M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances. Plusieurs amendements à cet article portent sur les garanties de ressources accordées aux communes nouvelles. Je pense donc utile de faire quelques rappels. Vous le savez, madame Gatel, j’ai moi-même, dans l’ancien monde, créé une commune nouvelle. Je suis donc particulièrement sensible à ce sujet.
Plusieurs mécanismes visant à garantir le niveau et l’évolution des ressources perçues au titre de la DGF sont mis en œuvre au cours des trois années qui suivent la création d’une commune nouvelle. En particulier, il est prévu que le montant de la DGF ne puisse diminuer au-delà de celui que percevaient les communes fondatrices l’année de fusion. À l’issue de cette période, les dotations perçues par les collectivités locales sont déterminées dans les conditions de droit commun, en mobilisant notamment leur potentiel fiscal. Or plusieurs phénomènes peuvent conduire la commune nouvelle à observer une baisse des dotations qu’elle perçoit.
Tout d’abord, son potentiel fiscal peut avoir augmenté lorsqu’elle a rejoint dans le courant de la fusion un EPCI à fiscalité professionnelle unique, un FPU. En effet, dans ce cas, une part de la richesse de l’EPCI est reventilée sur les communes pour le calcul de leur potentiel fiscal. C’est lié non pas spécifiquement à la création de la commune nouvelle, mais à l’intégration de cette structure.
Ensuite, la population de la commune nouvelle peut aussi être plus importante, et c’est souvent le cas, que celle des communes fondatrices, si bien qu’elle se compare désormais à d’autres strates démographiques. Elle peut dès lors perdre son éligibilité à certaines dotations, comme la dotation de solidarité rurale.
Parmi les propositions formulées par les différents amendements, la plupart ont pour objet, d’une manière ou d’une autre, de prolonger les garanties existantes ou d’en introduire de nouvelles. Comme vous le savez, nous sommes plutôt défavorables à ces propositions. En effet, d’une part, dans une enveloppe fermée de DGF, les garanties sont toujours financées par les autres communes, ce qui ne se justifie pas nécessairement ; d’autre part, les garanties actuellement en vigueur me paraissent déjà très protectrices pour les communes nouvelles. Il pourrait donc se poser des problèmes d’équité par rapport aux autres communes qui sont dans le même cas.
Toutefois, nous comprenons l’inquiétude que suscite pour nombre de communes nouvelles une sortie sèche de ces garanties. Aussi, nous pensons que l’amendement n° II-438 rectifié de Mme Gatel peut constituer un point de départ. Il vise à introduire un dispositif de sortie en sifflet sur quatre ans en cas de perte d’éligibilité d’une commune nouvelle à la dotation de solidarité rurale ou à la dotation nationale de péréquation.
Un tel mécanisme nous semble excessif, mais nous en comprenons l’intention. Nous proposerons donc à Mme Gatel une rectification de son amendement tendant à prévoir que, lorsqu’une commune nouvelle perd son éligibilité à la DSR ou à la DNP, elle bénéficie, l’année suivant la fin du pacte de stabilité, d’un versement égal à 50 % des ressources perçues l’année précédente. Sous réserve de cette rectification, la commission des finances pourrait émettre un avis de sagesse sur l’amendement n° II-438 rectifié.
Cet exposé, que j’estimais utile, me permettra d’être plus rapide au moment de la discussion des amendements.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. L’article 58 aborde la répartition de la DGF et la péréquation horizontale. En première partie de ce PLF, nous avons déjà longuement examiné la DGF, qui reste la principale dotation en direction des collectivités territoriales. Pour mémoire, en 2020, elle s’élevait à 26,8 milliards d’euros, dont 18,3 milliards d’euros pour les communes et les EPCI et 8,5 milliards d’euros pour les départements.
Chaque année, on reçoit dans les communes des fiches d’information des services de l’État, préfectures et sous-préfectures, lesquelles nous éclairent sur les critères techniques retenus pour le calcul des dotations, comme l’effort fiscal, le potentiel financier, la longueur de la voirie communale, et j’en passe.
Il y a toujours des interrogations sur l’évolution des dotations. Les rapporteurs spéciaux Charles Guené et Claude Raynal en ont parlé. Je rappelle que la DGF a connu, voilà quelques années, des baisses significatives pour faire en sorte que l’ensemble des collectivités territoriales participent au redressement des comptes publics. Même si l’on constate aujourd’hui une relative stabilité de la DGF, il y a quand même, je le répète, des interrogations, qui sont régulièrement soulevées. Je soutiendrai néanmoins cet article.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-437 rectifié, présenté par Mme Gatel, MM. Henno et Bonnecarrère, Mme Vermeillet, MM. Détraigne et Maurey, Mme Guidez, MM. Canevet, Longeot et Janssens, Mme Loisier, M. P. Martin, Mme C. Fournier, MM. Capo-Canellas, Chauvet, Gueret, Levi et Duffourg, Mmes Morin-Desailly et Billon, MM. Darnaud et Delcros, Mmes Jacquemet, de La Provôté et Doineau, MM. Folliot, L. Hervé, Le Nay et S. Demilly, Mmes Ventalon et Canayer et M. Hingray, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le II de l’article L. 2113-20 est ainsi modifié :
a) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les communes nouvelles dont l’arrêté de création a été pris avant le renouvellement général des conseils municipaux suivant la promulgation de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 regroupant une population inférieure ou égale à 50 000 habitants perçoivent, à compter de la quatrième année suivant leur création, une dotation forfaitaire par habitant au moins égale à la dotation forfaitaire par habitant perçue l’année précédente. » ;
b) Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les années suivantes, ces communes nouvelles perçoivent une dotation forfaitaire par habitant au moins égale à la dotation forfaitaire par habitant perçue l’année précédente. » ;
2° L’article L. 2113-22 est ainsi modifié :
a) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa rédigé :
« À compter de la quatrième année suivant leur création, les communes nouvelles dont l’arrêté de création a été pris avant le renouvellement général des conseils municipaux suivant la promulgation de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 regroupant une population inférieure ou égale à 50 000 habitants perçoivent au titre des deux parts de la dotation nationale de péréquation, de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et des trois fractions de la dotation de solidarité rurale, un montant par habitant au moins égal au montant par habitant de la fraction correspondante perçue l’année précédente. » ;
b) Le sixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les années suivantes, ces communes nouvelles perçoivent pour chacune de ces fractions un montant par habitant au moins égal au montant par habitant de la fraction correspondante perçue l’année précédente. »
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Alors là, les bras m’en tombent, monsieur le rapporteur spécial ! Je reconnais l’excellence de votre travail, mais, quand vous dites que vous faites un rappel, vous faites plutôt une annonce, que je ne partage pas d’ailleurs. Certes, je ne conteste pas que la dotation des communes nouvelles puisse être impactée par leur entrée dans un nouvel EPCI, mais cela n’est pas une explication légitime à mes yeux.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Bah si !
Mme Françoise Gatel. Par ailleurs, je pense qu’une commune nouvelle composée de quinze communes représentant 10 000 habitants ne ressemble en rien à une commune urbaine de 10 000 habitants.
Je sais qu’à l’Assemblée nationale les rapporteurs du budget sont tout aussi excellents que ceux que nous avons au Sénat.
M. André Reichardt. Impossible ! (Sourires.)
Mme Françoise Gatel. Il se trouve que, en 2018, le comité des finances locales a voulu travailler sur la réduction des inégalités de dotations entre catégories d’intercommunalités, à savoir les métropoles, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les communautés de communes. Tout cela était formidable de solidarité, puis voilà que quelqu’un s’est rendu compte que cela allait entraîner des modifications considérables et pénalisantes pour les métropoles. Devant ce constat, l’excellent rapporteur général du budget de l’époque à l’Assemblée nationale…
M. Claude Raynal, rapporteur spécial de la commission des finances. Je ne vois pas de qui elle parle… (M. le secrétaire d’État s’esclaffe.)
Mme Françoise Gatel. … a alors déclaré qu’il fallait assurer aux métropoles, ad vitam æternam, un maintien de compensation en bonifiant leur CIF de 10 % et en l’abaissant de 0,5 à 0,35 pour avoir accès à la dotation d’intercommunalité.
Monsieur le rapporteur spécial, d’après ce que vous me dites, que l’on soit riche ou non, que l’on soit puissant ou non, la solidarité et l’effet de choc diminuent. Vous affirmez qu’à un moment les communes nouvelles rentrent dans le registre général ; cet argument, je ne l’accepte pas, parce que la compensation que vous offrez aux intercommunalités, au sein du milliard et demi d’euros consacré à la dotation d’intercommunalité, coûte chaque année 272 millions d’euros !
Cette intervention, monsieur le président, vaudra également défense de l’amendement suivant : tout le monde aura sans doute compris pourquoi il se justifiait !
M. le président. L’amendement n° II-436 rectifié, présenté par Mme Gatel, MM. Henno et Bonnecarrère, Mme Vermeillet, M. Détraigne, Mme Guidez, MM. Canevet, Longeot et Janssens, Mme Loisier, M. P. Martin, Mme C. Fournier, MM. Capo-Canellas, Chauvet, Gueret, Levi et Duffourg, Mmes Morin-Desailly et Billon, M. Darnaud, Mmes Jacquemet, de La Provôté et Doineau, MM. Folliot, L. Hervé, Le Nay et S. Demilly, Mmes Ventalon et Canayer et M. Hingray, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – L’article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « À compter de la quatrième année suivant leur création, ces communes nouvelles perçoivent une dotation forfaitaire par habitant au moins égale à la dotation forfaitaire par habitant perçue l’année précédente. » ;
2° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant la promulgation de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, une commune nouvelle regroupant une population inférieure ou égale à 50 000 habitants rassemblant toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et qui n’appartient pas à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre perçoit une part « compensation » au moins égale à la somme des montants de la dotation de compensation prévue au même article L. 5211-28-1 et perçus par le ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre l’année précédant la création de la commune nouvelle. »
…. – Après le pénultième alinéa de l’article L. 2113-22 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant la promulgation de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, une commune nouvelle regroupant une population inférieure ou égale à 50 000 habitants rassemblant toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et qui n’appartient pas à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre perçoit, les trois premières années suivant sa création, des attributions au titre des deux parts de la dotation nationale de péréquation, de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et des trois fractions de la dotation de solidarité rurale au moins égales aux attributions perçues au titre de chacune de ces dotations par les anciennes communes l’année précédant la création de la commune nouvelle. À compter de la quatrième année suivant leur création, ces communes nouvelles perçoivent pour chacune de ces fractions un montant par habitant au moins égal au montant par habitant de la fraction correspondante perçue l’année précédente. »
Cet amendement a été précédemment défendu.
L’amendement n° II-480 rectifié bis, présenté par Mmes Canayer et Gatel, M. P. Martin, Mmes de Cidrac, Morin-Desailly, Estrosi Sassone, Di Folco et Micouleau et MM. Mandelli, Dallier, Rapin, Chauvet et Grosperrin, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – Le dernier alinéa du II de l’article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « La dotation forfaitaire perçue par ces communes nouvelles à compter de la première année suivant la fin de leur éligibilité au pacte de stabilité ne peut pas être inférieure à la somme des dotations forfaitaires perçues par chacune des anciennes communes l’année précédant la création de la commune nouvelle et des montants de la dotation de compensation prévue à l’article L. 5211-28-1 perçus par le ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre l’année précédant la création de la commune nouvelle. »
…. – Le sixième alinéa de l’article L. 2113-22 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les attributions au titre des deux parts de la dotation nationale de péréquation, de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et des trois fractions de la dotation de solidarité rurale perçues par ces communes nouvelles à compter de la première année suivant la fin de leur éligibilité au pacte de stabilité mentionné dans la phrase précédente ne peuvent pas être inférieures aux attributions perçues au titre de chacune de ces dotations par les anciennes communes l’année précédant la création de la commune nouvelle. »
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. L’objet de cet amendement est similaire à celui des amendements que Françoise Gatel, présidente de notre délégation aux collectivités territoriales, vient de présenter si brillamment.
Il est clair que, quand les communes nouvelles ont été créées, en 2017, elles manquaient de visibilité. Certes, on a ensuite créé les grandes intercommunalités, ce qui a déstabilisé le potentiel fiscal de ces communes, notamment quand elles adhéraient à de riches intercommunalités. On leur avait fait miroiter le pacte de stabilité ; après trois ans, elles ont subi une douche froide, car elles cumulaient des éléments générateurs de très fortes pertes pour leur dotation. Pour certaines d’entre elles, cela a été très difficile à encaisser, aujourd’hui encore.
Le dispositif que je propose ici est moins progressiste que celui de Mme Gatel, qui sera peut-être rectifié comme le propose M. le rapporteur spécial. Mon amendement vise à imposer un effet cliquet, de manière à ce que les communes nouvelles puissent conserver après ces trois ans, comme cela a été fait pour les métropoles, des ressources équivalentes à celles dont disposaient les communes avant leur fusion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles Guené, rapporteur spécial. Comme je l’ai exposé dans mon propos sur l’article, la commission est défavorable à ces trois amendements. Je m’exprimerai plus en détail pour exposer notre avis sur l’amendement n° II-438 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Françoise Gatel, Élisabeth Doineau et Agnès Canayer ont déposé des amendements relatifs au régime des communes nouvelles.
En 2014, la loi a institué des garanties dans le calcul de la DGF des communes nouvelles. Vous le savez tous, mais je tiens à le redire calmement et posément. Ces communes sont assurées de recevoir pendant trois ans une DGF au moins équivalente à celle des anciennes communes. Elles bénéficient par ailleurs d’un coup de pouce, sous la forme d’un bonus de dotation pendant les trois premières années. Ces deux mécanismes se cumulent.
Depuis l’adoption, l’année dernière, de la fameuse loi Gatel, toutes les communes d’un même EPCI ne sont plus tenues d’adhérer à une nouvelle intercommunalité ; elles conservent alors les dotations de l’ancien EPCI au niveau communal.
Je ne suis pas favorable à la modification de ces règles, qui constituent à mes yeux un point d’équilibre entre les avantages accordés aux communes nouvelles et le principe d’égalité de traitement dans le calcul de la DGF.
En effet, il convient d’abord de souligner que les règles actuelles bénéficient largement aux communes nouvelles. Elles reçoivent en moyenne 220 euros par habitant au titre de la DGF, soit 33 % de plus que la moyenne nationale de 165 euros par habitant. La majorité d’entre elles – 80 %, pour être précise – ont d’ailleurs vu leur DGF augmenter depuis le début du quinquennat.
Je rappellerai ensuite que les communes nouvelles sont, du point de vue juridique, des communes comme les autres. Il y a peut-être là un point de divergence entre Mme Gatel et moi : cela implique selon moi que ces communes ne peuvent pas bénéficier de règles de calcul distinctes ad vitam æternam, mais seulement de manière transitoire.
Dès lors, les amendements visant à créer une garantie définitive du montant de la DGF ne sont pas envisageables, ne serait-ce que pour des raisons constitutionnelles.
L’amendement n° II-438 rectifié, que vous examinerez dans un instant, vise pour sa part à lisser dans le temps la sortie du pacte de stabilité. Entendons-nous bien : il s’agit en fait d’une garantie de sortie de la garantie de sortie ! À l’issue des trois années de garantie, une commune nouvelle qui verrait sa DGF baisser pourrait bénéficier de quatre nouvelles années de garantie, dégressives cette fois.
Je ne reviendrai pas sur les propos introductifs de M. le rapporteur spécial, mais il a tout de même évoqué une réalité : si on change d’intercommunalité, le niveau de richesse peut à l’évidence évoluer. Nous avons eu ce débat l’année dernière, très longuement : cela avait duré une heure !
Mme Agnès Canayer. On s’en souvient !
M. Philippe Dallier. Et on l’aura l’année prochaine !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je tiens à rappeler que la création de communes nouvelles procède de la volonté des élus locaux. C’est eux qui font le choix de constituer, ou non, une commune nouvelle, qui peut d’ailleurs être urbaine ou rurale. Ce n’est pas une spécificité rurale : une assez grande commune nouvelle s’est ainsi constituée autour de Cherbourg, dans le département de la Manche.
Le pacte de stabilité repose sur des principes clairs : la protection contre la baisse des dotations, que j’ai évoquée, et l’aide au démarrage. À l’issue de cette période, comme je le dis souvent – Françoise Gatel ne sera pas étonnée par cette formule –, les communes nouvelles deviennent de nouvelles communes.
Par ailleurs, les garanties offertes aux communes nouvelles sont payées par les autres. (Exclamations sur des travées des groupes UC et Les Républicains.) Je le rappelle gentiment, mais c’est vrai ! C’est la réalité ! Cette enveloppe est fermée. De telles propositions ne sont donc pas raisonnables.
Enfin, pour avoir beaucoup travaillé, jadis, avec Jacques Pélissard sur le sujet des communes nouvelles, j’estime qu’il faut accompagner davantage les communes quand elles décident de s’engager dans le processus de création d’une commune nouvelle, afin qu’elles connaissent bien les règles et qu’elles n’aient pas de surprises plus tard, quand elles changent d’intercommunalité ou que le délai de garantie prévu par la loi expire. Parfois – je le reconnais volontiers –, ces communes sont quelque peu surprises de ce qui leur arrive après plusieurs années. C’est pourquoi il est très important que les services de l’État, notamment les préfectures, les accompagnent et fournissent les explications de texte nécessaires, de manière à éviter que les communes nouvelles se trouvent à regretter que les systèmes de bonification prennent fin.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. Il me semble que la proposition de rectification que j’ai faite ne prospérera pas. (Rires sur les travées du groupe UC.) Pour autant, il faudrait peut-être faire en sorte d’y revenir, parce qu’il me semble qu’avec cet amendement on irait trop loin. En s’y prenant de la sorte, je doute que les décisions prises reçoivent une suite très favorable au-delà de cet hémicycle.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. C’est sûr !
M. Charles Guené, rapporteur spécial. Cela dit, madame la ministre, un vrai sujet se pose, notamment pour les petites communes de moins de 1 000 habitants, qui sont le cœur de cible des communes nouvelles. Il faudrait mener une réflexion de manière à maintenir, à l’issue de cette période de trois ans, au moins les dotations particulières « élu local » dont les communes bénéficiaient avant leur fusion. Souvent, des communes se marient, elles ont l’impression que tout va bien, mais, en fin de compte, elles n’ont pas plus qu’auparavant, mais moins ! Il faudrait faire quelque chose en la matière.
M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
M. Charles Guené, rapporteur spécial. C’est pourquoi il me semble que la proposition de rectification que j’ai faite serait utile : peut-être cette approche permettrait-elle à l’Assemblée nationale d’examiner le sujet un peu plus en profondeur et peut-être Mme la ministre aurait-elle à cette occasion des propositions à faire, comme moi aujourd’hui, qui pourraient effectivement permettre aux communes nouvelles de se développer dans la ruralité, à partir de petites communes, alors que la situation actuelle et, notamment, la perte de cette dotation au-delà de 1 000 habitants constituent un réel élément de blocage.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Pour faciliter la discussion sur ce sujet, je m’exprimerai dès à présent, avant que ne soit introduit mon amendement n° II-231 rectifié.
Monsieur le rapporteur spécial, ce que vous nous proposez, c’est du Canada Dry ! S’il y a, comme vous le dites, un vrai sujet, je pense que l’Assemblée nationale devra y répondre tout autant que nous ; en tout cas, elle devra certainement en débattre avant de prendre sa décision. Quoi qu’il en soit, un certain nombre de collectivités rencontrent des difficultés : celles qui avaient commencé à travailler sur l’idée d’une commune nouvelle à l’échelle de l’intercommunalité.
En réponse à Mme la ministre, je voudrais préciser deux points.
En premier lieu, vous affirmez, madame la ministre, que les communes nouvelles, une fois formées, sont des communes comme les autres, mais ce n’est pas tout à fait le cas ! C’est une addition de communes qui ont toujours une église chacune et qui ont toujours la même voirie et les mêmes bâtiments à entretenir. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) En s’agglomérant, on ne supprime pas tous les frais d’entretien nécessaires dans cette commune nouvelle !
En second lieu, j’entends bien qu’il faut mieux accompagner les communes qui fusionnent. La plupart du temps, ces élus sont allés voir des experts-comptables pour connaître l’état de leur financement pour les années suivantes.
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas une bonne idée !
Mme Élisabeth Doineau. Ils se sont alors rendu compte que c’était une véritable arnaque : dans l’exemple qui m’a été rapporté, ils perdaient 1,2 million par an une fois ces trois années écoulées. Cela n’incite absolument pas à former des communes nouvelles, à créer en commun ce qui est certes un projet d’intégration, mais ne supprime pas toutes les dépenses habituelles. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Il y a là un sujet de fond ; on ne pourra pas faire l’impasse d’une telle réflexion si l’on veut apporter une solution qui ne soit pas une sortie en sifflet, une solution transitoire, mais bien une solution pérenne.
Comme l’a très bien expliqué Élisabeth Doineau, si une commune nouvelle est au regard du droit une commune comme les autres, dans la réalité elle n’a pas du tout les mêmes caractéristiques qu’une commune comme les autres.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
M. Bernard Delcros. Souvent, en milieu rural, il s’agit d’un rassemblement – une fédération, et même une fusion – de communes historiques. La superficie du nouvel ensemble est très importante ; de ce fait, les équipements présents dans chaque ancienne commune doivent être conservés si l’on veut maintenir de la proximité. Il faut entretenir et faire vivre ce patrimoine, que Mme Doineau a évoqué.
J’estime donc que, même s’il s’agit de communes comme les autres au regard du droit, ces caractéristiques différentes des communes nouvelles appellent une réflexion visant à élaborer une solution durable pour les dotations qui leur sont attribuées.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Le moment est exceptionnel : je suis d’accord avec le Gouvernement ! En effet, je pense que l’objet de ces amendements est en totale contradiction avec un principe : même si j’entends vos arguments, mes chers collègues, il est clair que, au départ, tout le monde est au courant de ce qui se passe.
M. Loïc Hervé. Mais non !
Mme Cécile Cukierman. Aucune nouvelle église ne peut être créée avec la commune nouvelle : de fait, elle ne relèverait pas pour cette commune des dépenses obligatoires au titre de la loi de 1905. L’exemple n’est donc pas bien choisi.
Les règles sont connues ; des études sont faites. En revanche – c’est peut-être là qu’il y a des différences, au sein de nos départements –, il est vrai que des représentants de l’État dans les départements ont parfois poussé les élus à créer des communes nouvelles, sans forcément leur exposer toute la règle du jeu. Du moins, cela s’est souvent fait dans l’urgence. Ainsi, lors d’un échange avec un représentant du ministère de l’éducation nationale, un élu a pu avoir le sentiment que la création d’une commune nouvelle permettrait le maintien du nombre de classes de l’école. Bien évidemment, ce n’est jamais dit explicitement, mais les choses sont comprises ainsi dans un échange informel.
Pour créer au plus vite ces communes nouvelles, on a peut-être été un peu moins regardant qu’il ne le faudrait quant aux conséquences après deux ou trois ans ; ce n’est qu’à la fin que l’on découvre, si je puis dire, le pot aux roses !
Pour ma part, je n’ai rien par principe contre les communes nouvelles, mais il faut que ce projet vise à répondre aux besoins de la population et à améliorer les services rendus. Cela ne peut pas simplement servir à réaliser une opération financière permettant de récupérer plus d’argent ! In fine, si l’on donne plus, demain, aux communes nouvelles, on donnera moins à d’autres.
Quoi qu’il en soit, la question de la répartition financière ne sera pas réglée aujourd’hui. Certes, c’est sans doute très difficile et douloureux, mais c’est comme Perrette et le pot au lait : « Adieu veau, vache, cochon, couvée. » (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.) Je fais cette comparaison, parce qu’un certain nombre de communes nouvelles semblent avoir été créées sans que les élus aient réellement eu tous les éléments nécessaires.