosselin, Deromedi, Thomas et Noël, M. Henno, Mme Berthet, M. Mandelli, Mmes Paoli-Gagin et Schalck, M. Klinger, Mme Dumont et MM. Babary et Levi, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le II, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Les taux mentionnés aux I et II sont également applicables à la part des constructions de résidences principales soumises à une décision de l’État. À défaut pour l’État d’atteindre ces objectifs, il est procédé à un prélèvement sur ses recettes dont le montant est calculé en application des dispositions de l’article L. 302-7. Le montant de ce prélèvement vient en déduction de celui effectué, le cas échéant, sur les recettes de la commune concernée en application du même article. » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Serge Babary.
M. Serge Babary. Cet amendement est défendu !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Les auteurs de cet amendement posent, eux aussi, une vraie question.
En l’occurrence, il s’agit des sanctions, sujet sur lequel nous allons certainement revenir, car, sur ce point, nous ne sommes pas tout à fait d’accord avec Mme la ministre.
La commission des affaires économiques, comme la Cour des comptes elle-même dans un récent rapport, constate qu’un grand nombre de sanctions prises à l’encontre de communes carencées ou déficitaires sont totalement inefficaces, voire contre-productives.
Ainsi, les auteurs de cet amendement pointent du doigt la perte de crédit des préfets et, plus largement, de l’État : lorsqu’une commune est considérée comme carencée, le préfet peut s’arroger le droit de préemption, la délivrance des autorisations d’urbanisme ou encore la gestion des contingents d’attribution. Il s’agit là de mesures très fortes. Or l’État ne fait pas mieux que les maires concernés. Parfois, il fait même moins bien.
C’est la raison pour laquelle nous avons supprimé toutes ces sanctions, qui discréditent l’État et délégitiment de fait ses exigences.
Au lieu de sanctionner, il faut encourager et accompagner : comme l’a très souvent dit Valérie Létard, il ne sert à rien de faire de tels ou tels maires des « carencés pour l’exemple », alors que, de toute évidence, les élus des communes concernées accomplissent un certain nombre d’efforts. (Mme Valérie Létard acquiesce.)
Sur le principe, cet amendement est donc satisfait, puisque nous avons supprimé toutes les sanctions : c’est pourquoi j’en demande le retrait.