M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, le programme 349, « Fonds pour la transformation de l’action publique », correspond à un engagement porté depuis le début du quinquennat, à hauteur de 700 millions d’euros. Il vise à transformer la manière dont nous transformons l’État. Pendant des années, de grands projets ont été lancés, notamment informatiques, dont nous connaissons le succès. S’étalant parfois sur des dizaines d’années, le jour où ils étaient livrés, non seulement le budget et le calendrier avaient dérapé, mais ils produisaient aussi une transformation du fonctionnement ministériel très limitée, voire contreproductive.
En 2017, le Président de la République – et les parlementaires, puisque vous avez été associés à la création de ce fonds – a souhaité dépasser la difficulté de l’annualité budgétaire. Dès que nous transformons, nous passons d’abord par une phase d’investissement et de mise en œuvre, qui produit ensuite des effets d’économie, d’optimisation et d’efficacité. Sans vision pluriannuelle, les administrations n’ont jamais les moyens d’investir pour se transformer, d’où ce fonds pour la transformation de l’action publique.
Ce fonds fonctionne à partir des besoins des administrations. Ce n’est pas moi, dans mon bureau, qui décide ex nihilo, de manière verticale, comment, par exemple, le recouvrement fiscal et le recouvrement social doivent être rapprochés. Cet exemple est typique de ce qui est en train de se passer.
Ce projet a été porté politiquement ; il a demandé des études avec les Urssaf, avec la DGFiP. Il a été pensé, conçu, défini, ensuite déposé sur le bureau du comité de sélection du fonds pour la transformation de l’action publique au début de l’année 2020, puis validé au mois d’octobre dernier. Le décaissement effectif des montants payés, par exemple du service de déploiement informatique pour rapprocher le recouvrement fiscal et le recouvrement social, dans l’intérêt des entreprises, aura lieu en 2021.
Ce projet existe dans nos esprits, dans le travail de l’administration, depuis 2017-2018 ; il est conçu depuis l’année 2020, il a été approuvé fin 2020 et a obtenu des crédits ; les crédits de paiement arriveront donc en 2021. C’est le cas pour l’intégralité des projets que nous avons validés en 2019 et 2020. Le décaissement concret des euros sonnants et trébuchants, pour que nous payions des développeurs, pour que nous payions du développement informatique, pour que nous rénovions tous nos systèmes informatiques, ce qui permet ensuite la transformation de l’action publique, arrive après que la gouvernance et les objectifs ont été clarifiés. Voilà qui est plutôt sain, monsieur le rapporteur spécial. C’est ainsi que les projets sont bien menés.
Je suis ministre depuis le mois de juillet ; je m’attache à ce que nous avancions résolument et que nous livrions en 2022 un État rénové, un État performant, un État qui dépasse les silos ministériels.
Si vous diminuez cette année les crédits de paiement, ce sera une catastrophe pour tous les engagements pris jusqu’à présent, soit 97 projets très concrets. Je suis prête, monsieur le rapporteur spécial, en revanche, au cours de l’année 2021, à faire deux ou trois points d’étape, s’il le faut, pour vous montrer comment les projets validés sont effectivement en train de se déployer. J’émettrai donc un avis défavorable sur votre amendement, si vous le maintenez.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l’amendement n° II-29 est-il maintenu ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Rénover l’État, vaste programme ! J’ai peur, cependant, que les montants ne soient pas suffisants eu égard à l’ambition que vous affichez.
J’ai entendu qu’il y avait un délai de mise en œuvre et que nous avions plus d’autorisations d’engagement que de crédits de paiement. Sous bénéfice de ces explications, je vais retirer l’amendement ; c’est non pas un blanc-seing, mais une mise sous très haute surveillance. Madame la ministre, peut-être y aura-t-il des PLFR, sans doute même, et nous serons amenés à regarder attentivement la consommation de ces crédits.
En tous les cas, vous pouvez comprendre que des taux de sous-consommation aussi élevés – je le répète, plus de trois quarts, allant parfois jusqu’à 90 % – nous interrogent.
J’avais dit d’emblée qu’il s’agissait d’un amendement d’appel, donc je le retire.
M. le président. L’amendement n° II-29 est retiré.
L’amendement n° II-329, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants |
|
|
|
|
Fonds pour la transformation de l’action publique dont titre 2 |
|
10 000 000 |
|
10 000 000 |
Fonds d’accompagnement interministériel Ressources humaines dont titre 2 |
|
|
|
|
Innovation et transformation numériques dont titre 2 |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
Fonction publique dont titre 2 |
15 000 000 |
|
15 000 000 |
|
TOTAL |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois. J’espère que nous partageons tous ici l’idée que l’apprentissage constitue lui aussi une filière d’excellence. Notre pays n’a jamais compté autant d’apprentis : 491 000 contrats d’apprentissage à la fin de 2019, tous secteurs confondus, soit une hausse de 16 % par rapport à l’année précédente.
Cependant, contrairement aux collectivités territoriales, les ministères ont pris beaucoup de retard en la matière. Il était question en 2016 d’employer 10 000 apprentis. Ce cap n’est toujours pas atteint.
En l’absence de cadrage national, chaque ministère doit négocier les conditions de prise en charge de ses apprentis avec les centres de formation des apprentis (CFA), ce qui constitue une perte d’efficacité. C’est prouvé par les chiffres : en deux ans, nous avons perdu 2 400 apprentis dans les services de l’État. Ils étaient 9 481 en 2017 et il n’y en a plus que 7 079 en 2019. On est très loin de l’objectif de 11 129 apprentis en 2020.
Pour l’État, l’apprentissage représente aussi un enjeu financier. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a entraîné une forte augmentation des coûts de formation, qui sont passés de 5 000 euros par an et par apprenti en 2018 à 6 500 euros en 2019, en cohérence avec les niveaux de prise en charge déterminés par les branches professionnelles du secteur privé et validés par le nouvel organisme France Compétences.
En conséquence, avec cet amendement, nous proposons de recréer la dotation interministérielle qui existait entre 2016 et 2018 – elle était alors de 30 millions d’euros ; j’en propose 15 millions –, pour développer l’apprentissage dans la fonction publique de l’État et inciter les ministères à recruter des apprentis en prenant en charge une partie de leur rémunération et de leurs frais de formation.
Sur le plan technique, il abonderait l’action « Appui et innovation » du programme 148, « Fonction publique ». Pour être complète, madame la ministre, j’ai besoin que vous leviez le gage pour le programme 349. Je pense que cela serait un marqueur important de votre volonté de donner leur chance aux jeunes et de favoriser la diversité dans la fonction publique de l’État. Je remercie par avance mes collègues de me soutenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. La commission des finances partage pleinement l’esprit de l’amendement de la commission des lois. L’État dit vouloir favoriser l’apprentissage en incitant les entreprises à recueillir des apprentis. Encore faudrait-il qu’il donne l’exemple. Comme cela a été dit à l’instant, le nombre d’apprentis d’État a baissé, je crois, de 15 % depuis 2017. C’est dommage, d’autant plus que le recrutement d’apprentis peut être une voie pour intéresser des jeunes à la fonction publique, notamment dans un certain nombre de métiers qui sont un peu sous tension, et pour lesquels il est parfois difficile de recruter. On a parlé à l’instant des projets informatiques : c’est un secteur qui est en forte concurrence, et l’État a parfois du mal à recruter des informaticiens de bon niveau, parce qu’il y a une forte demande dans le secteur privé et que les concours ne sont pas toujours les plus adaptés. À cet égard, l’apprentissage peut être une solution.
Le Sénat lui- même, d’ailleurs, recrute des apprentis. Il y en a un à la commission des finances, par exemple.
Je le répète, on peut regretter que l’État dise aux entreprises de favoriser l’apprentissage, en le présentant comme une priorité nationale, quand lui-même n’est pas exemplaire, avec une baisse, je le rappelle, de 15 % du nombre d’apprentis depuis 2017.
L’amendement de majoration des crédits est tout à fait bienvenu. Son adoption constituerait un signal fort d’encouragement de l’apprentissage. Cependant, faute d’expertise suffisante, la commission a émis un avis de sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. À la fois pour soutenir notre jeunesse et faire connaître les métiers de la fonction publique, je suis plus que favorable à l’apprentissage. C’est une voie essentielle de recrutement. Nous voyons aujourd’hui beaucoup de jeunes qui ne connaissent pas les métiers et qui ont une image assez déformée, au fond, de ce qu’est la réalité quotidienne du travail au service de l’intérêt général, dans les fonctions publiques territoriale et de l’État, parfois également dans la fonction publique hospitalière.
Mon engagement sur ce sujet est majeur. Je remercie d’ailleurs Olivier Dussopt, qui y a beaucoup contribué, notamment, vous le savez, en permettant aux collectivités locales de bénéficier d’un soutien de 3 000 euros forfaitaires pour tous les contrats d’apprentissage signés entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021.
Avec Élisabeth Borne, je suis très précisément le déploiement effectif, la tuyauterie budgétaire pour que ces crédits soient versés, mais, je tiens à le redire devant vous, ce sont 3 000 euros par apprenti pour tous les contrats d’apprentissage dans la fonction publique territoriale entre le 1er juillet et le 28 février.
Votre amendement porte sur les apprentis dans la fonction publique d’État.
D’abord, je m’engage à ce que nous remontions à 12 000 apprentis en 2021. C’est ambitieux, quand vous connaissez la réalité. Il y a notamment eu une décentralisation des montants pour que les ministères ne soient plus confrontés à une gestion budgétaire extrêmement compliquée, avec des décrets de transfert assez complexes sur la gestion des apprentis.
Aujourd’hui, nous nous heurtons à des freins qui ne sont pas monétaires ou financiers. Il y a, comme vous le pointez, un enjeu sur les liens avec les CFA, mais aussi sur la manière dont nous comptons les apprentis dans les effectifs de l’État. Dans le cadre de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qu’Olivier Dussopt a portée, il est prévu que nous remettions au Parlement un rapport sur les freins à l’apprentissage dans la fonction publique. Je suis ce travail de très près et je suivrai les recommandations qui seront faites. Là aussi, vous pouvez compter sur mon engagement, aussi fort que celui que je mettrai pour que l’objectif de 12 000 apprentis dans la fonction publique d’État soit atteint en 2021.
Je suis d’accord avec vous, monsieur le rapporteur spécial, s’il encourage les employeurs privés du pays à faire des démarches, l’État doit être exemplaire en tant qu’employeur public.
Cela concerne beaucoup de sujets dans mon ministère : la féminisation, sur laquelle je pourrai revenir, la protection sociale complémentaire, un sujet sur lequel je travaille actuellement de manière très résolue avec notamment les organisations syndicales et les employeurs territoriaux, hospitaliers et de l’État. Bref, autant de sujets où nous devons, nous employeurs publics, consacrer les moyens nécessaires pour avoir une fonction publique attractive, mobilisée, et qui prenne sa part dans le recrutement de la jeunesse.
Je suis défavorable à votre amendement, parce que je pense que la recentralisation sans les autres mesures autour ne résoudra pas le problème. Nous avons expérimenté le système des décrets de transfert, qui était devenu objectivement extrêmement compliqué. Sachez que je travaillerai vraiment avec vous, madame la rapporteure pour avis, une fois que ce rapport sera remis au Parlement, pour voir ce que nous mettons en œuvre et m’assurer que le contrôle de l’action du Gouvernement que vous menez est fait avec la plus grande transparence.
M. le président. Madame le rapporteur pour avis, l’amendement n° II-329 est-il maintenu ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois. Oui, je le maintiens. En réalité, j’ai approuvé les paroles de Mme la ministre pendant trois minutes. J’étais même ravie que nous partagions le même objectif. J’aurais voulu que vous donniez du poids à vos paroles en mettant l’argent qu’il fallait au bon endroit et en levant le gage. Ayant obtenu un avis de sagesse de la commission des finances, je souhaite que l’amendement soit mis au vote.
M. le président. L’amendement n° II-1396 rectifié bis, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants |
7 000 000 |
|
7 000 000 |
|
Fonds pour la transformation de l’action publique dont titre 2 |
|
7 000 000 |
|
7 000 000 |
Fonds d’accompagnement interministériel Ressources humaines dont titre 2 |
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Innovation et transformation numériques dont titre 2 |
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||
Fonction publique dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
7 000 000 |
7 000 000 |
7 000 000 |
7 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. À l’inverse de la commission tout à l’heure, nous souhaitons, avec cet amendement porté par Guy Benarroche, augmenter le budget dédié à la transformation énergétique des cités administratives. Comme le disait M. le rapporteur spécial, nous sommes là pour voter les budgets et contrôler l’action du Gouvernement. Si l’on fait ce travail, c’est pour que les budgets soient ensuite exécutés.
Il y a urgence. Certains vieux bâtiments du parc immobilier de l’État présentent des bilans énergétiques absolument catastrophiques et doivent encore, pour certains, subir des opérations de désamiantage. C’est vraiment d’un autre âge !
Dans le cadre du grand plan d’investissement doté de 1 milliard d’euros, le Gouvernement s’est engagé à accélérer la transition énergétique des cités administratives : une somme de 655 millions d’euros sera, selon l’exécutif, dédiée à la performance énergétique des bâtiments des services publics. Ces travaux permettraient de faire baisser de 50 % les émissions de gaz à effet de serre et de 67 % le montant des factures énergétiques des services.
Cependant, le Gouvernement axe également son plan sur la transformation numérique des services publics. La dématérialisation des services, sous couvert de modernisation, entraîne souvent la baisse de la qualité du service offert à tous les usagers, surtout pour celles et ceux qui ne peuvent accomplir leur démarche via internet. Cette numérisation des services publics a pour effet pervers d’éloigner les usagers, et nous nous opposons de ce fait à ce choix opéré par le Gouvernement.
Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires demande donc que le budget alloué pour la performance énergétique des bâtiments soit spécifiquement dédié à ces travaux de rénovation écologique et ne serve pas à des installations de bornes numériques et des fermetures de guichet d’accueil.
À cette fin, il est proposé de transférer 7 millions d’euros du programme 349 vers le programme 348.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. La commission ne peut que partager l’objectif de rénovation des cités administratives, en particulier sur le plan énergétique. Effectivement, il y a des cités qui sont dans un état épouvantable, avec de l’amiante pour certaines, d’autres étant de véritables passoires thermiques.
La difficulté, en revanche, c’est que l’amendement se trompe de cible, puisque vous souhaitez abonder le programme 348, qui est un programme spécifiquement destiné à la rénovation des cités administratives. Il y a eu des appels à projets, avec un certain nombre d’opérations qui sont d’ores et déjà financées. La partie rénovation énergétique, elle, est financée autrement, soit sur les budgets des ministères, soit au titre du compte d’affectation spéciale « Immobilier », soit au titre du plan de relance. Si vous abondiez les crédits du programme 348, cela ne provoquerait pas plus de rénovations énergétiques, puisque 39 projets de rénovation des cités sont d’ores et déjà financés à la suite d’appels à projets.
En revanche, il faudra être vigilant sur l’enveloppe de 4 milliards d’euros destinés aux bâtiments publics dans le plan de relance, pour voir quelle part reviendra effectivement aux cités administratives.
J’y insiste, ce n’est pas en abondant de 7 millions d’euros, comme vous le faites, le programme 348 que vous aurez plus d’argent pour la rénovation thermique ou énergétique.
C’est une demande de retrait, même si, je le répète, nous partageons votre objectif. Simplement, nous constatons une erreur d’imputation des crédits.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. C’est un avis défavorable, d’abord pour une raison de fond. M. le sénateur a dit explicitement qu’il s’opposait à la transformation numérique de l’administration, que nous soutenons. Le fait de retirer des crédits sur ce programme, avec un objectif ainsi présenté, ne peut recevoir un avis favorable.
Ensuite, je partage ce qu’a dit M. le rapporteur spécial, et j’ajoute que, au-delà du milliard d’euros prévu à l’échelle du quinquennat pour le programme 348, trois cités sont en travaux, et 31 qui verront leurs travaux débuter en 2021, la programmation le permettant.
J’ajoute enfin que, dans le plan de relance, nous prévoyons 3,7 milliards d’euros pour la rénovation énergétique et thermique des bâtiments publics : 950 millions d’euros seront fléchés sur les collectivités dans le cadre d’une procédure qui sera mise en place début 2021 ; 2,7 milliards d’euros le seront sur les bâtiments d’État et les universités.
Bruno Le Maire et moi-même aurons l’occasion, avant Noël, d’annoncer la liste des projets retenus en ce qui concerne l’État, avant la procédure spécifique pour les collectivités.
Cela représente plusieurs centaines de projets, puisque tous les projets d’un montant inférieur à 5 millions d’euros ont été décidés à un niveau déconcentré et nous avions reçu 8 000 candidatures, pour un total de 8 milliards d’euros de travaux. Nous en retenons pour 2,7 milliards d’euros, avec un critère de sélection particulier : tous les marchés publics devront être notifiés au cours de l’année 2021, ce qui permettra d’aller vite en matière de rénovation énergétique et de relance.
M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° II-1396 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse précise. Nous ne sommes pas contre la transformation et la modernisation numérique. En revanche, nous voulions faire passer le message sur certains effets pervers dont il y a lieu de tenir compte pour une partie de notre population. Sous bénéfice de ces explications, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° II-1396 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° II-961 rectifié ter, présenté par MM. Poadja et Marseille, Mme Tetuanui, MM. Rohfritsch et Artano, Mme Dindar, M. Kulimoetoke et Mme Guidez, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants |
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Fonds pour la transformation de l’action publique dont titre 2 |
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Fonds d’accompagnement interministériel Ressources humaines dont titre 2 |
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Innovation et transformation numériques dont titre 2 |
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1 000 000 |
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1 000 000 |
Fonction publique dont titre 2 |
1 000 000 |
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1 000 000 |
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TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Nassimah Dindar.
Mme Nassimah Dindar. En principe, il ne peut y avoir de discrimination entre les fonctionnaires de l’État sur le critère de la race ou de l’origine. Pourtant, cette discrimination existe bel et bien. Deux décrets prévoient qu’une prime soit attribuée aux agents civils et militaires ultramarins lors de la première affectation en métropole pour les aider à faire face à leurs frais d’installation. Elle est versée à tous les agents ultramarins, sauf ceux originaires de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna. Pour eux, c’est le décret de 1989 qui s’applique, pour une indemnisation environ cinq fois inférieure. Et encore, c’est prévu seulement pour les agents qui sont affectés en Île-de-France ou à Lille.
Madame la ministre, pouvez-vous seulement vous représenter combien ces fonctionnaires originaires du Pacifique peuvent se sentir humiliés face à cette différence de traitement ? Certains renoncent même à s’engager, faute de pouvoir assumer les frais d’installation.
Aussi, la ministre de la défense s’est engagée à mettre fin à cette discrimination dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires, qui sera présentée en 2021, mais elle a besoin de votre concours, dans une approche interministérielle.
Avec cet amendement, porté par mon collègue Gérard Poadja, que je salue, et cosigné par plusieurs élus du Pacifique et par le président de la délégation aux outre-mer, qui est ici présent, nous vous invitons à prendre pleinement part à ce travail pour mettre fin à cette discrimination.
L’amendement tend à transférer 1 million d’euros d’autorisations d’engagement du programme 352, « Fonds pour l’accélération du financement des start-up d’État », vers le programme 148, qui comprend notamment le fonds en faveur de l’égalité professionnelle créé en 2019.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. La commission souhaite entendre le Gouvernement, à qui cette requête est plus précisément adressée, l’extension de cette prime relevant du pouvoir réglementaire. Il faudra que le Gouvernement nous explique les raisons pour lesquelles les fonctionnaires bénéficient de cette prime dans les départements d’outre-mer, et pas dans certains territoires d’outre-mer de la zone Pacifique.
Je crois qu’il y a des travaux en cours. Peut-être que le Gouvernement peut nous expliquer où il en est, car cela conditionnera l’avis de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. L’attractivité de la fonction publique pour les personnes vivant dans les outre-mer est un sujet majeur, à la fois pour promouvoir le développement de ces territoires et pour nous assurer que tous les Français peuvent bien s’engager et servir l’intérêt général, sans distinction.
Sur le fond, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont des territoires assez spécifiques, puisqu’ils bénéficient de surrémunérations significatives, les organisations institutionnelles, et, surtout, les modalités de recrutement n’étant pas les mêmes que dans les départements d’outre-mer. D’où cette différence qui a pu exister à l’origine.
Le sujet que vous pointez mérite vraiment d’être examiné. Nous devons l’instruire de manière assez précise, notamment pour son chiffrage, parce que je pense que les montants que vous donnez ne sont pas ceux qu’il faudrait réellement budgéter. Il faut le faire en organisant une grande concertation.
Il nous faut surtout éviter que, en prenant des mesures qui peuvent tout à fait s’entendre, nous abîmions l’attractivité des territoires de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie pour les fonctionnaires. C’est aussi important de maintenir des fonctionnaires sur le terrain.
Je suis tout à fait favorable à ce que nous travaillions vraiment en détail pour trouver des solutions adaptées, en lien avec les ministères qui recrutent. Je tiens à vous dire que le ministère de la défense a bien identifié la problématique et cherche des solutions dans le cadre de la refonte de la rémunération des militaires. C’est un ministère qui recrute beaucoup en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour faire venir des personnes en métropole ou sur d’autres missions.
Je le répète, nous y travaillons. Je pense juste qu’il nous faut bien instruire le sujet pour le calibrer au bon niveau, voir si nous faisons la réplication de ce qui se fait par ailleurs ou s’il faut faire différemment. Je suis favorable à cette démarche et je pourrai travailler avec vous sur le suivi, comme je l’ai déjà dit à l’Assemblée nationale, où un amendement similaire avait été déposé. Cependant, en l’état, je ne suis pas sûre que nous puissions avancer avec cet amendement. Je vous propose donc de le retirer, dans l’attente d’un travail approfondi avec mon cabinet, mes administrations et les ministres concernés.
M. le président. Madame Dindar, l’amendement n° II-961 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Nassimah Dindar. Je maintiens cet amendement pour tous les fonctionnaires du Pacifique. Il s’agit de fonctionnaires français nommés sur le territoire national, et non pas de fonctionnaires allant travailler dans ces zones, où, vous avez raison, madame la ministre, ils perçoivent des surrémunérations. J’y insiste, il s’agit bien des fonctionnaires qui quittent les territoires du Pacifique pour venir s’installer ici en métropole en tant que fonctionnaires de l’État. Il y a donc une vraie discrimination qu’il nous faut, nous, républicains, corriger, au nom de la liberté et de l’égalité. Voilà pourquoi je maintiens l’amendement, pour mon collègue Gérard Poadja.
M. le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch, pour explication de vote.
M. Teva Rohfritsch. Effectivement, je voudrais insister sur ce caractère peu équitable – et même inéquitable – de cette situation. On parle ici de fonctionnaires volontaires pour servir en métropole, et non pas de la rémunération des fonctionnaires sur place. Je ne comprends pas que l’on puisse laisser se pérenniser une iniquité flagrante entre ces fonctionnaires, qui servent, j’y insiste, l’État en métropole. Il n’est pas question d’attribuer un budget supplémentaire à la Polynésie française ou aux collectivités du Pacifique. Il n’y a pas de sujet statutaire en l’occurrence.
J’ai bien pris note, en tout cas, de la proposition de Mme la ministre de créer un groupe de travail et je suis, bien entendu, volontaire pour y participer, car il me semble qu’en 2021, quand on est fonctionnaire d’État, être né dans le Pacifique ne doit pas être une faute.