compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Daniel Gremillet,

M. Joël Guerriau.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, au respect du temps de parole, d’autant que le Gouvernement aura, cette fois, à répondre à dix-sept questions, ainsi qu’au respect des uns et des autres.

rapprochement entre carrefour et couche-tard

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe RDPI. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Didier Rambaud. Monsieur le ministre, alors que des discussions ont été ouvertes entre le québécois Couche-Tard et le groupe Carrefour en vue d’une fusion, vous avez mis fin à cette tentative de rapprochement au nom de la sécurité alimentaire de notre pays.

Nous ne pouvons que nous féliciter de ce retour du politique dans le domaine commercial. Vous avez su le rappeler : en temps de crise, l’État a plus que jamais son mot à dire dans les interventions d’investisseurs étrangers, surtout lorsqu’il s’agit du premier employeur privé de France.

C’est le sens de la disposition que nous avons adoptée dans la loi Pacte, qui a modernisé le dispositif de contrôle des investissements directs étrangers dans les secteurs stratégiques.

Au fond, de quoi est-il question ici ? D’un groupe de plus de 364 000 salariés, ce qui en fait, j’insiste sur ce point, le premier employeur privé français. Ce groupe était en passe d’être racheté par un géant canadien de la grande distribution, qui réalise plus de 70 % de son chiffre d’affaires dans les carburants.

Carrefour, c’est une entreprise qui rayonne, qui s’est installée sur tous les continents et dont les dernières performances économiques sont prometteuses, que ce soit en France ou dans le reste du monde. Autant dire, monsieur le ministre, que son rachat ne va pas de soi.

Il n’est d’ailleurs possible que pour une seule raison : parce que, depuis la crise de 2008, les indices boursiers ont doublé outre-Atlantique, tandis que les indices européens sont restés en deçà de leur niveau d’avant la crise. C’est donc bien une extraordinaire bulle financière qui permet à Couche-Tard d’envisager une telle opération, alors que son activité réelle reste inférieure à celle du géant français.

Pour toutes ces raisons, nous soutenons cette décision courageuse, mais certaines questions restent en suspens, notamment le développement de l’e-commerce, que Carrefour devra désormais financer seul.

Et que dire de l’image de la France, qui doit rester une terre d’investissements et une nation attractive ? C’est tout l’engagement du Président de la République et de la majorité présidentielle.

Aussi, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser les raisons qui vous ont conduit à prendre cette décision courageuse (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.) et rassurer les investisseurs étrangers sur la position de la France et son attractivité ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la relance. Monsieur le sénateur Rambaud, je pense que vous avez parfaitement résumé les choses. (Nouvelles marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

Une grande entreprise étrangère veut racheter le premier employeur privé de France, Carrefour. Si certains ici veulent laisser à une grande entreprise étrangère la liberté de racheter sans coup férir le premier employeur privé de France, garant de notre sécurité alimentaire et représentant 20 % de la distribution alimentaire de notre pays, grand bien leur fasse ! Pour ma part, je pense que la responsabilité de l’État est de garantir la sécurité alimentaire des Français et de les protéger en sécurisant les approvisionnements. C’est ce que nous avons fait. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Si c’était à refaire, nous reprendrions exactement la même décision, qui, je le rappelle, est conforme au texte de loi que vous avez voté, puisque nous avons prévu, au titre des décrets sur les investissements étrangers en France, de contrôler les investissements dans la distribution alimentaire. Le règlement européen le prévoit également : il établit de manière très claire que la distribution alimentaire est un enjeu absolument stratégique.

Il l’est encore plus au lendemain d’une pandémie qui nous a appris que des produits agricoles pouvaient ne plus circuler. Notre responsabilité est donc de garantir la sécurité alimentaire des Français d’un bout à l’autre de la chaîne, de la production agricole jusqu’à la distribution alimentaire, en passant par la transformation via l’industrie agroalimentaire, qui fait notre fierté.

Cela remet-il en cause l’attractivité de notre pays ? Tous ceux qui nous donnent des leçons feraient mieux d’être fiers que la France soit devenue, sous l’autorité du Président de la République et à la suite des décisions qui ont été prises par le Gouvernement et la majorité, la première terre d’investissements étrangers en Europe. Nous sommes le pays le plus attractif sur le continent (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et nous le resterons, car nous maintiendrons la même politique de soutien aux entreprises et d’ouverture aux investissements étrangers. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

stratégie vaccinale (i)

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour le groupe SER. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Martine Filleul. Monsieur le Premier ministre, mercredi dernier, vous nous disiez ici même, excédé, qu’il ne fallait pas revenir chaque semaine sur l’organisation de la vaccination. Pourtant, il y a matière !

Je m’appuie sur mon histoire personnelle, qui doit être celle de nombreux Français.

Ma mère, âgée de 97 ans, a intégré un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) privé, faute de place dans un Ehpad public. Vendredi, lors de l’une des rares visites que j’ai pu lui rendre, j’ai enfin appris que la vaccination y débuterait en février, alors que, dans l’établissement voisin, public celui-là, elle a commencé au début du mois de janvier.

Comment expliquez-vous l’existence de deux flux différents de livraison de vaccins pour cet Ehpad privé et cet Ehpad public, avec plus d’un mois de différence ? Comment expliquez-vous qu’une personne de 82 ans ait patienté cinq heures au téléphone avant d’obtenir un rendez-vous seulement le 8 mars prochain ? Comment expliquez-vous, monsieur le Premier ministre, que notre pays soit classé vingt-cinquième sur vingt-sept au niveau européen pour son efficacité vaccinale, alors que nous avons tous eu le même nombre de vaccins au même moment ? À quoi nous sert McKinsey ?…

Je suis en colère, monsieur le Premier ministre, mais j’ai surtout peur : peur pour ma mère, peur pour les résidents des Ehpad, peur pour ces personnes âgées dites « prioritaires ».

Je vous le demande : quand allez-vous mettre un terme à cette situation ? Comment comptez-vous en finir avec ces aberrations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice, je le dis sans contredire le Premier ministre : il est important d’évoquer ce sujet toutes les semaines, en toute transparence, comme nous le faisons depuis le premier jour de l’élaboration de la stratégie vaccinale. Nous partageons autant que nécessaire les décisions que prend le Gouvernement, mais une planification est nécessaire pour éviter de verser dans la précipitation.

Vous me donnez l’occasion de faire un point devant la représentation nationale sur l’état de la stratégie vaccinale et son évolution.

Aujourd’hui, plus de 585 000 de nos concitoyens ont été vaccinés. Hier, nous avons vacciné près de 100 000 personnes. (Oh là là ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

L’objectif fixé par le Premier ministre de 1 million de personnes vaccinées d’ici la fin du mois sera donc atteint, probablement même quelques jours plus tôt que prévu.

L’objectif est de vacciner 2,4 millions de personnes d’ici à la fin de mois de février, et peut-être même 4 millions si le vaccin AstraZeneca est validé. Au rythme qui est le nôtre, nous allons progressivement rejoindre le concert des pays européens.

Vous le savez, cette stratégie de vaccination dépend néanmoins du nombre de doses dont nous disposons aujourd’hui. Au 17 janvier nous avaient été livrées 1,6 million de doses, tandis que 315 000 doses supplémentaires vont nous être livrées dans les prochains jours. Il n’y a pas de stock caché, mesdames, messieurs les sénateurs ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

Le stock national s’élève à 8 000 doses. Tous les autres vaccins sont dans les centres de vaccination. En pleine collaboration avec les élus locaux, les agences régionales de santé (ARS) et les préfets, les acteurs de terrain sont au courant du nombre de doses dont ils disposent et du nombre de concitoyens qu’ils vont pouvoir vacciner. Le Président de la République a d’ailleurs demandé au Gouvernement et au ministre des solidarités et de la santé que soit régulièrement publié sur internet le nombre de doses par région, par département et par centre,…

M. le président. Il faut conclure.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … de manière transparente, à l’instar de ce que fait le Gouvernement depuis le début de cette crise. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.

Mme Martine Filleul. Je vous remercie, monsieur le ministre de votre réponse et de votre attention. Cependant, aujourd’hui, seuls 10 % des résidents des Ehpad sont vaccinés.

Il est temps de sortir du mensonge et de dire la vérité aux Français, à savoir que nous ne sommes pas prêts ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

territoires éducatifs ruraux

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe RDSE.

M. Éric Gold. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Monsieur le ministre, vous avez lancé lundi une expérimentation, appelée « Territoires éducatifs ruraux », adaptation aux zones rurales des cités éducatives mises en place depuis plus d’un an dans 80 quartiers prioritaires de la politique de la ville.

De fait, on a beaucoup parlé, ces dernières années, de l’éducation prioritaire dans les quartiers, en oubliant trop souvent que de fortes inégalités persistent aussi dans nos territoires ruraux, qui rassemblent pourtant 20 % des élèves et 34 % des écoles.

L’objectif de cette expérimentation est précisément de lutter contre les inégalités territoriales et sociales en matière d’éducation, notamment pour que chaque jeune ait la possibilité de poursuivre des études, quel que soit son lieu d’habitation. Il y a beaucoup à faire : 23 % des jeunes ruraux ne poursuivent pas d’études supérieures, contre 15 % en moyenne nationale, alors que leurs résultats sont bons, y compris au baccalauréat.

Il est donc indispensable de soutenir l’ambition scolaire et universitaire des jeunes ruraux en levant certaines difficultés spécifiques aux territoires et en luttant contre l’autocensure.

Les territoires éducatifs ruraux visent des territoires en situation d’isolement géographique et de déclin démographique ou industriel, en rassemblant toutes les parties prenantes, dont les collectivités locales. L’idée est de créer un véritable écosystème autour des jeunes pour renforcer leur accompagnement éducatif, encourager leur ambition et faciliter leur mobilité.

Cet écosystème doit se créer autour d’un bassin de vie, au-delà de l’organisation administrative de l’État et de nos collectivités, car les problématiques spécifiques de ces territoires appellent des réponses spécifiques, cohérentes et construites avec les élus, qui connaissent mieux que personne les besoins et les réalités locales. Il est aussi un vecteur de rayonnement et peut-être un début de réponse aux difficultés de recrutement dans certains secteurs comme la santé.

En soutenant des jeunes du territoire jusqu’à l’obtention de leur diplôme, on donne une chance supplémentaire au monde rural de multiplier les jeunes talents.

Pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, comment ce dispositif expérimental pourra s’appuyer sur les collectivités territoriales ? Quel sera concrètement l’accompagnement de votre ministère pour que, au-delà de la phase de test de six mois, les territoires éducatifs ruraux permettent une meilleure équité dans la poursuite des études ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Éric Gold, le sujet est extrêmement important. Je sais à quel point le Sénat y est sensible. La question de la revitalisation rurale en général et de la revitalisation par l’école en particulier est essentielle pour créer de l’attractivité et de la force.

Vous l’avez dit, et il faut le répéter : l’école primaire rurale fait réussir. Les enfants des écoles primaires rurales réussissent en moyenne plus que ceux des écoles primaires en général. L’école primaire rurale est donc un modèle qu’il faut promouvoir.

Nous nous sommes d’ores et déjà engagés, à la rentrée dernière, à ne fermer non seulement aucune classe, mais aussi aucune école rurale sans l’accord du maire. Il est très important de persévérer dans cette logique de soutien.

Il faut, en parallèle, avoir une logique qualitative.

Dans la lignée de plusieurs rapports que j’ai demandés, notamment celui de Salomé Berlioux sur les jeunes en milieu rural, mais aussi le rapport dit « Azéma-Mathiot », la nouvelle secrétaire d’État à l’éducation prioritaire, Nathalie Élimas, et moi-même avons réalisé un remarquable travail avec trois académies, l’académie de Normandie, l’académie d’Amiens et l’académie de Nancy-Metz.

Comme vous l’avez dit, le dispositif est expérimental. Il sera ensuite étendu à d’autres académies. L’idée est de se doter d’une logique de réussite des élèves reposant sur l’articulation de toutes nos politiques publiques au bénéfice des écoles rurales, comme le dédoublement des classes, les « cordées de la réussite », les internats d’excellence et, plus généralement, une forme de mentorat pour nos élèves, pour les amener à toutes sortes de carrières. Il y a donc derrière les territoires éducatifs ruraux une notion clé d’ambition.

Le partenariat avec les collectivités locales est lui aussi déterminant. Chaque territoire éducatif rural sera un cas particulier, avec un accord entre la collectivité et l’État pour, ensemble, porter une ambition éducative.

Nous continuons dans la lignée du travail que nous avons déjà réalisé avec plusieurs d’entre vous pour définir des stratégies départementales pour l’école rurale. C’est une étape supplémentaire, mais elle est très importante, parce qu’elle consacre l’idée que l’éducation prioritaire est pour la ville, mais aussi pour la campagne. Elle est tout simplement pour tous les enfants français qui en ont besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

suppressions de postes chez sanofi

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe GEST. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie.

Madame la ministre, Sanofi vient de confirmer la suppression de 400 postes dans ses services de recherche et développement (R&D) en France.

Cette annonce suscite un réel émoi tant elle apparaît en total décalage avec le contexte économique et social actuel et la volonté clamée par tous d’une société plus autonome et résiliente.

Permettez-moi de vous poser une petite série de questions, madame la ministre.

Premièrement, pensez-vous rationnel que nous réduisions notre capacité de recherche scientifique et médicale alors que nous sommes tous convaincus qu’il nous faut renforcer l’autonomie européenne en matière de production de médicaments ?

Deuxièmement, pensez-vous raisonnable qu’une entreprise européenne bénéficiant d’aides publiques très importantes et de commandes publiques massives puisse ainsi, pour reprendre les propos de Mme Borne, ministre du travail, remettre aujourd’hui des centaines de salariés sur le marché de l’emploi ?

Troisièmement, pensez-vous acceptable, alors que les Français sont terriblement inquiets pour leur propre avenir économique, mais ont aussi montré une forte capacité de cohésion en appliquant les consignes sanitaires, qu’une entreprise de cette importance puisse passer un message aussi brutal, en assumant d’augmenter ses dividendes tout en réduisant son nombre de salariés ?

En imaginant que vous ayez répondu non aux trois questions de ce petit questionnaire à choix multiple, ma dernière question, madame la ministre, sera fort simple : comment prévoyez-vous d’intervenir pour que Sanofi revienne sur sa décision et comprenne qu’elle ne peut aujourd’hui faire preuve d’une telle indécence ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de lindustrie. Monsieur le sénateur Dantec, je veux d’abord vous dire que la décision de Sanofi ne vient pas d’être prise. C’est une information dont nous avons déjà discuté dans cet hémicycle. Je vous avais déjà répondu, au mois de juin dernier me semble-t-il, au sujet de l’entreprise Sanofi, qui, effectivement, recentre une partie de ses sites de R&D sur trois verticales d’excellence, notamment les vaccins.

Je veux vous répéter ce que nous avions dit alors : conformément à vos attentes, nous serons extrêmement vigilants sur la réindustrialisation de la France, le niveau de nos capacités de production et le renforcement de notre excellence en matière de santé aux niveaux national et européen.

Ainsi, nous avons formulé trois demandes à Sanofi : qu’il n’y ait que des départs volontaires, et aucun départ contraint – je puis affirmer ici que le patron de Sanofi s’est engagé en ce sens –, que Sanofi augmente ses dépenses annuelles de R&D – de fait, Sanofi s’est engagé à investir 2 milliards d’euros chaque année dans ce domaine – et que Sanofi réimplante des sites de production. Un site de production de vaccins évolutif verra ainsi le jour.

Ce dernier aurait été très utile dans les circonstances présentes, mais je rappelle que, si la production de produits pharmaceutiques en France a été divisée par deux entre 2005 et 2015, c’est précisément parce que nous n’avions pas de politique d’attractivité à destination des investisseurs étrangers et français. Comme l’a indiqué Bruno Le Maire, nous avons entamé ce travail, avec le Président de la République et le Premier ministre, pour attirer de nouveau les entreprises et renforcer nos sites de production.

Monsieur le sénateur, je veux donc vous rassurer : oui, nous mettrons toutes nos forces dans la bataille pour réindustrialiser la France et faire du secteur de la production en santé une priorité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.

M. Ronan Dantec. « Tout le monde a vu durant cette crise que des médicaments qui paraissaient usuels n’étaient plus produits en France et en Europe » : tels sont les propos qu’Emmanuel Macron a tenus au mois de juin.

À l’époque, nous pouvions penser, en toute innocence, que c’était justement pour y remédier, notamment dans le domaine du diabète, où sont les suppressions d’emplois, qui ne sont pas du tout liées à la stratégie vaccinale. En fait, c’était tout simplement pour s’y résigner ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

avenir de l’office national des forêts

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe INDEP. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

M. Franck Menonville. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

L’Office national des forêts (ONF) rassemble 9 000 agents et gère 6 millions d’hectares, dont 3 millions d’hectares de forêt communale. Il réalise plus de 700 millions d’euros de chiffre d’affaires et représente 40 % du bois produit en France.

Cependant, force est de constater que cet établissement rencontre des difficultés croissantes, et ce depuis de nombreuses années.

Ces difficultés sont tout d’abord financières : en effet, l’ONF est structurellement déficitaire. Son déficit atteindra, cette année, 79 millions d’euros, alors que son chiffre d’affaires est en baisse de 45 millions d’euros. Le dernier conseil d’administration a donc été contraint de relever le plafond d’endettement à 550 millions d’euros. Bien évidemment, ce n’est bien aucunement une solution : c’est plutôt une fuite en avant, qui ne fera qu’accentuer les difficultés à venir.

L’ONF traverse une crise sociale, avec la réduction des effectifs sur le terrain. Il traverse également une crise existentielle : il est aujourd’hui confronté à de nombreux défis, parfois contradictoires, et à une dispersion de ses missions.

Plus de 300 rapports ont été produits en trente ans, qui sont souvent restés sans suite. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus différer un vrai débat pour entreprendre une réforme profonde de l’ONF, sur ses missions, sur son organisation, sur son financement, mais aussi sur sa gouvernance et son ancrage territorial, en y renforçant le rôle des collectivités territoriales.

De véritables choix stratégiques doivent être faits au plus vite, et c’est bien un nouveau modèle économique qu’il nous faut bâtir pour l’ONF.

Monsieur le ministre, il est urgent d’agir : que comptez-vous mettre en œuvre pour assurer la pérennité de l’ONF, alors même que la forêt française, les forêts communales et les communes forestières sont au cœur du défi climatique et sanitaire ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Menonville, je veux d’abord vous redire le grand attachement du Gouvernement, mais aussi, je crois, de nombreux Français, à l’ONF, ainsi qu’à l’ensemble des agents qui y travaillent.

L’ONF est un organisme qui est salué à l’international. Son expertise est grande. Il nous faut le soutenir. Je veux vraiment le répéter solennellement : nous sommes aux côtés de l’ONF et de ses agents.

Il est vrai que l’ONF rencontre aujourd’hui un certain nombre de défis : le défi de la forêt française, que les membres de la Haute Assemblée connaissent si bien ; le défi du changement climatique ; le défi posé par certaines maladies, comme les scolytes, dont nous avons tant parlé dans cet hémicycle ; un défi financier, que vous avez très bien évoqué et qu’il nous faut affronter de face, en tirant profit de l’ensemble des travaux d’expertise qui ont été menés et que vous avez rappelés.

Je veux vous apporter trois éléments de réponse, monsieur le sénateur.

Tout d’abord, il faut être aux côtés de l’ONF pour fixer le cap. Je crois qu’une politique forestière est essentielle aujourd’hui : une forêt se préserve et se cultive à la fois.

Il faut également apporter un soutien financier. Nous avons ainsi augmenté les crédits de 10 millions d’euros dans le cadre du projet de loi de finances. S’y ajoute le plan de relance, avec 200 millions d’euros pour la forêt. Ce geste était attendu depuis de nombreuses années ; de nombreux rapports avaient mis en avant sa nécessité. De fait, les résultats du plan de relance sont très positifs.

Enfin, il va nous falloir finaliser un contrat entre l’État et l’ONF, mais également entre l’ONF et les communes forestières, car je n’oublie pas et n’oublierai jamais que l’ONF gère également les communes forestières, qui ont toute leur place à jouer. L’une de mes premières décisions en tant que ministre a d’ailleurs été de laisser à l’ONF la gouvernance des communes forestières, alors qu’il était projeté de la lui retirer.

Telle est, monsieur le sénateur, la feuille de route qui est la mienne et que je suivrai avec attention, en lien avec la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

stratégie vaccinale (ii)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Monsieur le Premier ministre, je vous interroge en tant que sénatrice des Yvelines, au nom de tous mes collègues ici présents et, surtout, des maires de France qui nous appellent, désemparés.

Les maires veulent vous comprendre, mais ils ne vous comprennent plus ; ils veulent vous aider, mais ils n’y arrivent plus. Avec volontarisme, ils ont pris en charge l’organisation territoriale de la campagne vaccinale, aux côtés de préfets et d’agences départementales de l’ARS souvent dévoués et d’hôpitaux et de ressources médicales locales mobilisés. Ils sont prêts à s’engager, avec authenticité et sans arrière-pensée politique.

Non seulement les maires ont le doigt sur la couture du pantalon, mais ils ont aussi le porte-monnaie ouvert. Ils financent les installations matérielles, les agents qui accueillent le public et assurent la sécurité, les permanences pour les rendez-vous, les annulations et les listes d’attente, le transport des personnes vulnérables et même, monsieur le Premier ministre, le coût des aiguilles et des seringues, puisque celles-ci nous arrivent non conformes. (M. le Premier ministre sexclame.)

Pourtant, aujourd’hui, ce sont les maires qui affrontent en première ligne le résultat de votre désorganisation : le mécontentement de nos concitoyens, leur incompréhension, leur détresse et, bientôt, leur colère. Le cabinet de Mme le maire de Rambouillet reçoit un appel par minute depuis lundi matin !

Nous connaissons les commandes et les conditions de transport et d’utilisation de ce vaccin depuis au moins le début de mois de décembre. Dès lors, pourquoi la logistique n’a-t-elle pas été anticipée ? Vous n’avez tiré aucun enseignement des dysfonctionnements de la première vague. Comment expliquer que des centres qui devaient ouvrir la semaine prochaine resteront fermés malgré vos promesses d’accélération ? Comment expliquer que les maires n’aient aucune visibilité sur les rendez-vous à plus de deux jours, donc sur les rendez-vous pour la seconde injection ?

Tout cela rend le pays épidermique, monsieur le Premier ministre. Comment et quand allez-vous enfin reprendre les choses en main ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe SER.)