Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb.
M. Laurent Duplomb. Je veux poser une question sur un problème que nous rencontrons malheureusement un peu trop souvent en France, notamment en raison d’une administration un peu trop jacobine, à savoir la non-prise en compte des spécificités de la montagne et, plus généralement, de celles de la ruralité. Très souvent, on se rend compte que les règles édictées par Paris sont totalement verticales et s’appliquent sur la totalité du territoire français, sans que l’on se pose la question de ses spécificités.
Monsieur le secrétaire d’État, je prendrai un exemple très récent, qui peut vous concerner, puisque vous étiez déjà membre du Gouvernement lorsque cette mesure a été prise : je veux parler de l’aide à la relance de la construction durable prévue dans le plan de relance. Cette aide de 350 millions d’euros vise une densification plus importante de l’habitat, avec des objectifs de sobriété foncière ou encore de « zéro artificialisation » des sols.
Pour illustrer la non-prise en compte de la spécificité des territoires que j’évoquais, je vous donnerai un exemple très précis : à côté de chez moi, le maire d’un village de 800 habitants a acheté trois corps de ferme qu’il souhaite réhabiliter pour en faire des logements.
Le premier corps de ferme représentait au départ 60 mètres carrés habitables : cela correspond à l’habitat historique de la ferme avec la grange et l’écurie. À l’intérieur de ce corps de ferme, il compte aménager plus de 180 mètres carrés de logement. Or figurez-vous qu’il ne touchera pas l’aide de 100 euros par mètre carré prévue par le plan de relance, tout simplement parce que, comme je le disais, l’administration ne prend pas en compte les spécificités de la montagne.
En effet, le calcul du coefficient d’intégration fiscale lié à la densification de ces logements est fait sur la base de la surface cadastrale. En zone urbaine, on peut admettre que la surface cadastrale d’une maison correspond à l’emprise de celle-ci.
Mme la présidente. Monsieur Duplomb, je suis désolée…
M. Laurent Duplomb. En revanche, en milieu rural, cette surface cadastrale…
Mme la présidente. Je ne vous impressionne pas du tout, apparemment. (Sourires.)
M. Laurent Duplomb. Pas trop… (Rires.)
Mme la présidente. Je vois…
M. Laurent Duplomb. Pardonnez-moi, madame la présidente, je finis juste mon propos.
En milieu rural, la surface cadastrale de la ferme ne concerne pas que le bâti et tient aussi compte de tout ce qui l’entoure. Par conséquent, nous sommes confrontés à…
Mme la présidente. Vous ne pouvez pas poursuivre votre intervention, monsieur Duplomb !
M. Laurent Duplomb. … ce que je regrettais tout à l’heure, c’est-à-dire à une non-prise en compte des spécificités du milieu rural et de la montagne.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, je me demande si ce n’est pas vous qui avez donné le mauvais exemple dès le départ, en éveillant le goût pour la parole chez tous nos collègues ! (Rires.)
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la présidente, puisque nous nous connaissons, vous savez bien que je donne souvent le mauvais exemple, mais c’est toujours pour la bonne cause. (Sourires.)
Monsieur le sénateur, je suis évidemment absolument incapable de vous répondre sur le cas particulier que vous avez évoqué. Je vous invite à me transmettre ce fait avec le plus de détails possible, de sorte que mes services et le ministère concerné vous apportent une réponse précise. À ce stade, je suis bien incapable de vous éclairer, mais je répondrai par écrit à votre interpellation.
En revanche, vous ne pouvez pas dire que le plan de relance exclut absolument les zones de montagne. En effet, la rénovation énergétique des bâtiments privés concerne aussi bien les zones de montagne que le reste du territoire. Ces mesures représenteront 2 milliards d’euros en 2021 et en 2022. De même, l’État investit 4 milliards d’euros pour la rénovation des bâtiments publics, dont 400 millions d’euros confiés aux régions concernées. Le budget consacré à la rénovation énergétique et à la réhabilitation des logements sociaux s’élèvera à 500 millions d’euros par an en 2021 et en 2022. Il y a de surcroît tout un tas d’initiatives qui me semblent intéressantes dans le domaine de l’habitat durable sur le territoire national.
Par ailleurs, il est très clair que l’aide à la relance de la construction durable est une thématique des programmes de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. On a signé à cet effet un certain nombre de conventions avec des partenaires comme l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), qui intègrent les préoccupations qui sont les vôtres.
À l’heure actuelle, on est en train de regarder de manière précise comment faire pour que cet enjeu extrêmement important devienne, non pas un programme spécifique, mais figure en tant que priorité dans un programme national lié à la montagne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Élue d’un département, l’Ain, et d’une région, Auvergne-Rhône-Alpes, qui se caractérisent par des massifs montagneux, je suis particulièrement sensible à la tenue de ce débat dans notre enceinte.
Il y a peu, notre assemblée a déjà eu l’occasion de travailler sur ces questions, avec notamment le rapport d’information de notre collègue Cyril Pellevat, qui examinait l’application de la loi Montagne II. Celui-ci souligne justement la nécessité d’assurer le maintien et le développement des activités économiques en zone de montagne, sujet sur lequel je souhaite intervenir.
La crise sanitaire persistante a considérablement frappé l’économie de nos zones de montagne et a mis à mal la saison de cet hiver. Toutefois, il faut se projeter au-delà de cette crise et envisager un développement économique et humain durable de nos zones de montagne qui prenne en compte l’ensemble des changements en cours et qui préserve notre environnement. Nous avons déjà eu ici l’occasion d’évoquer la situation difficile de certaines filières, en particulier celle du bois, compte tenu des difficultés parasitaires.
Globalement, le changement climatique a d’ores et déjà un impact sur nos massifs montagneux. Il montre les limites d’un développement économique fondé en grande partie sur un tourisme de sports d’hiver de masse. Les collectivités territoriales et les élus de terrain, en coordination avec les acteurs économiques, tentent de mettre au point des stratégies alternatives centrées sur le tourisme « 4 saisons », mais aussi sur les activités culturelles, les richesses gastronomiques et culinaires, nos sites naturels et la variété de l’artisanat local.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous faire le point sur l’action du Gouvernement dans ces domaines pour venir en aide de manière concrète à nos concitoyens en vue du maintien et du développement de ces activités économiques en phase de réorientation ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Merci, madame la sénatrice, pour cette question qui me permet de rappeler certains points.
D’abord, on ne part pas d’une terre vierge. Je peux en témoigner en tant qu’ancien président du Conseil national de la montagne : nous avons réalisé un certain nombre de travaux, notamment sur les politiques européennes au travers des programmes opérationnels interrégionaux, mais également sur les politiques nationales, qui se sont traduits par le seul contrat de plan rendu obligatoire à l’heure actuelle par une loi, en l’occurrence la loi Montagne, à savoir le contrat de plan des massifs. Ces fameuses conventions de massifs prévoient d’ailleurs des dotations identiques à celles qui leur précédaient, tout comme le programme opérationnel.
Je me souviens avoir mis en œuvre un certain nombre de programmes relatifs à la filière bois que vous avez citée, ou à d’autres dispositifs qui ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre en France – il faut bien le reconnaître –, parce que nous disposons rarement de filières complètement intégrées nous permettant un véritable développement – je pense en particulier à la filière bois. Pour autant, des expériences qui sont intéressantes, me semble-t-il, et qu’il convient de poursuivre ont été mises en œuvre comme, par exemple, dans les Alpes, le Morvan ou le Jura.
Vous avez cité tous les atouts que nos territoires de montagne peuvent mettre en avant. Je suis entièrement d’accord avec vous : la montagne ne doit surtout pas être réduite à la seule politique des stations de sports d’hiver. Je l’ai bien précisé lors de la présentation du programme national Montagne le 1er décembre dernier, justement parce que je ne veux pas que nous reproduisions simplement ce que j’avais déjà fait pour les Alpes, même si c’est un peu différent, à savoir un espace valléen qui part d’une station de sports d’hiver, car cela pousse à réfléchir à l’économie autour de ladite station de sports d’hiver. Or un tel dispositif n’est pas suffisant pour un certain nombre de territoires.
Le programme national Montagne, pour lequel la concertation a été lancée, et les mesures de l’agenda rural, dont la mise en œuvre est de ma responsabilité, présentent de nombreuses opportunités pour que l’État intervienne sur des projets structurants tout au long de l’année, en mettant en avant la culture, le patrimoine local, les richesses gastronomiques – chacun comprendra que ce sujet m’intéresse – et culinaires, la beauté des paysages,…
Mme la présidente. Il faut conclure !
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour la réplique.
Mme Florence Blatrix Contat. Je veux simplement rappeler l’importance que revêt pour moi le développement du tourisme « 4 saisons », mais aussi l’écotourisme, qui est essentiel pour la préservation de la biodiversité. Il est vraiment important d’accompagner les territoires pour réduire cette dépendance au tourisme.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Je ne vous l’apprendrai pas, en montagne, peut-être plus qu’ailleurs, l’espace constructible est très restreint en raison notamment des contraintes imposées par le relief, l’altitude ou encore les risques naturels. À cette rareté du foncier s’ajoutent des phénomènes qui peuvent encore accroître la pression foncière. C’est le cas dans les stations de ski renommées ou encore les communes frontalières. Dans ces zones, le prix du mètre carré constructible peut atteindre 11 000 euros.
Quand neuf logements construits sur dix sont devenus des résidences secondaires, c’est la population permanente de ces communes qui fuit et des stations qui se meurent. Ce sont des services publics, des entreprises, des hôpitaux, des Ehpad qui ne parviennent plus à recruter, des classes d’écoles qui ferment, tant le prix du logement et du foncier devient inabordable pour la grande majorité des citoyens. Face à cette situation, les élus sont démunis et ont bien peu de moyens pour enrayer ces phénomènes.
À mon sens, nous sommes ici dans le cas où la différenciation et la reconnaissance de la spécificité des zones de montagne doivent pouvoir pleinement s’appliquer. À circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles : nous devons accorder aux élus locaux des moyens réglementaires pour les aider dans cette tâche. Certains maires, à l’instar d’Éric Fournier, maire de Chamonix, ont déjà pris des mesures courageuses.
Relayant une proposition de Mme le maire de Megève, j’ai suggéré il y a quelques mois à Julien Denormandie, alors ministre du logement, de mettre en œuvre une expérimentation visant à accorder dans ces communes un abattement significatif des droits de succession à tout héritier, en contrepartie de son engagement à s’établir durablement dans la commune au titre de sa résidence principale. Cette piste me paraît intéressante à creuser, mais ce n’est pas la seule : il faut également se pencher sur la problématique des zonages A, B, C affectés à de nombreuses communes, qui se révèlent inadaptés et qui les privent de nombreuses aides à l’investissement locatif intermédiaire.
Le Gouvernement est-il prêt à nous donner les moyens d’enrayer ces phénomènes ? Il y a urgence !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, je partage votre analyse des territoires de montagne, notamment dans les Alpes du Nord. Je sais bien quels sont les déséquilibres qui peuvent apparaître dans des zones qui sont relativement riches et proches des grandes agglomérations internationales – je pense en particulier au bassin économique de Genève –, avec des problèmes de spéculation immobilière et d’artificialisation de l’offre.
Vous évoquez la pression foncière dans un certain nombre de stations et les pistes qui ont été trouvées à Megève ou à Chamonix, où les prix au mètre carré sont plus élevés qu’à Lyon.
Je connais bien cette situation, qui n’est pas tout à fait la même dans tous les massifs : on n’y trouve pas partout la même attractivité, car tout le monde n’a pas Genève et l’aéroport de Cointrin à proximité immédiate. Les grandes capitales européennes du Nord sont toutefois très proches des Alpes, ce qui crée des situations difficiles.
Ma réponse comporte deux volets principaux.
D’abord, il existe une notion de zone tendue en montagne, comme il existe a contrario des zones de revitalisation rurale en montagne. Ces zonages fiscaux ne permettent pas toujours de rendre compte de la réalité de la tension du marché, j’en suis d’accord. Ce n’est d’ailleurs pas spécifique à la montagne. Des travaux sous l’égide d’Emmanuelle Wargon sont en cours pour faire évoluer le dispositif Pinel, afin qu’il prenne mieux en compte les réalités et permette des adaptations au niveau local.
Ensuite, certains dispositifs vont également permettre de répondre aux besoins. Il ne s’agit pas que de logements intermédiaires : les personnes qui exercent les métiers que vous citez peuvent aussi prétendre à des logements sociaux. Or le plan de relance renforce les financements dans ce domaine. Je vous invite d’ailleurs à vous intéresser aux organismes de foncier solidaire, qui sont destinés à favoriser l’accession sociale à la propriété en dissociant les problématiques liées au bâti et au foncier. Nous envisageons de renforcer ces dispositifs dans le projet de loi 4D.
S’agissant de l’urbanisme et de la cohésion des territoires, les PLUI et les SCOT sont évidemment des outils pertinents pour freiner la tension foncière. Certaines communes et intercommunalités ont pu innover avec succès : elles méritent d’ailleurs d’être reconnues et soutenues. La réponse à la question posée passe souvent par une stratégie territoriale à l’échelon intercommunal du SCOT, qui me semble constituer l’une des priorités.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. Je vous remercie pour l’ensemble de ces réponses, monsieur le secrétaire d’État. Je tiens tout de même à signaler la situation très préoccupante de certaines communes, qui ont de plus un tissu économique qui se délite complètement face à cette fuite de population permanente. Les professionnels n’arrivent même plus à subvenir à leurs besoins en dehors des périodes touristiques. Il y a donc vraiment urgence à agir. Je crains malheureusement que les SCOT et les mesures prises en matière d’urbanisme ne suffisent pas à répondre à cette problématique.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Nous savons désormais que la crise sanitaire et les décisions politiques qui l’ont accompagnée feront des zones de montagne, dont beaucoup vivent de l’industrie du tourisme, les territoires les plus sinistrés de France. Il faut donc panser et réparer pour permettre à ces acteurs de survivre. Il faudra ensuite penser et investir pour permettre à ces habitants de continuer à pouvoir y vivre.
Si je salue l’effort consenti par le Gouvernement dans le décret du 30 décembre, un certain nombre de situations restent encore à ce jour sans réponse. Je pense notamment aux agriculteurs pluriactifs, qui travaillent également comme saisonniers : moniteurs de ski, pisteurs ou dameurs. Disposant d’un seul code NAF, ils ne peuvent bénéficier d’aucune aide pour leur activité saisonnière. Or, sans la prise en compte de cette double activité, ils ne s’en sortiront pas. C’est donc une grande partie de notre agriculture de montagne qui risque de s’effondrer avec eux.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous rassurer sur la prise en compte de ces situations par le Gouvernement dans les meilleurs délais ?
Je souhaite aussi appeler votre attention sur la situation des entreprises gérant plusieurs établissements, comme c’est le cas de nombreux restaurateurs, loueurs de matériel, mais aussi des résidences de tourisme ou des centres de vacances. Il apparaît nécessaire de transformer le plafond des aides prévues par entreprise en un plafond d’aide par établissement, a minima dans la limite du plafond européen de 800 000 euros et, si possible, en permettant à certaines d’entre elles de déroger à ce plafond.
M. Michel Savin. Très bien !
M. Cédric Vial. Enfin, je voudrais insister sur la nécessité d’un véritable plan Marshall – ou plan Giraud si c’est plus parlant pour vous (Sourires.) – pour la montagne, et particulièrement pour la moyenne montagne, qui doit être au cœur de la stratégie et de ce plan.
La fonte des capacités d’autofinancement que cette crise aura provoquée fait courir de gros risques de décrochage à des territoires entiers qui, avant cette crise, avaient les capacités et la volonté de faire face aux enjeux climatiques et à la nécessaire diversification sur laquelle s’appuie un grand pan de l’économie de montagne.
Ce dont la montagne a besoin, c’est d’un traitement de choc.
Mme la présidente. Monsieur Vial, pas vous aussi…
M. Cédric Vial. J’ai presque fini, madame la présidente.
Il s’agit d’un enjeu de compétitivité majeur, mais il s’agit aussi, pour la moyenne montagne particulièrement, d’un enjeu vital.
Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Cédric Vial. Monsieur le secrétaire d’État, comment prévoyez-vous d’aider ces entreprises et ces territoires ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur Vial, vous m’interrogez sur des points extrêmement importants que nous avons vus ensemble avec Mme Berthet lors du voyage officiel que j’ai effectué sur les territoires de la Maurienne et de la Tarentaise. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour vous remercier non seulement de votre présence à tous les deux, mais aussi de la qualité de vos questionnements et du sens de l’équilibre dont vous faites preuve.
La prise en compte de la pluriactivité est une question de fond qui va bien au-delà de la crise actuelle. Je relaierai à ce titre ce sujet à l’échelon interministériel et interrogerai toutes les administrations centrales pour améliorer la reconnaissance des particularités territoriales, qu’elles soient économiques, sociales, environnementales ou institutionnelles.
J’ai d’ores et déjà saisi le cabinet de mon collègue de Bercy Alain Griset afin de recevoir des réponses adaptées. En effet, je me rends compte, me fondant, en tant qu’ancien membre de cette administration, sur la connaissance que j’ai de celle-ci, que la notion de pluriactivité et la différence entre chiffre d’affaires et revenu prépondérant ne sont pas forcément prises en compte, dans la mesure où elles ne sont pas bien connues. C’est un combat que je vous invite d’ailleurs à mener avec moi, en particulier pour les agriculteurs pluriactifs, mais aussi pour ce qui concerne la problématique de l’aide par établissement par rapport à l’aide au groupe.
S’agissant des mesures de renforcement des plafonds relatifs au Fonds de solidarité, du report des délais de remboursement du PGE ou de l’élargissement des codes NAF pour prendre en compte la pluriactivité, j’ai demandé des études, afin que nous puissions disposer de réponses extrêmement précises.
Face à l’urgence de la compensation, j’estime, comme vous, qu’il convient de préparer la relance et la résilience. Bien évidemment, l’idée d’un plan Giraud me séduit beaucoup. Fort heureusement, mon nom étant porté par un nombre considérable de Français, on ne saura pas forcément qu’il s’agit de moi ! (Sourires.)
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Je le précise, le plan Montagne que nous élaborons correspond à la nécessité que vous citez dans votre question.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je pensais vous alerter sur la nécessité, pour les habitants de nos montagnes, de mesures qui leur permettraient de continuer à y vivre, c’est-à-dire de pouvoir travailler et habiter avec leur famille dans ces lieux où ils sont nés.
À ce jour, il ne s’agit plus de continuer à vivre en montagne, mais simplement d’y survivre et d’y manger. Monsieur le secrétaire d’État, je vous l’assure, une grande inquiétude, la peur et l’angoisse s’installent. On déplore d’ores et déjà deux milliards de pertes pour la montagne française, sans compter la situation de tous les secteurs professionnels qui sont affectés. À ces pertes qui iront croissant viendront s’ajouter celles qui sont liées à l’absence des touristes étrangers, la fréquentation ayant été inférieure de moitié par rapport à une année classique.
Je n’ose parler d’une fermeture prolongée en février, qui serait catastrophique. Les hébergeurs tomberaient, entraînant, pour des décennies, tout le système.
Le tourisme hivernal représente pour notre pays 120 000 emplois et un chiffre d’affaires direct de 10 milliards d’euros, sans compter toute l’économie de « ruissellement ». Malgré le dernier décret, nous constatons que le Fonds de solidarité n’est pas adapté.
Si l’on ne veut pas la disparition et la destruction, en un seul trimestre, de ce modèle économique de plus de soixante ans, il est nécessaire de protéger mieux l’ensemble des acteurs.
Tous les types de commerces – hébergeurs, résidences de tourisme, villages et centres de vacances, mais aussi médecins et pharmaciens, fournisseurs alimentaires ou de matériel – ont besoin d’une prise en charge de 70 % de leurs frais fixes sur une année, de décembre à décembre, d’une considération par structure pour les groupes et quelle que soit la taille des entreprises, et de nouvelles mesures incitatives sur les loyers pour les bailleurs. Faute de quoi, toutes ces entreprises, et les emplois qu’elles représentent, ne seront plus debout à l’ouverture de la prochaine saison.
Monsieur le secrétaire d’État, dans quel délai le Gouvernement entend-il prendre des mesures complémentaires de survie, afin que ne disparaisse pas l’économie de la montagne, générée directement ou indirectement par les stations en termes de ressources et d’emplois, que les nombreux investissements et efforts déjà réalisés dans le sens d’une montagne durable ne l’aient pas été en vain, et que, tout simplement, la vie même de toutes les familles concernées soit préservée ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, je ne renouvelle pas mes remerciements concernant l’accueil des élus savoyards lors de ma visite. J’ai déjà répondu sur certaines thématiques que vous venez d’évoquer.
Permettez-moi de revenir, parmi les exemples que vous avez cités, sur un point selon moi primordial. Nous avions organisé une rencontre à Saint-Sorlin-d’Arves avec les représentants du tourisme social et des résidences de tourisme.
En effet, le sujet des résidences de tourisme et des villages vacances de montagne est vraiment un sujet primordial, vous avez raison de le souligner. Il s’agit d’un secteur très fragilisé par la crise, notamment en raison de son modèle économique, puisque les charges fixes, incompressibles, sont structurellement très élevées.
Certes, les acteurs du secteur bénéficient des mesures de soutien aux entreprises mises en place par le Gouvernement, de l’activité partielle, du Fonds de solidarité avec l’inscription sur la liste S1, ainsi que du fameux PGE « saison », qui permet de bénéficier d’un emprunt basé sur les trois meilleurs mois de l’année pour ce qui concerne le chiffre d’affaires. Toutefois, en raison du modèle économique du secteur, nous sommes conscients que les dispositifs existants s’avéreront insuffisants.
Nous sommes également tout à fait conscients que la question des loyers dus aux propriétaires est extrêmement prégnante. Sur ce sujet, les arbitrages ne sont pas encore arrêtés, mais j’ai bien à l’esprit qu’une solution très rapide devra être trouvée. Je connais en effet la difficulté dans laquelle se trouvent ces résidences. Je pense également à la difficulté que représente le fait de ne pas pouvoir rouvrir tant qu’une solution n’est pas trouvée pour la restauration. Il est difficile, dans ce type de modèle économique, de prévoir un click and collect pour l’ensemble des résidents d’une résidence de tourisme ou d’un village vacances.
Sachez que nous tirerons le bilan, sur tous ces sujets, après la saison, j’en prends l’engagement devant vous, afin d’évaluer les pertes réelles et de sauver l’économie montagnarde.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite tout d’abord m’associer aux propos de mes collègues, qui ont exprimé leurs inquiétudes, mais aussi celles des professionnels des stations de sports d’hiver face à la crise sanitaire et à l’absence de visibilité pour le redémarrage de leurs activités.
Je souhaite aborder un autre sujet. Alors que nos communes de montagne disposent de nombreux atouts qui contribuent au rayonnement de notre pays, leur attractivité est aujourd’hui fortement pénalisée par l’absence de certains services de première nécessité, notamment un accès correct à la téléphonie mobile.
Je pense ainsi à un médecin, forcée de quitter sa commune, car elle ne pouvait assurer ses gardes en temps de crise sanitaire, à des habitants vivant en contrebas d’un barrage, qui craignent de ne pouvoir être informés en cas de danger, à un maire obligé de dormir dans sa mairie pour prendre connaissance des directives du Gouvernement durant le confinement. Ce fut et c’est encore le quotidien des habitants de plusieurs communes en Isère, comme ailleurs en France, notamment en secteur de montagne.
C’est la raison pour laquelle j’aimerais attirer une nouvelle fois votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur les problèmes de réseau et les zones blanches de la téléphonie en montagne.
Comme l’illustrent les exemples que je viens de citer, les habitants de ces communes ne peuvent ni communiquer, ni télétravailler, ni s’informer, ni s’instruire – je pense aux plus jeunes –, ni accéder aux services publics dématérialisés.
Les conséquences sont aussi de nature économique. En station de ski, certains acteurs rencontrent des difficultés pour louer leur bien, souffrant ainsi d’un handicap par rapport aux territoires voisins.
Cette situation engendre, dans ces communes de montagne, un sentiment de marginalisation. Alors que l’on débat du déploiement de la 5G dans nos métropoles, certains habitants n’ont toujours pas de connexion portable correcte ni même la 4G.
En 2018, votre gouvernement a annoncé un nouveau programme, le « New Deal mobile », censé régler la question de la couverture mobile et de la 4G. Force est de le constater, le problème est loin d’être réglé. Dans de nombreux cas, les travaux prennent un retard que l’on ne peut imputer à la seule crise sanitaire.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est double. Quel est l’état d’avancement à ce jour du « New Deal mobile » dans les zones de montagne et, plus généralement, de l’inclusion numérique de ces communes ? Que comptez-vous faire pour accélérer le déploiement de la 4G dans ces zones et rattraper le retard ?