Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Vous l’imaginez bien, madame la sénatrice Gisèle Jourda, je vous rejoins dans cette préoccupation. Quand on lutte contre l’érosion de la biodiversité, on est évidemment très attaché à la question de la préservation des sols.
Le plan d’action Zéro pollution est ambitieux, et nous le soutenons dans ses grandes lignes ; je pense notamment à l’idée d’attaquer les pollutions à la source. Il est absolument nécessaire de renforcer notre action contre la dégradation des sols, et la préparation de la stratégie européenne pour prévenir la dégradation des sols est un outil allant en ce sens.
Cet outil doit s’appuyer sur de solides connaissances scientifiques et sur des retours d’expériences. Nous devons, je le répète, être très objectifs sur ces questions, sur les mécanismes et les impacts de la dégradation des sols, c’est-à-dire sur les activités qui y sont liées.
Ainsi, nous avons, à l’échelon national, un groupement d’intérêt scientifique qui réunit des organismes de recherche sur ces questions et dont les travaux constituent une référence à l’échelle internationale, donc également communautaire.
La protection des sols requiert, vous l’avez indiqué, une approche transversale, un décloisonnement, entre les questions industrielles, agricoles ou d’urbanisation. La stratégie Zéro pollution de la Commission doit nous aider à intégrer tous ces enjeux. C’est d’ailleurs lié à l’objectif de zéro artificialisation nette des sols, un objectif national très ambitieux.
Ce sont des défis importants, ne nous mentons pas. Vous êtes tous élus de territoires dans lesquels cette évolution est inquiétante ou, en tout cas, peut susciter des questions.
Il nous faut donc accompagner les territoires, en fonction du contexte local, de l’évolution de la démographie, de l’accueil d’activités économiques ou de la valorisation des gisements fonciers existants ; nous devons avoir une approche très fine. Au reste, dans les territoires, les acteurs savent accompagner leurs interlocuteurs de manière nuancée.
Par ailleurs, au regard du nombre de friches industrielles que nous connaissons, nous faisons face à un défi important ; nous avons, pour le recyclage urbain, des moyens considérables, qui doivent nous permettre de maîtriser l’étalement urbain et la dépollution des sites. Nous disposons, avec le fonds pour le recyclage des friches, qui a été augmenté de 350 millions d’euros, de moyens sans précédent, car la pollution des sols a parfois une origine industrielle et minière.
Le code minier sera révisé au travers du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit Climat et résilience ; je sais que vous avez tenu la plume pour rédiger certaines de ses dispositions, et je vous en remercie.
Cela dit, il nous semble plus prudent d’attendre la stabilisation du cadre européen…
M. le président. Veuillez conclure, s’il vous plaît.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … avant de légiférer à l’échelon national, mais, je le sais, nous sommes d’accord sur ces sujets.
M. le président. Madame la secrétaire d’État, je vous prie vraiment de respecter le temps de parole de deux minutes qui vous est accordé.
La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour la réplique.
Mme Gisèle Jourda. Je souhaite vraiment, madame la secrétaire d’État, que la pollution des sols post-activités minières ou industrielles ne soit pas oubliée dans le Pacte vert. Par-delà la législation nationale, il nous faut une directive européenne en la matière, la directive précédente ayant été abandonnée, afin de donner un sens à ce Pacte vert, que nous désirons tant.
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers.
M. Pierre Cuypers. Madame la secrétaire d’État, quels sont les moyens et les outils que vous comptez déployer en ce qui concerne la gestion des risques sanitaires, dans le cadre de la prochaine politique agricole commune ?
Vous avez indiqué, le 21 mai dernier, dans le cadre des arbitrages relatifs au plan stratégique national, le PSN, pour la PAC post-2023, avoir décidé d’allouer 186 millions d’euros, soit une légère augmentation de ses crédits, au programme de gestion des risques. Je salue cette avancée, mais, nous le savons tous, cette hausse sera nettement insuffisante pour accompagner les agriculteurs face à la multiplication des risques climatiques, sanitaires et économiques qu’ils connaissent.
J’ajoute que les travaux issus du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique seront fondamentaux pour élargir la base de financement de notre politique de gestion des risques agricoles et pour accompagner réellement nos agriculteurs face au changement climatique. C’est un défi pour notre agriculture ; c’est un défi pour notre nation.
Dans vos annonces, la question de la gestion des risques sanitaires a été complètement occultée. La crise de la jaunisse des betteraves sucrières que nous avons rencontrée nous a rappelé durement que le changement climatique s’accompagnait d’une pression sanitaire croissante, renforcée par les différentes interdictions d’outils de protection, et que les agriculteurs pouvaient se trouver démunis.
Il se trouve que les producteurs ne sont éligibles ni au Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental, le FMSE, en vertu du code rural, ce qui explique que les indemnisations aient dû passer par les aides de minimis, ni dans le cadre de la future PAC, dont le financement paraît nettement insuffisant au regard des lignes budgétaires dégagées dans la programmation.
Bien entendu, l’exemple betteravier peut se reproduire dans d’autres filières, et nous devons nous interroger sur le volet indemnitaire après 2023. Que faites-vous, madame la secrétaire d’État, pour éviter que ces filières ne deviennent des mendiantes de la souveraineté alimentaire française ?
Ma question est donc simple : quelles dispositions le Gouvernement auquel vous appartenez compte-t-il prendre à propos de la montée en puissance de la pression sanitaire sur nos cultures ?
Si les stratégies d’innovation et de prévention sont essentielles, un véritable volet financier de type indemnitaire doit être prévu par l’État.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Vous avez suivi avec nous, me semble-t-il, monsieur le sénateur, l’ouverture du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique. Nous trouverons, au cours des mois qui viennent, c’est-à-dire jusqu’au mois de janvier prochain, nombre de réponses aux questions que vous soulevez aujourd’hui.
C’était une démarche essentielle, cela a été beaucoup souligné ; nous devons décloisonner nos politiques, et cela n’a de sens que si l’on accompagne les acteurs et les agriculteurs face à ces défis et à ces nouveaux enjeux. Il convient de concilier des activités et des pratiques de la production agricole française, que nous soutenons pleinement et qui visent à assurer la souveraineté alimentaire, avec les défis, notamment climatiques, auxquels les agriculteurs font face, qui affectent la gestion de l’eau et créent des difficultés sanitaires.
Des aides majeures ont été déployées à destination de ces filières. Vous connaissez l’engagement que nous avons pris, en responsabilité, quand la filière betteravière s’est trouvée en difficulté, voilà quelques mois.
Nous devons faire face, ensemble, à ce défi. Il s’agit non pas de réagir en adoptant des postures dogmatiques, mais de trouver, pour chaque filière, pour chaque secteur, des réponses adaptées et des aides en tant que de besoin ; nous avons su le faire, en cette période difficile, en augmentant de façon relativement importante les dépenses en la matière. L’accompagnement de ces secteurs est donc avéré.
Enfin, en ce qui concerne la transition de certaines filières, il est parfois question de conversion et d’adaptation à une politique commerciale, qui impose de nouvelles normes sanitaires. On fait ainsi la promotion, dans les accords commerciaux, de certaines clauses visant à protéger nos agriculteurs. Nous y sommes très attachés.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, selon la présidente de la Commission européenne, Mme von der Leyen, le Pacte vert nous aidera à réduire les émissions tout en créant des emplois. Le vice-président, M. Timmermans, parle quant à lui de « transition ouverte et inclusive ».
Madame la secrétaire d’État, quels sont les objectifs du Gouvernement en matière de création d’emplois verts dans les filières concernées, particulièrement dans celles de l’énergie, du bâtiment, de l’industrie et de la mobilité ? Quel est, dans le cadre de ce Pacte vert, votre objectif de réduction du chômage de longue durée, qui s’est considérablement accru sous l’effet de la crise sanitaire ? Où en êtes-vous des plans d’action de filières, touchant à la formation initiale et continue ou encore à la requalification, pour être au rendez-vous du volet social de ce Pacte vert ?
En résumé, sur l’emploi et l’inclusion, quelle est votre méthode, s’il y en a une, quelle est votre feuille de route et quels sont vos objectifs quantifiés ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Bien évidemment, monsieur le sénateur, on ne peut pas imaginer une telle transition sans l’implication des nouveaux métiers de la formation, pour accompagner l’évolution de nombre de filières économiques, dans l’industrie et l’activité agricole, au cœur de cette transition.
Nous déployons ces dispositifs avec des moyens, ces emplois verts, qui doivent accompagner les changements de trajectoire professionnelle. L’importance de la formation est évidente. Cette évolution est vécue, je crois, comme une chance, parce que, en ayant la possibilité d’accéder aux moyens qui favorisent la réorientation professionnelle, certaines personnes retrouvent du sens dans leur activité professionnelle.
Nombre de Français cherchent un engagement dans cette transition, et des moyens existent. Chaque semaine, chaque jour, nous sommes sollicités par des filières professionnelles cherchant des personnes pour mettre en œuvre ces nouvelles pratiques.
L’environnement international accompagne également cette transition du point de vue social. D’ailleurs, un sommet social aura lieu à Porto, le 8 mai prochain, au cours duquel le Président de la République portera cette position, avec une forte implication.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Votre réponse est constituée de propos très généraux, madame la secrétaire d’État. Vous n’avez absolument pas répondu aux questions que je vous ai posées. Je le regrette.
Malgré tout, j’espère que le Gouvernement a une feuille de route et des objectifs en matière de créations d’emploi et de réduction du chômage. Cela reste tout de même notre priorité nationale, et la France ne doit pas passer à côté des effets de ce Pacte vert. Pour ma part, j’y crois et je pense que les filières se mobilisent dans cette perspective.
Néanmoins, je le répète, vous n’avez pas du tout répondu à ma question, et je le déplore.
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Pacte vert européen représente, de toute évidence, un tournant important dans la politique climatique de l’Union européenne. En se fixant l’objectif d’une baisse de 55 %, d’ici à 2030, de ses émissions de gaz à effet de serre et de la neutralité carbone d’ici à 2050, l’Union fait preuve d’une ambition sans précédent.
Toutefois, ces buts ne seront pas atteignables sans des réformes dans de nombreux secteurs, tels que l’agriculture, l’énergie, les transports ou encore la gestion des déchets, le sujet que je souhaite aborder.
En effet, en 2020, un plan d’action et des conclusions pour une économie circulaire ont été adoptés par l’Union européenne. S’il s’agit d’un bon pas dans le sens de l’économie circulaire et de la valorisation des déchets, plusieurs problèmes demeurent.
Tout d’abord, il n’y a pas assez de demande, en Europe, pour la plupart des matières premières recyclées. Ainsi, seulement 12 % des matières premières sont issues du recyclage. Il semble donc opportun de fixer des objectifs chiffrés de contenu recyclé dans une majorité de produits et non uniquement dans les bouteilles en PET, ou polytéréphtalate d’éthylène.
De surcroît, pour atteindre une réelle économie circulaire, il est nécessaire de mettre en place des incitations pour récompenser les bénéfices environnementaux du recyclage, puisque le marché n’arrive pas encore à les internaliser.
En outre, si le nouveau règlement sur le transfert des déchets part d’une bonne intention, il est contreproductif en l’absence, en Europe, de marchés finaux de matières recyclées, puisqu’il conduit à une augmentation du stockage et de l’incinération, avec une valorisation plus faible.
Restreindre l’exportation de matières premières issues du recyclage de qualité fausse les marchés et rend les matières premières recyclées encore moins compétitives, alors que les matières premières primaires bénéficient d’un commerce libre, ce qui induit un désavantage concurrentiel.
En outre, l’empreinte carbone des matières premières issues du recyclage, qui est inférieure à celles des matières « classiques », n’est pas suffisamment prise en compte.
Enfin, l’exigence fixée dans la directive-cadre sur les déchets n’est pas suffisamment mise en œuvre et ne permet donc pas que les déchets exportés hors d’Europe soient traités dans des conditions équivalentes à celles qui sont applicables dans l’Union.
Ma question est donc relativement simple, madame la secrétaire d’État : que compte mettre en œuvre le Gouvernement, à l’échelle européenne, pour renforcer le marché des matières premières recyclables et pour permettre une meilleure application de la directive-cadre, afin que soit possible une réelle différenciation entre les déchets posant problème et les matières premières recyclées répondant à des spécifications de qualité ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, je partage votre vigilance. Il est nécessaire d’aller vers une économie pleinement circulaire ; c’était d’ailleurs l’objet d’une réunion que j’ai eue, hier, avec mes collègues du groupe Reach-Up, notamment à propos de la question des batteries ; j’y reviendrai.
La transition de l’industrie européenne se trouve en effet au cœur du Pacte vert, pour assurer la transformation, dans un sens plus durable, du modèle économique. La crise sanitaire que nous connaissons n’a fait que renforcer cet objectif.
C’est tout l’objet de la stratégie industrielle proposée en mai 2021 par la Commission à la suite de la crise sanitaire, qui met l’accent sur cette transition et qui inclut un plan d’action pour l’économie circulaire. Notre stratégie industrielle, au travers d’alliances que nous connaissons déjà – je pense par exemple à l’aviation dite « zéro émission » envisagée par la Commission ou à un travail sur les batteries –, doit s’insérer dans ce cadre, qui pose la question de l’économie circulaire.
La transition vers une économie pleinement circulaire constitue une chance pour conjuguer nos ambitions en matière d’environnement et de souveraineté économique et technologique, tout en créant des emplois verts.
Néanmoins, dans le cadre des négociations actuelles, la situation exige toute notre vigilance, notamment sur la question des batteries ; c’est une évolution qui doit être encadrée. Nous devons prévoir l’observation de l’ensemble du cycle de vie, grâce à aux innovations que nous développons. Je le répète, il convient d’exercer notre vigilance sur l’ensemble du cycle, de l’extraction des matières premières jusqu’au recyclage des batteries usagées.
Il faut également une législation européenne permettant de réduire, en cohérence avec les attentes exprimées par la Convention citoyenne sur le climat, l’utilisation des plastiques à usage unique. Par ailleurs, nous devons appuyer le développement de l’écoconception et le renforcement de l’information des consommateurs, afin de donner à ces derniers les moyens d’agir en faveur de la transition verte.
Au travers de son règlement sur les batteries, la Commission européenne soutient ces objectifs européens, notamment en matière d’incorporation de matériaux recyclés ; nous souhaitons étendre ce principe.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Pacte vert européen est un vaste plan ambitieux, énumérant de nombreuses priorités et proposé par la Commission européenne, afin que l’Europe devienne exemplaire en matière écologique.
Le défi est global et immense, car il est urgent de retrouver un équilibre entre l’homme et la nature.
Toutefois, nous devons être rationnels dans la manière d’aborder ce Pacte vert européen : si nous appliquons de nouvelles normes à ceux qui produisent en Europe, faisons en sorte de pouvoir appliquer les mêmes à ceux qui exportent vers l’Europe. En effet, nous nous imposons des règles de plus en plus exigeantes, parfois légitimes, mais le Pacte vert ne doit pas être l’occasion de rendre plus compétitifs des produits chinois à bas coût, développés dans des conditions écologiques désastreuses.
Prenons l’exemple de l’agriculture. Nos agriculteurs, qui, par l’excellence de leur savoir-faire, travaillent dur pour assurer notre souveraineté alimentaire, attendent de pouvoir enfin vivre dignement de leur métier et assurer le dynamisme économique des territoires ruraux. Ils ne supporteraient pas de subir encore plus de distorsions de concurrence en provenance de l’extérieur de l’Union européenne, comme ils en connaissent déjà à l’intérieur de l’Union. Pour que cette liberté d’échanger ait un sens, il faut que les règles soient les mêmes pour tous et il convient de rétablir de l’équité, de la réciprocité, dans les échanges internationaux.
La politique d’alimentation est cruciale. La stratégie dite « de la ferme à la table » du Pacte vert européen porte sur l’ensemble des stades de la chaîne alimentaire. Une multitude d’initiatives sont attendues dans les prochains mois et années, afin de concrétiser les grands objectifs fixés pour 2030.
Les outils pour y parvenir sont nombreux. Plusieurs acteurs, dont le Sénat, ont déploré l’absence de quantification des mesures préconisées par Bruxelles. D’ailleurs, la Commission européenne aurait, semble-t-il, réalisé une étude prévoyant une baisse de 10 % de la production de l’Union européenne, mais ce document serait bloqué depuis plus de six mois par le vice-président Timmermans, afin de ne pas être publié avant la fin des négociations sur la PAC. Madame la secrétaire d’État, cette affirmation est-elle exacte ? Comment y réagissez-vous ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Chevrollier, la stratégie du Pacte vert, qui se décline notamment au travers de la stratégie dite « de la ferme à la fourchette », doit, en premier lieu, nous protéger des distorsions de concurrence. En second lieu, elle doit préserver la qualité de nos produits, sans contraindre les agriculteurs, qui aujourd’hui peuvent craindre de telles distorsions de concurrence.
Ces stratégies concernent tant l’agriculture ou la pêche que l’alimentation ou la forêt et visent l’horizon de 2030. Elles portent sur la proportion de surfaces agricoles consacrée à l’agriculture biologique ou sur la réduction du recours et de l’exposition aux produits phytopharmaceutiques. Les plans stratégiques nationaux, ou PSN, ont évidemment vocation à contribuer fortement au Pacte vert dans ce cadre ; cela n’en constitue pas l’unique vecteur, mais cette dimension sera néanmoins très observée.
La contribution des PSN au Pacte vert, au travers concrètement de l’écorégime et des mesures vertes du deuxième pilier, constituera l’angle d’analyse de la Commission pour évaluer ces plans stratégiques. En outre, il y aura, dans ces PSN, un mariage de différents aspects ou enjeux relatifs à l’ambition environnementale de la future PAC : les objectifs économiques, le soutien aux filières et aux territoires et le rôle d’appui aux zones rurales.
Dans le cadre de la révision de la politique commerciale, qui est une priorité du Gouvernement – l’actualité récente a montré que celui-ci tenait des positions assez fermes sur ces enjeux –, les propositions intéressantes de la Commission doivent être confortées ; l’intégration, dans les accords commerciaux, de la déforestation importée issue de l’accord de Paris en est un bon exemple.
Nous avons su prendre, je crois, nos responsabilités face aux fragilités des accords commerciaux, qui ne doivent pas mettre en danger l’agriculture et la qualité de la production agricole française. Nous y serons donc très vigilants.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Je vous remercie de vos propos, madame la secrétaire d’État, mais vous n’avez pas répondu à ma question sur cette étude prévoyant une baisse de 10 % de la production européenne.
Le Pacte vert européen doit créer de la valeur ajoutée sur le continent européen, dans une logique de développement social, économique et environnemental, bref de développement durable au sein de l’Union européenne, afin de permettre aux agriculteurs français de dégager des revenus et de créer de la valeur. En tout cas, c’est ce que les agriculteurs attendent.
Nous serons particulièrement vigilants quant à la mise en œuvre de ce pacte.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la lecture des ambitions de ce pacte peut légitimement susciter l’enthousiasme de quiconque porte un intérêt au dérèglement climatique. Le constat est sans appel, et nous nous accordons tous à reconnaître l’urgence d’une lutte contre le changement climatique qui ne soit pas circonscrite à une action locale, ni même nationale, mais qui s’inscrive dans un cadre international.
L’objectif est clair et connu, en réalité, depuis de nombreuses années : il faut parvenir à la neutralité carbone, à l’échelle planétaire, aux alentours de 2050.
Avec le Pacte vert, l’Union européenne entend prendre toute sa part dans ce défi mondial et se dote d’un outil établissant un cadre, imprimant une direction. Parmi les mesures de ce pacte, je veux citer la réduction, d’ici à 2050, de 90 % par rapport à 1990, des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports.
C’est une chose de définir des objectifs ambitieux, c’en est une autre de décliner ces objectifs en actions concrètes ; sur ce point, beaucoup reste à faire.
Prenons un exemple : l’Union européenne comptait quelque 220 000 points de recharge accessibles au public en 2020, et ces bornes sont très inégalement réparties sur le territoire européen.
La feuille de route pour une mobilité durable, présentée à la fin de l’année dernière, présentait l’ambition d’avoir au moins 30 millions de voitures zéro émission sur les routes européennes d’ici à 2030. Cela nécessiterait, on le sait, 3 millions de bornes publiques de recharge ; or l’objectif fixé dans le pacte s’élève à 1 million de bornes en 2025, c’est-à-dire demain. Nous pouvons nous inquiéter d’un tel décalage entre objectifs et moyens d’action.
La Cour des comptes européenne l’a d’ailleurs pointé du doigt, en avril dernier, en indiquant que « l’UE est encore loin de l’objectif […] qu’elle s’est fixé » et qu’« elle ne s’est pas dotée d’une feuille de route stratégique globale pour l’électromobilité ».
Madame la secrétaire d’État, pourrons-nous compter sur la France pour être moteur et faire avancer ce chantier de l’électromobilité européenne ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Piednoir, vous l’avez dit, c’est énorme, ne nous mentons pas : la nécessité de réduire les émissions du secteur des transports de 90 % d’ici à 2050 représente un défi immense.
Heureusement, nous avons des moyens et des réponses. En outre, on observe des trajectoires, par exemple dans le secteur de l’automobile, qui sont parfois beaucoup plus rapides que ce que l’on avait modélisé.
La Commission européenne a présenté, dès le 9 septembre 2020, sa stratégie de mobilité durable et intelligente, ainsi qu’un plan d’action, car, vous l’avez dit, il faut maintenant passer à l’acte. Il y a ainsi 82 initiatives relatives à tous les modes de transport, pour permettre à ce secteur de réaliser sa transformation écologique et numérique.
Il en existe également une déclinaison française, à savoir la stratégie nationale bas-carbone, qui prévoit une décarbonation quasi complète du secteur des transports à l’horizon de 2050, au moyen de cinq leviers clairement identifiés : la décarbonation de l’énergie consommée, grâce notamment à l’électrification de la mobilité et au passage aux carburants alternatifs décarbonés, la performance énergétique des véhicules, la maîtrise de la demande dans le cadre du renforcement de l’économie circulaire, un report modal vers des mobilités propres et un travail sur le transport de voyageurs et de marchandises.
En cohérence avec cette stratégie nationale, il nous faut absolument encourager l’échelon européen, pour favoriser l’accélération du déploiement des carburants alternatifs, le déploiement de l’innovation et de la numérisation dans les transports et la mise en place d’un système de tarification carbone qui permette de donner un signal prix clair pour les opérateurs.
C’est tout l’objet du système communautaire d’échange de quotas d’émission, l’ETS ou Emissions Trading Scheme, de la fiscalité énergétique ou encore de l’écocontribution. La promotion du transport multimodal, notamment du fret ferroviaire, et l’impulsion, dans le secteur aérien, du développement de l’avion du futur doivent également accompagner cette dynamique.
La Commission présentera une grande partie de ses propositions législatives à la mi-juillet prochain, dans le cadre du paquet « Fit for 55 », qui sera présenté dans le courant du second semestre de 2021 ; cela nous permettra d’atteindre ces objectifs.
Nous avons en outre, en France, un objectif en matière de déploiement de bornes, notamment en résidentiel, avec un enjeu de déploiement sur le territoire. Nombre d’acteurs sont, je le sais, extrêmement mobilisés sur ces questions.