M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Micheline Jacques, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a approuvé les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2021, en formulant plusieurs messages et recommandations.
Si, en termes de pourcentages, les crédits alloués à la mission sont en hausse, surtout en autorisations d’engagement, pour ce qui concerne les volumes de crédits, l’impact économique des 2,4 milliards ou 2,7 milliards d’euros n’est pas fondamentalement différent de l’enveloppe de 2 milliards d’euros reconduite depuis une dizaine d’années.
Depuis 2019, en effet, la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allégement de charges a gonflé de manière purement comptable le programme 138, « Emploi outre-mer », sans que les entreprises y gagnent nécessairement.
Par ailleurs, 170 millions d’euros proviennent en quelque sorte de la poche des Ultramarins. À cet égard, monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer l’engagement pris en 2019 de recycler, chaque année, les prélèvements supplémentaires provoqués par la suppression de dispositifs fiscaux qui bénéficiaient aux ménages et aux entreprises ?
La nouveauté de ce budget est, bien entendu, la mission « Plan de relance ». Ainsi, 1,5 milliard d’euros ont été initialement fléchés aux outre-mer, soit 1,5 % des 100 milliards du plan de relance, alors que ceux-ci représentent 4 % de la population. Monsieur le ministre, confirmez-vous que l’enveloppe restera bien ouverte au-delà de 1,5 milliard d’euros ?
C’est bien cette volonté que le Sénat a exprimée en adoptant un amendement tendant à prévoir 2,5 milliards d’euros, apportant du reste un démenti au préjugé d’outre-mer budgétivores, d’autant que les crédits affichés restent, trop souvent non consommés. Nous préconisons, face au risque d’effondrement du secteur marchand, de flécher ces crédits du plan de relance territoire par territoire.
Nous vous alertons sur les risques du « premier arrivé, premier servi ». Un grand nombre de très petites entreprises ayant des projets utiles et créatifs ne sont pas outillées pour déposer rapidement des dossiers. Sur certains territoires, un tiers des TPE ignorait purement et simplement les dispositifs du premier confinement. C’est dire combien la gestion et la numérisation doivent être soutenues.
Je termine par un impératif : saisir la chance historique qui se présente pour le logement ultramarin. En effet, les financements de relance mobilisables vont bien au-delà des crédits budgétaires ; avec les plans d’investissement volontaire d’Action Logement et de CDC Habitat, on est sans doute proche des sommes investies par l’État pendant quinze ans, c’est-à-dire plus de 3 milliards d’euros.
Le véritable défi est d’activer ces fonds en redynamisant un secteur qui a un puissant effet d’entraînement sur les économies de nos outre-mer. L’objectif doit être de développer sur place des filières intégrées : aménagement, nouveaux matériaux, construction, habitat et traitement de l’amiante. Selon nous, ce mouvement doit être impulsé par des mécanismes et des opérateurs qui doivent adopter le modèle de l’entreprise formatrice.
En outre, face à des taux de chômage vertigineux, il faut intégrer la jeunesse ultramarine, qui regorge de jeunes talents.
Monsieur le ministre, l’acte de construire et ses ramifications ont également besoin d’un encadrement mieux adapté. À cet égard, la Cour des comptes vient de souligner l’existence d’exigences normatives « sans réel rapport avec les réalités locales », faisant ainsi écho aux préconisations de notre délégation sénatoriale aux outre-mer.
Tout aussi réaliste, le haut-commissaire au Plan déplore que l’État, avec les règles actuelles, entrave même ses propres actions. Le moment est venu de sortir de ce carcan. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » ne comprennent qu’un peu plus d’un dixième de l’ensemble de l’effort budgétaire de l’État à destination des territoires ultramarins. La commission des affaires sociales est à la fois satisfaite du maintien du niveau des crédits de la mission, au-dessus du seuil symbolique de 2,5 milliards d’euros, et réservée quant à leur lisibilité et à leur répartition.
Le programme « Emploi outre-mer », qui concentre plus de la moitié des dépenses de la mission, retrace, pour l’essentiel, la compensation budgétaire des exonérations de cotisations sociales, dites Lodéom – du nom de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer –, dont bénéficient les entreprises de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de La Réunion ainsi que de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
Monsieur le ministre, notre commission s’est émue de ce que les exonérations Lodéom, principal outil du budget dont vous êtes l’ordonnateur, semblent non pas faire l’objet d’une stratégie d’ensemble, mais plutôt revêtir la forme d’un secours en urgence porté, a posteriori, à différents secteurs. J’en veux pour preuves l’heureuse intégration de la production audiovisuelle dans le régime de compétitivité renforcée à la suite de la fermeture de France Ô ainsi que la fin de non-recevoir opposée au secteur éminemment stratégique du BTP, dangereusement exposé en cette période particulière.
Le programme « Conditions de vie outre-mer » comprend, d’une part, le financement budgétaire et fiscal de la politique de logement, et, d’autre part, diverses actions budgétaires aux vocations disparates, qui ont toutes pour point commun de prévoir d’importants transferts aux collectivités territoriales. Dans l’un et l’autre cas, la commission des affaires sociales a signalé l’urgence de certaines réformes.
Concernant le logement, notamment social, la Cour des comptes pointe dans un rapport récent la pertinence discutable d’un financement reposant de plus en plus sur la dépense fiscale, là où l’intervention budgétaire serait sans doute plus pertinente. Elle signale également les difficultés issues de l’intervention, sans ordre de bataille, de dix-neuf organismes de logement social (OLS) pour l’ensemble des territoires ultramarins. Monsieur le ministre, nous y lisons en creux l’appel discret qui vous est fait de vous saisir pleinement de vos prérogatives.
J’ai eu, enfin, l’occasion d’alerter votre cabinet sur le fait que les dépenses de transfert aux collectivités territoriales représentent un risque de « prime au mauvais gestionnaire ». En effet, il s’agit d’augmenter uniquement les crédits de ceux qui ont été précédemment dans l’incapacité de les dépenser, au détriment de ceux qui en ont trouvé par eux-mêmes le bon emploi.
Sous ces réserves, et en renouvelant son souhait que les crédits sociaux de la mission « Outre-mer » fassent l’objet d’un pilotage plus fin et plus adéquat, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à leur adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de rendre un hommage appuyé au président Valéry Giscard d’Estaing, puisque c’est sous son septennat que mon territoire de Mayotte a pu se maintenir dans la France, à la suite de la consultation, île par île, du 22 décembre 1974.
J’en viens à la mission « Outre-mer ».
La principale problématique à laquelle elle est confrontée provient du fait que les crédits consommés sont largement inférieurs aux crédits attribués en loi de finances.
Conscient de cette difficulté, le ministre des outre-mer fait, cette année, un effort d’amélioration du pilotage budgétaire de la mission. Les crédits de paiement pour 2021 sont ajustés à ce qui devrait être effectivement dépensé. En outre, 70 % des crédits de la mission devant être disponibles dès janvier, ils pourront être engagés plus rapidement.
La programmation des crédits pour 2021 est également marquée par un effort de relance faisant suite à la crise de la covid-19 ; il se traduit par trois priorités : la construction et la rénovation des infrastructures ; le soutien à l’emploi et à la formation ; l’accompagnement des collectivités territoriales.
Les crédits alloués à la mission augmentent ainsi nettement par rapport à 2020 : une hausse de 6,39 % en autorisations d’engagement et de 2,64 % en crédits de paiement.
En matière de construction et de rénovation des infrastructures, l’année 2021 constituera la deuxième année de mise en œuvre du plan Logement outre-mer 2019-2022. Un effort important sera fait en matière de construction d’écoles.
D’autres dispositifs sont également maintenus, comme l’aide aux ménages de Guadeloupe et de Martinique pour l’acquisition de terrains dans la zone des cinquante pas géométriques ou la suite de l’opération de rénovation du quai de croisière de Saint-Pierre-et-Miquelon.
En matière de soutien à l’emploi et à la formation, 84 % des crédits du programme « Emploi outre-mer » sont, cette année encore, destinés à compenser les exonérations de charges patronales accordées aux entreprises ultramarines. Ce dispositif a été étendu en 2019 à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.
Dans les collectivités du Pacifique, des mesures d’insertion professionnelle spécifiques sont mises en place, notamment pour les chantiers de développement local en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.
Quant au service militaire adapté, il a montré toute sa pertinence lors de la crise sanitaire. Une nouvelle compagnie vient d’être créée à Bourail en Nouvelle-Calédonie, tandis que des opérations de rénovation structurante auront lieu à La Réunion et en Polynésie française.
L’accompagnement des collectivités ultramarines, troisième priorité du budget 2021, passe par les contrats de convergence et de transformation, le fonds exceptionnel d’investissement ainsi que des dispositifs spécifiques à certaines d’entre elles.
Des plateformes d’aide à l’ingénierie à destination des collectivités ont ainsi vu le jour à Mayotte et en Guyane en 2020, mais il existe également des dotations spécifiques, notamment en Polynésie française, pour renforcer les moyens d’intervention des territoires.
Pour terminer, je souhaite rappeler que les crédits portés par la mission « Outre-mer » ne constituent qu’environ un dixième de l’effort total de l’État en faveur des territoires ultramarins, qui se monte à 24,47 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 24,13 milliards d’euros en crédits de paiement.
L’ensemble de ces éléments a conduit la commission des lois à émettre un avis favorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Maurice Antiste. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » que nous étudions aujourd’hui est aussi particulière que cette année 2020. Nos territoires n’ont pas été épargnés par la crise que nous traversons depuis presque un an ; bien au contraire !
L’augmentation de presque 6 % du budget proposé par le Gouvernement est louable. Cependant, les défis que rencontrent nos territoires nécessitent une politique encore plus ambitieuse.
Monsieur le ministre, nous ne critiquerons pas l’augmentation des crédits d’engagements de votre ministère, mais nous devons constater qu’ils ne représentent qu’une minorité des engagements de l’État dans nos territoires. Pour rattraper notre retard structurel sur l’Hexagone, dans presque tous les domaines, il est nécessaire que le « réflexe outre-mer » que nous réclamons régulièrement ici devienne la règle, et ce dans tous les ministères.
Il s’agit là d’une demande, non pas de rattachement de crédits liés à l’agriculture ou à la culture à la mission « Outre-mer », mais bien de mise en place d’une collaboration efficace entre tous les services du Gouvernement. Le but étant le déblocage des fonds nécessaires pour l’alignement équitable de nos territoires sur l’existant hexagonal.
Permettez-moi de prendre l’exemple des fonds CIOM, qui, malgré une promesse claire du Président de la République, ont pris plus d’un an pour être augmenté, à la suite d’un imbroglio autour de la provenance des fonds entre votre ministère et ceux de l’agriculture et du travail.
Il n’est pas normal que des annonces faites lors de l’examen des missions du PLF restent aussi floues pendant si longtemps. J’en tiens pour responsable la mauvaise coordination des différents ministères sur des questions pourtant essentielles pour nous.
Tout cela concernant non pas directement la mission « Outre-mer », mais bien le fonctionnement général des politiques publiques dans nos territoires, je vais tout de même parler rapidement du détail de ce budget.
L’accent mis, cette année, sur le logement social constitue, bien évidemment, une bonne chose, puisque nombre de nos concitoyens vivant dans des conditions extrêmement précaires, rendues parfois plus difficiles par un accès à l’eau aléatoire et des infrastructures insalubres.
Au-delà des augmentations budgétaires, il est nécessaire de veiller à ce que le phénomène de sous-consommation de la ligne budgétaire unique (LBU) ne devienne pas structurel. Il faut, pour cela, accompagner les services décentralisés de l’État dans la mise en place sur le terrain d’une ambitieuse politique du logement.
Concernant les aides aux entreprises et à l’emploi, le dispositif d’exonération des charges patronales atteint, aujourd’hui, son rythme de croisière, bien que l’année écoulée ne constitue pas le meilleur indicateur de son efficacité. À cet égard, il est aussi nécessaire de prêter une attention particulière à la mise en place, sur le terrain, des intentions budgétaires de votre ministère. Malheureusement, nous constatons chaque année un écart significatif entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, entre la théorie de la politique publique et sa transcription sur nos territoires bien particuliers.
J’illustrerai là aussi mon propos par un exemple passé. Le FEI, annoncé il y a deux ans comme une solution exceptionnelle dans les stratégies de développement de nos territoires, justifiant par ailleurs la fin de l’exonération de la TVA NPR, finance aujourd’hui bien peu de projets d’envergure, en tout cas pas à la mesure de l’ambition affichée au départ.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, comme nombre de mes collègues, je suis satisfait de l’augmentation du budget de cette mission. Ce sentiment est toutefois édulcoré par un peu de frustration et de doute. Au-delà de cette ambitieuse augmentation budgétaire de 6 %, nous avons besoin d’une refonte globale de nos plans d’investissement pour notre santé, notre culture et notre production agricole. Or, cette ambition, nous ne la voyons toujours pas arriver.
Nous avons tout de même de bonnes raisons de vous faire confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette discussion budgétaire s’inscrit dans un contexte particulier, car la crise sanitaire liée au covid-19 frappe douloureusement nos territoires d’outre-mer.
Les inquiétudes de nos concitoyens ultramarins sont très importantes et l’évolution de la situation constitue une préoccupation de chaque instant.
Comme vous le savez, les territoires ultramarins sont déjà fragilisés par une balance commerciale déficitaire, des taux de chômage deux à trois fois plus élevés qu’en métropole, une insularité et un éloignement géographique favorisant la vie chère.
Aussi, dans ce contexte inédit de pandémie, les crédits de la mission « Outre-mer » doivent être, plus que jamais, mobilisés au service de nos territoires ultramarins.
C’est donc avec satisfaction que je constate une légère augmentation par rapport à l’année 2020. Ces crédits s’élèvent ainsi, pour 2021, à 2,68 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,34 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation respectivement de 6,39 % et de 2,64 %. Il faut, toutefois, souligner que la mission « Outre-mer » ne constitue qu’une petite partie du budget de l’État consacré aux territoires ultramarins.
En effet, la politique transversale de l’État en direction de l’outre-mer est portée par 94 programmes relevant de 31 missions. L’effort budgétaire de l’État en faveur des territoires ultramarins, tel qu’il est inscrit dans le projet de loi de finances pour 2021, s’élève ainsi à 19,57 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 19,23 milliards d’euros en crédits de paiement. Ces montants sont en très légère diminution par rapport à l’année 2020.
À cet égard, je regrette que l’action de l’État à destination des territoires ultramarins manque quelque peu d’ambition en s’inscrivant dans la continuité des années précédentes.
En premier lieu, permettez-moi, monsieur le ministre, d’aborder plus spécifiquement cette préoccupation forte des Ultramarins que constitue la question du logement. Je me félicite de la hausse de 8,7 % de la ligne budgétaire qui lui est consacrée, la portant à 224 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Il s’agit d’un signal positif envoyé aux territoires ultramarins en matière de lutte contre l’habitat indigne et d’accès au logement. Cela permettra de poursuivre la mise en œuvre du plan Logement outre-mer et d’accompagner les stratégies territoriales des établissements publics fonciers et d’aménagement de Guyane et de Mayotte.
En deuxième lieu, je tiens à évoquer les difficultés du secteur touristique, qui représente, en moyenne, plus de 18 % du PIB – emplois directs et indirects. À l’heure de la deuxième vague pandémique, les faibles chances de reprise du secteur semblent définitivement compromises. Si les territoires ultramarins sont épargnés par ce nouveau confinement – la Martinique est une exception –, ils en subiront néanmoins les conséquences économiques, car la haute saison touristique se déroule traditionnellement en hiver.
Par conséquent, la relance pérenne de l’économie ultramarine doit reposer sur une meilleure adaptation des dispositifs d’urgence à ces territoires.
En troisième et dernier lieu, je souhaite mettre l’accent sur la nécessité d’améliorer l’emploi et la compétitivité des entreprises ultramarines – elles sont, à 95 % des TPE et des PME –, notamment grâce à l’allégement des cotisations patronales.
Les moyens budgétaires prévus pour ce dispositif, en hausse de 6,6 % par rapport à 2020, représentent 1,5 milliard d’euros.
Je salue ce levier important qui vient soutenir les nombreuses petites entreprises ultramarines, moins résistantes à un choc économique d’une telle ampleur et d’une telle durée. À titre d’exemple, sur l’île de la Réunion, les entreprises ont considérablement réduit leurs embauches et 4 300 emplois ont été détruits depuis le début de la crise sanitaire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, bien qu’il manque, une fois de plus, d’ambition, ce budget pour l’outre-mer présente néanmoins une légère augmentation. C’est pourquoi le groupe Les Indépendants votera les crédits de la mission « Outre-mer ».
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission budgétaire « Outre-mer » s’articule autour de plusieurs axes : le soutien à l’emploi, l’insertion socioprofessionnelle des jeunes, les actions de formation en mobilité, le logement social, l’effort d’équipement des territoires et l’éducation et l’accompagnement des collectivités territoriales.
Néanmoins, beaucoup des crédits utiles à l’outre-mer proviennent d’autres ministères. Au regard des besoins, cette architecture budgétaire morcelée est dommageable.
Les territoires ultramarins accusent des retards sur les plans économique et social. À titre d’exemple, le PIB par habitant est près d’une fois et demie supérieur dans l’Hexagone qu’en Guyane. Il y est près de trois fois plus élevé qu’à Mayotte.
Les effets de la crise économique et sociale, résultat de la pandémie de covid-19 en outre-mer – je pense notamment à l’effondrement du tourisme –, viennent s’ajouter à une situation déjà très précaire.
Certes, les crédits de la mission sont en légère hausse, mais le budget reste relativement stable et ordinaire, dans une période extraordinaire.
Les conséquences de cette période extraordinaire sur les crédits de la mission sont immédiates. Ainsi, le premier poste budgétaire de celle-ci est l’action Soutien aux entreprises, qui vise à financer les dispositifs d’allégements et d’exonérations de charges patronales de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer.
Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit 1,565 milliard d’euros pour l’outre-mer, soit une hausse de 6,4 %. Cette augmentation des crédits m’interpelle. La baisse d’activité liée au covid-19 provoque un recours massif au chômage partiel. Ce dispositif réglant déjà la question des charges patronales de sécurité sociale, il est probable que les crédits ou du moins leur hausse soient surévalués. Alors qu’ils auraient pu être fort utiles ailleurs, ces crédits risquent d’être utilisés pour éponger la dette de la sécurité sociale.
La sous-exécution des crédits est un problème récurrent de la mission budgétaire « Outre-mer », comme plusieurs de mes collègues l’ont rappelé. La ligne budgétaire unique, qui finance le logement en outre-mer, en est le témoin. Son taux d’exécution s’est élevé à 90 % en autorisations d’engagement et 78 % en crédits de paiement.
Pourtant, les besoins sont réels ! Le ministère des outre-mer évaluait le nombre de ménages ultramarins en attente d’un logement social à 60 000 en 2019. Dans un rapport de septembre dernier, la Cour des comptes évoquait « 80 % d’ayants droit pour 15 % de bénéficiaires ». Dans son analyse, elle explique que la diminution des autorisations d’engagement dans la ligne budgétaire unique aura un impact négatif dans le futur sur le total des prêts accordés et sur le nombre de logements sociaux produits.
Cependant, il nous est proposé une ligne budgétaire unique aux autorisations d’engagement réduites de 2,7 %. Pour résumer la situation, des crédits alloués au logement ne sont pas consommés pendant que la demande de logement social augmente ! Pis, le budget qui nous est proposé va contribuer à cette tendance.
La question du logement n’est pas le seul rendez-vous manqué par le Gouvernement. La liste en est longue : maigre pouvoir d’achat, précarité, faiblesse de la politique de l’eau et de la politique de mobilité, absence d’une politique de retour sur le territoire.
Par ailleurs, le Gouvernement ne tire pas les conclusions des années précédentes. Le service militaire adapté, le SMA, par exemple, a montré toute sa pertinence dans l’intégration des jeunes sur le marché du travail. Pourquoi ne pas lui allouer davantage de crédits ?
Je veux aborder la protection de la biodiversité ultramarine, laquelle concentre plus de 90 % des espèces présentes sur le territoire national.
Selon les estimations de l’Office français de la biodiversité, l’OFB, ce sont 500 000 à 1 million d’espèces qui sont menacées de disparition. Monsieur le ministre, j’ai sans doute mal regardé, mais je ne parviens pas à évaluer, ni dans les crédits de la mission « Écologie » ni dans les crédits spécifiques du plan de relance, la part des fonds pour la biodiversité qui est fléchée vers l’outre-mer. Pourriez-vous m’éclairer à ce sujet ?
De manière générale, ne serait-il pas préférable que la protection de la biodiversité ultramarine fasse l’objet d’un programme spécifique de la mission budgétaire « Outre-mer » ? Cela nous semblerait plus transparent et plus efficace pour bénéficier de fonds pérennes.
Monsieur le ministre, les enjeux sont nombreux, mais les moyens restent insuffisants. Jeudi dernier, le Sénat adoptait, dans le cadre de la mission « Plan de relance », un amendement de notre collègue Victorin Lurel tendant à bâtir un véritable « plan pour l’égalité réelle en outre-mer », à hauteur de 2,5 milliards d’euros.
Toutes les formations de cet hémicycle ont pris la mesure de l’urgence de la situation et vous rendent service. Utilisez ce levier pour lever le gage et, ainsi, doubler les crédits de votre ministère pour 2021 !
Dans l’attente de votre réussite, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra sur les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. Stéphane Artano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas dans le détail sur les chiffres du PLF 2021 de la mission « Outre-mer », rappelés par les rapporteurs et par certains de mes collègues.
J’insisterai plutôt sur la mise en place du plan de relance, dont 1,5 milliard d’euros sont dédiés aux outre-mer, avec des interrogations légitimes sur leur déclinaison par territoire.
Je reviendrai également sur le programme 123, relatif aux « Conditions de vie outre-mer », sans omettre évidemment l’impact de la crise sanitaire dans nos territoires.
Enfin, je prendrai brièvement mon archipel pour exemple, afin de rappeler que, si nous voulons relancer une dynamique dans l’outre-mer, il est essentiel que l’État fasse confiance aux élus locaux, qui disposent d’une légitimité démocratique.
Quel que soit le budget examiné, cette crise sanitaire n’aura laissé personne indemne. C’est tout particulièrement vrai de nos territoires ultramarins, déjà fragilisés par de nombreux déséquilibres structurels.
Même si je la salue, monsieur le ministre, je ne suis pas certain que la sensible augmentation des crédits réponde aux enjeux du développement de nos territoires.
La crise sanitaire a eu des effets désastreux tant pour nos entreprises que pour nos concitoyens. En réalité, elle vient accroître un peu plus les difficultés que nos territoires rencontrent au quotidien.
Plus encore que les collectivités de l’Hexagone, qui connaissent évidemment elles aussi leurs propres difficultés, les collectivités ultramarines, en moins bonne santé financière avant l’épidémie de covid-19, subissent de plein fouet une double crise sanitaire et économique qui affecte leurs budgets locaux, même si je note que des mesures de compensation sont prévues dans le plan de relance, monsieur le ministre.
Concernant les « Conditions de vie outre-mer », j’ai tout d’abord une pensée particulière pour nos collègues de Mayotte et la Guyane, qui ont été durement frappées durant la crise.
Sur le volet économique, je vous renvoie aux propositions contenues dans le rapport intitulé « Urgence économique outre-mer à la suite de la crise du covid-19 », où nous appelions, au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, à un meilleur accompagnement des collectivités dans la crise. Il s’agirait de favoriser une relance territorialisée, avec une adaptation des dispositifs nationaux aux réalités de notre tissu entrepreneurial, afin de construire, pour l’avenir, un modèle de développement plus résilient.
Outre les conséquences économiques, qui sont chiffrables et quantifiables, il est des conséquences invisibles, mais qui laisseront des traces indélébiles : je veux parler des conséquences psychologiques de la crise.
Permettez-moi, mes chers collègues, de faire un parallèle avec les syndromes post-traumatiques liés aux événements climatiques. La délégation sénatoriale aux outre-mer a formulé des propositions tendant à la mise en place de dispositifs de prise en charge psychologique. Je pense que nous sommes dans la même situation en termes de besoins.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous puissiez, avec vos collègues concernés, impulser un dispositif d’écoute et d’accompagnement psychologique. Le capital humain nécessite vraiment toute notre considération.
En ce qui concerne le plan de relance, nous veillerons bien évidemment avec intérêt à sa déclinaison territoriale. Au-delà des montants alloués, je rejoins tous mes collègues, qui indiquent que l’ingénierie et le pilotage seront déterminants pour une réussite collective.
Tous les observateurs sont d’accord pour dire que, si nous voulons que la relance soit pérenne et efficace, elle doit s’appuyer sur une réelle adaptation des dispositifs à nos territoires, au titre de la différenciation territoriale.
Afin que les choses avancent, j’insiste sur la nécessité d’une confiance réciproque entre l’État et les élus.
Je vais dédier une minute de mon temps de parole à Saint-Pierre-et-Miquelon, où cette confiance, si délicate à construire, a volé en éclats par des choix étatiques peu pertinents et des méthodes qui interrogent – ils datent d’avant votre entrée en fonctions, monsieur le ministre.