Mme Véronique Guillotin. Cet amendement vise à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, toujours dans l’intérêt de l’enfant.
Le dispositif adopté par la commission spéciale nous semble en effet créer une rupture d’égalité entre les enfants qui vont naître d’un don : le donneur serait consulté au moment de la demande de communication de son identité et il pourrait s’y opposer. La commission spéciale estime ainsi que l’arrivée dans son univers d’un enfant issu d’un don dix-huit, vingt ou vingt-cinq ans après son geste altruiste pourrait, dans certains cas, troubler sa vie privée.
Pourtant, si nous nous plaçons du point de vue de l’enfant, cette solution n’apparaît pas comme étant de nature à lui apporter les réponses nécessaires à un bon développement.
Le fait que le donneur puisse refuser l’accès à ces données, dix-huit ans plus tard, met les enfants dans l’incertitude la plus totale et crée une inégalité de fait : certains auront accès à leurs origines, d’autres non.
L’amendement tend donc à ouvrir la possibilité aux bénéficiaires d’une PMA avec tiers donneur d’accéder aux données non identifiantes du donneur.
Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 1244-6 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1244-6. – Un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes, en cas de nécessité médicale, au bénéfice d’une personne conçue à partir de gamètes issus d’un don ou au bénéfice d’un donneur de gamètes. »
II. - (Non modifié)
III. – Le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur
« Art. L. 2143-1. – Pour l’application du présent chapitre, la notion de tiers donneur s’entend de la personne dont les gamètes ont été recueillis ou prélevés en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code ainsi que du couple, du membre survivant ou de la femme non mariée ayant consenti à ce qu’un ou plusieurs de ses embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme en application de l’article L. 2141-5.
« Lorsque le tiers donneur est un couple, son consentement s’entend du consentement exprès de chacun de ses membres.
« Art. L. 2143-2. – Toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité à l’identité et aux données non identifiantes de ce tiers donneur définies à l’article L. 2143-3.
« Le consentement exprès des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon à la communication de ces données et de leur identité dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article est recueilli avant qu’il soit procédé au don. En cas de refus, ces personnes ne peuvent procéder à ce don. Le décès du tiers donneur est sans incidence sur la communication de ces données et de son identité.
« Ces données peuvent être actualisées par le donneur.
« Art. L. 2143-3. – I. – Lors du recueil du consentement prévu aux articles L. 1244-2 et L. 2141-5, le médecin collecte l’identité des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon ainsi que les données non identifiantes suivantes :
« 1° Leur âge ;
« 2° Leur état général tel qu’elles le décrivent au moment du don ;
« 3° Leurs caractéristiques physiques ;
« 4° Leur situation familiale et professionnelle ;
« 5° Leur pays de naissance ;
« 6° Les motivations de leur don, rédigées par leurs soins.
« II. – Le médecin mentionné au I du présent article est destinataire des informations relatives à l’évolution de la grossesse résultant d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et à son issue. Il recueille l’identité de chaque enfant né à la suite du don d’un tiers donneur ainsi que l’identité de la personne ou du couple receveur.
« Art. L. 2143-4. – Les données relatives aux tiers donneurs mentionnées à l’article L. 2143-3, à leurs dons et aux personnes nées à la suite de ces dons ainsi que l’identité des personnes ou des couples receveurs sont conservées par l’Agence de la biomédecine dans un traitement de données dont elle est responsable en application du 13° de l’article L. 1418-1, dans des conditions garantissant strictement leur sécurité, leur intégrité et leur confidentialité, pour une durée limitée et adéquate tenant compte des nécessités résultant de l’usage auquel ces données sont destinées, fixée par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui ne peut être supérieure à cent vingt ans.
« Ces données permettent également à l’Agence de la biomédecine de s’assurer du respect des dispositions relatives aux dons de gamètes prévues à l’article L. 1244-4.
« Art. L. 2143-5. – La personne qui, à sa majorité, souhaite accéder aux données non identifiantes relatives au tiers donneur ou à l’identité du tiers donneur s’adresse à la commission mentionnée à l’article L. 2143-6.
« Art. L. 2143-6. – Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur est placée auprès du ministre chargé de la santé. Elle est chargée :
« 1° De faire droit aux demandes d’accès à des données non identifiantes relatives aux tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du 3° de l’article L. 2143-9 ;
« 2° De faire droit aux demandes d’accès à l’identité des tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du 3° de l’article L. 2143-9 ;
« 3° De demander à l’Agence de la biomédecine la communication des données non identifiantes et de l’identité des tiers donneurs ;
« 4° De se prononcer, à la demande d’un médecin, sur le caractère non identifiant de certaines données préalablement à leur transmission au responsable du traitement de données mentionné à l’article L. 2143-4 ;
« 5° De recueillir et d’enregistrer l’accord des tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don pour autoriser l’accès à leurs données non identifiantes et à leur identité ainsi que la transmission de ces données à l’Agence de la biomédecine, qui les conserve conformément au même article L. 2143-4 ;
« 6° D’informer et d’accompagner les demandeurs et les tiers donneurs.
« Les données relatives aux demandes mentionnées à l’article L. 2143-5 sont conservées par la commission dans un traitement de données dont elle est responsable, dans des conditions garantissant strictement leur sécurité, leur intégrité et leur confidentialité, pour une durée limitée et adéquate tenant compte des nécessités résultant de l’usage auquel ces données sont destinées, fixée par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui ne peut être supérieure à cent vingt ans.
« Art. L. 2143-7. – La commission mentionnée à l’article L. 2143-6 est composée :
« 1° D’un magistrat de l’ordre judiciaire, qui la préside ;
« 2° D’un membre de la juridiction administrative ;
« 3° De quatre représentants du ministère de la justice et des ministères chargés de l’action sociale et de la santé ;
« 4° De quatre personnalités qualifiées choisies en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation ou des sciences humaines et sociales ;
« 5° De six représentants d’associations dont l’objet relève du champ d’intervention de la commission.
« L’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes qui la composent ne peut être supérieur à un.
« Chaque membre dispose d’un suppléant.
« En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« Les membres de la commission sont tenus à une obligation de confidentialité.
« Les manquements des membres de la commission à l’obligation de confidentialité, consistant en la divulgation d’informations sur une personne ou un couple qui a fait un don de gamètes ou a consenti à l’accueil de ses embryons ou sur une personne née à la suite de ces dons, sont passibles des sanctions prévues à l’article 511-10 du code pénal.
« Art. L. 2143-8. – L’Agence de la biomédecine est tenue de communiquer les données mentionnées à l’article L. 2143-3 à la commission, à la demande de cette dernière, pour l’exercice de ses missions mentionnées à l’article L. 2143-6.
« Art. L. 2143-9. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, notamment :
« 1° La nature des données non identifiantes mentionnées aux 1° à 6° du I de l’article L. 2143-3 ;
« 2° Les modalités du recueil de l’identité des enfants prévu au II du même article L. 2143-3 ;
« 3° La nature des pièces à joindre à la demande mentionnée à l’article L. 2143-5 ;
« 4° La composition et le fonctionnement de la commission mentionnée à l’article L. 2143-6. »
III bis. – L’article L. 147-2 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de répondre aux demandes dont il est saisi, le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles peut utiliser le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques et consulter ce répertoire. Les conditions de cette utilisation et de cette consultation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
IV. – Après l’article 16-8 du code civil, il est inséré un article 16-8-1 ainsi rédigé :
« Art. 16-8-1. – Dans le cas d’un don de gamètes ou d’embryons, les receveurs sont les personnes qui ont donné leur consentement à l’assistance médicale à la procréation.
« Le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès de la personne majeure née d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, sur sa demande, à des données non identifiantes ou à l’identité de ce tiers donneur, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
V. - (Non modifié)
VI. – A. – Les articles L. 1244-2, L. 2141-5, L. 2143-3, L. 2143-5, L. 2143-6 et L. 2143-8 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
B. – Les articles L. 2143-4 et L. 2143-7 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
C. – À compter d’une date fixée par décret, ne peuvent être utilisés pour une tentative d’assistance médicale à la procréation que les gamètes et les embryons proposés à l’accueil pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes et à la communication de leur identité en cas de demande des personnes nées de leur don.
D. – À la veille de la date fixée par le décret prévu au C du présent VI, il est mis fin à la conservation des embryons proposés à l’accueil et des gamètes issus de dons réalisés avant le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
VII. – A. – L’article L. 2143-2 du code de la santé publique s’applique aux personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article.
B. – Les tiers donneurs dont les embryons ou les gamètes sont utilisés jusqu’à la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article peuvent manifester auprès de la commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique leur accord à la transmission aux personnes majeures nées de leur don de leurs données non identifiantes d’ores et déjà détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code ainsi que leur accord à la communication de leur identité en cas de demande par ces mêmes personnes.
B bis. – À compter du premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi, et au plus tard l’avant-veille de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article, les tiers donneurs qui ont effectué un don avant l’entrée en vigueur de l’article L. 2143-2 du code de la santé publique peuvent également se manifester auprès des organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code pour donner leur accord à l’utilisation, à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article, de leurs gamètes ou embryons qui sont en cours de conservation. Ils consentent alors expressément, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité aux personnes majeures conçues, à partir de cette date, par assistance médicale à la procréation à partir de leurs gamètes ou de leurs embryons qui en feraient la demande.
C. – Les personnes majeures conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à partir des embryons ou des gamètes utilisés jusqu’à la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article peuvent se manifester, si elles le souhaitent, auprès de la commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique pour demander l’accès aux données non identifiantes du tiers donneur détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code et, le cas échéant, à l’identité de ce tiers donneur.
D. – La commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique fait droit aux demandes d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur qui lui parviennent en application du C du présent VII si le tiers donneur s’est manifesté conformément au B.
E. – Les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique sont tenus de communiquer à la commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du même code, sur sa demande, les données nécessaires à l’exercice des missions de celle-ci qu’ils détiennent.
F. – Les B, B bis et C du présent VII sont applicables le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
VII. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2025, un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre des dispositions du présent article. Ce rapport porte notamment sur les conséquences de la reconnaissance de nouveaux droits aux enfants nés d’une assistance médicale à la procréation sur le nombre de dons de gamètes et d’embryons, sur l’évolution des profils des donneurs ainsi que sur l’efficacité des modalités d’accès aux données non identifiantes et à l’identité des tiers donneurs.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement vise à rétablir la rédaction issue de la deuxième lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale, tout en procédant à quelques aménagements tendant à respecter l’esprit du projet initial à trois égards. Je reviendrai sur certains éléments apportés par Mme la rapporteure, avec lesquels nous sommes en désaccord.
Tout d’abord, cet amendement vise à supprimer l’accès des bénéficiaires d’AMP aux données non identifiantes du tiers donneur. En effet, certains bénéficiaires d’AMP devenus parents souhaitent accéder à ces données, notamment pour informer l’enfant qu’il est issu d’un don. Tout échange d’informations entre donneurs et bénéficiaires du don créerait, selon nous, une brèche dans le respect du principe de l’anonymat du don, dont vous savez qu’il est fondamental en bioéthique.
En outre, nous devons tenir compte de certains cas de figure : il peut exister des familles dont la situation est complexe et conflictuelle.
Certains enfants peuvent se trouver dans une position de vulnérabilité : il est nécessaire de garantir leur protection, en ne confiant pas aux parents un droit propre à l’enfant et qui doit lui rester attaché.
Ensuite, notre amendement vise à supprimer la possibilité de recontacter d’anciens donneurs par la commission ad hoc. En effet, les personnes ayant procédé à un don jusqu’à ce jour l’ont fait avec l’assurance, donnée à l’époque, que leur anonymat serait préservé.
Le projet de loi permet aux enfants conçus par AMP avec tiers donneur d’accéder, à leur majorité, aux données non identifiantes ainsi qu’à l’identité du tiers donneur. Cependant, cette mesure ne saurait être rétroactive : c’est une question de confiance et de stabilité de la règle juridique. Toutefois, le texte modifié permettra aux anciens donneurs de se manifester spontanément, s’ils le souhaitent, auprès de la commission ad hoc, afin de consentir à la communication de leurs données et de leur identité aux enfants issus de leur don. C’est la solution qui nous paraît la moins intrusive et la plus respectueuse de la vie privée de chacun, ainsi que de la parole donnée au moment du vote de la loi. Cet équilibre permet de ne pas porter atteinte au lien de confiance établi entre les donneurs et les médecins à l’époque.
À propos de cette commission ad hoc, il y a désaccord entre le Gouvernement et, peut-être le Sénat, en tout cas la commission spéciale.
Le projet de loi initial prévoit une commission attachée à l’Agence de la biomédecine. Nous n’entendons pas confier cette responsabilité au Cnaop : d’abord, parce que l’identité des enfants nés sous le secret et les origines des enfants nés d’un don sont deux questions bien différentes, correspondant à deux histoires différentes ; ensuite, parce que je ne suis pas certain que cette instance souhaite endosser cette responsabilité nouvelle, au moment où elle est confrontée aux premiers enfants nés sous le secret sous le régime de la loi de 2002, qui, arrivés à la majorité, demandent accès à leur dossier. Avez-vous interrogé le Cnaop à cet égard ? Pour avoir des contacts avec ses responsables, je ne suis pas convaincu qu’ils considèrent cette solution comme la meilleure.
En outre, il est nécessaire de compléter le dispositif pour nous assurer de l’efficacité du travail de la commission créée par ces dispositions. C’est pourquoi nous proposons la création d’un traitement de données en ce qui concerne les demandes d’accès formulées par les enfants issus de dons et les réponses apportées à ces demandes, ainsi que la manifestation des anciens donneurs.
Enfin, l’amendement vise à remédier à une incohérence de dates dans les dispositions d’entrée en vigueur, pour les rendre applicables.
Si cet amendement n’était pas adopté, nous serions favorables à celui de Mme Guillotin. En effet, il peut être délétère de laisser penser à un enfant pendant dix-huit ans qu’il pourra avoir accès à ses origines, pour qu’il voie finalement la porte se refermer, parce qu’on a redemandé l’avis du donneur.
L’autorisation de communiquer son identité doit être donnée au moment du don, une fois pour toutes. À défaut, vous risqueriez de créer, comme il a été fort bien expliqué, une inégalité entre les enfants, certains pouvant accéder à leurs origines, d’autres non. Par ailleurs, vous risqueriez de susciter chez certains enfants un espoir finalement déçu à l’âge de 18 ans, ce qui peut être extrêmement dommageable sur le plan de la construction de l’identité.
Voilà pourquoi nous nous opposons au principe de double consentement du donneur pour l’accès aux origines. Je le répète, le consentement doit être donné une fois pour toutes, au moment du don. C’est la promesse, simple, que nous devons faire aux enfants.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit passé de quatre minutes. Je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à zéro heure trente au plus tard, afin d’aller plus avant dans l’examen de l’article 3.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Quel est l’avis de la commission spéciale sur ces amendements en discussion commune ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Comme vous l’aurez certainement subodoré, la commission spéciale est défavorable à l’ensemble de ces amendements, contraires à sa position.
Y a-t-il un système parfait en la matière ? Je n’en suis pas sûre.
Nous envisageons d’introduire une inégalité entre les enfants qui pourront accéder à leurs origines et ceux qui ne le pourront pas, parce que le donneur y sera hostile. Certes, mais il serait tout aussi inégalitaire, avec le système défendu par le Gouvernement, que des enfants puissent y accéder après l’entrée en vigueur de la loi, quand d’autres, nés avant, ne le pourraient pas. L’inégalité, de toute façon, sera inhérente au système mis en place. Celui que la commission spéciale propose permettrait à tous les enfants nés du don de bénéficier, de la même façon, d’un système de recherche, confié, en effet, au Cnaop.
Le Cnaop fait-il exactement la même chose ? En tout cas, il fait quelque chose qui est assez proche : il recherche des femmes ayant accouché sous X. Le Cnaop est-il d’accord pour que cette nouvelle mission lui soit confiée ? La réponse est non. Nous l’avons entendue, mais je ne suis pas sûre que le Cnaop ait droit à l’autodétermination sur les tâches qui doivent lui être confiées. Il me semble que c’est au législateur d’en décider ! De surcroît, cette instance me paraît parfaitement armée pour faire face à ce travail – car cela restera un travail de mettre en contact les enfants nés du don et les donneurs.
Il ne me paraît pas plus raisonnable pour la construction de l’enfant de lui confier un nom, sur lequel il pourra assez rapidement, grâce à internet, mettre un visage, peut-être une adresse, avant de venir tout simplement sonner à une porte. Ce ne sera pas plus facile pour l’enfant, ni pour le donneur qui, après dix-huit ans au moins, mais peut-être vingt, vingt-cinq ou trente, verra quelqu’un sonner à sa porte et l’entendra lui dire : bonjour, je suis ton enfant…
Il est assez raisonnable de prévoir un système dans lequel une mise en relation est organisée, permettant à l’un comme à l’autre d’entrer en contact dans les meilleures conditions psychologiques possible – car, de fait, ce contact ne sera pas anodin.
La commission spéciale propose donc au Sénat de maintenir le système qu’il a adopté en première lecture.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai compris que vous étiez favorable à l’amendement n° 116 rectifié. Mais qu’en est-il de l’amendement n° 131 rectifié ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. J’invite le Sénat à adopter l’amendement n° 28 rectifié du Gouvernement ou, à défaut, les deux autres, auxquels nous sommes favorables.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Sur ce sujet grave, chacun cherche la meilleure solution.
Nous savons qu’un grand nombre d’enfants naissent chaque année sans connaître leurs origines. Nous avons mesuré, lors des auditions organisées en prévision de l’examen de ce texte, la souffrance de ceux qui n’arrivent pas à identifier leur chemin, leur parcours, leurs origines. Nous avons compris comment s’est construite peu à peu cette attente de connaître l’identité du donneur.
Nous parlons beaucoup, depuis le début de cette discussion, de l’intérêt de l’enfant. Sur ce sujet, je pense que nous devons l’avoir vraiment à l’esprit. C’est en ce sens que des amendements ont été déposés par différents groupes et le Gouvernement, pour permettre à l’enfant d’accéder à l’identité du donneur.
La question de l’âge se pose : faut-il attendre la majorité de l’enfant pour demander au donneur s’il consent à révéler son identité ? La réponse pouvant ne pas être favorable, le risque a été soulevé d’une disparité entre les enfants. On peut parler aussi de la difficulté de retrouver le donneur : Mme la rapporteure ne s’est pas étendue sur les motifs pour lesquels le Cnaop refuse a priori cette mission, mais, de manière assez intuitive, on peut imaginer qu’il sera difficile de retrouver, après dix-huit ou vingt ans, la trace du donneur initial.
Prévoir que le donneur donne son autorisation au moment du don est évidemment la solution la plus simple. Certains ont craint qu’elle puisse réduire le nombre de donneurs. Il se trouve que, dans les pays qui ont déjà mis en place ce mécanisme, après un fléchissement, il n’y a pas eu d’effet négatif sur le nombre de donneurs.
Dans ces conditions, mon groupe votera l’amendement n° 116 rectifié, ainsi que l’amendement n° 28 rectifié du Gouvernement. Nous avons déposé d’autres amendements sur le même thème, dont Yannick Vaugrenard est le premier signataire. Il est très important, du point de vue de l’intérêt de l’enfant, de lui permettre enfin de lever ce voile d’obscurité sur ses origines : dans le cadre d’un parcours déjà particulier, cette mesure lui évitera des difficultés de construction à l’âge adulte.