M. le président. L’amendement n° 1596, présenté par MM. Devinaz et Jacquin, Mme M. Filleul, MM. J. Bigot et Montaugé, Mme Briquet, M. Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Gillé et Houllegatte, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

1° Remplacer les mots :

deux heures trente

par les mots :

trois heures

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’application de cette interdiction est conditionnée à une étude d’impact ex ante réalisée par des organismes publics indépendants et pluralistes désignés par décret.

La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Nous aussi, nous considérons que le trajet de moins de deux heures trente en train a un aspect symbolique et n’est pas suffisant. Nous proposons, au travers de cet amendement, de viser les trajets aériens pour lesquels une solution de rechange par le train de moins de trois heures existe.

Pour autant, nous sommes vigilants sur les effets de la mesure que nous proposons. C’est pourquoi nous souhaitons conditionner l’application de cette interdiction à une étude d’impact, laquelle doit pouvoir être réalisée, au préalable, par des organismes publics indépendants et pluralistes habilités à cette fin.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 98 rectifié bis est présenté par MM. S. Demilly et J.M. Arnaud et Mmes Dumont, Saint-Pé, Sollogoub et Garriaud-Maylam.

L’amendement n° 239 rectifié quater est présenté par M. Cazabonne, Mme N. Delattre et MM. Laugier, Cigolotti, Chauvet, Hingray et Détraigne.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Supprimer le mot :

trente

La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour présenter l’amendement n° 98 rectifié bis.

Mme Denise Saint-Pé. La restriction du trafic aérien, en plus d’avoir de fortes conséquences économiques sur un secteur déjà fortement touché par la crise, viendra limiter la liberté du commerce et de l’industrie des transporteurs, mais aussi la liberté de déplacement des particuliers.

Les lignes domestiques menacées de disparition sont très importantes pour les voyageurs en déplacement professionnel et pour ceux qui empruntent des correspondances, de même que pour le maintien de la connectivité entre les différentes villes.

De plus, la suppression de ces différentes lignes aurait de graves conséquences locales en termes de pertes d’emploi, sachant que les aéroports constituent un atout essentiel pour l’attractivité économique, la logistique et l’aménagement d’un territoire.

La réponse à ce problème consiste à offrir une solution de rechange ferroviaire, avec des prix attractifs, une régularité assurée et un service intérieur professionnel.

Cet amendement de notre collègue Demilly vise donc à interdire les services aériens sur des liaisons intérieures nationales, dès lors que le trajet peut être assuré par un autre moyen de transport collectif, moins émetteur de CO2, en moins de deux heures.

M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour présenter l’amendement n° 239 rectifié quater.

M. Alain Cazabonne. On mélange souvent les données relatives au rejet de CO2 par le transport aérien.

Un article des Échos a montré que 24 % des trajets aériens pouvant être assurés par une ligne à grande vitesse, une LGV, ne représentent que 3,8 % des rejets de CO2. Les vols internationaux, qui comptent pour 6 % du trafic, représentent quant à eux 47,6 % des émissions de CO2.

Contrairement au trajet Bordeaux-Orly, je n’ai pas trouvé de LGV qui relie Mérignac à Orly… Pour rejoindre Orly depuis Bordeaux, il faut compter un peu plus de deux heures de train ; pour se rendre du secteur aéroportuaire d’Orly à celui de Mérignac, il faut compter trois heures et demie, avec un trajet en véhicule à moteur thermique à travers Bordeaux et Paris.

C’est pour cette raison que je proposerai, au travers d’un amendement ultérieur, que l’on étudie sérieusement cette question, avec des organismes indépendants, afin de parvenir à une position neutre. Pour l’instant, je suis d’accord avec la proposition de Denise Saint-Pé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Tabarot, rapporteur. Chacun propose son temps de trajet… Pour ma part, je tiendrai la position de la commission sur le trajet de deux heures trente.

Tout secteur prend strictement sa part de la décarbonation. Tel est le cas de l’aérien : ce secteur a bien des projets de décarbonation et entend accroître le recours aux biocarburants ; cela a été souvent dit, mais il faut le répéter.

Un effort est demandé, et c’est normal. Dès le début de l’examen de ce texte, nous avons voté des ambitions importantes pour notre pays, afin qu’il respecte un certain nombre d’engagements internationaux.

Dans ce cadre, l’aérien assume sa part. Il en est de même du transport routier de voyageurs, qui va accentuer ses efforts. Quant aux lignes ferroviaires, je vous rappelle que certaines d’entre elles ne sont pas électrifiées dans notre pays, ce qui contraint les trains à rouler au diésel. Les grands opérateurs ferroviaires, comme les opérateurs aériens, devront donc eux aussi réaliser des efforts.

Je souhaite que nous maintenions un temps de trajet en transport de deux heures trente ; le Gouvernement en avait ainsi décidé.

J’ai entendu tous les acteurs du secteur aérien : les compagnies aériennes ont déjà intégré le fait qu’elles n’exploiteraient plus certaines lignes, dans le cadre d’un accord avec le Gouvernement.

Nous veillerons en revanche à ce que le temps de trajet en transport de substitution ne soit pas porté à trois heures trente, voire à quatre heures trente. En outre, nous serons attentifs à ce que le report modal s’effectue dans les meilleures conditions possible. En cet instant, j’ai une pensée pour nos amis bordelais, qui seront les principaux pénalisés par cette mesure.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le Gouvernement est du même avis que le rapporteur. Le temps de trajet en transport de deux heures trente a fait l’objet d’un compromis ; il prend en compte la capacité d’un individu en déplacement professionnel à faire un aller-retour en une journée.

Deux heures trente, c’est aussi l’équivalent d’un vol en avion de centre-ville à centre-ville – le temps de trajet pour se rendre à l’aéroport et en sortir est ici pris en compte.

Si les amendements qui visent à allonger cette durée étaient adoptés, un individu ne pourrait plus faire l’aller-retour dans la journée. Quant aux amendements qui tendent à la réduire, leur adoption conduirait à ce que plus aucune ligne aérienne ne soit concernée ; la mesure s’en trouverait totalement vidée d’effets.

Restons-en au compromis trouvé avec les différents acteurs concernés ; de toute façon, ils s’y préparent.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1093.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1596.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 98 rectifié bis et 239 rectifié quater.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1772 rectifié n’est pas soutenu.

L’amendement n° 2116, présenté par M. Marchand, Mmes Havet et Schillinger et MM. Lévrier et Rambaud, est ainsi libellé :

Alinéa 5, seconde phrase

Remplacer le mot :

aéronefs

par les mots :

services aériens

La parole est à M. Frédéric Marchand.

M. Frédéric Marchand. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président. L’article que nous examinons interdit l’exploitation de services aériens lorsqu’il existe une alternative ferroviaire satisfaisante.

À l’alinéa 5, il est fait mention des « aéronefs ». Or pour évaluer la performance environnementale du transport, il paraît plus cohérent de prendre en compte les « services aériens » dans leur ensemble.

M. le président. L’amendement n° 240 rectifié bis, présenté par MM. Cazabonne et Laugier, Mme Saint-Pé, MM. Cigolotti, Chauvet et Hingray et Mmes N. Delattre et Billon, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

II. - Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2023.

La parole est à M. Alain Cazabonne.

M. Alain Cazabonne. La décision arbitraire de supprimer la ligne intérieure Paris-Orly a suscité bien des questions dans le bassin girondin, notamment du côté des entreprises et des élus.

L’adoption de cet amendement devrait permettre au Gouvernement de reprendre la main, surtout en ce qui concerne la concertation, laquelle a totalement manqué lorsque la décision de fermer la ligne a été prise.

Au nom de Nathalie Delattre, des parlementaires de la majorité, de certains sénateurs et des présidents du département et de la métropole, j’ai demandé un rendez-vous avec le ministre Djebbari et n’ai obtenu qu’une lettre de réponse polie. « Circulez, il n’y a rien à voir » : voilà, en somme, la réponse qui m’a été apportée…

Je souhaiterais que le Gouvernement reprenne la main sur ce sujet, avec un délai d’application : aujourd’hui, il n’y a aucun lien direct entre les aéroports et les gares. Or, dans dix-huit mois environ, un métro, à Paris, et un tramway, à Bordeaux, seront mis en activité à cette fin.

À ce moment-là, nous pourrons observer une amélioration non seulement sur le plan écologique, mais aussi sur les temps de déplacement entre l’aéroport d’Orly et celui de Mérignac. C’est pourquoi je demande que l’entrée en vigueur de l’article 36 soit reportée : une étude sérieuse doit d’abord être menée par différents organismes indépendants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Tabarot, rapporteur. Je souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 2116.

En ce qui concerne l’amendement n° 240 rectifié bis, nous pourrions peut-être accepter de retarder l’entrée en vigueur de l’article de quelques mois, afin que les opérateurs et les individus concernés puissent s’organiser. En effet, c’est un vrai changement dans la vie quotidienne d’un certain nombre de Bordelais et de Parisiens.

Sous réserve des décisions d’Air France, qui a sans doute anticipé les choses, je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’amendement n° 2116 est un amendement rédactionnel tout à fait utile ; le Gouvernement y est favorable.

S’agissant de l’amendement n° 240 rectifié bis et du report de la date d’entrée en vigueur du dispositif, nous devons bien entendu mener des concertations ; ces sujets nécessitent des discussions approfondies à l’échelon local.

Toutefois, en définitive, la décision par laquelle le Gouvernement a déterminé quel était le bon compromis est extrêmement politique, qu’elle soit ou non approuvée par les assemblées. Or le compromis auquel nous sommes parvenus, c’est le seuil de deux heures trente, qui, de notre point de vue, concerne trois liaisons.

Actuellement, ces liaisons ne sont pas opérées par Air France ; un travail est déjà lancé pour déterminer les modalités non seulement de mise en œuvre de l’intermodalité et de la substitution, mais aussi de la jonction entre les différentes zones aéroportuaires. Il y a des solutions !

Renvoyer à plus tard l’application de l’article 36, et éventuellement permettre la réouverture d’exploitation temporaire de ces lignes qui ont vocation à fermer, enverrait un contre-signal.

Pour des raisons de lisibilité et de cohérence, mais aussi d’urgence climatique, le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 240 rectifié bis.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission sur l’amendement n° 2116 ?

M. Philippe Tabarot, rapporteur. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2116.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 240 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 54 rectifié et 55 rectifié ne sont pas soutenus.

L’amendement n° 1682, présenté par MM. Devinaz et Jacquin, Mme M. Filleul, MM. J. Bigot et Montaugé, Mme Briquet, M. Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Gillé et Houllegatte, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Conséquence de l’interdiction mentionnée au présent II, les vols en jets privés sont interdits à l’intérieur du territoire français dont le trajet est également assuré sur le réseau ferré national sans correspondance et par plusieurs liaisons quotidiennes d’une durée inférieure à deux heures trente.

La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Cet amendement vise à rétablir une certaine équité sociale dans les mesures prévues à l’article 36.

Les vols en jet privé, aux tarifs inabordables pour une grande majorité de la population, ont des effets délétères sur l’environnement. Ils émettent dix fois plus de CO2 par personne que les liaisons aériennes commerciales, déjà très polluantes par rapport à d’autres modes de transport. En moyenne, un vol privé de quatre heures suscite autant d’émissions qu’un individu moyen en une année.

D’ailleurs, entre 2005 et 2019, les émissions de CO2 des jets privés en Europe ont augmenté de près d’un tiers, soit plus rapidement que les émissions de l’aviation commerciale, et elles ont encore cru de façon exponentielle depuis la crise de la covid-19. La France est l’un des pays européens où le plus de trajets en jet privé sont effectués.

Or il serait particulièrement discriminatoire de supprimer des services réguliers de transport aérien public de passagers, en raison des émissions de gaz à effet de serre qu’ils suscitent, alors que les jets privés sont plus polluants.

L’application de cette interdiction aurait aussi l’immense avantage d’encourager les constructeurs, les compagnies et les usagers à investir fortement dans la recherche et le développement en faveur de solutions durables et vertes pour ce mode de transport aérien.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Tabarot, rapporteur. La commission sollicite l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La notion de « jet privé » n’a pas d’existence juridique.

Soit les vols sont réalisés par une compagnie aérienne – dans ce cas, ils entrent dans le cadre européen du transport public, et il n’y a pas de discrimination au seul motif du type d’avion utilisé –, soit ils sont organisés sans passer par une compagnie aérienne, ce qui signifie qu’un citoyen possède ou loue un aéronef et engage un pilote privé ; dans ce cas, les vols ne sont pas couverts par le règlement européen concerné.

L’extension de l’interdiction à ces vols remettrait fondamentalement en cause la liberté d’aller et venir. Ce serait comme interdire l’usage de la voiture dès lors qu’il existe une solution de rechange en transports en commun. (Protestations sur les travées des groupes GEST et CRCE.)

M. Ronan Dantec. Ben voyons !

Mme Éliane Assassi. Cela va loin…

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je comprends le sens de cet amendement, mais, pour des raisons juridiques, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour explication de vote.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Le Président de la République s’est vu remettre hier le rapport qu’il avait demandé à vingt-six économistes. Quand vous l’aurez lu, madame la ministre, vous ne pourrez qu’être d’accord avec mon amendement.

Vous êtes en train de créer une exception qui met tout par terre.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Je rappelle à la Haute Assemblée que la France possède Dassault Aviation, l’un des leaders mondiaux de la fabrication des jets privés ; c’est peut-être le meilleur constructeur en la matière.

Grâce à Dassault, nous gagnons des parts de marché à l’étranger ; cette entreprise, avec son savoir-faire et ses usines, est devenue une référence en matière d’aviation d’affaires.

L’aviation d’affaires consiste en des vols qui ne sont pas réguliers, qui sont réalisés de point à point et qui s’adaptent nécessairement à une demande.

Lorsqu’une entreprise installée en Europe possède une usine en Pologne, par exemple, et qu’elle doit y envoyer des équipes techniques, elle préférera que ces dernières s’y rendent en jet privé. Les vols d’affaires permettent d’aller au plus près d’un site et de faire l’économie des heures passées dans les grands aéroports. En outre, l’aviation d’affaires offre une certaine souplesse horaire.

Le secteur de l’aviation d’affaires connaît une crise importante, même si quelques articles de presse ont indiqué qu’il avait bénéficié d’un léger regain à l’occasion de la pandémie de covid-19. Dassault est la seule entreprise française qui tienne la route dans ce domaine. C’est, en tout cas, un très grand constructeur, et nous l’aimons.

La Haute Assemblée enverrait un très mauvais signal en s’attaquant à ce secteur d’excellence qu’est l’aviation d’affaires.

M. Pierre Cuypers. Tout à fait d’accord !

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Il se trouve que j’avais déposé en commission un amendement qui visait l’aviation d’affaires, mais il a été déclaré irrecevable… J’avais, à cette occasion, souligné que les vols privés, qui sont coûteux, échappent à toute taxation. Vincent Capo-Canellas l’a dit un peu malicieusement tout à l’heure, lorsqu’il a rappelé que nous avions augmenté la TSBA, dite taxe Chirac, en la rapprochant du coût des émissions de CO2.

Il s’agit tout de même d’une situation incroyable ! Aucun élément de taxation ne s’applique aux émissions de l’aviation d’affaires.

M. Vincent Capo-Canellas. Il y en a d’autres !

M. Ronan Dantec. Madame la ministre, vous êtes mieux armée que nous pour élaborer un article de loi par lequel le Gouvernement contraindrait l’aviation d’affaires à payer une partie du coût de ses émissions. Quelles sont vos propositions ?

De nombreux articles ont porté sur l’aviation d’affaires. Il faut certes s’inquiéter de l’avenir économique du secteur, mais aussi veiller à ce qu’il ne soit pas stigmatisé au point de souffrir d’une mauvaise image, notamment parce qu’il ne paie pas le coût de ses propres émissions.

Doit-on soumettre les jets privés à une taxation du kérosène ? Nous pourrions étendre la TSBA, comme nous l’avons proposé. Que répondez-vous, madame la ministre ?

Nous sommes en pleine injustice sociale, et l’aviation d’affaires se trouvera de plus en plus confrontée à la non-acceptation sociale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Houllegatte. Monsieur Capo-Canellas, il n’est en aucun cas question d’interdire l’aviation d’affaires. Nous exigeons simplement un parallélisme des formes : ce qui est imposé aux compagnies aériennes de transport public doit l’être aussi à l’aviation d’affaires, dès lors qu’il existe une solution de rechange possible en train, sans discontinuité, d’une durée de deux heures trente.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1682.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 629 rectifié bis n’est pas soutenu.

L’amendement n° 878 rectifié, présenté par MM. Cozic, Todeschini et Antiste, Mme Jasmin, MM. Pla et Raynal, Mme Meunier, MM. Jacquin et Michau, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mme Bonnefoy et M. Cardon, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.… – Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, tous les six mois, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les nuisances sonores qu’impute le déport des passagers empruntant les lignes aériennes, fermées par les dispositions du présent article, sur les lignes ferroviaires.

La parole est à M. Thierry Cozic.

M. Thierry Cozic. Le développement durable nous impose de conjuguer plusieurs objectifs parfois difficilement conciliables ; il faut satisfaire à la fois des exigences planétaires et des besoins locaux, relevant de vie quotidienne. En résultent des contradictions, dont il faut sortir par le haut.

Les dispositions de cet amendement s’inspirent des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, quant aux seuils sonores à ne pas dépasser.

Dans un rapport de 2018, l’OMS indique qu’« un niveau supérieur de bruit est associé à des effets néfastes sur la santé ». En parallèle, un rapport de Bruitparif pointe « les impacts sanitaires du bruit des transports ».

Au-delà des nuisances, ce bruit doit être appréhendé comme « la seconde cause de morbidité derrière la pollution atmosphérique » ; les personnes affectées seraient privées de dix mois à trois ans de vie en bonne santé !

Pour le trafic ferroviaire, selon l’OMS, ces valeurs sont fixées à 54 décibels le jour et à 44 décibels la nuit. Or la France applique pour sa part les seuils de 60 décibels le jour et de 55 décibels la nuit.

Marqueur de la qualité de vie, le bruit est un phénomène complexe, avec ses volets physiques, physiologiques et psychologiques. Nonobstant son caractère fugitif, il est ancré dans l’organisation des territoires et des infrastructures.

Le bruit ferroviaire illustre parfaitement les contradictions qu’il nous faut affronter. À cet égard, deux légitimités s’opposent souvent : d’un côté, la performance environnementale du rail, plus économe en énergie, en carbone et en espace ; de l’autre, l’environnement sonore des populations riveraines.

Ces deux exigences doivent être conciliées, qu’il s’agisse des nouveaux projets ou de la gestion courante des lignes existantes : toute approche négligeant l’une d’elles serait vouée à l’échec.

L’article 36 va conduire à la fermeture de certaines lignes aériennes, mais le flux de passagers entre les destinations concernées ne disparaîtra pas pour autant. Il est fortement probable que les voyageurs concernés se rabattent sur le train : de fait, la SNCF devra assurer une intensification des rotations, et le trafic ferroviaire sur ces lignes augmentera en conséquence.

Aussi, par cet amendement, nous demandons qu’un rapport soit remis tous les six mois au Parlement, afin d’appréhender les conséquences concrètes, en matière de nuisances sonores, du déport sur les lignes ferroviaires des anciens passagers de lignes aériennes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Tabarot, rapporteur. Mon cher collègue, j’entends bien votre question. Les nuisances sonores dans leur ensemble constituent un véritable problème.

Néanmoins, parmi les membres de votre groupe, un certain nombre d’orateurs ont insisté cette après-midi sur l’importance du transport ferré, qu’il s’agisse des trains de jour ou de nuit, des lignes transversales, des trains d’équilibre du territoire, les TET, des TGV ou encore des trains express régionaux, les TER. Et à présent, vous demandez au Gouvernement un rapport sur les nuisances sonores ferroviaires que la fermeture des lignes aériennes aggraverait !

Vous avez entendu la mise au point que nous avons opérée : une seule ligne aérienne est concernée. Aussi, je vous invite à la cohérence. La fermeture de lignes aériennes restera marginale.

Cela étant, je demande au Gouvernement d’être particulièrement vigilant aux nuisances sonores que pourrait induire la montée en puissance du TGV entre Bordeaux et Paris.

Je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, les nuisances sonores provoquées par les transports ferroviaires constituent un véritable sujet. Le ministre des transports est régulièrement interpellé sur ce point, auquel il accorde une attention particulière.

Le plan de relance permet de financer un certain nombre d’actions à cet égard. En particulier, il consacre une enveloppe de 120 millions d’euros à la résorption des nuisances sonores le long du réseau ferré national.

Ainsi, les nuisances sonores entraînées par le transport ferroviaire font l’objet d’une grande vigilance, que je tiens à affirmer une nouvelle fois.

Cela étant, la fermeture des lignes aériennes concernées par l’article 36 n’aura sans doute pas d’impact majeur sur l’intensification du trafic ferroviaire : la liaison la plus chargée, à savoir Paris-Bordeaux, dénombre 1 million de voyageurs annuels par avion, contre 20 millions par le train.

Dès lors, je suis défavorable à cet amendement, d’autant plus qu’il s’agirait de remettre un rapport tous les six mois. Mais je puis vous assurer que le Gouvernement est pleinement mobilisé pour lutter contre les nuisances sonores ferroviaires.

M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour explication de vote.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je tiens à apporter mon soutien à mon collègue sarthois.

On le sait bien, les demandes de rapport ne changent jamais grand-chose. Toujours est-il que, depuis un an, vingt-trois parlementaires sollicitent un entretien avec le ministre des transports pour étudier en détail le problème du bruit à proximité des lignes SNCF, notamment dans le Sud-Ouest, la Bretagne et les Pays de la Loire. Ils n’ont toujours pas obtenu de réponse ; or ce qu’ils demandent au Gouvernement, c’est simplement un peu d’attention !

Madame la ministre, les riverains de ces lignes sont excédés. Vous annoncez que le plan de relance consacrera 120 millions d’euros à cette question : personne n’était au courant, pas même les élus mobilisés sur ce dossier.

Récemment encore, j’ai interrogé M. Djebbari en commission : il m’a répondu que 11 millions d’euros seraient dédiés à ce titre à la ligne à grande vitesse, ou LGV, Paris-Bordeaux et 5 millions d’euros à la LGV Atlantique. Il n’a absolument pas parlé du plan de relance.

Pouvez-vous être, une fois de plus, notre interprète auprès de M. le ministre, pour que nous puissions enfin dialoguer avec lui ? Pensons aux milliers de personnes vivant le long de ces lignes !

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.