Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé. Satisfait !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Sur le fond, il existe en effet une jurisprudence constitutionnelle sur cette question qui ne permet pas de donner un avis favorable à cet amendement, mon cher collègue.
Par ailleurs, il faut savoir que les personnes condamnées pour des actes de terrorisme encourent déjà comme peine complémentaire la perte de leurs droits civiques ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement, qui est satisfait.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, j’ajoute simplement à ce qu’a excellemment expliqué Mme la rapporteure que l’article 47 de la loi Informatique et libertés interdit l’utilisation d’un fichier aux fins que vous appelez de vos vœux. Au stade de l’inscription à un fichier, un certain nombre de vérifications, notamment judiciaires, ont lieu : si une condamnation a été décidée, alors le juge a la possibilité de faire ce que vous demandez.
M. Loïc Hervé. Évidemment !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis donc totalement défavorable à votre amendement. (M. Loïc Hervé applaudit.)
Mme le président. Monsieur Pemezec, l’amendement n° 85 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Pemezec. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 85 rectifié est retiré.
Article 4
Le chapitre III du titre III du livre IV du code pénal est ainsi modifié :
1° La section 2 est ainsi modifiée :
a) Le dernier alinéa de l’article 433-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa ne s’applique pas aux faits mentionnés à l’article 433-3-1. » ;
b) Il est ajouté un article 433-3-1 ainsi rédigé :
« Art. 433-3-1. – Est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait d’user de menaces ou de violences ou de commettre tout autre acte d’intimidation à l’égard de toute personne participant à l’exécution d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public, afin d’obtenir pour soi-même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service.
« Lorsqu’il a connaissance de faits susceptibles de constituer l’infraction prévue au premier alinéa, le représentant de l’administration ou de la personne de droit public ou de droit privé à laquelle a été confiée la mission de service public dépose plainte. » ;
2° Après l’article 433-23, il est inséré un article 433-23-1 ainsi rédigé :
« Art. 433-23-1. – L’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée maximale de dix ans, à l’encontre de tout étranger coupable de l’infraction prévue à l’article 433-3-1. »
Mme le président. L’amendement n° 304 rectifié, présenté par Mme Benbassa, M. Benarroche, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet article crée une nouvelle infraction pénale visant les menaces, les violences et les actes d’intimidation à l’égard d’un agent public ou d’un élu.
Cette nouvelle infraction interroge pour deux raisons.
D’une part, la notion d’« acte d’intimidation », qui est floue, ouvre des perspectives trop larges d’interprétation et ne semble pas conforme au principe de clarté et de précision de la loi pénale consacré par l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
D’autre part, cette nouvelle incrimination ne fait qu’accroître le millefeuille législatif déjà complexe des délits pénaux. En effet, l’article 433-3 du code pénal réprime les menaces à l’encontre d’un agent public ou d’un élu et étend cette protection à leurs familles et à leurs proches. Elle contribue donc à rendre la loi pénale encore plus illisible et peu accessible, puisque l’ensemble des dispositions sont déjà prévues dans notre arsenal pénal.
Par ailleurs, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’interroge sur la pertinence de l’introduction d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire pour les étrangers.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 4.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. L’article 4 apporte un certain nombre de précisions, qui me semblent nécessaires.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Ma chère collègue Benbassa, vous défendez régulièrement la faune ou la flore, je peux l’entendre, mais que vous refusiez, alors que vous êtes sénatrice, de défendre les élus de la République, les bras m’en tombent ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 43, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
ou de commettre tout acte d’intimidation
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Pour une raison que j’ignore, mes amendements nos 42 et 43 ne figurent pas l’un après l’autre dans l’ordre de la discussion, alors qu’ils sont liés. L’amendement n° 43 vise à supprimer les mots « ou de commettre tout acte d’intimidation », parce que je définis justement l’acte d’intimidation à l’amendement n° 42. Ainsi, la relative cohérence qui existait entre ces deux amendements, lorsque je les ai rédigés, disparaît complètement en séance…
Par conséquent, je retire l’amendement n° 43, au profit de l’amendement n° 291 rectifié, mais je défendrai l’amendement n° 42.
Mme le président. L’amendement n° 43 est retiré.
L’amendement n° 291 rectifié, présenté par MM. Bas, Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Darnaud, Mme de Cidrac, MM. de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, MM. Gueret, Houpert et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lherbier, Lopez et Malet, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mme Noël, MM. Paccaud, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec et Piednoir, Mmes Pluchet, Procaccia et Puissat, M. Regnard, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, M. Vogel, Mme Bourrat, M. Daubresse, Mme Di Folco, M. Husson, Mme Primas et MM. Segouin, Bonhomme et Rapin, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
ou de commettre tout autre acte d’intimidation
par les mots :
, de commettre tout autre acte d’intimidation ou d’organiser le recours à de tels actes
La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. À la différence de Mme Benbassa, M. Retailleau, l’ensemble des membres du groupe Les Républicains et moi-même considérons que le Gouvernement a bien fait de rédiger cet article, qui représente une main tendue vers le Sénat.
Vous le savez, nous voulions inscrire dans la Constitution que nul « ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune ». Au travers de l’article 4, il est prévu que toute personne qui fait pression ou exerce des menaces sur un agent de l’autorité publique ou sur un élu, pour obtenir qu’il soit dérogé, en sa faveur, à la règle commune, par l’application d’autres règles – celles, par exemple, de la communauté à laquelle il appartient –, pourra être punie par une peine pouvant aller jusqu’à dix années de prison.
Je remercie donc le Gouvernement d’avoir introduit cet article dans le texte et je lui demande d’accepter d’aller plus loin, en prévoyant que peuvent être punis de dix années de prison, non seulement l’individu qui exerce ces pressions, mais encore celui qui organise l’exercice de celles-ci.
Tel est le sens de cet amendement, qui tend, je l’espère, à compléter utilement l’initiative du Gouvernement.
Je remercie également Mme Goulet de son esprit coopératif, dont je ne doutais pas.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La commission émet un avis favorable sur cet amendement qui a pour objet de préciser que peuvent être pénalement punis non seulement ceux qui commettent des actes d’intimidation, mais également ceux qui organisent ces actes.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. René-Paul Savary. Favorable ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur Bas, je vous remercie de vos remerciements, auxquels je suis, par nature, extrêmement sensible…
La commission est favorable à votre amendement et Mme la sénatrice Goulet a retiré le sien au profit du vôtre. Pourtant, j’y suis, pour ma part, totalement défavorable et je fais même le pari que vous allez le retirer, car vous ne sauriez être insensible à cet argument de droit, frappé au coin du bon sens : monsieur le sénateur, qu’est-ce que l’organisation d’un délit, sinon une complicité dudit délit ?
M. Didier Marie. Eh oui !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis défavorable ! (M. Philippe Bas demande la parole.)
Je vois que vous levez le doigt pour demander la parole ; peut-être ne vous ai-je pas encore convaincu.
Je fais ici référence aux dispositions de l’article 121-7 du code pénal, aux termes desquelles « est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation » ou qui a « donné des instructions pour la commettre ». Nous sommes en plein dedans !
La complicité du délit est déjà punissable, l’organisation d’un délit est une complicité. Par conséquent, je suis défavorable à cet amendement et suis convaincu que vous allez le retirer.
Mme le président. Monsieur Bas, l’amendement n° 291 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Bas. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Monsieur le garde des sceaux, il s’agit non pas d’une complicité, mais de l’organisation même de la commission du délit.
Vous avez parié. Il me semble que le Gouvernement perd beaucoup de paris, en ce moment… (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Excellent !
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. En ce qui me concerne, je ne parierai pas avec M. Bas, car, pour l’avoir quelque peu pratiqué, je sais que sa volonté de gagner est telle que, par principe, il refusera de me donner raison.
Cela dit, M. le garde des sceaux a raison.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. En effet, monsieur Bas, ce que vous souhaitez instaurer, au travers de votre amendement, est plus restreint que la complicité. Vous ne parlez en effet que d’une forme de complicité – l’organisation du délit –, mais il peut y avoir une complicité par fourniture de moyens ou par toute autre mesure.
De ce fait, votre disposition est plus restrictive, je le répète, que la notion de complicité qui figure dans le droit pénal.
Si je voulais essayer de vous mettre d’accord, messieurs, je suggérerais à M. Bas de supprimer le terme « organiser » afin de viser la complicité en général, ce qui lui permettrait d’atteindre son but sans se déjuger.
Mme le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, pour ce qui concerne le jeu de mots sur le pari, vous avez gagné ; dont acte. Vous avez d’ailleurs suscité des « applaudissements nourris », ce dont attestera sans doute le compte rendu intégral des débats.
À n’en pas douter, à l’applaudimètre, vous avez gagné. Pour autant, en droit, vous avez perdu. En effet, l’organisation d’un délit est une conception restrictive de la complicité. Vous le savez, d’ailleurs, le complice est condamné comme l’auteur. (M. Philippe Bas proteste.)
Vous avez tort, monsieur le sénateur ; vous ne voulez pas le reconnaître, mais c’est ainsi ! Mentionner l’organisation d’un délit revient – Mme la sénatrice de La Gontrie l’a très justement indiqué – à restreindre le champ de la complicité, qui existe déjà et qui est parfaitement défini.
Je veux bien que l’on décide que l’organisation d’un délit est un délit, mais c’est une modalité de la complicité, qui est déjà punie de la même peine que ledit délit.
Je dois admettre, cela dit, que je n’obtiens pas les applaudissements escomptés ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, GEST, SER et CRCE.)
M. Loïc Hervé. C’est kif-kif…
Mme le président. L’amendement n° 32 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Kerrouche, Bourgi, Durain, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
, ou afin d’entraver l’exercice de la mission de service public de cette personne
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Avec cet article, nous abordons un dispositif important du projet de loi, la protection des agents publics, puisque est instaurée une nouvelle infraction, la menace ou l’intimidation contre une personne exerçant une mission de service public.
Je souligne, au passage, que les élus sont maintenant, eux aussi, concernés par cette disposition, puisque la commission a adopté un amendement en ce sens, que nous avions présenté.
L’amendement n° 32 rectifié bis est particulièrement important, parce qu’il concerne la protection des enseignants.
L’Assemblée nationale a fait le choix de créer, en plus du délit de menaces ou de violences instauré à l’article 4, un nouveau délit spécifique, le délit d’entrave à la fonction d’enseignant, qui vise à réprimer les pressions et insultes dont ces agents sont la cible ; c’est l’objet de l’article 4 bis.
Nous partageons bien évidemment l’intention ayant motivé cette mesure, la protection des enseignants, mais la rédaction actuelle de l’article 4 bis manque totalement cet objectif.
Prenons un exemple simple. À la sortie des classes, un parent d’élève apostrophe violemment un professeur afin de lui dire tout le mal qu’il pense de sa façon de faire cours et lui intime l’ordre de modifier son discours en classe. S’agit-il de pressions à l’exercice de la fonction d’enseignant, réprimées au travers du délit d’entrave, ou s’agit-il de menaces et d’intimidations proférées contre une personne participant à l’exécution d’une mission de service public et destinées à obtenir « une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service » ?
Cet exemple montre bien la confusion dans laquelle les magistrats risquent de se trouver, lorsqu’il s’agira de qualifier les faits. Comment distinguera-t-on les menaces et intimidations des injures et pressions ?
Le risque est que, face à cette difficulté, les magistrats soient amenés à sous-qualifier les faits, c’est-à-dire à retenir le délit d’entrave, qui est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, plutôt que le délit de menaces et d’agressions, puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende… Ainsi, avec la création de ce délit d’entrave, les enseignants confrontés aux mêmes faits se trouveraient moins bien protégés que n’importe quel autre agent public, ce qui nous paraît tout à fait inconcevable.
C’est pourquoi nous proposons d’intégrer le délit d’entrave de l’article 4 bis à l’article 4, afin que les pressions et insultes qui entravent l’exercice de la fonction d’enseignant soient sanctionnées de la même manière que tous les autres actes de menaces ou d’intimidation commis à l’encontre des agents publics.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. L’article 4 bis a été inséré dans le texte par l’Assemblée nationale, sur l’initiative d’une députée du groupe Les Républicains qui tenait à ce qu’existe ce délit d’entrave aux fonctions d’enseignant ; après tout ce que nous avons vécu, cela semble en effet important. Cet article est une nécessité, nous le constatons tous les jours.
Pour autant, mes chers collègues, vous souhaitez intégrer l’entrave à l’exercice d’une mission de service public dans le champ de l’article 4. C’est un débat intéressant. C’est pourquoi, sur cet amendement, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, le Gouvernement estime que l’article 4, tel qu’il est rédigé, prend déjà en considération tous les exemples que vous nous avez fournis. Au fond, l’infraction que vous souhaitez créer est superfétatoire (M. Didier Marie fait un signe de dénégation.).
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cette précision était importante.
La commission tient à l’article 4 bis, car elle souhaite – je l’ai indiqué en commission – maintenir ce délit particulier qu’est le délit d’entrave au métier d’enseignant. Cet article, qui, je le répète, est issu d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, est nécessaire, car il vise un objectif particulier et s’inscrit dans un moment particulier de l’histoire de notre République. Nous ne voulons donc pas le supprimer.
Ainsi, si, comme M. le garde des sceaux l’a indiqué, l’exemple que vous avez donné est couvert par l’article 4, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Je vais m’expliquer à nouveau, car M. le garde des sceaux n’a semble-t-il pas compris ce que j’indiquais.
Nous proposons d’inclure le délit d’entrave au sein de l’article 4, de telle sorte que les délits d’intimidation, de menace ou d’entrave commis à l’encontre d’un enseignant dans l’exercice de ses fonctions, puissent être couverts et que la personne qui les aura commis encoure une peine supérieure à celle qui est actuellement prévue à l’article 4 bis. Nous voulons donc mieux protéger les enseignants qu’ils ne le seraient avec l’article 4 bis, en intégrant ce délit dans l’article 4. Cela renforcerait la protection des enseignants.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Non, pas du tout !
Mme le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Ce qui s’énonce clairement devrait se comprendre aisément…
Il ne serait pas satisfaisant pour les enseignants – cela leur serait même tout à fait défavorable – que l’article 4 bis accorde une protection inférieure à celle de l’article 4, qui concerne l’ensemble des agents de la fonction publique. Ce n’est pas parce qu’ils sont enseignants qu’ils doivent faire l’objet de dispositions particulières lorsqu’ils sont menacés ou agressés.
M. Marie a très bien expliqué les choses. Il ne s’agit pas de choisir l’article 4 bis ou l’article 4 ; il s’agit de ne pas mettre en péril les enseignants subissant des violences ou des menaces, en n’appliquant pas aux auteurs de ces actes une règle moins sévère que celle qui s’appliquerait dans un cadre général, à l’égard d’autres agents de la fonction publique.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Je me permets d’intervenir un peu en amont de la discussion que nous aurons sur l’article 4 bis.
La spécificité du délit d’entrave, caractérisé dans cet article, est liée à la liberté pédagogique des enseignants, mentionnée dans le code de l’éducation. Or ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit, dans l’exemple que vous donniez, monsieur Marie. (M. Didier Marie le conteste.)
Un certain nombre de modifications de l’article 4 bis seront proposées tout à l’heure, précisément pour y inclure une référence précise au code de l’éducation et à la liberté pédagogique. Les insultes ou pressions exercées à la sortie d’un établissement ne relèvent pas de cet article.
Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Mon cher collègue, vous avez exprimé une inquiétude à propos d’un certain nombre de personnes qui assument un service public, mais vous devez être rassuré par les explications qui vous ont été apportées.
Insérer dans ce texte une disposition spécifique pour les enseignants me paraît constituer un geste fort, après ce que nous avons vécu. Il est important de conserver, telle qu’elle a été écrite, cette disposition relative au délit d’entrave à un fabuleux métier, que j’ai bien connu. Cela permet de montrer aux enseignants, dont certains ont connu le pire moment de leur carrière, qu’il existe maintenant un délit d’entrave à ce métier, aujourd’hui malmené.
Je réitère donc ma demande de retrait de votre amendement et, à défaut, confirme mon avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je veux compléter les propos de Stéphane Piednoir.
Je comprends la méprise. Du reste, Olivier Paccaud et moi-même proposerons une modification de l’article 4 bis, de manière à relier cette disposition à l’article L. 912-1-1 du code de l’éducation, qui précise les contours de la liberté pédagogique. En effet, ce délit d’entrave se définit bien par rapport à la liberté pédagogique.
C’est pour cette raison que de nombreux membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication tiennent au maintien de l’article 4 bis, mais souhaitent le raccrocher à l’article du code de l’éducation qui protège la liberté pédagogique des professeurs.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 42, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Un acte d’intimidation est l’action concertée de plusieurs personnes de nature à empêcher un officier ministériel d’accomplir, sans le concours de la force publique, un acte de sa fonction.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement de précision, auquel j’ai précédemment fait allusion, tend à définir l’acte d’intimidation.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La définition que vous proposez est probablement trop restrictive, ma chère collègue – peut-être M. le garde des sceaux apportera-t-il des précisions. En outre, la référence à un officier ministériel ne correspond pas à ce que vous visez.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La précision que vous appelez de vos vœux est, au fond, inutile, madame la sénatrice. En effet, la notion d’intimidation est déjà utilisée en droit pénal et elle est parfaitement définie par la jurisprudence.
Avis défavorable.
Mme le président. Madame Goulet, l’amendement n° 42 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. J’avais bêtement repris la décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 18 mai 1999. Je reconnais que cette notion est bien définie par la jurisprudence.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 42 est retiré.
L’amendement n° 292 rectifié, présenté par MM. E. Blanc, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier, Darnaud, de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Gueret, Houpert et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lopez et Malet, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Regnard et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, M. Vogel, Mmes Bourrat et L. Darcos, MM. Daubresse et Husson, Mme Primas et MM. Segouin et Bonhomme, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les cas où l’infraction est commise à l’égard d’une personne investie d’un mandat électif public, le juge peut prononcer l’interdiction des droits civiques prévue à l’article 131-26. » ;
La parole est à M. Philippe Bas.