M. Pascal Savoldelli. Conclus pour six années, les CRTE se trouvent pris dans une contradiction manifeste entre les objectifs assignés à la relance et la nécessité de concevoir un plan à long terme pour poursuivre les transitions écologiques et industrielles.
Madame la ministre, quels sont les critères communs retenus au titre de la relance et de la transition écologique ? Comment pouvez-vous nous garantir, au nom de l’équité territoriale, que les grandes métropoles ne vont pas accaparer l’écrasante majorité des financements de cette nouvelle contractualisation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. On en revient toujours à la traditionnelle opposition entre ville et campagne !
Monsieur le sénateur, je suis là pour parer à ces risques. Si 837 CRTE sont programmés, c’est bien parce que, dans les territoires, les élus sont extrêmement volontaires.
Vous avez évoqué la temporalité. Je rappelle que les contrats de plan État-région, les contrats de ruralité, les fonds de cohésion européens arrivent à échéance. C’était donc le bon moment pour imaginer une politique au plus près des territoires, qui combine à la fois le court terme et le long terme, d’autant qu’a été mis en place le plan de relance. Tous les territoires doivent pouvoir bénéficier des fonds de relance, qui représentent tout de même 100 milliards d’euros, dont 40 % sont financés par l’Europe.
Bruno Le Maire a évoqué d’éventuels transferts. Je prendrai un exemple concret. Le fonds pour le recyclage des friches, dit fonds Friches, intéresse à la fois les territoires industriels, les centres-bourgs et les centres-villes et rencontre un succès formidable, au point que l’enveloppe qui lui était dévolue est épuisée. Je me bats d’ailleurs avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher pour que ce fonds soit réalimenté.
Le fonds Friches concerne aussi bien le petit village d’Indre-et-Loire, situé au bord de la Loire et traversé par une friche urbaine, comme celui dans lequel je me suis rendue récemment, que des territoires d’industrie à Chalon-sur-Saône, où des industries sont prêtes à s’implanter.
Avec ces contrats, on fait donc bien preuve de pragmatisme et d’inclusion !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, j’aime bien faire le tour de France et je ne doute pas de la sincérité de vos exemples. Pour autant, on ne va pas faire le tour de la France pour vérifier le bien-fondé de la stratégie retenue par le Gouvernement !
Je vous ai demandé quels étaient les critères communs entre la relance et la transition écologique. Je n’ai pas eu de réponse. Ma question ne portait pas sur l’Indre-et-Loire !
Je vous ai demandé si les métropoles allaient capter la majorité des financements. Vous n’avez pas répondu non plus.
Cela fait deux questions sans réponse.
Pour le reste, j’en conviens, on peut se promener ensemble en France. (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot.
Mme Évelyne Perrot. Globalement, comme l’a dit Jean-Paul Prince, nous soutenons fermement les contrats de relance et de transition écologique. Ils seront l’outil qui nous manquait pour décliner territorialement la relance et les politiques nationales d’aménagement du territoire, en harmonie avec les projets de territoire.
Cependant, le concept même de CRTE pose un problème de temporalité, problème exposé de manière un peu caricaturale par l’intitulé du présent débat : « ne pas confondre vitesse et précipitation ». Pourtant, la situation actuelle est une situation d’urgence, qui réclame une réaction rapide.
Néanmoins, nous remercions nos collègues du groupe GEST d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour des travaux de la Haute Assemblée, parce qu’il soulève la question bien réelle de l’articulation dans le temps des politiques qui seront regroupées au sein des CRTE, à savoir une politique de très court terme correspondant au plan de relance, d’une part, une politique de long terme correspond aux projets de territoire, d’autre part.
Dans les délais très courts qui leur sont impartis, les collectivités et leurs regroupements pourront-ils identifier les projets de relance les plus pertinents ? Le calendrier de signature des CRTE sera-t-il adapté à l’agenda électoral ? En d’autres termes, madame la ministre, attendrez-vous les élections départementales et régionales pour signer avec les territoires, sachant que, avant cette échéance, tout risque d’être ralenti ? À plus long terme, une fois les crédits du plan de relance consommés, comment les collectivités seront-elles accompagnées pour pérenniser les projets lancés ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Je centrerai ma réponse sur la question des délais, d’autant que j’ai déjà répondu aux autres points évoqués.
Je le réaffirme : le 30 juin prochain n’est pas une date couperet. Toutefois, nous voulons qu’à cette date, les discussions sur le CRTE soient engagées partout et que soient prévues la mise en place et la signature d’un protocole d’engagement et d’une gouvernance de ce contrat.
Les CRTE qui seront prêts d’ici au 30 juin prochain et qui seront fondés sur un projet de territoire à spectre large – il n’est pas question que ce soit l’addition de petits projets, comme l’a souligné Ronan Dantec – pourront être signés.
Si ce n’est pas le cas, nous voulons que soient signés avant l’été les contrats d’engagement, qui décriront la gouvernance locale du CRTE et préciseront les projets pouvant faire immédiatement l’objet de subventions dans le cadre du plan de relance. C’est possible, mais il faut avoir la certitude qu’ils s’insèrent dans une vision globale.
Il n’est en tout cas pas question de passer à côté des financements proposés.
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. La période bien particulière que nous traversons met en évidence l’investissement des élus locaux et de leurs équipes dans le projet de territoire.
Les contrats de relance et de transition écologique permettront de concrétiser des projets locaux et de donner de l’impulsion à nos ambitions énergétiques et écologiques.
Toutefois, je tiens à rappeler notre attachement au dialogue direct avec les élus locaux, qui a été longtemps négligé. Dans mon département, je tiens à saluer la décision de la préfecture d’associer les élus locaux à la construction et à la mise en œuvre des CRTE.
Le calendrier du dispositif me préoccupe. Je m’inquiète d’une juxtaposition de la relance rapide, nécessaire face à la crise économique, et de la relance structurelle, vitale aux ambitions écologiques.
Le dépôt des dossiers s’est déroulé dans un temps court, peu efficace pour leur constitution. À cela s’ajoutent la difficulté de s’y retrouver face à l’empilement des nombreux dispositifs et l’impression que les dossiers ne trouvent pas de concrétisation. Pourtant, il me semblait que ce contrat unique était l’occasion d’apporter de la cohérence et de la simplification.
En rencontrant des élus sur le terrain, je m’aperçois qu’à ce stade le montant des enveloppes disponibles pour les EPCI et les intercommunalités reste inconnu. Aucun élément chiffré sur les projets déposés n’est disponible.
Je m’interroge donc sur la tenue du calendrier et sur le risque que ces contrats de relance n’entraînent une logique de compétition entre les territoires.
Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur la présentation des budgets, ainsi que sur les indicateurs utilisés pour évaluer les contrats de relance et leur efficacité ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Il est bien normal que les questions se recoupent. J’ai déjà répondu sur certains points. Je répète qu’en effet il n’y a pas d’enveloppe – vous avez raison, monsieur le sénateur –, mais qu’il y a de nombreux financements.
Dans les territoires, les inquiétudes des élus ne portent pas sur le fait de savoir si les projets sont prêts ou non. Ce que veulent les élus, c’est pouvoir présenter un projet global de territoire sur un temps long. Les financements viendront d’abord du plan de relance et seront pérennes ensuite.
J’en viens aux indicateurs d’évaluation des CRTE. L’évaluation des actions constitue un élément clé du pilotage du CRTE pour la collectivité et l’État. La circulaire du 20 novembre dernier contient une annexe permettant aux territoires de s’évaluer, en amont du CRTE, au regard des enjeux de transition écologique qui ont été soulevés.
De même, dans le cadre de l’accompagnement de la démarche, nous proposerons aux territoires un guide d’évaluation sur le volet environnemental. Ce document sera par la suite étendu à d’autres thématiques, à l’instar du PCAET.
Votre question renvoie plus généralement au baromètre de l’action publique mis en place par Amélie de Montchalin, qui nous permet d’évaluer les politiques publiques que nous menons. Régulièrement, en conseil des ministres, le Président de la République nous demande des données, par exemple le nombre de logements rénovés dans le cadre du programme Action cœur de ville. Nous pouvons lui répondre, car nous disposons de cet outil d’évaluation.
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la ministre, vous n’avez pas tout à fait répondu à ma question. Évaluer le nombre de logements concernés par un dispositif n’est pas évaluer des projets ! Je vous demandais, pour ma part, si des indicateurs existaient.
Vous avez répondu à mon collègue que vous étiez pragmatique. Le pragmatisme suffit-il pour évaluer les contrats locaux ?
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin.
Mme Béatrice Gosselin. Contribuer à la réussite du plan de relance dans les territoires en impliquant toutes les collectivités est une évidence pour le Sénat. L’un des grands intérêts du CRTE est de permettre aux collectivités de disposer d’une porte d’entrée unique pour solliciter des aides de l’État et d’offrir une meilleure visibilité aux élus.
Dès le 15 janvier dernier, dans mon département de la Manche, le préfet a entériné les contours des CRTE avec une élaboration en coconstruction associant l’État et les EPCI. Le CRTE suscite un réel intérêt auprès des élus.
Cependant, madame la ministre, plusieurs interrogations demeurent.
La question du calendrier et de l’échéance affichée au 30 juin 2021 continue d’inquiéter, même si vous y avez déjà répondu en précisant que seuls les contours devaient être dessinés à cette date. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) a proposé de repousser ce délai au 30 novembre prochain : si elle était acceptée, cette proposition rassurerait les collectivités.
Il existe également un décalage entre le rythme imposé par les services de l’État pour atteindre les objectifs en matière de transition écologique et la concertation auprès des acteurs locaux. Dans certains cas, on constate un véritable manque de transparence dans les discussions entre les EPCI et l’État : elles mettent de côté les maires et il est difficile pour ces derniers de connaître le contenu et la portée des contrats.
J’insisterai également sur les besoins d’appui en ingénierie. Avec des délais contraints, les territoires ruraux ayant peu d’ingénierie auront des difficultés à s’organiser pour monter les dossiers, ce qui risque d’accroître les inégalités entre les territoires, cela a déjà été souligné.
Je conclurai sur le problème de la répartition des compétences. Plusieurs actions du CRTE sont engagées par l’EPCI, alors que les compétences concernées sont souvent d’ordre communal : actions en direction des commerces, maîtrise du foncier, réhabilitation de l’habitat des centres-villes ou de la voirie… Cependant, les maires ne sont pas toujours associés à l’élaboration des futurs CRTE.
Madame la ministre, bien que je considère l’aide territorialisée que constituent les CRTE comme essentielle pour l’économie de nos territoires, je souhaite connaître vos réponses à ces quelques interrogations.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. D’une manière générale, les CRTE sont en train d’être mis en place, on ne peut donc pas encore tirer de bilan.
J’en viens au fonctionnement des intercommunalités. Vous comprenez bien que je ne peux pas me mettre à la place des élus ; pour autant, j’ai présidé une intercommunalité, j’ai été maire : je connais ces problématiques par cœur !
Il revient aux maires de réclamer, au sein des intercommunalités, la réunion de la conférence des maires, qui est obligatoire. L’État ne peut pas le faire : on lui reprocherait de s’immiscer dans l’action des collectivités territoriales.
J’ai déjà répondu aux questions relatives à l’ingénierie générale. Je précise que le préfet est le délégué de l’ANCT : il a souvent nommé un numéro 2 qui est un sous-préfet ou, selon les départements, le directeur départemental des territoires ou le directeur départemental des territoires et de la mer.
Je rappelle enfin que le projet peut contenir aussi bien des maîtrises d’ouvrage intercommunales que des maîtrises d’ouvrage communales. En effet, je suis absolument d’accord avec vous, madame la sénatrice, les compétences sont communales ou intercommunales.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Je remercie le groupe GEST d’avoir permis la tenue de ce débat, qui est d’une actualité brûlante pour nos territoires.
Les contrats de relance et de transition écologique pourraient à moyen terme représenter un outil d’articulation de la transition, entre les stratégies territoriales et le financement des actions. Ce cadre organisationnel renouvelé détient un réel potentiel en matière de lisibilité des contrats territoriaux.
Néanmoins, des interrogations importantes demeurent concernant le financement, l’articulation, notamment avec les schémas régionaux et l’ensemble des échelons de collectivités, et le soutien en ingénierie.
Sur ce dernier point, madame la ministre, il faudrait cesser de supprimer des postes d’emploi public au Cerema et dans les agences concernées afin de préserver les compétences de l’État en matière d’ingénierie. En effet, depuis 2018 et l’exécution du premier budget voté par la majorité actuelle, le ministère de la transition écologique a perdu plus de 4 000 équivalents temps plein travaillé. Tout CRTE devrait faire l’objet d’un suivi de bout en bout par un chef de projet.
J’appelle enfin votre attention sur l’adéquation nécessaire entre relance et transition écologique. Pour que les CRTE impulsent une véritable relance écologique, il faudrait renforcer l’évaluation de la compatibilité des projets de territoire avec nos objectifs climatiques.
Aussi, madame la ministre, quels indicateurs prévoyez-vous en matière de suivi écologique des projets de territoire retenus, par exemple en matière de diminution d’émissions de gaz à effet de serre, d’économie circulaire ou encore d’innovation sociale avec des partenaires issus de la société civile et de l’économie sociale et solidaire ? Par ailleurs, une hausse progressive des ambitions en matière environnementale est-elle envisagée ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Je ne pense pas que l’on puisse douter de la volonté du Gouvernement en matière d’environnement et de transition écologique.
Je rappelle que les CRTE dépendent à la fois de mon ministère et du ministère de la transition écologique. D’ailleurs, les PCAET font partie des CRTE. Tout cela s’imbrique.
Vous avez évoqué les suppressions de postes au ministère de la transition écologique. C’est peut-être vrai. Pour ma part, je veille à ce qu’aucun poste ne soit supprimé dans les territoires, notamment dans les directions départementales des territoires (DDT) qui, ces dernières années, ont connu une très forte diminution de postes, ce qui a entraîné une baisse de l’action des départements dans les territoires et de l’accompagnement des collectivités territoriales.
L’accompagnement en ingénierie des DDT perdure, mais, vous le voyez bien, nous sommes obligés de nous appuyer sur d’autres ressources comme le Cerema ou l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), qui sont des partenaires de l’ANCT. Ainsi, sur les 410 CRTE qui seront accompagnés, 300 le seront par l’ANCT, 60 par le Cerema et 50 par l’Ademe. Nous développons beaucoup l’ingénierie sur les territoires, car c’est fondamental.
Je n’oublie pas que l’on peut s’appuyer sur l’ingénierie des intercommunalités et des départements – cette question a été très largement soulevée lors de la création de l’ANCT. Tout le monde connaît les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) et les agences d’urbanisme. Il faut savoir utiliser toute l’ingénierie des territoires !
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour la réplique.
M. Joël Bigot. L’ingénierie des intercommunalités de taille importante est indiscutable et elle est utilisée. La question se pose pour les petites intercommunalités et les communes rurales.
Madame la ministre, avec un contrat de dix-huit mois, les volontaires dont vous avez parlé ne sont pas en mesure de conduire le projet de bout en bout. C’est sur ce point que l’inquiétude se fait jour et que je vous interrogeais.
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. La crise sanitaire actuelle et la transition écologique l’exigent : il faut agir vite pour rationaliser l’offre et le foisonnement des contrats existants qui obscurcissent l’efficacité des mesures d’accompagnement de l’État en direction des territoires.
Certes, il faut agir vite, mais il faut également agir bien ! En ce sens, plusieurs points méritent réflexion.
Les délais sont très courts, mais vous en avez tout à fait conscience, madame la ministre.
Par ailleurs, nous ne pouvons que vous alerter sur le tropisme de verticalité souvent trop largement prégnant. Le dialogue vertueux entre l’État et les collectivités territoriales doit s’inscrire dans une approche ascendante, tenant compte de la réalité de l’existant et non l’inverse.
L’innovation publique locale ne doit pas être découragée par un plan national au périmètre préétabli par l’État. Or, comme nous ne cessons de le marteler au Sénat, seule une réelle concertation avec les élus locaux, principalement les maires, véritable échelon de proximité, mais aussi les parlementaires, est un gage d’efficacité.
Je me fais aussi l’avocat de la prise en compte de l’Association nationale des pôles d’équilibres territoriaux et ruraux et des pays, l’ANPP, dans les accords de partenariat, au même titre que l’Association des régions de France, l’Assemblée des départements de France et France Urbaine.
Permettez-moi d’insister sur le pilotage de cette territorialisation, qui doit fidèlement traduire la déclinaison opérationnelle des orientations portées par France Relance.
Les territoires ont besoin de « sur mesure » et les plus fragiles ne doivent pas se voir souffler les financements par ceux qui seraient mieux outillés. Or la logique d’appels à projets ou d’appels à manifestation d’intérêt est mal adaptée pour éviter cela. De même, une approche en péréquation doit pouvoir être envisagée.
L’ANCT est un formidable acteur pour opérer cette territorialisation fine, seule garantie d’équité, dont les territoires ont impérieusement besoin. Encore faudrait-il que la mise en place des comités départementaux, pourtant prévue par la loi, mais trop souvent retardée, soit effective afin que ces structures soient efficaces et opérationnelles.
Madame la ministre, comment comptez-vous œuvrer encore plus efficacement au déploiement des capacités d’accompagnement de l’ANCT dans l’élaboration des CRTE et la mise en place des comités locaux ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous sais attaché à l’ANCT et, comme vous, je pense qu’il faut des comités locaux dans tous les départements. Je compte d’ailleurs bien le rappeler aux préfets qui ont la charge de mettre en place les organisations locales.
Monsieur le sénateur, le CRTE est l’outil de la déconcentration et de la différenciation. En ce sens, il répond exactement à la question que vous m’avez posée. Le CRTE part naturellement du projet des territoires : les préfets ne reçoivent en aucune manière de directives pour orienter ces projets dans un sens ou dans un autre. Les projets examinés seront ceux qui auront été présentés par les élus locaux sur le périmètre d’une ou de plusieurs intercommunalités, puisqu’une telle configuration est possible, ainsi que je l’ai rappelé tout à l’heure.
Tout le monde l’a souligné, l’accompagnement en ingénierie est fondamental. Je le répète pour ceux qui m’ont interrogée sur ce sujet : l’aide de l’ANCT, du Cerema, de l’Ademe notamment est coordonnée et destinée aux territoires en ayant le plus besoin. Il ne s’agit pas d’apporter de l’aide à la métropole de Nantes, qui n’en a nul besoin, car elle dispose en son sein de tous les services d’ingénierie nécessaires. En revanche, vous imaginez bien que ce n’est pas le cas de la Corrèze ou de la Creuse !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. Nous voici maintenant dans le Cantal… (Sourires.)
Bâtir une politique contractuelle territoriale pour donner de la lisibilité et du sens à l’action territoriale de nos collectivités et garantir l’engagement de l’État dans la durée en leur direction : qui s’en plaindrait ?
Disposer d’une approche différenciée ? Oui, bien sûr !
En revanche, répondre de manière conforme aux orientations gouvernementales suscite plus d’interrogations. Attention au syndrome des contrats de Cahors qui n’avaient de contrat que le nom !
Disposer d’une vision territoriale des politiques publiques à conduire et des équipements à réaliser ? Oui, bien sûr !
Écarter ou presque les communes de la négociation, c’est nier qu’elles constituent le socle de nos territoires et de notre République.
Créer un guichet unique, faciliter l’accès aux financements ? Oui, encore oui !
Ne créer aucun fonds nouveau, ne s’engager dans la durée – hors dotations de soutien à l’investissement local exceptionnelles pour 2020 et 2021 – sur aucun accroissement de la DETR ni des autres fonds, c’est proposer un contrat de dupes ou c’est écarter tout financement possible hors CRTE demain.
Vouloir engager de manière volontariste une politique concertée ? Oui, bien sûr. En revanche, vouloir la conduire dans un délai aussi court, avant le 30 juin prochain, qui plus est dans un contexte sanitaire et électoral qui n’y est pas propice, c’est empêcher une réelle concertation et l’émergence d’une vision partagée, alors qu’il s’agit de s’engager pour une durée de six ans.
Retenir du CRTE le « R » de la relance et le « TE » de la transition écologique, pourquoi pas ? Reste que c’est un recul par rapport au « R » précédent du contrat de ruralité et un enfermement, car les transitions dans nos territoires sont bien plus nombreuses.
Je passe sur les lourdeurs administratives constatées sur le terrain.
Madame la ministre, ma question est simple : en matière de CRTE, comptez-vous laisser une place plus importante aux communes, au « C » de contrat et accorder des délais plus longs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur du Cantal, j’ai déjà répondu à beaucoup de vos questions. Je veux bien me répéter, mais le président va faire remarquer que je suis trop bavarde…
Le CRTE, je l’ai dit, donne de la place aux communes. D’ailleurs, les intercommunalités sont composées de communes… Il n’y a jamais eu autant d’argent pour financer les projets locaux, donc je ne vois pas où est le contrat de dupes. Par ailleurs, la circulaire du Premier ministre précise, à la page 5 : « Dans les territoires ruraux, les contrats porteront l’appellation de contrats de ruralité, de relance et de transition écologique. »
Ne faisons pas de faux procès ! Nous sommes là pour favoriser le développement des territoires : la ruralité comme les quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui ont aussi besoin de transition écologique, économique et démographique. Nous nous efforçons d’être les plus transparents, intégrateurs et efficaces possible dans les territoires.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.
M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, je n’ignore pas que les communes sont constitutives du bloc communal et des intercommunalités. Simplement, force est de constater sur le terrain que les contraintes, les délais et les conditions de mise en œuvre ne leur permettent pas une expression suffisante et ne leur donnent pas l’assurance de voir leurs propositions prises en compte dans un projet de territoire dans le contexte que nous connaissons aujourd’hui.
Pour en revenir aux questions de financement, je ne disconviens pas que des crédits figurent dans le plan de relance. Cependant, vous l’avez dit vous-même, ces crédits portent sur cette année et l’année prochaine ; ils ne vont pas au-delà. Des financements, notamment au titre de la DETR, doivent être maintenus. Si les CRTE ne sont financés que sur les fonds existants, je m’interroge sur la pérennité des financements des collectivités.
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines, nous débattions ensemble de la politique d’aménagement du territoire de notre pays, en rappelant que la multiplication et l’accumulation des mesures et des programmes ne traduisaient pas pour autant systématiquement une réelle vision politique.
Nous débattons aujourd’hui d’une nouvelle mesure, d’un nouveau contrat qui, en réalité, ne contient rien de nouveau. En effet, les contrats territoriaux de relance et de transition écologique ont pour vocation, selon le Gouvernement, de simplifier la mise en place du plan de relance dans les territoires en regroupant les différents programmes lancés par le Gouvernement comme Action cœur de ville, Petites villes de demain ou France Services. Ce n’est donc pas une nouvelle mesure, mais un regroupement de mesures existantes.
Lancés dans la précipitation, ces contrats ajoutent encore un peu plus à la confusion des élus, notamment au regard du calendrier extrêmement serré proposé par le Gouvernement. En effet, les élus ont jusqu’au 30 juin 2021 pour s’accorder sur le contenu de ces contrats, alors que les périmètres viennent juste d’être définis par le Gouvernement en mars dernier. Quelle place sera donc donnée à la concertation entre les élus dans ce calendrier, qui intègre par ailleurs, cela ne nous aura pas échappé, des échéances électorales mobilisant ces derniers sur bien d’autres sujets ?