Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la sénatrice, votre question me permet de compléter ma réponse à votre collègue Viviane Artigalas, selon laquelle c’est nous qui avons lancé le mouvement de dématérialisation.
Madame Artigalas, pardonnez-moi de partager le fardeau. Quand nous avons été élus en 2017, le taux de dématérialisation était de 60 %. Nous l’avons certes porté à 70 % ; mais, avant cette majorité-là, il y en avait une autre que vous connaissez bien, à laquelle j’appartenais aussi, et qui a pris beaucoup d’initiatives en la matière ; pour ce qui concerne la dématérialisation, la responsabilité est même partagée par l’ensemble des majorités qui ont été au pouvoir.
Madame Filleul, pour ce qui concerne votre question, j’aurai du mal à aller plus loin que dans ma réponse à M. Chaize.
Nous discutons actuellement avec Philippe Wahl de la manière d’associer La Poste au chantier de l’inclusion numérique.
Les postiers vont effectivement jusqu’aux particuliers : ils peuvent bel et bien jouer un rôle de détection de l’illectronisme, par exemple chez les personnes âgées qui ne sortent pas de chez elles. Ils peuvent également les accompagner en participant à la formation dans un certain nombre de cadres, dans les territoires où les collectivités territoriales ou d’autres acteurs ont moins d’initiatives ou de capacités d’action.
Nous travaillons également avec Philippe Wahl pour réunir l’ensemble des entreprises qui, d’une certaine manière, sont les acteurs de la dématérialisation : je pense aux banques, aux mutuelles, à la SNCF ou encore à Enedis.
De toute évidence, la gestion de la dématérialisation et des difficultés qu’elle entraîne va bien au-delà des services publics. Avec La Poste, nous travaillons à réunir ces entreprises, qui souvent soutiennent les points d’information médiation multiservices (Pimms), pour que, tous ensemble, privé, public et société civile réunis, nous apportions une réponse à la hauteur de la problématique à laquelle nous sommes confrontés !
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.
Mme Martine Filleul. Monsieur le secrétaire d’État, un nouveau contrat d’entreprise est en préparation entre l’État et La Poste : ce travail serait l’occasion de généraliser les expérimentations que La Poste a déjà menées, que ce soit dans les quartiers de la politique de la ville ou dans les outre-mer.
Cette problématique doit être inscrite dans les missions de La Poste : ainsi, toutes les actions menées à ce titre pourront être financées !
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Monsieur le secrétaire d’État, la lutte contre l’illectronisme n’est pas une problématique nouvelle, mais le confinement nous en a rappelé l’importance et a mis en lumière les dangers du tout-numérique.
Il est temps que les pouvoirs publics se saisissent réellement de ce sujet et que le numérique soit rendu plus inclusif.
En parallèle, le Gouvernement doit éviter la disparition de guichets physiques d’accès aux droits. Le Défenseur des droits a souligné cette nécessité dans son rapport de 2019 consacré à la dématérialisation et aux inégalités d’accès aux services publics. Il y recommande d’inscrire dans le code des relations entre le public et l’administration (CRPA) une disposition imposant de préserver plusieurs modalités d’accès aux services publics, afin que les personnes ayant des difficultés à utiliser les plateformes numériques aient toujours accès à leurs droits.
Le respect de cette obligation est particulièrement important pour les territoires de montagne, qui ne disposent pas encore d’une couverture numérique satisfaisante et dont les populations sont, de ce fait, plus susceptibles de souffrir de l’illectronisme.
Renforcer le déploiement des maisons France Services est une solution pour s’assurer de la préservation des guichets physiques. Il faut également y associer des travailleurs sociaux et des médiateurs numériques pour garantir un accompagnement généraliste et de qualité de la population.
Ces services publics de proximité seraient également chargés de détecter les publics ayant du mal à utiliser les outils numériques : ils pourront les aider à accéder à l’aide dont ils ont besoin pour mieux les appréhender. En effet, la formation aux outils numériques est un aspect essentiel de la lutte contre l’illectronisme. Elle doit être adaptée la diversité des publics qui en ont besoin.
En outre, l’échelon de mise en œuvre de ce dispositif doit être adapté aux besoins des territoires : ceux où la population souffre le plus de l’illectronisme doivent faire l’objet d’une priorisation.
Loin de moi l’idée de diaboliser la dématérialisation : c’est une bonne chose. On estime par ailleurs qu’à terme elle permettra à l’État d’économiser 450 millions d’euros chaque année. Seulement, elle doit être mise en œuvre de façon mesurée, graduée, et ne laisser personne de côté. En ce sens, une partie des économies dégagées grâce à la dématérialisation des services publics pourrait être utilement réorientée vers la lutte contre l’illectronisme et en faveur de l’accessibilité des plateformes numériques.
Ma question est donc triple : avez-vous prévu de rediriger une partie des économies réalisées grâce à la dématérialisation des services publics vers la lutte contre l’illectronisme et, si oui, à quelle hauteur ? Prévoyez-vous de prioriser la lutte contre l’illectronisme dans les territoires où la population est plus affectée et, si tel est le cas, comment comptez-vous identifier ces territoires ? Le Gouvernement s’engage-t-il à préserver plusieurs modalités d’accès au service public ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur, je vous le dis d’emblée : nous préserverons bien entendu plusieurs voies d’accès au service public.
Vous m’interrogez également sur la manière d’investir les économies dégagées par la dématérialisation. Nous avons effectivement examiné les moyens de réinjecter une partie de cet argent dans la formation des Français au numérique. J’ai même travaillé un temps sur une déclinaison du principe pollueur-payeur, en vertu duquel, dès lors que vous dématérialisez, vous devez assumer davantage de responsabilités.
Pour ne rien vous cacher, on aurait vite abouti à une usine à gaz ; à tout le moins, il aurait été compliqué de poursuivre le travail de dématérialisation dans un tel cadre. D’ailleurs, j’ai eu l’occasion de le dire, y compris au sujet de l’accessibilité aux services publics : la dématérialisation n’est pas forcément une mauvaise chose – il y a quelques instants, j’ai cité l’exemple des caisses d’allocations familiales.
Aussi, sans imposer d’obligations supplémentaires aux instances qui dématérialisent, sans flécher les économies dégagées, nous avons décidé d’investir 250 millions d’euros à ce titre.
Il ne s’agit en aucun cas de se substituer aux collectivités territoriales, mais de les accompagner dans le déploiement des politiques d’inclusion numérique, en les mettant en réseau et en cartographiant l’offre de médiateurs numériques disponible. Jusqu’à présent, cette cartographie était très lacunaire. Or nous devons faire en sorte que les collectivités puissent répondre à l’appel d’offres des conseillers numériques.
Pour répondre à votre deuxième question, ce n’est pas nous qui allons prioriser ex ante les lieux où les besoins en inclusion numérique sont les plus grands. En effet, les situations sont extrêmement diverses : les besoins peuvent se trouver dans les villes comme dans les campagnes et concerner l’ensemble des classes d’âge.
Néanmoins, nous avons la volonté d’apporter une réponse aux besoins des collectivités et nous veillerons évidemment à garantir une péréquation entre les territoires, pour éviter la logique du « premier arrivé, premier servi » !
Mme la présidente. La parole est à Mme Else Joseph.
Mme Else Joseph. Monsieur le secrétaire d’État, ce débat relatif à l’illectronisme et à la fracture numérique met en lumière un problème saillant de la société.
Reconnaissons-le : internet a facilité les démarches. L’accès aux services publics a été encouragé dans nos territoires et il serait absurde de renoncer aux gains obtenus. Les derniers confinements ont même renforcé l’usage du numérique, plus ou moins subi, mais surmonté.
Il y a cependant des retards. Pour les combler, l’éducation nationale est appelée à jouer un rôle privilégié. Or elle subit des difficultés, comme l’a démontré la crise sanitaire.
Il faut d’abord dresser un état des lieux de ces problèmes, qui vont au-delà du simple accès à une tablette ou à un ordinateur personnel.
Comme l’a proposé la mission d’information, il faut élaborer une cartographie par académie. À cette fin, il faut se pencher sur les différentes difficultés rencontrées, dans chaque établissement, par les élèves et les enseignants et affectant la continuité pédagogique, qu’il s’agisse des infrastructures, des zones blanches ou des compétences numériques.
À cet égard, il convient de dresser un état des lieux détaillé des compétences numériques des enseignants et des élèves. Il faut, par exemple, recenser les élèves en situation d’illectronisme. Plusieurs de mes collègues l’ont souligné, il s’agit là d’une nouvelle forme d’illettrisme. À Charleville-Mézières, dans mon département des Ardennes, l’observatoire communal de la lecture publique s’est notamment penché sur ce problème, auquel il a consacré une expérimentation tout à fait intéressante.
Les enseignants ont été en première ligne, et je les salue. La question de leur formation à l’outil numérique pédagogique est posée : elle doit être obligatoire, au titre de la formation initiale ou continue. Pour autant, ne soyons pas béats et ne tombons dans les illusions d’une certaine digitalisation. Comme l’explique le rapport Vall, il s’agit de passer d’une logique du « 100 % dématérialisé » à une logique du « 100 % accessible ». La dématérialisation ne doit pas être une solution pour fermer des services, mais une manière de les améliorer.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple : comment le Gouvernement entend-il accompagner cette démarche, en particulier auprès des acteurs de l’éducation nationale ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la sénatrice, vous avez raison d’évoquer le rôle central de l’éducation nationale dans la lutte contre l’illectronisme sous toutes ses formes. On ne naît pas avec un téléphone portable à la main et l’on aurait tort d’estimer que les problèmes d’accès aux services publics en ligne ne touchent que les personnes âgées.
Je l’ai déjà indiqué : j’ai eu l’occasion de me rendre dans la région de Bayonne pour assister à une session de formation que l’assurance maladie consacrait à son site en ligne. Le public ne comprenait que des jeunes de moins de 25 ans, dont les difficultés à appréhender l’outil numérique étaient extrêmement fortes. En effet, c’est une chose d’utiliser Instagram, d’envoyer des messages par Messenger ou d’aller sur Facebook avec son téléphone portable ; c’en est une autre d’actualiser son dossier pour Pôle emploi, de remplir sa déclaration d’impôt ou de rédiger un CV. D’ailleurs, les conseillers de Pôle emploi vous le diront : très souvent, lorsqu’ils demandent aux jeunes de leur faire suivre leur CV, leurs interlocuteurs ne comprennent pas ce qui leur est demandé.
Nous devons donc également accompagner les jeunes dans leur maîtrise des outils numériques et leur compréhension du monde. À ce titre, Jean-Michel Blanquer et le ministère de l’éducation nationale mènent, sur plusieurs aspects, un travail important.
Il s’agit, tout d’abord, de faire progresser l’éducation au numérique, avec la généralisation de l’heure et demie de cours hebdomadaire réservée à cette matière en classe de seconde ; ensuite, d’assurer l’identification par les chefs d’établissement, notamment à la suite du confinement, des élèves et des familles qui auraient des difficultés de connexion ; et, enfin, de sensibiliser les professeurs à la question du numérique. Il est parfois nécessaire de les accompagner eux-mêmes, car ils peuvent se sentir un peu délaissés – j’ai vécu cette situation en tant que parent d’élève –, pour qu’ils puissent accompagner leurs classes.
Bien entendu, il reste encore beaucoup de travail à accomplir : c’est une très grande transition, que nous devons accompagner. Mais, je vous le certifie, c’est un sujet que le Gouvernement prend à cœur !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Rojouan.
M. Bruno Rojouan. Monsieur le secrétaire d’État, mes propos rejoindront largement ceux des précédents intervenants.
Pour permettre l’essor du numérique, la stratégie française a consisté, pendant de nombreuses années, à se focaliser sur le déploiement d’infrastructures. Ce chantier est certes très important, mais il a relégué aux oubliettes la formation des usagers, qui est pourtant essentielle.
En procédant ainsi, on a mis la charrue avant les bœufs et, aujourd’hui, nos concitoyens en paient le prix. Les différents orateurs l’ont dit et répété, plus de 14 millions de Français ne maîtrisent pas l’outil informatique, alors que ce dernier est progressivement devenu indispensable dans notre société.
Pourtant, des associations et des collectivités ont, de longue date, engagé des actions pour lutter contre la fracture numérique. Dans la conquête actuelle, elles ne doivent pas être oubliées.
Il s’agit d’assurer une familiarisation à l’outil numérique dès le plus jeune âge, à l’école ou ailleurs, par exemple dans les centres sociaux, comme c’est le cas dans mon département ; de réévaluer régulièrement les nouveaux besoins ; et de former les personnes en situation d’exclusion, particulièrement dans la ruralité. Je pense par exemple au département de l’Allier, que vous connaissez bien désormais, pour vous y être rendu récemment ! On m’annonce d’ailleurs que vous y viendrez de nouveau samedi prochain.
Ce dernier axe doit particulièrement retenir notre attention. Un changement de cap doit s’opérer pour permettre un déploiement pérenne de la formation aux outils numériques. Il faut substituer à la logique d’assistance, en vertu de laquelle le médiateur fait à la place de la personne formée, une logique de savoir-faire, tendant à l’autonomie numérique.
Cette logique, celle du savoir-faire soi-même, est prioritaire, car l’environnement numérique évolue en permanence, peut-être même trop vite dans certains cas, et seule une compréhension globale des outils et des logiciels peut permettre à chacun d’envisager sans crainte ces changements à long terme.
Dans cette perspective, le lancement d’un plan national de formation au métier de médiateur et le regroupement sous une bannière unique de l’ensemble des réseaux et offres de formation numérique paraissent évidemment indispensables.
C’est un fait incontestable : l’inclusion numérique est devenue essentielle pour mener une vie normale. Pouvez-vous nous préciser comment vous voyez l’évolution, à long terme, des actions que lance aujourd’hui le Gouvernement en matière de formation ? Enfin, je vous incite à une certaine prudence avant de substituer le numérique à l’accueil !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur, j’ai effectivement eu l’occasion de présenter en avant-première notre vision du numérique dans le beau département de l’Allier : je m’y suis rendu il y a quelques semaines pour signer, avec Claude Riboulet, président du conseil départemental, un accord relatif au déploiement de conseillers numériques.
Cette visite m’a également permis de préciser et d’illustrer ce que nous voulons faire, par exemple avec la visite du tiers-lieu du Mazier, du bocage numérique, à Bourbon-l’Archambault.
Notre volonté n’est pas de remplacer le Mazier et l’ensemble des tiers-lieux, qui accomplissent un travail exceptionnel sur l’ensemble du territoire ; nous souhaitons simplement donner aux collectivités et, le cas échéant, aux associations les moyens d’embaucher un médiateur numérique. Au Mazier, j’ai d’ailleurs rencontré une personne qui pourrait très bien être dans ce cas de figure et bénéficier du plan de recrutement des conseillers numériques.
Telle est notre volonté sur le long terme, au-delà des 250 millions d’euros du plan de relance : mettre en réseau, connecter et structurer l’ensemble des acteurs qui, depuis très longtemps, s’engagent en faveur de l’inclusion numérique, en leur donnant les outils dont ils ont besoin. J’y insiste, ils font un travail extraordinaire, mais il faut les accompagner : il faut garantir des standards et des outils communs, faute de quoi chacun aura tendance à réinventer la roue dans son coin.
Il s’agit aujourd’hui de professionnaliser et de structurer ce secteur : c’est le travail que nous devons mener à long terme. Déployer des conseillers numériques, c’est, en quelque sorte, mettre de l’essence dans le moteur. Il s’agit d’un effort indispensable ; mais encore faut-il s’assurer que ce moteur fonctionne dans la durée. C’est ce à quoi nous devons nous atteler à présent en structurant ce secteur !
(M. Pierre Laurent remplace Mme Nathalie Delattre au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas.
Mme Patricia Demas. Les conclusions du rapport sénatorial de Raymond Vall sur la lutte contre l’illectronisme montrent que la fracture numérique s’aggrave. La période que nous vivons en est d’ailleurs un révélateur supplémentaire : aujourd’hui, les Français coupés du numérique souffrent, à tous les niveaux, encore plus que les autres.
Monsieur le secrétaire d’État, nous le savons, les causes de l’illectronisme sont multiples et, pour reprendre l’une de vos expressions, il nous faut réellement passer un cap pour bâtir une politique publique de l’inclusion numérique au plus près des Français et des territoires.
Reste une question incontournable pour cet immense chantier, qui touche toutes les générations et tous les secteurs : celle des moyens. Ils restent insuffisants, malgré des avancées notables.
S’agissant des mesures engagées, je souhaite moi aussi revenir sur le dispositif des 4 000 conseillers numériques financés par l’État pour deux ans afin d’accompagner les usagers en difficulté ou, tout simplement, éloignés des fondamentaux.
Aussi, ma question porte sur les modalités de ces recrutements, tels qu’elles sont spécifiées dans l’appel à manifestation d’intérêt, et que vous voulez rapides.
D’après les informations que j’ai pu recueillir dans mon département des Alpes-Maritimes, il serait utile, pour les collectivités candidates, que les délais de quinze jours accordés pour contractualiser soient étendus à un mois. Cet assouplissement permettrait une meilleure organisation des recrutements, respectueuse, non seulement, des règles de la comptabilité publique et du droit public, mais aussi du souhait et des exigences du financeur. Il irait également dans l’intérêt des futurs conseillers.
Enfin, se pose la question cruciale de la pérennisation de ces contrats à leur terme, afin de s’inscrire dans une plus-value favorable aux territoires et aux usagers. Il en est de même des mesures favorisant les partenariats entre tous les acteurs territoriaux ou soutenant tout simplement l’ingénierie de projets, pour cette professionnalisation du secteur que vous appelez de vos vœux !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la sénatrice, au sujet du processus de contractualisation et de déploiement des conseillers numériques, je vous réponds sans détour : une fois que la collectivité aura candidaté, nous nous adapterons.
La durée de quinze jours a effectivement été évoquée, car notre volonté est d’aller assez vite pour que, dès le début de l’année prochaine, des conseillers numériques soient sur le terrain.
Vous l’avez rappelé, nous prévoyons 350 heures de formation pour faire de ces médiateurs numériques une véritable profession. Il faut prendre en compte le temps nécessaire pour conventionner, recruter et assurer cette formation et, en parallèle, il ne faut pas trop désespérer Billancourt ! (Sourires.) Mais, bien entendu, nous n’allons pas laisser de côté telle ou telle collectivité s’il lui faut quinze jours supplémentaires. J’y insiste, nous voulons avancer et nous saurons nous adapter le moment venu.
Vous évoquez également la pérennité de cet engagement, au-delà des 250 millions d’euros mobilisés sur deux ans. Nous en sommes pleinement conscients : le problème de l’illectronisme n’aura pas disparu dans deux ans, malgré cet important effort d’investissement consenti par l’État.
La pérennisation de ces emplois, ou en tout cas la pérennité de cette action, doit donc être envisagée. Vous avez raison de soulever la question. Toutefois, comme je l’ai dit aux représentants des associations de collectivités, il me semble préférable de prendre le problème dans l’autre sens.
Il y a quatre ans, 350 000 euros étaient alloués à l’inclusion numérique. Aujourd’hui, ces financements atteignent 250 millions d’euros. Pour l’heure, faisons en sorte que les conseillers numériques arrivent sur le terrain ; ma priorité est de déployer ces professionnels, pour que la politique d’inclusion numérique passe à une autre échelle !
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe auteur de la demande.
M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des orateurs ayant participé à ce débat. Les questions posées illustrent l’intérêt du Sénat pour la lutte contre l’illectronisme, l’accès de tous au numérique étant de plus en plus la condition de l’exercice des droits et des devoirs : accès à l’éducation, au travail, aux services publics, aux droits sociaux et à la citoyenneté.
Le numérique, révolution majeure du XXIe siècle, pénètre tous les aspects de notre vie quotidienne. Il modifie en profondeur les relations entre l’administration et ses usagers. Il est tout à la fois une chance pour nos concitoyens, une occasion à saisir pour la revitalisation des territoires et un handicap supplémentaire, voire un nouveau facteur discriminant.
Oui, un effort sans précédent doit être consenti pour la formation à tous les niveaux, notamment par l’école et par les entreprises, en matière de médiation numérique.
Le principe d’accessibilité aux services publics, qui nous est cher, doit demeurer une priorité de l’État pour accompagner les usagers et favoriser une véritable autonomie numérique, l’objectif étant de ne pas avoir à se substituer à l’usager.
Le groupe du RDSE est vigoureusement attaché au principe d’égalité devant le service public. À nos yeux, la réduction de la fracture numérique, qu’elle soit due à une couverture insuffisante du territoire ou à l’illectronisme, y participe pleinement.
Comme l’a relevé la mission d’information constituée sur l’initiative de notre ancien collègue Raymond Vall, les personnes les moins bien dotées en compétences ou en équipements numériques sont davantage victimes d’un « processus d’exclusion administrative ».
Les entreprises peuvent également être concernées et, contrairement aux idées reçues, toutes les générations peuvent être touchées à un moment donné.
C’est la raison pour laquelle le programme Action publique 2022, qui vise la dématérialisation des 250 démarches les plus courantes d’ici au mois de mai 2022, nous préoccupe. Au total, 40 % de la population ne se sentirait pas à l’aise pour accomplir des démarches en ligne.
Nul ne saurait s’opposer à la modernisation de l’État. Bien au contraire, le principe d’adaptabilité et de mutabilité du service public doit trouver sa pleine application. Comme l’affirmait Gaston Jèze, le « pape des finances publiques » : « L’organisation d’un service public proprement dit est susceptible d’être modifiée à tout instant. […] Il faut pouvoir toujours apporter les changements nécessités par les transformations économiques, sociales, politiques, par les nouveaux idéals politiques et sociaux. »
Ainsi, lorsqu’elle est correctement préparée, la dématérialisation constitue un réel progrès. Il est du devoir de l’État d’adapter le service public aux besoins des usagers, qui eux-mêmes évoluent. Il en est ainsi de l’amélioration de l’accessibilité des sites publics pour toutes les personnes handicapées. Le retard pris dans ce domaine est inacceptable, alors que les contraintes sont moindres que pour les travaux d’adaptation des bâtiments ou des transports en commun.
De même, l’information doit être intelligible pour les usagers et le service concerné aisément joignable.
Si un basculement plus important des canaux de communication traditionnels vers le numérique est bienvenu, ces dispositifs doivent demeurer complémentaires. Notre ancien collègue Pierre-Yves Collombat le soulignait : « La dématérialisation des démarches doit être pensée en fonction de l’usager réel et non de l’usager rêvé. »
De surcroît, comme le souligne le Défenseur des droits dans son rapport de 2019 consacré à la dématérialisation des démarches administratives, « l’objectif de l’amélioration du service rendu à l’usager ne sera pas atteint si l’ambition collective portée dans ce processus se résume à pallier la disparition des services publics sur certains territoires ». Le recul de la présence humaine aux guichets et la dématérialisation ont ainsi été la source de nombreuses ruptures d’égalité entre les usagers.
Monsieur le secrétaire d’État, la dématérialisation ne doit être ni l’ennemie de l’aménagement du territoire ni le symbole de logiques purement budgétaires, qui aboutissent à un service public déshumanisé.
Enfin, la transformation numérique ne doit pas exonérer l’État de l’indispensable simplification préalable des démarches. C’est pourquoi la reconnaissance du droit à l’erreur, défendue par la mission, est indispensable. La transposition sous forme numérique de la complexité administrative existante ou, pis, son aggravation nous mènerait à l’échec.
À nos yeux, l’inclusion numérique doit être une priorité nationale. Il faut donc passer des annonces aux actes : j’espère que les propositions de la mission d’information créée par notre groupe, ainsi que les inquiétudes exprimées par la Haute Assemblée, éclaireront l’action du Gouvernement en la matière afin de guider nos concitoyens pour relever les défis de la numérisation de la société ! (Applaudissements.)