M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Une chose est de décider, comme l’a fait notre assemblée, d’ouvrir l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes ou aux femmes seules, une autre serait de modifier le régime d’accès à l’assistance médicale à la procréation pour les couples formés d’une femme et d’un homme.
Je rappelle à M. Jomier, mais il le sait, bien entendu, que depuis 1993 la condition d’infertilité a été posée : il ne s’agit donc pas de l’introduire aujourd’hui. La fertilité, d’ailleurs, se constate alors même que l’on n’a pas pu en diagnostiquer la cause, comme cela a été rappelé par l’une de nos collègues lors de la présentation de son amendement. Il s’agit ainsi d’une infertilité de fait, constatée néanmoins. Or il n’y a pas de raison, parce qu’on ouvre l’assistance médicale à la procréation à d’autres cas, de remettre en cause un régime qui donne pleinement satisfaction.
Quel pourrait être le motif pour un couple formé d’un homme et d’une femme, s’il n’était pas infertile, de demander l’assistance médicale à la procréation ? On comprend qu’une femme seule ou qu’un couple de femmes ait besoin de l’assistance médicale à la procréation si elles veulent un enfant, mais un couple formé d’une femme et d’un homme n’a pas besoin d’accéder à l’assistance médicale à la procréation pour d’autres raisons que l’infertilité. Pourquoi vouloir remettre en question ces règles qui donnent parfaite satisfaction ?
Je veux défendre, sur ce point, la position de la commission spéciale, qui me paraît sage. Il faut savoir, quand nous légiférons, circonscrire exactement à l’objet de notre législation la rédaction des textes que nous adoptons.
Demain, si vous ouvrez à des couples fertiles formés d’un homme et d’une femme l’assistance médicale à la procréation, ils voudront un enfant, mais avec une naissance programmée en mai afin de pouvoir enchaîner le congé de maternité avec les vacances scolaires, ce qui est beaucoup plus pratique pour les enseignantes ! (Protestations sur les travées des groupes SER et RDPI.)
Je n’invente rien, mes chers collègues ! Interrogez les centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos), comme je l’ai fait moi-même à plusieurs reprises : c’est un cas qui se rencontre, il n’y a aucune raison de faire des inséminations pour convenance personnelle et pour pouvoir choisir la date de la naissance de l’enfant. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Voilà pourquoi seule l’infertilité doit permettre l’accès à l’assistance médicale à la procréation à un couple formé d’un homme et d’une femme.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. En écoutant les propos de M. Bas, je me suis dit que nous n’avions pas tous bien en tête ce qu’est pour une femme et pour un couple un parcours de PMA. Ce serait merveilleux si un couple ou une femme venait dans un Cecos en disant : je veux une insémination artificielle à telle date parce que je souhaite pouvoir accoucher à telle date !
M. Philippe Bas. Ça existe !
Mme Laurence Rossignol. Car un parcours de PMA est un parcours extrêmement difficile…
M. Philippe Bas. Quand on est infertile !
Mme Laurence Rossignol. Ce sont de constantes piqûres d’hormones, des rendez-vous réguliers chez les médecins, des tentatives successives – une, deux, puis trois ! – d’insémination. Tout cela est extrêmement lourd d’un point de vue physiologique pour la femme.
J’ai l’impression, depuis le début de nos débats, que nous discutons de la PMA comme s’il s’agissait d’une anecdote sanitaire, comme si dans la vie d’un être humain on allait faire une PMA comme irait faire une piqûre d’acide hyaluronique ! (Sourires.)
Je vous entends souvent dire ici qu’aucune femme ne fait une IVG – il s’agit toujours du sujet de la santé sexuelle et reproductive – de gaieté de cœur. Eh bien, croyez-moi, aucune femme non plus ne fait une PMA de gaieté de cœur ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié ter.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 65 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l’adoption | 94 |
Contre | 212 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 150 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié ter.
(L’amendement est adopté.) – (Non ! sur les travées des groupes SER et RDPI.)
M. Bernard Jomier. On supprime l’AMP pour les femmes seules !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 rectifié bis et 23 rectifié quinquies.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 66 :
Nombre de votants | 300 |
Nombre de suffrages exprimés | 298 |
Pour l’adoption | 170 |
Contre | 128 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 86.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 152, présenté par Mmes Jasmin et de La Gontrie, MM. Jomier et Vaugrenard, Mme Meunier, M. Leconte, Mme Rossignol, MM. Cozic et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly, Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le couple peut préciser son consentement à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation dans l’éventualité du décès de l’un d’entre eux, pour que la personne survivante, et en capacité de porter un enfant, puisse poursuivre le projet parental avec les gamètes ou les embryons issus du défunt.
II. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement vise à permettre au membre survivant du couple, s’il s’agit d’une personne ayant la capacité de porter un enfant, de poursuivre le projet parental, comme l’ont successivement recommandé l’Agence de la biomédecine, le Conseil d’État et le rapport d’information de la mission parlementaire.
Peut-on ouvrir la PMA aux femmes seules et refuser à une femme veuve de poursuivre son projet parental ? Ne serait-il pas traumatisant de demander à une femme endeuillée de donner ou de détruire les embryons conçus avec son compagnon, tout en lui proposant de poursuivre son parcours avec un tiers donneur ?
M. le président. L’amendement n° 153, présenté par Mmes Jasmin et de La Gontrie, MM. Jomier et Vaugrenard, Mme Meunier, M. Leconte, Mme Rossignol, MM. Cozic et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly, Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans l’éventualité du décès d’un des membres du couple, la personne survivante et en capacité de porter un enfant, peut avoir accès à l’assistance médicale à la procréation avec l’embryon issu du défunt. Il ne peut être procédé à l’implantation post mortem qu’au terme d’un délai de six mois prenant cours au décès de l’auteur du projet parental et, au plus tard, dans les deux ans qui suivent le décès dudit auteur.
II. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement, qui a le même objet que le précédent, concerne la question des délais.
Plusieurs délais sont en effet possibles. La loi espagnole limite le transfert des embryons à une période de six mois suivant le décès. La législation belge n’autorise le transfert qu’au terme d’un délai de six mois prenant cours le jour du décès et expirant, au plus tard, deux ans après le décès. C’est possible en Europe ; pourquoi pas chez nous ?
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié bis, présenté par Mme Benbassa, M. Benarroche, Mme Taillé-Polian et M. Salmon, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de décès d’un des membres du couple, l’assistance médicale à la procréation peut se poursuivre dans un délai compris entre six mois et soixante mois, dès lors que le membre décédé y a consenti explicitement de son vivant. Le consentement de la personne à poursuivre cette démarche est assuré lors des entretiens prévus à l’article L. 2141-10 du code de la santé publique.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 1er est une avancée incontestable pour les personnes LGBTQIA+ de notre pays. En ouvrant l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes, il répond à l’une de leurs revendications de longue date, et je m’en réjouis. Je regrette cependant l’adoption de l’amendement visant à limiter l’accès à l’AMP aux femmes en couple et à en exclure les femmes seules.
Il s’agit d’une cause que j’ai défendue dans cet hémicycle lors de la discussion de trois propositions de loi, en 2012, 2014 et 2016. Si le recours à l’AMP avait été ouvert aux femmes seules, j’aurais également salué le progrès accompli au travers de cet article, mais tel n’est plus le cas.
Toutefois, la question de la poursuite du projet parental par l’un des membres du couple en cas de décès de l’autre, actuellement interdite en France, n’est pas posée par ce texte. Or la mort de l’un des parents ne signifie en rien la fin du projet parental.
Plusieurs amendements déposés par mes collègues visent à autoriser l’ouverture de l’AMP dite post mortem. Celui que je présente prévoit un délai maximal plus long, allant jusqu’à soixante mois.
En effet, le deuil obéit à un rythme que personne ne peut prédire. Par ailleurs, le fait d’enfermer le recours à l’AMP post mortem dans un délai trop court pourrait exposer le parent survivant aux pressions familiales. Pour ces deux raisons, un délai plus long permet de mieux garantir que la personne souhaitant poursuivre ce projet parental ne soit pas contrainte d’en prendre la décision dans un état de vulnérabilité.
En outre, ce long délai maximal permettrait, dans la mesure du possible, le recours à plusieurs AMP pour constituer une fratrie.
Cet amendement vise donc à ouvrir l’accès à l’AMP post mortem et à garantir la sérénité du recours à ce dispositif.
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Guerriau, Médevielle, A. Marc et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Menonville, Klinger, Houpert et Détraigne, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l’homme, lorsque le couple est formé d’un homme et d’une femme, ou de la femme, lorsque le couple est formé de deux femmes, dès lors qu’il ou elle a donné par écrit son consentement à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation dans l’éventualité de son décès. Cette faculté lui est présentée lorsqu’il ou elle s’engage dans le processus d’assistance médicale à la procréation ; son consentement peut être recueilli ou retiré à tout moment. Le transfert des embryons ne peut être réalisé qu’au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l’Agence de la biomédecine. La naissance d’un ou de plusieurs enfants à la suite d’un même transfert met fin à la possibilité de réaliser un autre transfert. Le transfert peut être refusé à tout moment par le membre survivant.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à autoriser, après le décès de l’un des membres du couple et en cas d’accord préalable des membres de ce couple, le transfert des embryons – et non des gamètes – obtenus lors de la procédure d’assistance médicale à la procréation.
Il s’agit de rétablir une cohérence. En effet, la femme survivante, désormais seule, pourra accéder à l’AMP avec un autre tiers donneur, alors que les embryons conçus avec son conjoint ne pourront pas lui être donnés. En revanche, ces embryons pourraient être remis à un autre couple ou servir à la recherche.
Il semble préférable d’autoriser la poursuite des projets parentaux plutôt que d’éviter la reprise d’une AMP, processus dont la durée est très longue. Nous proposons que les démarches liées à l’AMP puissent être poursuivies au maximum dix-huit mois après le décès du conjoint.
M. le président. L’amendement n° 118 rectifié, présenté par Mme Guillotin, M. Fialaire, Mme M. Carrère et MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Corbisez, Gold, Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l’homme, dès lors qu’il a consenti par écrit à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation en cas de décès. Cette faculté lui est présentée lorsqu’il s’engage dans le processus d’assistance médicale à la procréation. Son consentement peut être recueilli ou révoqué à tout moment. Le transfert des embryons ne peut être réalisé qu’au minimum six mois et au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l’Agence de la biomédecine. La naissance d’un ou de plusieurs enfants à la suite d’un même transfert met fin à la possibilité de réaliser un autre transfert.
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement, qui rejoint celui présenté par Daniel Chasseing, vise à résoudre un paradoxe. Aujourd’hui, alors que le projet de loi donne à toutes les femmes seules la possibilité d’accéder à l’AMP,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ça a été rejeté !
Mme Véronique Guillotin. … on voudrait interdire à une femme dont l’époux est décédé au cours d’un projet parental de poursuivre ce projet.
Cette femme pourrait bénéficier d’un don de gamètes d’un homme anonyme, mais on lui interdirait le recours à l’implantation d’embryons conçus avec les gamètes de son époux décédé !
Dans un avis sur le projet de loi, le Conseil d’État, soucieux de garantir la cohérence d’ensemble de la réforme, recommande au Gouvernement d’autoriser ce transfert d’embryons ainsi que l’insémination dite « post mortem » – ce n’est pas une expression très jolie –, dès lors que sont remplies deux conditions que je vous soumets : tout d’abord, le consentement anticipé du conjoint ; ensuite, l’encadrement de cette possibilité dans le temps, le transfert des embryons ne pouvant être réalisé qu’au minimum six mois et au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l’Agence de la biomédecine.
M. le président. L’amendement n° 127 rectifié bis, présenté par MM. Salmon et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Labbé et Mmes de Marco, Poncet Monge et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’insémination ou le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l’homme, lorsque le couple est formé d’un homme et d’une femme, ou de la femme, lorsque le couple est formé de deux femmes, dès lors qu’il ou elle a donné par écrit son consentement à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation dans l’éventualité de son décès. Cette faculté lui est présentée lorsqu’il ou elle s’engage dans le processus d’assistance médicale à la procréation ; son consentement peut être recueilli ou retiré à tout moment. L’insémination ou le transfert des embryons ne peut être réalisé qu’au minimum six mois et au maximum vingt-quatre mois après le décès, après autorisation de l’Agence de la biomédecine. La naissance d’un ou de plusieurs enfants à la suite d’une insémination ou d’un même transfert met fin à la possibilité de réaliser une autre insémination ou un autre transfert. L’insémination ou le transfert peut être refusé à tout moment par le membre survivant.
III. – Alinéa 42
Supprimer les mots :
ainsi que des dispositions applicables en cas de décès d’un des membres du couple
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Le dispositif que nous proposons s’appuie sur la législation belge. Nous proposons d’ouvrir l’AMP post mortem en prévoyant un délai d’au minimum six mois et d’au maximum deux ans après le décès pour le transfert des embryons.
Un délai de deux ans accordé à la femme veuve pour décider si elle souhaite aller au terme du processus de PMA entamé avec son compagnon décédé – le consentement du père est, bien sûr, indispensable –, ou si elle préfère détruire les embryons ou donner ceux-ci à un couple ayant besoin d’un double don, lui permettrait de faire son deuil.
Il convient également de veiller à ce que la femme ne soit pas soumise à la pression de la belle-famille, qui pourrait lui demander de poursuivre la PMA au nom de la continuité de la personne décédée. C’est pourquoi l’accompagnement psychologique est important.
Enfin, le délai de deux ans laisse le temps à la veuve engagée dans cette démarche de procéder éventuellement à une deuxième tentative. Rappelons que seule une fécondation in vitro (FIV) sur cinq aboutit. C’est aussi parfois la dernière chance pour une femme d’avoir un enfant.
M. le président. L’amendement n° 37 rectifié ter, présenté par Mme Doineau, M. Capo-Canellas, Mme Dindar, M. Delcros, Mme Saint-Pé et M. Longeot, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserve des dispositions du III
II. – Après l’alinéa 13
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« …. – Par exception au 1° du II, l’insémination ou le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l’homme, lorsque le couple est formé d’un homme et d’une femme, ou de la femme, lorsque le couple est formé de deux femmes, dès lors que la personne décédée a consenti par écrit à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation en cas de décès.
« Cette faculté est présentée aux membres du couple lorsqu’il s’engage dans le processus d’assistance médicale à la procréation. Le consentement de chaque membre du couple peut être recueilli ou révoqué à tout moment.
« L’insémination ou le transfert des embryons ne peut être réalisé qu’au minimum six mois et au maximum trois ans après le décès. La naissance d’un ou de plusieurs enfants à la suite d’une insémination ou d’un même transfert empêche la réalisation d’une autre insémination ou un autre transfert. L’insémination ou le transfert peut être refusé à tout moment par le membre du couple survivant. » ;
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Cet amendement a été en partie défendu par mes collègues.
Il ressort des quelques échanges que nous avons eus avec des professeurs de médecine et des directeurs de Cecos que, chaque année, ces demandes sont rares et qu’il s’agit de cas très particuliers. Notre collègue Jocelyne Guidez avait, par ailleurs, insisté sur l’importance de cette possibilité pour les femmes de militaires se retrouvant veuves alors qu’elles avaient un projet d’AMP avec leur conjoint.
Pour ma part, je trouve très cruel de dire, du jour au lendemain, à une femme qui était engagée avec son mari dans un processus d’AMP qu’elle ne pourra plus disposer des embryons conçus avec son époux et qu’elle doit les donner à un autre couple, faute de quoi ils seront détruits. Si demain l’AMP était autorisée pour les femmes seules, cela constituerait un paradoxe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous avons eu ce débat longuement en première lecture, car le sujet est très délicat.
Mme Doineau vient d’évoquer la cruauté qu’il y a à refuser à une mère voulant un enfant et ayant prévu d’en avoir un avec un homme l’accès aux embryons qui sont les siens, alors même qu’elle peut avoir accès à des embryons qui ne sont pas les siens. C’est en effet extrêmement cruel pour cette mère.
Mais n’est-il pas cruel, aussi, de faire naître un enfant d’un père qui est mort bien avant sa naissance, plus de neuf mois auparavant ?
C’est entre ces deux éléments qu’il faut arbitrer. Je ne dis pas que cet arbitrage est simple !
La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 118 rectifié présenté Mme Guillotin, estimant qu’il était celui qui garantissait le mieux le respect des procédures, et un avis défavorable sur les autres amendements faisant l’objet de cette discussion commune. Pour ma part, j’avais donné un avis défavorable également sur cet amendement, mais il n’a pas été suivi par la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Nous devons faire montre d’une grande humilité et d’une grande humanité sur ce sujet parce qu’il renvoie à des situations dramatiques.
Je suis conscient que les choix aujourd’hui laissés à la femme après le décès de son conjoint peuvent paraître cruels, comme vous l’avez dit, madame Doineau. Une femme peut en effet proposer que les embryons en cours de conservation au moment du décès de son conjoint soient accueillis par un autre couple, mais elle ne peut pas en demander le transfert in utero.
Toute souffrance mérite évidemment d’être entendue, accompagnée et soulagée dans la mesure du possible. Cependant, le fait d’autoriser la procréation après le décès de l’autre membre du couple me semble être source de difficultés éthiques majeures.
La position que je défends depuis la préparation de ce projet de loi consiste à se mettre à hauteur d’enfant.
Pour ma part, je ne sais pas ce qu’implique pour le développement d’un enfant le fait de naître dans le deuil. Je le dis en ayant conscience de mes propres limites et en prenant en compte les études qui ont pu être menées sur ce sujet, lesquelles ne nous donnent pas d’informations à cet égard.
En me mettant à hauteur d’enfant, je mets son intérêt en balance avec la souffrance que peut ressentir une femme se trouvant dans cette situation. Je pense intimement que le récit identitaire d’un enfant né dans le deuil sera marqué de façon indélébile par ce contexte, et qu’il faut en tenir compte.
Pour cette raison, je suis défavorable à titre personnel, au même titre que le Gouvernement, à l’AMP post mortem.
Par ailleurs – et je veux répondre ici à certains arguments qui ont été développés en faveur de cette AMP –, le deuil provoque des situations de grandes vulnérabilité et fragilité pouvant être de nature à porter atteinte au libre arbitre de la femme, et ce non parce qu’elle est femme, mais parce que le deuil entraîne la vulnérabilité. Dans ces conditions, le projet parental, qui selon un certain nombre d’entre vous devrait se poursuivre, n’est alors plus le même.
De facto, du fait du deuil, le projet parental n’est plus celui qui a été élaboré et consenti par les deux parents.
Pour ces raisons, et tout ayant conscience de la perception de sentiments d’injustice et de cruauté, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements au regard, d’une part, de l’intérêt de l’enfant et, d’autre part, des situations de vulnérabilité et de fragilité de nature à porter atteinte au libre arbitre de la femme.