M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner l’augmentation de la menace cyber, puisque le nombre d’incidents de sécurité déclarés à l’Anssi, notre agence de protection en la matière, extrêmement compétente et réputée au plan international, a été multiplié par quatre.
Comme vous le savez, il existe trois types de menaces : la cybercriminalité, qui consiste à mettre la main sur des données et à demander une rançon, l’espionnage et le sabotage. Ces trois menaces doivent être prises très au sérieux, l’espionnage et le sabotage concernant plutôt les entreprises ou les structures de recherche et développement et les universités.
Avec le ministre de l’intérieur et le secrétaire d’État chargé de la transition numérique, Cédric O, j’ai signé, en 2018, un contrat stratégique de filière avec les industries de sécurité et élaboré, en 2019, un contrat stratégique de filière, notamment pour faire en sorte que notre offre en matière de sécurité cyber soit augmentée.
Nous avons un écosystème de start-up, de grands groupes et d’universités, qui possèdent des briques de réponse face à cette menace. Elles doivent être mises ensemble pour être portées à un niveau mondial.
C’est à la fois un enjeu pour les services numériques, un enjeu industriel et un enjeu pour le ministre de l’intérieur, qui est comptable du suivi de la fraude et des cybercriminels et qui s’investit de plus en plus fortement sur ces sujets. Appuyé par les services du Premier ministre et l’Anssi, il apporte un appui aux collectivités locales et aux structures hospitalières, pour les aider à passer un cap en termes de compétences et de matériel.
Je veux donc vous rassurer : ce sujet est pris très au sérieux. Nous annoncerons la semaine prochaine une feuille de route sur notre stratégie cyber, qui sera financée de manière très importante par le PIA 4, le quatrième programme d’investissements d’avenir.
Je vous laisserai en découvrir les projets principaux la semaine prochaine. C’est un enjeu interministériel sur lequel nous sommes tous mobilisés.
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour la réplique.
M. Hugues Saury. Il s’agit effectivement d’un sujet de premier ordre, qui nécessite une réponse rapide et efficace.
Les éléments que vous avez donnés, madame la ministre, ne me rassurent pas complètement. J’espère en obtenir d’autres dans les semaines qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
moratoire sur la fermeture des classes en milieu rural
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, en 2020, vous avez annoncé un moratoire sur les fermetures de classes à la rentrée.
La semaine dernière, interrogée sur la rentrée de septembre 2021, Mme la secrétaire d’État Nathalie Elimas annonçait, dans cet hémicycle, un moratoire de fait pour les communes de moins de 5 000 habitants, sans l’accord du maire.
Les élus locaux ont considéré ce moratoire comme acté, et je ne vous cacherai pas que la vidéo de la semaine dernière a eu un grand succès dans l’ensemble des territoires. Mais les projets de fermeture se poursuivent.
Tout à l’heure, en réponse à notre collègue Mme Brulin, vous n’avez pas voulu vous engager sur un moratoire, tout en nous présentant quelque chose qui s’en rapproche, si je puis résumer ainsi votre propos.
Avec 65 000 élèves en moins, vous avez les moyens d’un moratoire ; vous avez les moyens d’augmenter le nombre d’enseignants dans les classes, devant les élèves, et c’est heureux ! Pourquoi ne pas dire plus clairement les choses, donner confiance et prononcer le mot « moratoire » ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, je vous remercie de votre question, qui donne acte du fait que nous créons des postes, alors même que le nombre d’élèves diminue.
Depuis le début du quinquennat, cela se traduit par presque 10 000 postes de plus, pour 200 000 élèves en moins, pour mener une politique quantitative, certes, mais aussi et surtout qualitative. Je pense notamment à la limitation, dans toute la France, donc dans votre département du Tarn, du nombre d’élèves à 24 en grande section de maternelle, en CP et en CE1.
Toujours dans le Tarn, à la rentrée prochaine, si l’on prenait en compte la baisse démographique, il y aurait 19 postes en moins. Tel ne sera pas le cas. Il n’y aura pas de suppression de poste dans ce département.
Doit-on pour autant faire un moratoire concernant la fermeture de classes et d’écoles ? Vous le savez, les deux sujets sont différents.
Je n’ai aucun problème pour prononcer le mot « moratoire » pour l’école. En effet, nous menons une politique de défense de l’école rurale, dont je suis fier ; j’ai souvent eu l’occasion de le dire devant le Sénat. Cette politique d’attractivité de l’école rurale, qui fait réussir les élèves, nous allons la mener ensemble.
Ainsi, dans le plan de relance, le Premier ministre et moi-même avons décidé que l’équipement numérique des écoles bénéficierait de plus de 150 millions d’euros. Cela profitera notamment aux établissements ruraux.
Pour les classes, le mot « moratoire » est beaucoup plus difficile à prononcer. En effet, même s’il ne s’agit pas de faire des économies, si l’on ne supprime pas de classe, alors même que l’on ne supprime pas de postes, on aura, dans certains endroits, des classes de 30 élèves et, dans d’autres, des classes de 10 ou 15 élèves. Ce serait une inégalité de fait. Vous seriez le premier à vous en plaindre, avec raison !
Une telle souplesse existe depuis toujours. Pour la rentrée 2020, nous avons fait une exception pour tenir compte de la crise sanitaire. Si nous le faisions année après année, nous créerions des hétérogénéités qui ne seraient pas souhaitables.
En revanche, c’est vrai, il faut plus de postes pour l’école primaire. C’est la politique que nous menons. Elle permet, pour votre département comme pour tous les autres, l’amélioration historique du taux d’encadrement que j’ai évoquée tout à l’heure. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le ministre, nous ne comprenons pas pourquoi, avec moins d’élèves et autant d’enseignants, sinon davantage, nous avons sur le terrain plus de fermetures que d’ouvertures.
M. Laurent Duplomb. C’est sûr !
M. Philippe Bonnecarrère. Pensez également au jour d’après le covid-19 et à cette idée que la ruralité et les petites villes seront vues comme une pertinente solution de rechange à la métropolisation.
Nous n’excluons pas de vous amener un petit peu plus loin dans vos décisions ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
lutte contre les violences entre bandes de jeunes
M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Étienne Blanc. Monsieur le ministre de l’intérieur, les chiffres de l’insécurité dans notre pays se dégradent, et il en est un qui inquiète tout particulièrement les Français : celui qui résulte de la constitution de bandes, particulièrement dans les parties urbaines ou périurbaines de notre territoire.
Le chiffre est inquiétant, puisque, au cours de l’année 2020, les agressions commises par ces bandes ont augmenté de l’ordre de 25 %, et ce sont 350 batailles qu’elles se sont livrées.
Ces chiffres inquiètent les Français, dans la mesure où ces bandes sont souvent constituées de mineurs, d’adolescents qui n’ont plus aucun repère moral. La violence des actes qu’ils commettent sous les caméras est là pour le démontrer.
C’est aussi inquiétant parce que, on le sait, ces bandes sont en connexion avec des réseaux divers : stupéfiants, armes ou prostitution. C’est enfin terriblement inquiétant parce qu’elles savent aujourd’hui utiliser les réseaux sociaux, notamment le dark net, pour se constituer, agir et, ensuite, se dissoudre.
Face à ce phénomène, il faut bien avouer que l’on ne voit pas la politique spécifique que le Gouvernement entend mener. On a même parfois le sentiment qu’il est un peu fataliste, nonchalant et passif devant l’importance du phénomène…
Monsieur le ministre de l’intérieur, il s’agit d’une délinquance spécifique, qui doit appeler des politiques qui le sont tout autant. Pouvez-vous aujourd’hui nous dire quelle politique spécifique vous entendez mettre en œuvre pour lutter contre ce phénomène particulièrement inquiétant ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Blanc, sur la question très inquiétante des bandes, vous avez tout à fait raison : à peu près soixante-dix bandes sont recensées, dont 95 % sur la « plaque » parisienne. Le drame de l’affaire Yuriy vient illustrer l’ampleur du phénomène. Je voudrais ici dire à quel point, en cette occasion, les services de police ont été – chacun l’a remarqué – rapides et efficaces dans leurs interventions. Je les en remercie.
Il n’est pas tout à fait vrai, cependant, monsieur le sénateur, que les chiffres de la délinquance sont mauvais. Vous l’avez indiqué, ils le sont en zone gendarmerie – j’ai répondu à une question sur ce point ici même voilà quinze jours –, mais ils s’améliorent fortement dans les grandes villes de France, à l’exception – c’est, cette fois, tout à fait vrai – de quelques centres-villes que vous connaissez bien, pour être élu dans l’un d’entre eux.
Lutter contre les bandes, c’est d’abord lutter contre les nouvelles technologies. Chacun doit comprendre ici – je m’adresse aux parlementaires de la Nation – que, si les écoutes téléphoniques, par exemple, aident à lutter contre la délinquance d’hier, les réseaux sociaux comme WhatsApp, Telegram, Signal, ne sont pas dans le scope du ministère de l’intérieur. Il faut que le Parlement réfléchisse à cette question et c’est dans cette perspective que nous vous proposerons – les textes arriveront dans quelques semaines désormais – de modifier la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite SILT, et la loi relative au renseignement.
C’est aussi lutter avec des images plus performantes. Plus personne ne doute que les caméras de vidéoprotection sont efficaces et qu’elles permettent de résoudre un certain nombre de conflits, voire de les prévenir. Reste que, aujourd’hui, ce sont les drones qui fonctionnent : ils permettent d’intervenir plus rapidement et de suivre des phénomènes de bande tels que ceux que vous avez évoqués.
C’est justement ce que nous proposons dans le cadre du projet de loi relatif à la sécurité globale, que vous aurez bientôt à examiner – je salue le sénateur Hervé, qui s’occupe particulièrement de ce texte pour le Sénat – : donner à l’État, au ministère de l’intérieur, les moyens de suivre et de superviser ces bandes et améliorer les moyens dont il dispose déjà.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a donné un avis négatif sur le vol de drones. Nous attendons le vote du Sénat pour reprendre cette surveillance, car personne n’imagine pouvoir lutter contre les violences commises par ces bandes sans les drones.
Il s’agit souvent de très jeunes enfants, monsieur le sénateur : 12 ans, 13 ans, 14 ans. On peut en vouloir au ministère de l’intérieur ; on peut aussi se dire que c’est le travail des parents. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour la réplique.
M. Étienne Blanc. La réponse à ce phénomène doit être coordonnée. Elle doit articuler les différents points que vous avez soulevés.
Le Sénat sera évidemment extrêmement attentif à ce que vous proposerez, monsieur le ministre, sachant que le dérapage auquel nous assistons, notamment dans nos grandes métropoles, inquiète profondément les habitants de nos villes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
retraites agricoles
M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Serge Mérillou. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
À plusieurs reprises, pendant la crise sanitaire, le Président de la République a dit des agriculteurs qu’ils étaient des héros de première ligne.
Monsieur le ministre, les héros sont fatigués, car, au-delà des belles paroles, les actes ne suivent pas.
Le monde rural, les agriculteurs, notamment les éleveurs, sont en grande difficulté : faiblesse des revenus, déception de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim, lourdeur des procédures administratives, aléas climatiques, économiques et sanitaires… Rien ne leur est épargné.
Beaucoup trop d’agriculteurs vivent dans la précarité. La profession connaît un taux de mortalité par suicide très élevé.
La précarité touche aussi les retraités agricoles, qui ont travaillé dur toute leur vie, 55 heures par semaine, selon vos chiffres, monsieur le ministre.
Pour eux, une petite lumière se profilait au bout du tunnel avec l’adoption au mois de juin dernier, dans la souffrance et après trois ans de débats, de la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer.
Si celle-ci était imparfaite, oubliant le sort des polypensionnés et des femmes conjointes, elle permettait néanmoins de revaloriser le montant minimum des petites retraites de 120 euros par mois, pour atteindre au mieux 1 000 euros.
Huit mois après le vote de cette loi, malgré les discours et les postures, les décrets d’application ne sont toujours pas parus et les retraités agricoles n’ont pas touché un centime de cette revalorisation.
Pourquoi attendre, alors que cette réforme pourrait aider dès aujourd’hui de nombreux agriculteurs retraités en grande précarité ?
Monsieur le ministre, la question est simple : quand allez-vous signer les décrets d’application de cette loi et entériner ainsi ces avancées, même modestes, pour les retraités agricoles ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. David Assouline. C’est le moment de montrer que vous aimez les agriculteurs !
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Mérillou, on peut me reprocher beaucoup de choses, mais pas d’être dans le discours ou dans la posture. Depuis que ce gouvernement a été nommé et si je ne retiens que les actions menées sous l’égide de l’actuel Premier ministre, ce sont plus de 1,2 milliard d’euros de dépenses que nous avons engagées dans le cadre du plan de relance, avec un discours très ferme sur la création de valeur et une démultiplication des contrôles dans le cadre de la loi Égalim. Une volonté très forte nous anime, recréer de la valeur, car la première des priorités, c’est le revenu de nos agriculteurs.
Monsieur le sénateur, votre question porte sur un point très précis : la retraite du monde agricole. La loi est très claire : il faut que cette réforme soit mise en œuvre au plus tard au 1er janvier 2022. Nous serons prêts !
M. David Assouline. C’est trop tard !
M. Julien Denormandie, ministre. Notre objectif, avec Mme la ministre Élisabeth Borne, est même d’avancer le calendrier par rapport à ce qui a été voté dans la loi.
M. David Assouline. La loi dit « au plus tard » !
M. Julien Denormandie, ministre. C’est une question de justice sociale, vous l’avez très bien dit, monsieur le sénateur.
Cette question de justice sociale a fait l’objet de nombreux débats devant la Haute Assemblée et tout le monde s’accorde à dire qu’elle devait être traitée dans les termes qui sont ceux de la loi telle qu’elle a été promulguée. Nous mettrons donc en œuvre cette loi. Je le répète : notre objectif est d’avancer.
Autre élément de très grande importance : on parle aujourd’hui du revenu des agriculteurs, et vous connaissez mon obsession pour la création de valeur. Cependant, lorsque l’on évoque notre agriculture, un point n’est jamais mis en valeur : c’est le foncier. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes l’un des pays d’Europe où le foncier est le moins cher.
Pour autant, la première action d’un jeune agriculteur consiste à s’endetter à hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros pour devenir propriétaire du foncier. Pourquoi ? Précisément parce qu’il a un doute concernant sa retraite.
Régler le problème de la retraite est donc une question de justice sociale, mais c’est surtout un élément structurel dont dépend l’installation de nos jeunes agriculteurs.
Voilà le fil conducteur de la politique que nous menons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le ministre, la question est si importante que j’y reviens. Comme mes collègues, je rencontre régulièrement les maires de mon département. Ils nous interpellent actuellement sur d’éventuelles fermetures de classes qui interviendraient sans leur avis. Entre les inspecteurs d’académie, les recteurs, les secrétaires d’État et vous-même, les discours divergent.
Monsieur le ministre, au mois de mars 2020, vous avez déclaré à la télévision vous engager à ne fermer aucune classe ni aucune école rurale sans l’accord du maire. Vous avez ajouté : « Il est très important de persévérer dans cette logique de soutien. »
Interrogée ici même la semaine dernière, Mme Elimas confirmait vos propos pour la prochaine rentrée : « Aucune fermeture de classe ne s’est faite sans l’accord du maire ; il n’y a pas de raison que cela change. »
Ces réponses devant la représentation nationale sont sans ambiguïté : pas de fermeture de classe, a fortiori d’école, sans accord du maire.
Malheureusement, l’administration que vous dirigez ne l’entend pas de cette oreille…
M. Max Brisson. C’est vrai !
Mme Catherine Belrhiti. … et avance selon une logique exactement inverse à celle que je viens d’évoquer. Les cartes scolaires qui sont en cours de validation sont en opposition complète avec les engagements pris par le Gouvernement, suscitant incompréhension et colère. Les fermetures de classes mettent en difficulté les enfants, les familles, les enseignants, les maires et les directeurs académiques des services de l’éducation nationale (Dasen) eux-mêmes.
Dans le contexte sanitaire actuel, au moment où les territoires ruraux connaissent un regain d’attractivité, on ne pouvait que se réjouir de l’annonce de votre décision, qui devait permettre que la rentrée 2021 se déroule dans les mêmes conditions que la rentrée 2020.
Monsieur le ministre, de deux choses l’une : soit cette situation illustre la complexité, chère au Président de la République, du « en même temps », soit force est de constater que les instructions que vous donnez depuis Paris peinent à être entendues sur le terrain. Dans les deux cas, c’est votre crédibilité auprès des élus locaux qui est bousculée.
Monsieur le ministre, quelle est à ce jour la réalité des engagements du Gouvernement ? Pourquoi un tel fossé entre la parole nationale et les actes sur le terrain ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Belrhiti, je vais repréciser la doctrine pour que les choses soient très claires. Je suis d’ailleurs le premier ministre de l’éducation nationale à pouvoir dire des choses aussi bienveillantes et généreuses à l’égard de l’école rurale : pas de fermeture d’école sans l’accord du maire. C’est très clair, vous pouvez l’enregistrer. (« Et les classes ? » sur des travées du groupe Les Républicains.)
Concernant les classes, je vous répète ce que j’ai dit à M. le sénateur Bonnecarrère : la mesure dont il s’agit s’appliquait au mois de septembre 2020. Vous avez cité mes propos du mois de mars 2020 concernant la rentrée 2020. Même à ce moment-là, je disais que cette mesure ne pourrait pas s’appliquer les années suivantes. Je le disais y compris en pensant à ceux qui auront à prendre des décisions en la matière au fil des prochaines années : ce serait un très mauvais service à leur rendre que d’acter un « moratoire à jamais » sur les fermetures de classes. Ce faisant, vous vous ôteriez toute souplesse.
M. Rémy Pointereau. C’est clair…
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Dans votre département, madame la sénatrice, il y a 1 277 élèves en moins.
M. Laurent Duplomb. Ce n’est pas la question !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. C’est cela qu’il faut déplorer.
Or vous avez obtenu cinquante-six postes supplémentaires l’année dernière et six de plus cette année. En d’autres termes, nous continuons à créer des postes malgré la baisse du nombre d’élèves. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Cela signifie-t-il qu’il n’y aura pas de fermeture de classes ? S’il ne reste que quatre élèves, bien sûr qu’il faut fermer une classe ! C’est une évidence. Il faut faire du qualitatif, en respectant la consigne donnée – c’est ce qui est fait ; si ça ne l’est pas, dites-le-moi –, à savoir, dans tous les cas, discussion avec le maire pour prendre des mesures de bon sens.
Ne jouons pas à ne pas nous comprendre ! Mon soutien à l’école rurale est un soutien complet, vous le savez très bien.
M. Laurent Duplomb. Ce n’est pas ce qui a été dit la semaine dernière !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. L’ensemble du Gouvernement est au diapason : nous voulons le renouveau de l’école rurale. En réalité, il s’agit d’un sujet démographique et d’attractivité.
Nous devons travailler ensemble. Tel est le sens des stratégies que nous adoptons, qui sont explicites dans les plans d’action pour l’école dans les territoires ruraux. Nous les avons d’ailleurs toujours conçus avec des sénateurs. Nous continuerons, en prenant aussi des mesures qualitatives. Je pense aux décharges pour les directeurs ;…
M. Laurent Duplomb. Cela enlève des enseignants devant les gamins !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … comme vous le savez, elles seront améliorées à la rentrée prochaine. Quant aux mesures de limitation du nombre d’élèves par classe en grande section de maternelle, CP et CE1 que j’ai annoncées, elles s’appliqueront dans votre département dès la rentrée prochaine.
Nous améliorons donc la vie quotidienne de l’élève avec des moyens supplémentaires pour le premier degré.
M. le président. Il faut conclure.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. C’est une question de bon sens, mais aussi de consensus avec les acteurs locaux. (M. Julien Bargeton applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, la suppression de classes ou de postes d’enseignants contribue au sentiment d’abandon des territoires par l’État.
Les Français sont durement éprouvés par la crise sanitaire. Nous avons besoin de plus de cohérence et de stabilité dans les annonces et dans les faits pour retrouver la confiance dans la parole publique, qui est indispensable à notre démocratie ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
réouverture des lieux culturels
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Janssens, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Laurent Duplomb. Depuis qu’elle est ministre, il n’y a plus de culture !
M. Jean-Marie Janssens. Madame la ministre, vous le savez, le monde de la culture souffre tout particulièrement de la crise sanitaire. La rigueur des mesures sanitaires qui lui sont imposées n’est comprise ni par les acteurs culturels ni par le public.
Les métros et les bus sont pleins, mais il est interdit d’aller au théâtre ou au cinéma, même en respectant le port du masque et les distances de sécurité.
Les magasins restent ouverts, mais pas les musées. Si le protocole est appliqué et respecté, pourquoi les établissements culturels, qui sont tout aussi essentiels à nos vies, seraient-ils plus dangereux que d’autres lieux ? De plus en plus de nos concitoyens connaissent un malaise psychologique profond. L’urgence sanitaire ne doit pas masquer l’urgence culturelle.
C’est particulièrement vrai concernant nos enfants. Comment comprendre que nos écoles restent ouvertes et que, dans le même temps, les musées, les cinémas, les théâtres ou les salles de spectacle ne puissent pas recevoir de petits groupes d’élèves ?
Dans ces conditions, madame la ministre, le monde de la culture ne peut plus se contenter d’espoirs vite déçus. Vous avez estimé possible la réouverture prochaine des musées et monuments. Selon quels critères pourrait-elle se faire ? Allez-vous annoncer un calendrier et des modalités précis de réouverture ? En particulier, allez-vous permettre aux lieux culturels d’accueillir des groupes scolaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Janssens, vous représentez un département cher à mes collègues Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires, et Marc Fesneau. Ce département est particulièrement riche en patrimoine, musées et monuments historiques ; votre belle commune de Montrichard témoigne abondamment de cette richesse. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)
La situation sanitaire est encore instable. Même si elle s’éclaircit relativement à certains critères, nous ne sommes pas encore complètement au clair sur les perspectives d’amélioration :…
M. Laurent Duplomb. Ça, c’est clair !
Mme Roselyne Bachelot, ministre. … moins de cas de contamination, mais une surcharge sanitaire importante dans les services de réanimation et des inconnues dues aux variants.
C’est la raison pour laquelle, les conditions sanitaires ayant largement changé, le ministre de la santé Olivier Véran et moi-même avons tenu lundi dernier une réunion avec les responsables de musées et de monuments historiques pour définir ensemble un certain nombre de critères de sécurité relatifs aux jauges, à la création d’un référent covid dans chaque musée et chaque monument, ainsi qu’aux protocoles sanitaires, qui me paraissent bien adaptés.
Pour ce qui est des groupes scolaires et de l’éducation artistique et culturelle, je souhaite bâtir un modèle global et fixer un cadre sûr. Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs – je sais que vous y êtes extrêmement attachés –, je souhaite également ménager de la souplesse et faire en sorte que les responsables de ces monuments, dans les territoires, puissent fixer des normes particulières, qui correspondent à la taille de leurs établissements et à leur structure juridique propre.
C’est alors que l’accueil des scolaires – ce sera de toute façon après les vacances – sera réglé selon des modalités définies au plus près des spécificités des territoires. (M. Julien Bargeton applaudit.)