M. le président. L’amendement n° 499, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le quatrième alinéa du présent 2° s’applique avant toute transcription sur les registres d’état civil français d’un mariage célébré par une autorité étrangère. » ;
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Cet amendement a pour objet d’étendre la mesure visant à lutter contre les mariages forcés aux mariages célébrés à l’étranger, par une autorité étrangère, puis enregistrés à l’état civil français par la représentation diplomatique ou consulaire française territorialement compétente.
En effet, la transcription, en droit français, du mariage d’une personne française avec une personne étrangère, célébré par une autorité étrangère légitime pour le faire, produit des effets civils en France, pour les enfants et les époux, en permettant notamment d’obtenir la nationalité française.
Étant donné que la demande de transcription est faite auprès de l’autorité consulaire ou diplomatique compétente, en fonction du lieu de célébration du mariage, il revient à cette même autorité de prendre des mesures de prévention nécessaires pour empêcher, au maximum, la transcription de mariages dont l’objet serait d’obtenir la nationalité française sans reposer sur le consentement réel, sérieux et intègre qu’exige l’article 146 du code civil.
Ces fraudes, qui permettent la célébration de mariages simulés, que les deux conjoints soient au courant ou non, ouvrent la porte à une immigration clandestine légalisée et sont la cause de l’explosion des statistiques d’annulations de mariage.
L’obtention de la nationalité par le mariage est la première cause de l’immigration en France ; il faut la contrôler. Notre droit doit prendre les mesures de prévention nécessaires pour empêcher les nombreuses fraudes. La nationalité française s’hérite ou se mérite ; elle n’est pas une coquille vide et ne doit pas se laisser violer.
L’officier de l’état civil doit donc faire réaliser une audition commune ou des entretiens individuels avant la transcription du mariage célébré par une autorité étrangère, afin d’éviter toute tentative de fraude à la nationalité française.
Tel est le sens de cet amendement, que je vous propose, mes chers collègues, de voter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Mon cher collègue, cet amendement est satisfait par le texte de la commission, qui, pour lever toute ambiguïté sur ce sujet, a procédé à la coordination de tous les articles relatifs aux mariages célébrés à l’étranger. Vous pouvez vous en assurer en consultant les alinéas 12 à 21 de l’article 17.
La commission vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Ravier, l’amendement n° 499 est-il maintenu ?
M. Stéphane Ravier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 499 est retiré.
L’amendement n° 177 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler et MM. Savary, H. Leroy, Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au dernier alinéa de l’article 63, les mots : « 3 à 30 euros » sont remplacés par le montant : « 750 euros » ;
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
M. Stéphane Le Rudulier. Les officiers d’état civil doivent obligatoirement procéder à l’audition des futurs époux, préalablement à la publication des bans, afin de détecter le défaut d’intention matrimoniale réelle et libre des candidats au mariage.
L’objet de cet amendement est de faire passer l’amende encourue par l’officier d’état civil ne se conformant pas à cette obligation d’un montant compris, selon l’article 63 du code civil, entre 3 et 30 euros, ce qui n’est pas assez dissuasif, à 750 euros, soit le montant prévu pour les contraventions de quatrième classe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je souhaite préciser deux points.
D’une part, Mme Boyer indique, à l’appui de son amendement, qu’il existe une obligation d’audition préalable à la publication des bans ; cela n’est pas vrai, cette audition n’est absolument pas obligatoire.
Ces auditions, qui sont encadrées, sont prévues lorsque l’officier ou les services de l’état civil ont des soupçons sur un mariage. En effet, l’article 63 du code civil prévoit que l’audition commune des futurs époux est conduite « sauf en cas d’impossibilité ou s’il apparaît, au vu des pièces fournies, que cette audition n’est pas nécessaire au regard des articles 146 et 180 » du même code.
D’autre part, je ne crois pas que l’augmentation d’une amende encourue pour non-respect des prescriptions de l’article 63 changerait quoi que ce soit à ces mariages compliqués, à propos desquels il faut effectivement faire quelque chose.
Il a semblé plus pertinent à la commission d’inciter à la formation et à la sensibilisation à ce sujet des élus et des fonctionnaires chargés de l’état civil. Là, il y a un véritable enjeu. Tous les élus locaux ici présents le savent, il n’est pas si simple que cela, lorsqu’un dossier de mariage est déposé, de détecter les points qui posent problème.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Le Rudulier, l’amendement n° 177 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Le Rudulier. Je suis d’accord avec Mme la rapporteure, l’audition n’est pas une obligation. Néanmoins, l’amendement a pour objet de rendre le montant de l’amende réellement dissuasif.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 255 rectifié, présenté par MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Guiol, Requier, Roux et Artano et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au deuxième alinéa, les mots : « dans les quinze jours de sa saisine » sont remplacés par les mots : « dans un délai de quarante-huit heures et par une décision motivée par écrit » ;
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’article 17 du projet de loi clarifie les conditions dans lesquelles un officier d’état civil est amené à conduire un entretien individuel avec chaque futur époux, afin de vérifier que le mariage envisagé n’est ni forcé ni frauduleux.
Dans les cas où il existe des doutes sérieux quant à la sincérité d’un mariage, cet officier doit saisir le procureur de la République. Il est nécessaire que la décision de ce dernier intervienne dans un délai rapide, au regard de l’urgence de la situation, afin que l’on puisse s’opposer au mariage ou suspendre la célébration de celui-ci.
Il est également nécessaire que cette décision fasse l’objet d’une motivation écrite susceptible d’informer, dans les meilleurs délais, les agents de l’état civil, ainsi que les futurs époux, du sens de la procédure qui suivra.
Cet amendement vise à satisfaire ces deux objectifs, en réduisant le délai dans lequel le procureur doit fournir sa réponse aux signalements qui lui sont faits et en imposant une motivation écrite de sa décision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Nous connaissons le principe et l’organisation du signalement au procureur, par les maires, de ces mariages douteux, à la suite d’entretiens.
Les procureurs réagissent en fonction du temps dont ils disposent pour faire tout ce qu’ils ont à faire et, selon nous, un délai de quarante-huit heures serait matériellement impossible à respecter pour eux.
La commission comprend le sens de votre amendement, qui vise à prévoir des délais rapides, mais elle sait qu’il sera impossible de répondre en quarante-huit heures aux signalements.
Vous avez raison, mon cher collègue, de souligner l’importance de ce sujet ; les procureurs ne peuvent ou ne veulent pas traiter ces dossiers de manière prioritaire.
Nous l’avons compris lors des auditions que nous avons organisées, c’est un véritable problème pour les maires, qui signalent leurs doutes sur des mariages leur paraissant soit forcés soit frauduleux et pour lesquels ils n’obtiennent pas de réponse dans les délais requis. Vous avez raison, ce problème est réel, mais le délai de quarante-huit heures est impossible à respecter.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Je ne voterai pas cet amendement, mais ses dispositions posent la question de l’application de la loi et de l’effectivité des textes que nous adoptons.
Le projet de loi instaurait un questionnaire unique pour tous les maires ; c’est très bien, mais cela soulève la question de l’adaptation de ceux qui sont interrogés lors des entretiens individuels, donc cela suppose que le questionnaire change très régulièrement.
De la même manière, il s’agit ici d’une question de mise en œuvre. Je serai plus insistant que Mme la rapporteure, qui a dit les choses en termes très mesurés : les communes, surtout les petites, qui sont plus souvent ciblées, ont un problème lorsqu’elles signalent leurs soupçons au procureur. Elles font même parfois l’objet d’une intervention orale du bureau du procureur, qui les dissuade de procéder au signalement et encore plus aux entretiens !
Il faut donc alerter le Gouvernement à ce sujet. Les dispositions législatives existent ; nul besoin de les améliorer, encore moins de raccourcir les délais – cela donnerait un prétexte supplémentaire au procureur pour ne pas intervenir et pour laisser célébrer les mariages. Simplement, il faut que la Chancellerie remobilise les procureurs, pour que les textes soient réellement appliqués.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mon intervention sera de la même veine que celle de notre collègue de Belenet. Elle se fonde sur ce que Philippe Bas a appelé, plus tôt, des « tigres de papier ».
Ce texte prévoit toute une série de normes, d’injonctions et de contrôles. Or nous n’avons eu de cesse, depuis le début de l’examen du projet de loi, de constater que les administrations n’auront de toute façon pas la possibilité d’exercer ces contrôles – elles n’en demandent d’ailleurs pas tant !
C’est quelquefois très préjudiciable ; nous l’avons dit hier en matière fiscale et parlons aujourd’hui des mariages. Les motifs de l’opposition du Gouvernement sont intéressants : de toute évidence, les procureurs sont débordés. Mais que veut-on ?
Je crains que ce texte ne nous donne le sentiment de n’avoir pas fait œuvre utile. Ses dispositions, en grande partie, se révéleront totalement stériles, au sens où elles ne produiront aucun effet.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Monsieur de Belenet, le questionnaire existe déjà. De toute façon, un questionnaire ne suffirait pas à prévoir tous les échanges d’un officier d’état civil avec l’un des mariés. Un questionnaire ne peut être qu’un document qui oriente une discussion ; il est conduit à évoluer en fonction des réponses qui sont formulées.
Telle est la nuance que je tenais à apporter. Un questionnaire, par définition, donne des axes d’échange, mais il ne peut suffire à prévoir toutes les questions.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, je souhaiterais modifier l’amendement n° 255 rectifié, afin de porter le délai de quarante-huit heures à huit jours et de prévoir que les décisions motivées seront adressées par courriel – ce sera plus rapide ! (Sourires.)
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 255 rectifié bis, présenté par MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Guiol, Requier, Roux et Artano et Mme Pantel, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au deuxième alinéa, les mots : « dans les quinze jours de sa saisine » sont remplacés par les mots : « dans un délai de huit jours et par une décision motivée par courriel » ;
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La proposition paraît nettement plus raisonnable. La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Il y a un vrai doute sur le temps qui est laissé pour réaliser l’enquête. Le garde des sceaux prendra de toute façon une circulaire d’application.
Le Gouvernement maintient donc son avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 175 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Boré et Le Rudulier, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Houpert, B. Fournier, Charon, Longuet, Bouchet, Genet, Savary et H. Leroy, Mmes Bourrat et Schalck et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il apparaît que le mariage envisagé a pour finalité de tenter de commettre l’une des infractions mentionnées à l’article L. 623-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le procureur de la République, saisi sans délai par l’officier d’état civil, est tenu dans les quinze jours de sa saisine de surseoir à la célébration du mariage et de faire procéder à une enquête sur cette tentative de commission d’infraction. » ;
…) Au troisième alinéa, les mots : « un mois renouvelable » sont remplacés par les mots : « deux mois renouvelables » ;
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
M. Stéphane Le Rudulier. Toujours dans le souci d’empêcher qu’un mariage puisse être contracté aux fins d’obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou la nationalité française, il convient d’obliger le ministère public, saisi par le maire, à surseoir automatiquement à la célébration d’une union en cas de suspicion de mariage de complaisance.
Actuellement, le délai de sursis est d’un mois renouvelable.
Nous proposons de porter ce délai à deux mois renouvelables, afin de prendre en considération les recommandations de la commission des lois et de laisser au procureur de la République davantage de temps pour diligenter une enquête, afin d’établir la tentative de commission des infractions décrites à l’article L. 632-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le Ceseda, et, le cas échéant, d’engager des poursuites.
M. le président. L’amendement n° 176 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, de Legge, Meurant, Houpert, B. Fournier, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet et Savary, Mme Boulay-Espéronnier, M. H. Leroy, Mmes Bourrat et Schalck, MM. Segouin et Tabarot et Mme Berthet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au troisième alinéa, les mots : « un mois renouvelable » sont remplacés par les mots : « deux mois renouvelables » ;
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
M. Stéphane Le Rudulier. Il s’agit d’un amendement de repli.
Actuellement, le procureur de la République est tenu, dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine, soit de laisser procéder au mariage, soit de faire opposition à celui-ci, soit de décider qu’il sera sursis à sa célébration dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fait procéder. Il fait connaître sa décision motivée à l’officier d’état civil et aux intéressés.
La durée du sursis décidé par le procureur de la République ne peut excéder un mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée. Nous suggérons de porter ce délai à deux mois renouvelables, afin de prendre en considération les recommandations de la commission des lois et de laisser au procureur de la République davantage de temps pour diligenter une enquête.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Les dispositions de l’amendement n° 175 rectifié posent problème, car le procureur, lorsqu’il sursoit à la célébration d’une union, doit disposer d’éléments.
Conformément à votre proposition, le procureur devrait prononcer automatiquement un sursis dès lors qu’un signalement est effectué. Mais sur la base de quels éléments peut-il alors prononcer un tel sursis ? Le maire peut certes avoir des doutes et les signaler au procureur, mais ce dernier doit disposer d’éléments pour diligenter une enquête.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
Quant à l’amendement n° 176 rectifié, la commission s’en remet à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. L’article 175-2 du code civil a déjà vocation à s’appliquer aux mariages frauduleux, dans la mesure où il renvoie à l’article 146 du même code, relatif à l’absence d’intention matrimoniale, sur lequel se fonde habituellement la jurisprudence pour sanctionner les mariages blancs ou gris.
La rédaction ici proposée laisse entendre que la preuve de la commission d’une infraction paraît établie, lorsque le procureur de la République est saisi par l’officier d’état civil.
Or toutes les auditions que nous avons menées, notamment avec l’Association des maires de France, nous montrent à quel point il est difficile d’établir l’infraction – un présupposé ne correspond pas toujours à la réalité !
Le procureur de la République est saisi sur le fondement d’indices qui laissent penser que le mariage serait conclu à des fins étrangères à la création d’une union matrimoniale. Il lui appartient ensuite de déterminer si ces indices sont suffisamment sérieux pour surseoir à la célébration d’un mariage.
Enfin, le pouvoir d’appréciation du procureur de la République est une condition de la constitutionnalité du dispositif de contrôle préalable de la validité des mariages. Il nous semble impossible de le supprimer.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Monsieur Le Rudulier, les amendements nos 175 rectifié et 176 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Stéphane Le Rudulier. Oui, je les maintiens, monsieur le président. Néanmoins, je rejoins l’avis de Mme la rapporteure et préférerais que le second amendement soit adopté.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 176 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. La modification du délai n’est pas une mauvaise idée.
En effet, il existe un réel problème de nomadisme en la matière. Si un couple s’aperçoit que telle mairie est suspicieuse des fins pour lesquelles la célébration d’un mariage est demandée et saisit le procureur pour qu’il prononce un sursis, il risque de se rendre dans une autre commune, voire dans une autre région.
Comment éviter ce nomadisme, madame la ministre ? Il n’est pas possible de tenir un registre des couples dont les mairies ont refusé de célébrer l’union. Nous avons déjà évoqué ce problème en commission ; il devrait y être remédié plus tard, m’a-t-on dit. En tout cas, il y a là un vrai sujet.
Par ailleurs, compte tenu de toutes les dispositions que nous votons, je me demande comment les procureurs, qui sont déjà submergés de travail, vont s’en sortir…
Je voterai donc en faveur de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 663, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
1° Remplacer les mots :
par l’officier de l’état civil avant toute
par les mots :
avant une
2° Après le mot :
ou
insérer le mot :
une
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Pour répondre à Mme Goulet, lors de nos travaux en commission, nous avons ajouté à l’article 17 un alinéa 10, qui prévoit la mise en place d’une base de données spécifique dédiée au traitement informatisé des décisions d’opposition et de sursis, afin de remédier en partie aux problèmes de nomadisme.
Cet amendement vise à donner plus de souplesse au ministère de la justice pour organiser la consultation de cette base de données. Cette consultation pourrait être faite directement par l’officier d’état civil, ou indirectement par l’intermédiaire du procureur de la République.
L’objectif est que l’officier d’état civil, avant de célébrer un mariage ou de transcrire un mariage célébré à l’étranger, puisse prendre connaissance d’une éventuelle décision d’opposition ou de sursis déjà prononcée.
Afin que les choses soient déterminées d’un point de vue réglementaire, le décret d’application déterminerait les catégories de personnes pouvant accéder à la base de données ou être destinataires des informations qu’elle contient. Cela donnerait des clés aux officiers d’état civil et aux procureurs pour contenir le nomadisme des dossiers.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Madame, la rapporteure, vos échanges ont été nombreux avec le ministre de l’intérieur ; vous connaissez la position du Gouvernement sur la création de cette base de données, qui recenserait, au niveau national, l’ensemble des décisions d’opposition et de sursis à la célébration d’un mariage ou à sa transcription sur les registres de l’état civil.
Nous y sommes défavorables, car, en pratique, il paraît complexe et coûteux de la mettre en place, compte tenu du nombre de communes concernées.
Il faudrait, au préalable, dématérialiser et interconnecter la totalité des registres de l’état civil des communes portant sur les mariages. Le coût suscité par cette opération serait lourd à porter, en particulier pour les plus petites communes, qui devraient réaliser des investissements très importants.
Nous invitons le Sénat à prendre en considération les difficultés que les communes rencontreraient pour supporter les contraintes qu’impliquerait une telle réforme.
Nous relevons que cet amendement vise à apporter une certaine souplesse au dispositif de consultation, en ce que celle-ci pourrait également être effectuée par les procureurs de la République. Toutefois, dans les faits, ces dispositions ne pourraient pas être appliquées avant plusieurs années au moins, faute pour les procureurs de la République de disposer eux-mêmes d’une base nationale des sursis et des oppositions à mariage.
Cette base de données pourrait être créée dans le cadre de la refonte des applications civiles des juridictions, par exemple, à laquelle le garde des sceaux travaille actuellement.
Aussi, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cette mesure n’aurait aucune incidence ni ne susciterait aucun coût pour les collectivités locales, puisque la base de données serait centralisée au niveau des procureurs. Les collectivités sont plutôt en demande de ces informations.
L’alinéa que nous avons ajouté précise bien le contexte dans lequel les informations sont traitées. La création de la base de données ne surcharge en rien les collectivités locales, en termes tant de moyens humains que de ressources financières.
M. le président. L’amendement n° 315, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 180 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les qualités essentielles mentionnées à l’alinéa précédent ne peuvent concerner la virginité des époux. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Si ce projet de loi entend réellement réaffirmer les principes de la République, au premier rang desquels le principe de laïcité, il ne saurait être uniquement le symbole de la stigmatisation gratuite d’une certaine partie de la population française, notamment des musulmans. Au contraire, il devrait être vecteur de progrès sociétaux, en l’occurrence en matière de droit des femmes.
Souvenons-nous de quelques errements de la jurisprudence, à l’image d’un arrêt rendu par le tribunal de grande instance de Lille en 2008, qui a prononcé la nullité d’un mariage au motif de la non-virginité de la future épouse. Vous conviendrez qu’il s’agit là d’une vision passéiste et surtout religieuse du mariage, qui, pourtant, constitue une institution républicaine.
Il reste bien des progrès à accomplir en matière de droits des femmes et de liberté des individus à disposer de leur corps et à vivre librement leur sexualité.
Pour tenter d’abréger ce long chemin, le présent à amendement vise à exclure la virginité des époux du champ des qualités essentielles pouvant justifier une annulation du mariage au sens de l’article 180 du code civil.
Cette précision n’est aucunement superfétatoire, comme le montre l’arrêt du tribunal de grande instance de Lille. Il nous apparaît utile de réaffirmer un principe tel que la libre disposition de soi, qui est tout aussi fondamental que la laïcité.